Chronique ONU
Troisième Commission : sociale, humanitaire et culturelle

Les droits de l'homme dominent l'ordre du jour du développement

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L'article
Francis K. Butagira Représentant permanent d'Ouganda
Président de la Troisième Commission © Photo Chronique ONU

Durant une année où l'engagement au développement social et aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) a été renouvelé, les travaux de la Troisième Commission sur les questions sociales, culturelles et humanitaires ont revêtu une grande importance. Le Président de la Commission, Francis K. Butagira (Ouganda), a dit à la Chronique ONU que le Sommet mondial 2005 était un catalyseur important. Cette Commission a examiné des questions, telles que les droits de l'homme, les femmes en général, les questions sexospécifiques, l'incapacité et les réfugiés, " toutes ayant un rapport direct avec le concept de l'ordre du jour du développement, tel qu'il a été mis en avant par le Sommet ", a-t-il affirmé.

La Commission s'est réunie 48 fois, du début octobre à la fin novembre 2005, et a examiné 14 points de l'ordre du jour sur des questions allant du contrôle international des drogues aux droits autochtones. Le débat interactif, qui a porté sur un grand nombre de questions, a été complété par des rapports présentés par les directeurs des bureaux, de fonds et d'institutions de l'ONU, dont les travaux sont en rapport avec l'ordre du jour de la Troisième Commission, ainsi que par des rapporteurs et des représentants spéciaux qui ont présenté des rapports dans un domaine d'investigation spécifique. La Commission a recommandé 59 résolutions à l'Assemblée, dont 40 ont été adoptées à l'unanimité.

Une résolution importante sur la réparation des victimes des violations des droits de l'homme a été adoptée par consensus et saluée comme représentant un progrès notable. Intitulée " Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à une réparation des victimes de violations du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire ", elle est l'aboutissement de plus de 15 ans de travail des États Membres, d'experts, de la Croix-Rouge internationale et d'organisations non gouvernementales (ONG). Ces principes et ces directives fournissent un outil important permettant d'identifier les mécanismes et les procédures visant à mettre en œuvre les obligations juridiques existantes en vertu du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Bien que n'étant pas juridiquement contraignantes et ne donnant pas lieu à de nouvelles obligations légales, ces directives fournissent aux victimes et à leurs représentants, y compris aux États, un cadre pour concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques en vue de la réparation.

L'Assemblée générale a recommandé aux États Membres de prendre en compte les principes et les directives, d'en promouvoir le respect et de les porter à l'attention des organes exécutifs du gouvernement. Elle a également demandé que des mesures soient prises pour que ces textes soient publiés dans les six langues officielles des Nations Unies. L'adoption de la résolution constitue " une étape décisive dans la lutte contre l'impunité en mettant l'accent sur le principe de responsabilité en matière de violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire ", a déclaré le représentant du Chili, et reflète les préoccupations de la communauté internationale et la solidarité avec les victimes des violations des droits de l'homme. De son côté, l'Uruguay s'est félicité du texte, soulignant que la réparation, la justice et la vérité étaient importantes dans le rétablissement de la paix sociale et le renforcement de l'état de droit des institutions.

La " Création d'un centre de formation et de documentation des Nations Unies sur les droits de l'homme pour l'Asie du Sud-Ouest et la région arabe " a également reçu un solide soutien multilatéral. En avril 2005, la Commission des droits de l'homme avait salué l'initiative du gouvernement qatarien d'accueillir à Doha ce centre qui vise à soutenir le développement des capacités et des infrastructures nationales dans le domaine des droits de l'homme par le biais de la coopération régionale. Aux termes de la résolution, approuvée par consensus, l'Assemblée générale a noté la coopération et l'assistance du Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCR) dans le renforcement des arrangements régionaux existants pour promouvoir et protéger les droits de l'homme, en particulier par la coopération technique, l'éducation et l'information. Sous la supervision du HCR, le centre est chargé de mener des activités de formation et de documentation selon les normes internationales et de soutenir les efforts régionaux des gouvernements, des institutions et des programmes de l'ONU, des organisations des droits de l'homme et des ONG. Il a été demandé au Secrétaire général de l'ONU et au HCR de soutenir le centre par un accord avec le pays hôte et d'allouer des ressources pour sa création.

Comme les années précédentes, les résolutions spécifiques à un pays ont, encore une fois, été les plus controversées. En 2005, la Commission a approuvé les textes condamnant les violations des droits de l'homme en République démocratique du Congo, en Iran, en République populaire démocratique de Corée, au Myanmar, au Turkménistan et au Ouzbékistan et a appelé les gouvernements à prendre des mesures immédiates pour y remédier. Le texte sur le Myanmar a été approuvé à l'unanimité bien que la délégation du pays s'en fût entièrement dissociée et ait refusé de le soumettre à un vote. Les cinq autres textes ont été adoptés par une majorité de moins de 100 voix, reflétant les divergences sur ces sujets.

