Chronique ONU
Point de vue
Atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement en pensant différemment
Par Joseph Roberts

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L'article
Récemment, j'étais assis sur un banc à Jomien, en Thaïlande, et je regardais les vagues en essayant de me détendre. Alors que j'admirais l'océan qui s'étendait devant moi, un jeune Thaï d'environ huit ans s'est dirigé vers le bord de la mer, près de l'endroit où j'étais assis. Il portait un long bâton au bout duquel il avait noué une corde à laquelle il avait attaché une grosse brique. Il s'était fabriqué une canne à pêche, avec un « poisson en brique ». Intrigué, je l'ai regardé alors qu'il jetait la brique dans la mer. Debout, la canne à la main, il attendait patiemment que quelque chose se passe. Soudain, le fil s'est tendu. Il était excité sachant qu'« un poisson » était pris. Tirant de toutes ses forces, il a réussi à le ramener sur la plage. Il a ensuite tourné son regard vers moi et ses yeux brillants semblaient me dire : « Tu vois ? Tu vois cet énorme et magnifique poisson que je viens d'attraper ? » Eh bien, oui, je le voyais, parce que je faisais la même chose quand j'avais son âge. Et en employant la même méthode : mon imagination.

L'imagination est l'un des plus grands dons que nous possédions; seule l'espèce humaine est dotée de la capacité d'imaginer ce qui ne fait pas partie du réel. Ce don spécial nous permet d'imaginer de nouvelles possibilités, de concevoir l'avenir, de prendre des mesures correctives et d'éviter les erreurs futures. De l'imagination naissent les inventions, les créations artistiques et les développements sociaux. Elle nous permet de nous élever au-dessus de la médiocrité.

C'est l'une des raisons principales de notre évolution en tant qu'espèce. Lorsque l'imagination et l'action s'unissent, de grandes choses peuvent être réalisées. L'exemple le plus important au XXIe siècle est peut-être la Déclaration du Millénaire des Nations Unies. Ce document n'est rien d'autre que le produit de l'imagination collective. Après tout, le monde durable qu'il est destiné à créer relève plus du rêve que de la réalité, existant principalement dans l'imagination d'hommes et de femmes de bonne volonté.

Les valeurs et les principes contenus dans la Déclaration ont servi de base aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) : éradiquer l'extrême pauvreté et la faim; assurer l'éducation primaire pour tous; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes; réduire la mortalité infantile; améliorer la santé maternelle; combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies; assurer un environnement durable et mettre en place un partenariat mondial pour le développement. Ces OMD doivent être atteints en 2015, mais il est clair que la majorité des pays en développement ne seront pas en mesure de le faire pour de multiples raisons, telles que l'insuffisance de l'aide publique au développement de la part des pays donateurs; le manque de transparence et de bonne gouvernance dans les pays bénéficiaires; la propagation rapide du VIH/sida; de grandes inégalités économiques dans les pays en développement; la dégradation généralisée de l'environnement; la croissance démographique plus rapide que la croissance économique; et une croissance économique soutenue par des modes de production et de consommation non durables.

Nous ne ménagerons aucun effort pour délivrer nos semblables - hommes, femmes et enfants - de la misère, phénomène abject et déshumanisant qui touche actuellement plus d'un milliard de personnes. Nous sommes résolus à faire du droit au développement une réalité pour tous et à mettre l'humanité entière à l'abri du besoin.
- Déclaration du Millénaire, III. (11)
Si l'on part du principe que chaque problème a une solution, il est clair qu'il faut une nouvelle solution pour atteindre les OMD. L'histoire des découvertes scientifiques nous a montré que la recherche de nouvelles solutions est fréquemment liée à la capacité d'imagination d'un chercheur de « penser hors des schémas conventionnels ». Aucun changement politique ni aucune découverte ne pourront créer les conditions idéales pour atteindre tous les OMD d'ici à 2015. Mais cela ne signifie pas que nous n'avons pas l'obligation, à la fois pour les générations présentes et futures, de repenser le problème, de voir ce que nous pourrions faire pour augmenter les chances de réussite dans un avenir proche.

Ce qui manque, à mon avis, c'est la promotion par l'Organisation des Nations Unies d'un projet de recherche et de développement destiné à mettre au point d'ici à 2010 un nouveau système d'énergie qui réponde aux demandes et aux exigences du développement durable à l'échelle mondiale. Ce système d'énergie doit être à petite échelle, sans danger pour l'environnement, portable, puissant, fiable, peu coûteux, convivial, sans risques pour le consommateur, pratiquement inépuisable et décentralisé. Ce nouveau système facilement transportable pourrait être étendu progressivement (pour l'usage commercial) ou réduit (pour l'usage domestique), selon les besoins. Les formes d'énergies alternatives existantes telles que la biomasse commerciale, l'énergie éolienne, solaire, hydroélectrique, la géothermie, la pile à combustible et la fission nucléaire - n'entrent pas dans la catégorie « nouvelle énergie ». Le système d'énergie de l'avenir, peut-être lié à la fission nucléaire, serait durable. Il ne fait aucun doute que nous développerons une nouvelle énergie, mais vu la gravité de la situation actuelle, nous devrions le faire dès maintenant avant que l'état de la planète soit si catastrophique que toute tentative sera inutile.

