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Juan
Antonio Yañez-Barnuevo, Représentant permanent
de l'Espagne Président de la Sixième Commission
© Chronique ONU photo |
Lors de la soixantième session, la Sixième Commission
a placé le terrorisme, la sécurité du personnel
des Nations Unies et les amendements possibles à la Charte
des Nations Unies au cur de ses débats. Tandis que
le long débat sur le terrorisme a été soutenu
par l'adoption par consensus de 13 traités spécifiques
sur la lutte contre le terrorisme, la Commission s'est heurtée
au projet d'une convention complète sur le terrorisme internationale
visant à développer les 13 traités et à
combler les lacunes dans le domaine juridique international.
" La nouvelle convention a pour objectif de couvrir et de
compléter les conventions existantes ", a dit à
la Chronique ONU le Président de la Commission, Juan Antonio
Yañez-Barnuevo. " Il s'agira d'un ensemble complet.
" La convention complète est à l'étude
depuis plus de cinq ans. Elle a cependant fait surgir des divergences
politiques et juridiques parmi les États Membres, a-t-il
ajouté. Soit les activités des " forces armées
" devraient être exemptées du champ d'application
de la convention puisqu'elles sont régies par le droit humanitaire
internationale, soit l'exemption devrait couvrir les groupes de
résistance armés impliqués dans la lutte contre
la domination coloniale et l'occupation étrangère.
Un autre point de désaccord important a concerné "
la distinction entre un acte de terrorisme passible de sanctions
légales et les actes qui peuvent, dans certains cas, être
légitimes dans un conflit armé ", a-t-il poursuivi.
Durant le débat, Iftekhar Ahmed Chowdhury (Bangladesh) a
observé que le terrorisme frappait sans discrimination les
races, les cultures et les croyances religieuses. Il a regretté
les tentatives délibérées visant à établir
un lien entre le terrorisme et une religion donnée, ajoutant
que le terrorisme allait à l'encontre des enseignements de
l'islam. " L'islam préconise la paix, la tolérance,
la non-violence et l'harmonie. Il serait dans notre intérêt
à tous de consacrer nos ressources intellectuelles et matérielles
à dénoncer cette campagne de haine. Hjalmar Hannesson
(Islande) a souligné que tous les actes terroristes étaient
injustifiables quelles que soient les raisons pour lesquelles ils
étaient commis. Les moyens employés par les terroristes
desservaient toute juste cause invoquée pour justifier leurs
actions. Les nations devaient se mettre d'accord sur une définition
du terrorisme car, faute d'un consensus sur ce qui constitue celui-ci,
les nations ne pouvaient pas s'unir pour lutter contre.
Inder Jit (Inde) a estimé pour sa part que si l'Assemblée
générale abandonnait son rôle central dans le
processus, le Conseil de sécurité continuerait d'aborder
la question de la définition du terrorisme de " manière
partielle, fragmentaire ". Par un projet de résolution
adopté sans vote, le Comité ad hoc établi par
la résolution 51/210 reprendra ses travaux sur un projet
de convention complète en février 2006.
Un autre sujet ayant dominé la session fut la création
d'un nouvel instrument qui fournirait une protection juridique au
personnel des Nations Unies et au personnel associé dans
les missions de " consolidation de la paix " qui vont
au-delà des opérations de maintien de la paix. "
Le Protocole facultatif à la Convention sur la sécurité
du personnel des Nations Unies et du personnel associé "
a été adopté sans vote, étendant le
champ d'application de la Convention de 1994 afin de couvrir le
personnel de l'ONU engagé dans les activités d'aide
humanitaire, politique et d'aide au développement dans le
cadre de la consolidation de la paix ou de l'aide humanitaire d'urgence.
" Cela élargira la portée de la protection du
personnel de l'ONU dans les opérations humanitaires et de
consolidation de la paix ", a affirmé M. Yañez-Barnuevo.
" Jusqu'ici, le maintien de la paix donnait lieu à des
résolutions de l'Assemblée générale
ou du Conseil de sécurité. C'est la première
fois que le concept de consolidation de la paix figure dans un instrument
juridique international de ce type. " Le protocole facultatif
a vu le jour à un moment où le nombre d'attaques contre
le personnel de l'ONU est passé de 13 en 2004 à 23
en 2005 - une augmentation de 77 % - et le nombre de décès
de 19 en 2004 à 32 en 2005.
La Convention de 2004, qui est entrée en vigueur en 1999,
était un instrument juridique essentiel qui fournissait au
personnel des Nations Unies et au personnel associé la sécurité
et l'environnement dont ils avaient besoin pour faire leur travail.
