Chronique ONU

Le marché des émissions de gaz à effet de serre
Par Zachary Karram

Imprimer
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
L'article
La température moyenne de la surface de la Terre a augmenté de 0,6 °C depuis la fin des années 1800 et devrait augmenter dans une fourchette comprise entre 1,4 à 5,8 °C d'ici à 2100. Ce réchauffement peut provoquer des changements importants dans les écosystèmes et des dégâts considérables dus aux inondations, diminuer les rendements agricoles et augmenter la fréquence des situations météorologiques extrêmes. Afin de prévenir l'augmentation des températures dans le monde, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a établi des normes pour ralentir le réchauffement de la planète et diminuer la fréquence des changements climatiques dangereux. Avec l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto le 16 février 2005, un accord contraignant visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde (voir Chronique ONU, numéro 3, 2004), les pays industrialisés sont tenus d'ici à 2012 de réduire, en moyenne, leurs émissions de 5,2 % au-dessous de leur niveau de 1990. Les pays en développement étant plus vulnérables aux conséquences économiques de ces nouvelles normes environnementales sont autorisés à maintenir leur niveau actuel d'émissions.

Lorsqu'on parle de réchauffement de la planète, on pense immédiatement à la pollution et au fait que l'activité humaine est devenue l'une des questions actuelles les plus importantes liées à l'environnement. En fait, le réchauffement climatique a toujours été une question économique ardue. Dans un monde privilégiant les gains à court terme par rapport aux conséquences à long terme, les grandes entreprises et les grandes nations dans leur ensemble se sont montrées peu enclines à adopter des mesures pour améliorer l'environnement au détriment de leur expansion économique. Bien que d'accord pour réduire la dégradation de l'environnement, les nations du monde entier se montrent réticentes à compromettre les emplois et les profits pour mettre en ouvre des mesures de sauvegarde de l'environnement qui semblent coûteuses.

Ce problème a été largement amplifié par les États-Unis qui ont mis l'accent sur les problèmes économiques en jeu. On a alors réalisé que demander de prendre en compte les coûts élevés inévitables provoquerait une résistance générale et aurait un contrecoup. C'est pourquoi le Protocole de Kyoto fournit plusieurs « mécanismes de flexibilité » permettant l'accès à des solutions rentables pour réduire les émissions des autres pays. Alors que les coûts de réduction des émissions peuvent varier considérablement d'un pays à l'autre, les effets sur l'atmosphère sont les mêmes quel que soit le lieu où cette réduction est appliquée.

Un mécanisme permet aux pays industrialisés, les pays dits de l' « Annexe 1», d'acquérir des unités d'autres pays et de les utiliser pour atteindre leurs objectifs de réduction fixés dans le cadre du Protocole de Kyoto. L'échange de droits d'émissions permet aux pays de tirer parti de stratégies moins coûteuses, ce qui représente le double avantage d'alléger le fardeau imposé sur l'économie et de réduire les émissions mondiales. Ce système est caractérisé par des « unités » échangées entre les nations. et les méthodes et les stratégies destinées à réduire les émissions peuvent varier selon le projet adopté par les pays concernés. La quantité d'émissions qu'un pays industrialisé s'engage à réduire sur une période de cinq ans est répartie en « unités de quantité attribuée (UQA), chacune égale à une tonne d'équivalent de CO2. Ces UQA et les autres unités décrites dans le Protocole définissent plusieurs stratégies économiques et environnementales que les pays peuvent poursuivre pour réduire leurs émissions.

La première unité, qui peut être transférée, est une unité de réduction émise par un pays industrialisé qui s'engage à entreprendre des activités dans les catégories constituées par l'utilisation des terres agricoles, le changement d'affectation des terres et la foresterie en utilisant des « puits » ou un autre projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les puits peuvent fournir un moyen relativement bon marché de lutter contre le réchauffement climatique, soit en plantant des arbres et en gérant les forêts, soit en réduisant les émissions en limitant le déboisement. La mise en ouvre conjointe permet la création d'unités de réduction des émissions, les pays industrialisés pouvant mettre en ouvre des projets de réduction d'émissions dans d'autres pays industrialisés comme, par exemple, remplacer une centrale alimentée au charbon par une autre utilisant un système de chauffage et d'alimentation plus efficace. Le mécanisme de développement propre permet la création d'unités d'émissions certifiées, permettant aux pays industrialisés de réduire les émissions dans les pays ne figurant pas à l'Annexe 1. Il s'agit généralement de projets destinés à aider les pays en développement à atteindre un développement durable.