Si une nouvelle énergie nous permet d'assurer une population durable et de créer des conditions économiques et environnementales durables - et vu ses caractéristiques particulières, ce sera le cas - son développement contribuera considérablement à consigner la pauvreté dans les pages de l'histoire humaine. La découverte et le développement d'une nouvelle forme d'énergie devraient donc être l'un des objectifs primordiaux des Nations Unies et de l'humanité. Il faut donc mettre en place un plan d'action pour le faire.

Comme première mesure, je propose qu'une équipe soit commissionnée par l'ONU afin d'évaluer les besoins en énergie pour atteindre les OMD. Elle serait également chargée d'examiner la faisabilité de ce projet, d'évaluer l'impact qu'il aura sur les OMD, d'évaluer les besoins de financement et les coûts et d'identifier les problèmes qui pourraient se poser lors de son développement. Pour aller de l'avant, l'Organisation, qui a déjà encouragé le développement de nouvelles formes d'énergie, devrait promouvoir ce projet commun destiné à développer une nouvelle forme d'énergie sur une grande échelle d'ici à 2010.

Dans Action 21, un programme d'action complet sur l'environnement adopté en 1992, la recommandation suivante est claire sur ce point : « favoriser la recherche, le développement, le transfert et l'utilisation de technologies et de pratiques destinées à créer des systèmes d'énergie fiables sur le plan écologique, en accordant une attention spéciale aux pays en développement. » C'est une invitation à développer une nouvelle énergie. Promouvoir un projet de recherche et de développement est donc en phase avec la politique actuelle de l'ONU.

Pour ceux qui pensent que cela est irréalisable, je voudrais faire un saut dans le passé. Le 25 mai 1961, le Président alors au pouvoir, John F. Kennedy, a dit au Congrès américain qu'avant la fin de la décennie, l'Amérique enverrait un homme sur la lune et reviendrait sain et sauf sur Terre. Ce que beaucoup ne savaient pas alors, mais que le Président savait après avoir consulté des scientifiques, c'est que nous n'avions qu'une vague idée de la manière d'accomplir la mission. La technologie n'existait pas et les pessimistes, qui étaient en grand nombre, estimaient que cela était irréalisable.

Le projet Apollo est né de l'imagination du Président Kennedy et de ses conseillers. C'était une vision, un rêve. L'imagination aux prises avec une entreprise gigantesque. Et ce fut un succès. Avant la fin de la décennie, Neil Armstrong marchait sur la lune et les trois cosmonautes d'Apollo retournaient sur Terre sains et sauf. Le rêve du Président était devenu réalité. Ce fut peut-être le plus grand moment de notre histoire. Et à quoi le devons-nous ? À l'imagination.

Le poète Shelley a écrit : « Le grand instrument du bien moral est l'imagination. » Certes, l'imagination ne conduit pas toujours, mais souvent, à ce qui est bien au sens moral. Une nouvelle forme d'énergie est clairement un « bien moral » à réaliser. C'est, à mon avis, ce qui permettra d'atteindre les OMD. Vu nos connaissances avancées dans le domaine de la physique, il nous est possible de développer une nouvelle énergie. Grâce à elle, la pauvreté, sous toutes ses formes, sera balayée de la surface de la Terre. Ce sera un immense pas en avant pour l'espèce humaine. Mais nous devons agir dès maintenant. La prochaine grande étape sur l'échelle de l'évolution humaine ne sera pas franchie tant que nous ne développerons pas cette nouvelle énergie. Sans elle, nous nous dirigeons inexorablement vers un abîme caractérisé par la pauvreté, l'injustice, la violence, l'effondrement de l'environnement et la désintégration sociale. Tous les peuples du monde méritent de vivre dans la dignité. Il nous incombe, à la fois pour les générations présentes et futures, de développer une nouvelle énergie. Et nous ne devrions « ménager aucun effort » pour le faire.
Biographie
Joseph Roberts est rédacteur à Population Review, une revue d'études sur la démographie et les populations dans les pays en développement. Il est actuellement expert/chercheur invité au Center for Population Studies, à l'université d'Annamalai, à Tamil Nadu (Inde).
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