Chronique ONU
Les vrais bâtisseurs de la paix
L'importance de la coopération dans la prévention des conflits armés
Par Vandy Kanyako, Jr.

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L'article
Le HCR a mis en ouvre 1 000 projets pour l'autonomisation des populations locales de Sierra Leone, qui comprennent la construction et la réhabilitation des écoles, des dispensaires, des installations d'eau et 'assainissement, ainsi que la création de programmes de microcrédit et de formation professionnelle. Photo HCR/E. Kanelstein
La prévention des conflits, qu'elle soit opérationnelle (par la mise en place de mesures directes à court terme destinées à désamorcer une crise) ou structurelle (une approche à long terme pour faire face aux causes fondamentales du conflit), est destinée à réduire les souffrances humaines en trouvant des solutions aux divergences avant qu'elles ne donnent lieu à des actes de violence. Ces dernières années, ce domaine a été de plus en plus perçu comme un élément essentiel de la paix et de la stabilité dans les politiques locales et internationales. Cette importance est due en partie au système international dans lequel il existe une dépendance excessive vis-à-vis des interventions militaires coûteuses et parfois controversées. Le fait que de telles tentatives se soient souvent soldées par des échecs et presque toujours par un lourd bilan, en particulier pour la population civile, a conduit à envisager d'autres méthodes qui mettent davantage l'accent sur l'engagement pacifique que sur une intervention au début d'un conflit.

Une autre raison de l'attention accrue accordée à la prévention d'un conflit tient au rôle de plus en plus important que joue la société civile. Alors que les gouvernements ont été les principaux agents dans ce domaine au niveau international, au cours des trois dernières décennies, la société civile a émergé comme une force crédible. Par la recherche, le militantisme, la mobilisation et les groupes de pression sur les gouvernements, parmi d'autres, elle a considérablement contribué à comprendre les caractéristiques et la dynamique des conflits et à fournir des mécanismes et des outils pour la prévention, la transformation et la résolution de certains des conflits les plus ardus dans le monde. Les processus de paix dans les pays comme le Guatemala, le Mali, le Mozambique ou la Sierra Leone ont bénéficié du savoir et de l'expertise des groupes de coalition à la fois locaux et internationaux de la société civile.

La société civile fait référence aux organisations, aux groupes et aux associations de bénévoles et, dans certains cas, aux citoyens, constituant un relais entre la société et le pouvoir. Agissant aux niveaux national, régional ou international, elle cherche souvent à influencer les politiques et à établir des normes dans presque tous les domaines et à tous les niveaux de la société. L'une de ses caractéristiques les plus importantes est son regroupement en réseaux transnationaux, souvent autour de questions spécifiques. Selon un rapport récent du Programme des Nations Unies pour le développement, il existe plus de 20 000 réseaux internationaux qui couvrent pratiquement toutes les questions existantes aux quatre coins de la planète. Leurs activités comprennent l'aide humanitaire, la campagne pour l'environnement, les mesures d'allègement de la pauvreté, telles que l'accès au microcrédit, la promotion des normes et des pratiques des droits de l'homme. Certaines organisations abordent ces questions de manière simplifiée pour favoriser la participation du grand public, tandis que d'autres entreprennent des études détaillées qui ciblent les décideurs politiques. Alors qu'un grand nombre de ces acteurs agissent aux niveaux local ou national, c'est lorsqu'elle est regroupée en coalitions qu'elle est le plus efficace.

En menant des actions mondiales et en se consacrant à des questions spécifiques, elle s'est montrée capable de mobiliser des centaines de groupes sur ces questions. Par exemple, à elle seule, Amnesty International compte plus d'un million de membres et des « groupes locaux » dans plus de 90 pays. La Campagne pour l'interdiction des mines terrestres comprend 1 400 organisations non gouvernementales (ONG) dans 90 pays. Ces campagnes ont réussi en partie grâce aux alliances qui ont été forgées parmi et entre les groupes de la société civile, les gouvernements et les organisations internationales. Il n'est donc pas surprenant que d'autres campagnes aient employé des stratégies similaires.

Parmi les nombreuses activités de la société civile, la nécessité d'une coopération entre les divers acteurs n'est peut-être pas aussi vitale que dans la prévention des conflits, non seulement en raison de la complexité des conflits mais aussi parce que les différentes sections de la société civile ne se sont pas toujours senties bien accueillies, la prévention des conflits étant souvent considérée dans certaines sphères comme relevant des gouvernements. Ceux-ci ayant tendance à penser et à agir en premier dans l'intérêt national, la volonté politique nécessaire pour traduire la théorie en pratique a souvent manqué. Vient s'ajouter à cela que les situations d'urgence les plus évidentes, qu'il s'agisse de la violence existante ou des catastrophes naturelles comme le tsunami survenu le 26 décembre 2004, prennent souvent le pas sur les risques de conflit. Cela explique pourquoi la communauté internationale est lente à agir quand elle fait face à des risques de violence.