" Mais la Convention présentait une faille importante
", a déclaré le Secrétaire général
Kofi Annan dans ses remarques à l'Assemblée. "
Les opérations humanitaires, de développement et les
opérations autres que celles du maintien de la paix n'étaient
couvertes que dans un cadre présentant un risque exceptionnel.
Mais cette condition était difficilement applicable. Il n'existait
pas de critères universellement acceptés pour déterminer
l'existence d'un tel risque ", a-t-il indiqué. "
Toutefois, le nouveau protocole corrige cette faille ", a-t-il
ajouté. Dans le cadre de ce nouvel instrument, un État
hôte peut également déclarer qu'il n'appliquera
pas les dispositions du Protocole facultatif à une opération
d'aide humanitaire d'urgence menée pour réagir à
une catastrophe naturelle. Le Protocole facultatif sera ouvert à
la signature le 16 janvier 2006 et entrera en vigueur 30 jours après
que 22 instruments de ratification ou d'adhésion auront été
déposés au siège de l'ONU.
Dans l'article 2 du Protocole facultatif, le terme " consolidation
de la paix " a donné lieu à de vives discussions.
Pour sa part, Rose Makena Munchiri (Kenya) a indiqué que
son pays soutenait, en principe, l'inclusion de ce concept mais
qu'il devait être limité aux situations de conflit
et d'après-conflit. Le Kenya était souple sur l'application
des dispositions du Protocole relatives à l'aide humanitaire
en cas de catastrophe naturelle mais la nécessité
d'une déclaration " d'adhésion " ou "
de non-adhésion " devrait être soigneusement examinée
car elle pourrait créer un goulet d'étranglement inutile
dans la mise en uvre du Protocole, a-t-elle ajouté.
Ben Playle (Australie), évoquant les souvenirs de l'attaque
terroriste meurtrière contre le siège de l'ONU à
Bagdad survenue le 19 août 2003, a rappelé que, jusqu'à
ce jour, personne n'en avait été tenu responsable.
L'Australie s'est félicitée de la volonté d'étendre
le champ d'application de la Convention à l'aide humanitaire
dans la " consolidation de la paix " et a estimé
que cette solution de compromis était une bonne chose. Toutefois,
elle hésitait à accepter une disposition permettant
à un État Membre de ne pas appliquer le Protocole
facultatif lorsque ces opérations de l'ONU étaient
menées pour réagir à des catastrophes naturelles.
La Commission s'est également penchée sur le secteur
du commerce électronique en expansion. Sur sa recommandation,
l'Assemble générale a adopté sans vote une
résolution invitant les gouvernements à devenir parties
à la Convention des Nations Unies sur l'utilisation des communications
électroniques dans les contrats internationaux. Préparé
par la Commission du droit commercial international des Nations
Unies, cet instrument vise à éliminer les obstacles,
y compris ceux qui pourraient exister dans le cadre du droit commercial
international actuel. La majorité des textes ont été
négociés bien avant le développement des nouvelles
technologies, telles que les messages électroniques, l'échange
des données électroniques et l'Internet. La Convention
vise à établir des règles qui s'appliquent
dans le monde entier. En d'autres termes, " cela fonctionne
comme e-Bay où il est possible d'acheter ou de vendre des
produits ", a déclaré M. Yañez-Barnuevo.
" Cette forme de commerce sera aussi plus sûre une fois
que les règles seront claires. "
Les discussions sur les sanctions ont été essentiellement
centrées sur le recours aux sanctions " bien ciblées
", qui n'ont pas un impact négatif sur les populations
civiles et n'engendrent pas de problèmes humanitaires, a
affirmé le Président, regrettant qu'il n'y ait pas
eu de recommandations finales ". Les membres permanents du
Conseil de sécurité préfèrent que les
sanctions soient imposées par le Conseil de sécurité
et utilisées comme outil de pression sur certains pays qui
ne respectent pas les obligations internationales, a expliqué
M. Yañez-Barnuevo. Cependant, l'Assemblée générale
ayant signalé l'impact négatif que les sanctions ont
sur les situations humanitaires et socio-économiques, "
le Conseil de sécurité a été plus soucieux
d'imposer des sanctions ciblées, à l'opposé
des sanctions générales, qui sont destinées,
par exemple, à des dirigeants de certains pays ou de certaines
factions qui sont un obstacle au processus de paix ou mettent en
cause les droits de l'homme ", a-t-il indiqué.
Martin Andjaba (Namibie), s'exprimant au nom du Groupe africain,
a noté que, depuis la création des Nations Unies,
le Conseil de sécurité avait imposé au total
19 régimes de sanctions à 14 pays, dont 11 en Afrique.