Pour la première fois, la Commission s'est penchée sur les violations des droits de l'homme en Ouzbékistan. Exprimant ses préoccupations face aux violations des droits de l'homme " persistantes et graves ", l'Assemblée a demandé au gouvernement ouzbek d'assurer la liberté totale de pratiquer une religion, de permettre aux partis politiques indépendants de participer au processus électoral et de lever les restrictions imposées aux activités de la société civile, notamment des ONG. Elle a également exprimé ses inquiétudes concernant les manifestations organisées en mai 2005 à Andijan où, d'après les récits de témoins, les forces gouvernementales avaient fait un usage de la force disproportionné et sans discernement, ce qui avait entraîné la mort de nombreux civils. Les arrestations et les détentions arbitraires, la suppression des médias indépendants, le refus d'autoriser les partis politiques de l'opposition à s'inscrire sur les listes électorales et le harcèlement des défendeurs des droits de l'homme ont été aussi des sujets de préoccupations. L'Assemblée a vivement regretté les refus répétés de l'Ouzbékistan de créer une commission d'enquête indépendante malgré les demandes du HCR.

Une résolution sur les violations des droits de l'homme au Soudan a été retirée à la suite d'une motion d'ajournement présentée par le Nigeria au nom du Groupe africain qui a été adoptée par un vote de 84 voix pour, 79 voix contre et 12 abstentions. Le Nigeria a déclaré que le Groupe africain ne soutenait pas les initiatives qui mettraient en cause les accords de paix au Soudan. Le Royaume-Uni, le principal pays à parrainer le projet de résolution, s'exprimant au nom de l'Union européenne, a dit que la situation au Darfour était grave et nécessitait une action pour mettre fin aux violations des droits de l'homme et à la culture de l'impunité.

L'opposition aux résolutions spécifiques à un pays a été particulièrement forte de la part des États Membres associés au Mouvement des non-alignés qui ont soutenu à plusieurs reprises la motion d'ajournement et voté contre l'adoption. Les textes ont été critiqués comme étant arbitraires et de nature politique, empreints d'hypocrisie et fondés sur une politique de deux poids deux mesures, montrant du doigt certains pays tout en fermant les yeux sur les violations des droits de l'homme dans les pays industrialisés. Le représentant du Venezuela a fait valoir que cela ne faisait pas progresser la question des droits de l'homme. " L'action devrait [plutôt] viser à encourager la coopération pour rendre le multilatéralisme efficace dans le domaine des droits de l'homme. "

La question des violations graves des droits de l'homme a été particulièrement importante dans les discussions concernant la création d'un Conseil des droits de l'homme et son rôle pour traiter de ces questions. " La communauté internationale est à la croisée de chemins, soit elle accepte les conditions actuelles, soit elle inaugure une nouvelle ère dans l'application des droits de l'homme ", a déclaré le représentant de l'Iran. Le document final du Sommet mondial a ouvert la voie à la création d'un conseil pour remplacer la Commission des droits de l'homme actuelle si souvent critiquée, tout en laissant dans le vague de nombreux détails sur la forme que prendra ce nouveau conseil. En réponse, la Commission a organisé un débat interactif informel sur les défis de la mise en œuvre des instruments relatifs aux droits de l'homme. " C'était une occasion d'échanger nos points de vue sur le concept d'un nouveau conseil des droits de l'homme ", a indiqué le Président de la Commission. " La Commission des droits de l'homme a été critiquée comme étant politisée, sélective, pratiquant une politique de deux poids et deux mesures. Cette question continue donc de susciter de vives réactions ", a-t-il ajouté. " Il était intéressant de voir comment divers pays ont expliqué leurs raisons. Le plus grand défi a donc été de savoir comment traiter les résolutions spécifiques à un pays en matière de droits de l'homme. "

Toutefois, ce ne fut pas le seul sujet de discorde. Une texte sur la " Lutte contre la diffamation des religions ", qui avait été adopté par la Commission des droits de l'homme, a demandé que l'Assemblée générale se déclare profondément préoccupée par les images stéréotypées négatives des religions et par les manifestations d'intolérance et de discrimination associées ainsi que par les campagnes de diffamation religieuse qui ont associé l'islam aux violations des droits de l'homme et au terrorisme après les attentats du 11 septembre. La référence explicite à l'islam concernait de nombreux États Membres. Le représentant de l'Inde a déclaré que même s'il condamnait toute tentative d'associer l'islam au terrorisme et à la violence et s'élevait contre les stéréotypes associés aux religions, il était concerné par le fait que le texte ne mentionne qu'une seule religion alors, qu'en fait, toutes les religions connaissent le même problème. Après que la résolution a été adoptée par 88 voix pour, 53 voix contre et 33 abstentions, nombre de délégations ont exprimé l'espoir que les prochains textes sur une question aussi importante incluront toutes les religions et seront adoptés par consensus.