Comment la coopération entre et parmi les divers groupes à tous les niveaux influe-t-elle sur la prévention des conflits ? Une telle coopération peut y contribuer dans des domaines comme celui de l'alerte rapide comprenant l'identification d'indicateurs spécifiques comme signes ou caractéristiques, et l'adoption de mesures pour anticiper les risques de violence. Les activistes de la paix locaux sont toujours les mieux placés pour identifier les premiers signes de conflit et, une fois qu'ils sont identifiés, ce n'est que par le biais de partenariats ou de coalitions efficaces que ces informations peuvent être transmises aux personnes intéressées afin qu'elles mettent en place une réponse rapide. Comme on l'a vu au Rwanda, où 800 000 personnes ont été tuées en moins d'une centaine de jours, pour obtenir le résultat escompté, l'alerte rapide doit être associée à une réponse rapide.

Le Réseau ouest-africain pour l'instauration de la paix a créé dans cette région agitée un système d'alerte rapide basé sur la communauté, par lequel des agents formés réunissent des données destinées à l'analyse et à l'établissement de rapports d'alerte rapide. Vivant dans la communauté, ils sont en mesure d'identifier les premiers signes de conflit et d'engager les acteurs intéressés à endiguer la vague de violence. De cette manière, la société civile locale agit comme première ligne de défense dans les conflits locaux, qui ont souvent des dimensions et des répercussions mondiales.

Aussi, par des partenariats établis de part et d'autres des frontières, la société civile peut jouer un rôle crucial afin de réduire le fossé qui existe entre les dirigeants et les dirigés, contribuant ainsi à la mondialisation de la participation des citoyens à la paix, à la bonne gouvernance et à la démocratie. Les membres d'une coalition spécifique qui sont en contact avec les preneurs de décision peuvent demander aux partenaires locaux d'organiser des consultations formelles, les aider à se rendre à ces réunions et à présenter leurs points de vue par écrit et, dans certains cas, organiser leur transport dans les capitales pour qu'ils fassent pression directement sur leur gouvernement. En faisant appel à la participation d'un public plus vaste à des questions diverses, la société civile porte à l'attention des décideurs la voix des groupes intéressés. En plus de donner aux communautés locales un forum de discussion, la société civile mondiale, souvent représentée par des ONG internationales solides financièrement, transfère également directement à ses partenaires locaux les compétences, le savoir et les ressources financières dont ils ont besoin.

Les conférences internationales permettent aux acteurs de la société civile de créer des partenariats et de renforcer les diverses communautés existantes. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, connue sous le nom du Sommet de la Terre, qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992, et la Quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Beijing, a attiré respectivement plus de 17 000 représentants d'ONG et 35 000 acteurs de la société civile. Ces sommets ont connu une participation accrue des organisations locales et sont devenus leur lieu de réunion.

La prévention des conflits n'a pas rallié autant de soutiens que d'autres campagnes internationales comme celles sur les mines terrestres, les armes légères ou les enfants soldats. Le domaine est composé de petits réseaux souvent fragmentés qui n'ont pas réussi à forger des coalitions internationales pouvant renforcer le rôle croissant de la société civile en la matière. Pour faire face à ce problème, des acteurs de la société civile ont formé un partenariat international qui comprend tous les principaux groupes intéressés dans la prévention des conflits.

En juillet 2005, cette coalition composée de gouvernements, d'organismes gouvernementaux et de la société civile rassemblera au Secrétariat de l'ONU à New York environ 1 000 représentants du monde entier afin d'étudier le rôle de la société civile dans la prévention des conflits armés. Cette réunion vise à former des partenariats entre et parmi les divers groupes d'intérêt en créant un réseau mondial fonctionnel et efficace afin d'agir efficacement dans la prévention des conflits. Elle invitera les gouvernements et les Nations Unies à établir un nouveau consensus international, les organisations de la société civile jouant un rôle crucial dans la prévention des conflits violents. Le processus a été lancé par divers acteurs de la société civile sous l'égide du Partenariat mondial pour la prévention des conflits armés.

La prévention des conflits évolue constamment, la société civile jouant un rôle de catalyseur de changements. Cette tâche étant trop importante pour être entreprise par un seul acteur, il est nécessaire d'adopter une approche multipartite qui utilise une coordination efficace, un échange rapide des informations sur les crises existantes ou potentielles, une coordination sur le terrain, une formation adéquate et la mise en commun des ressources. La société civile peut et pourra continuer à jouer un rôle de premier plan dans la prévention des conflits - qui était jusqu'ici une sphère exclusive des gouvernements. Ensemble, ses organisations ont la capacité de créer les synergies afin d'améliorer la prévention des conflits violents.
Biographie
Vandy Kanyako Jr. est coordonnateur de la Conférence mondiale sur le rôle de la société civile dans la prévention des conflits armés, qui se tiendra à New York en juillet 2005. Il est diplômé de l'université d'Amsterdam, aux Pays-Bas, et du Kroc Institute, à l'University of Notre-Dame, aux États-Unis.Kroc Institute, University of Notre Dame, États-Unis.
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