Alors que ces mécanismes définissent les différents projets qu'un pays peut mettre en place pour réduire les émissions, comment un système d'échange entre les nations peut-il permettre d'atteindre l'objectif visant à réduire le montant total des coûts ? Avec ou sans mécanisme de flexibilité en place, l'impact économique est évident. Comme illustré dans le tableau (voir page 49), sans un système d'échange, le pays A doit payer deux fois plus pour atteindre le même niveau de réduction d'émissions que le pays B, ce qui constitue un fardeau pour l'économie du pays A pour réaliser le même objectif. En comparaison, avec l'échange des droits d'émissions, les deux pays économisent chacun 250 dollars en coûts de réduction : le pays A peut acheter 10 unités au pays B, réduisant ainsi les émissions totales de 20 unités à un coût global plus bas.

À l'échelle mondiale, cela permettra à un pays d'acheter des droits à un autre pays pour atteindre son objectif en matière d'émissions sans faire porter l'effort à son économie ou son infrastructure. L'impact d'un tel système est double : il permet d'alléger le fardeau imposé aux économies et de créer une incitation économique pour atteindre un quota inférieur au niveau accepté Si, par le biais de différents projets et initiatives, un pays industrialisé réduit ses émissions à un niveau inférieur à celui accepté, l'échange lui permettra de vendre son surplus d'unités à d'autres pays qui sont incapables d'atteindre leurs objectifs en matière d'émissions.

Le système d'échange de droits d'émissions et le Protocole de Kyoto ne sont qu'un premier pas dans le marché international d'aujourd'hui. Selon Julian H. Richardson, vice-président de Marine and Energy Pratice of Marsh, établie à Londres, l'importance que le Protocole place dans le système d'échange a accéléré le développement de marchés de gaz à effet de serre dans le monde. En 2003, on comptait 37 systèmes d'échange internationaux, régionaux, nationaux, locaux et au niveau des entreprises. Le Danemark, par exemple, a mis en place un système cap-and-trade (plafond et échange) pour le CO2 produit par ses centrales. Le premier marché des gaz à effet de serre soutenu par une législation est le Système d'échange de droits d'émissions du Royaume-Uni, qui a été créé en avril 2002. Le système européen a été mis en ouvre au début 2005. Aux États-Unis, le Chicago Climate Exchange, par une étude de faisabilité financée par une bourse en 2000, a lancé un programme de réduction d'émissions sur une base volontaire et est coté en Bourse depuis décembre 2003.

Le réchauffement climatique continue de poser une menace sérieuse pour l'avenir de l'environnement et est loin d'être maîtrisé. Les mécanismes de flexibilité, tels que l'échange de crédits d'émissions, visent à assurer une transition vers l'adoption de normes plus respectueuses de l'environnement sans compromettre la croissance du marché mondial. Ces opérations et l'engagement continu des Nations Unies et des autres puissances permettront d'assurer une transition économique plus douce dans un monde plus propre.

Parties à la Convention sur les changements climatiques

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques divise les pays en trois grands groupes :
  • Les Parties figurant à l'Annexe I comprennent les pays industrialisés qui étaient membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1992, ainsi que les pays en transition vers une économie de marché, y compris la Fédération russe, les États baltes et plusieurs États de l'Europe centrale et de l'Est.


  • Les Parties figurant à l'Annexe II comprennent les membres de l'OCDE de l'Annexe I qui ne sont pas des pays en transition. Ils sont tenus de fournir des ressources financières afin d'aider les pays en développement à mettre en place des mesures de réduction en matière d'émissions.


  • Les Parties ne figurant pas à l'Annexe I sont principalement les pays en développement, dont certains groupes sont reconnus par la Convention comme étant particulièrement vulnérables aux effets négatifs des changements climatiques, y compris les pays ayant des zones côtières de faible élévation et des zones sujettes à la désertification et à la sécheresse. D'autres, comme les pays dont l'économie est fortement tributaire de la production, de l'utilisation et de l'exportation de combustibles fossiles, sont plus vulnérables aux impacts économiques possibles des mesures prises pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. La Convention accorde aux 48 pays désignés par les Nations Unies comme pays les moins avancés (PMA) une certaine latitude en raison de leur capacité limitée à prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques.
  • Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
    Copyright © Nations Unies
    Retour  Haut