Les sanctions devraient être intelligemment ciblées
afin de limiter les effets humanitaires et socio-économiques
et, à cette fin, les Nations Unies devaient en définir
les objectifs et les conditions d'imposition. Andril Sybyha (Ukraine)
a déclaré pour sa part que des études récentes
avaient montré que la majorité des régimes
de sanctions imposés par le Conseil dans les années
1990 avaient eu une efficacité politique modérée
ou nulle. Le moment est venu de procéder à une analyse
des politiques et des pratiques existantes. Les sanctions sont un
outil puissant mais elles ne devraient pas être utilisées
pour punir les États et les populations ni entraîner
la déstabilisation économique du pays visé
ou des pays " tiers ". Les délégués
ont demandé d'évaluer les objectifs des sanctions
imposées par les Nations Unies, en accordant une attention
particulière à leurs répercussions négatives
sur les pays " tiers ".
La Commission a débattu du rapport annuel du Comité
spécial de la Charte des Nations Unies ainsi que du raffermissement
du rôle de l'Organisation. Établi durant la vingt-neuvième
session de l'Assemblée générale en 1974, le
Comité avait pour mandat d'examiner les recommandations des
gouvernements visant à améliorer le fonctionnement
des Nations Unies. La Commission a approuvé 12 résolutions
par consensus, y compris sur le statut d'observateur de quatre organisations
intergouvernementales : l'Association latino-
américaine d'intégration; le Fonds commun pour les
produits de base; la Conférence de La Haye sur le droit commercial
international et la Conférence ibéro-américaine.
Au sujet du programme de travail de la Commission, certains délégués
ont dit être préoccupés par la réduction
du nombre de questions inscrites à l'ordre du jour. Le représentant
de Costa Rica a remarqué un déséquilibre dans
la division des travaux prévus pour l'année prochaine,
notant que certaines Commissions allaient examiner jusqu'à
60 points, alors que la Sixième n'en examinera que sept.
Ce n'était pas parce que la Commission avait réduit
son programme de travail en raison d'une diminution des questions
juridiques mais parce qu'un grand nombre de ces questions, comme
le dédommagement des victimes dans le cadre du droit international,
étaient examinées par l'Assemblée et ses organes
subsidiaires, notamment la Troisième Commission (humanitaire,
culturelle et sociale) alors qu'elles devraient relever de la compétence
de la Commission juridique.
Des accords régionaux cruciaux pour
la gestion de l'eau douce
Les ressources mondiales en eau douce sont de plus en plus
limitées, moins de 1 % étant directement accessibles
pour l'usage domestique. Plus de 40 % de la population mondiale
vivant dans des bassins connaissent un " stress hydrique
" ou des pénuries d'eau fréquentes.
En 2000, au moins 1,1 milliard de personnes,
soit une personne sur six, n'avait pas accès à
l'eau potable. En Asie et en Afrique, la proportion était
de deux personnes sur cinq. Au Bangladesh où la population
est très élevée, le danger ne vient plus
des eaux de surface contaminées par des bactéries
mais de la présence d'arsenic dans les eaux souterraines
alors que les villageois ruraux s'approvisionnent en eau par
des pompes à main pour leur usage domestique.
Déjà, plus d'un milliard de
personnes en Asie et 150 millions en Amérique latine
dépendent des eaux souterraines. Le mouvement d'infiltration
des eaux de pluie, le réapprovisionnement des eaux
souterraines et les menaces posées par la pollution
sont souvent des facteurs méconnus. Les experts estiment
que les grands aquifères souterrains, tels que l'aquifère
nubien en Afrique du Nord, qui s'étend sous les vastes
déserts de l'Égypte, de la Lybie et peut-être
d'autres pays, ou l'aquifère guarani qui se trouve
sur les territoires de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay
et de l'Uruguay, sont trop importants pour l'avenir de l'humanité
pour ne pas s'en occuper. Une gestion complète des
ressources en eau impliquant plusieurs États et des
parties prenantes est nécessaire pour prévenir
la dégradation des nappes souterraines et leur appauvrissement.
Carlos Duarte (Brésil) a dit à
la Sixième Commission que les accords régionaux
jouaient un rôle fondamental dans la réconciliation
des intérêts nationaux et les préoccupations
internationales concernant les ressources en eau. L'Argentine,
le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay ont mis en place
un cadre juridique et sont parvenus à s'entendre sur
la plupart des questions. Une subvention de 27 millions de
dollars a été accordée par le Global
Environmental Facility - un consortium de financement géré
par le Programme des Nations Unies pour le développement
- pour aider ces quatre pays à mettre en place un cadre
institutionnel et technique commun afin de préserver
la nappe aquifère guarani en tant que source d'approvisionnement
en eau douce pour les générations futures. -Jonas
Hagen
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