Le texte sur le " Caractère inacceptable de certaines pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y sont associées " a exprimé une profonde préoccupation face à la glorification du mouvement nazi par l'édification de monuments et de monument commémoratifs ainsi que par l'organisation de manifestations publiques. Il a appelé à mettre fin à ces pratiques notant qu'elles sont une insulte à la mémoire des victimes de crimes contre l'humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale, qu'elles étaient incompatibles avec la Charte des Nations Unies et les valeurs démocratiques et contribuaient à la montée des divers partis et groupes politiques extrémistes. Plusieurs délégations ont exprimé leur préoccupation par le fait que la résolution menaçait la liberté d'expression car elle ne faisait pas la distinction entre les actions et de simples déclarations, qui étaient protégées, et celles qui encourageaient la violence, qui ne devaient pas l'être. Elle a aussi été critiquée comme limitant le droit d'association et la liberté de pensée. M. Butagira a exprimé son regret que la résolution ait été soumise au vote. Elle a été adoptée par 97 voix pour, 4 contre et 63 absentions. " C'était une sorte de banalisation du problème. "

Au cours des dernières années, " les résolutions qui n'étaient pas controversées, tels que les droits de l'enfant, étaient soumises au vote ", a indiqué le représentant de Singapour, qui a regretté que " certaines délégations semblaient prêtes à se battre pour marquer des points par rapport aux autres ". Pour sa part, M. Butagira a regretté que les résolutions sur les droits de l'enfant et la xénophobie " soient des domaines qui auraient dû obtenir un consensus - ajoutant qu'il était dommage qu'ils aient été soumis à un vote ".

La Deuxième Décennie internationale des peuples autochtones

" Le Partenariat pour l'action et la dignité " a été le thème de la Deuxième Décennie internationale des peuples autochtones qui a officiellement commencé en 2005. L'Assemblée générale a approuvé à l'unanimité une résolution sur le Programme d'action pour la Deuxième Décennie comme suivi à la décision de 2004 de poursuivre les efforts réalisés pendant la Première Décennie (1994-2004).

Le Programme d'action réaffirme l'engagement des États à continuer à accomplir des progrès dans la promotion des droits de l'homme des peuples autochtones à tous les niveaux ainsi que dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la santé, de l'environnement et du développement social et économique. Alors que d'importants progrès ont été accomplis pendant la Première Décennie, notamment la création de l'Instance permanente sur les questions autochtones et l'établissement d'un mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, le Haut Commissariat aux droits de l'homme a noté que dans de nombreux pays, les peuples autochtones continuaient d'être parmi les plus pauvres et les plus marginalisés. L'un des objectifs principaux de la Deuxième Décennie est l'adoption d'une déclaration sur les droits des peuples autochtones, qui a été largement débattue pendant plusieurs années.

La résolution appelle également la communauté internationale à fournir un appui financier au Programme d'action en versant des contributions au Fonds de contributions volontaires pour la Deuxième Décennie qui finance la mise en œuvre des projets associés. Les projets actuels comprennent le Programme de Bourses, qui donne aux membres de la communauté autochtone la possibilité d'acquérir des connaissances sur les droits de l'homme et le système des Nations Unies, ainsi que des ateliers de formation dans le domaine des droits de l'homme organisés par la communauté.

Rodolfo Stavenhagen, rapporteur spécial, a présenté à la Troisième Commission un rapport de ses visites en Colombie, au Canada et en Afrique du Sud et de sa participation en 2005 aux instances sur les droits de l'homme et les questions autochtones. Il a souligné l'importance des OMD pour les droits humains des peuples autochtones, en particulier de réduire l'extrême pauvreté et la faim, de leur assurer une éducation primaire et de mettre fin à la discrimination contre les femmes. " Les indicateurs de pauvreté étaient généralement au-dessus de la moyenne, en particulier pour les femmes autochtones ", a-t-il indiqué, ajoutant que " des mesures coordonnées urgentes sont nécessaires pour s'attaquer à la féminisation de la pauvreté ".

Pour remplir son mandat et renforcer la coordination entre les institutions, le Coordonnateur de la Deuxième Décennie Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, Jose Antonio Ocampo, travaille en coopération avec l'Instance permanente, le Haut Commissariat aux droits de l'homme et les autres organes pertinents du système des Nations Unies. -Sally Bolton

 

 

 
 
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