Chronique ONU

Conversation avec...
Ellen Margrethe Løj sur la Commission de consolidation de la paix

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L'article
Kaveh L. Afrasiabi avec Ellen Margrethe Løj.
Kaveh L. Afrasiabi, fondateur et directeur de Global Interfaith Peace, a réalisé en novembre 2005 une interview d'Ellen Margrethe Løj (à droite), représentante permanente du Danemark aux Nations Unies et coprésidente du Groupe de travail de l'Assemblée générale sur la Commission de consolidation de la paix. Le 20 décembre, l'Assemblée, avec le Conseil de sécurité, a décidé d'établir la Commission de consolidation de la paix.

Quel est l'objectif de la Commission de consolidation de la paix ?
L'idée d'une Commission de consolidation de la paix a été soulevée dans le rapport de haut niveau sur la réforme de l'ONU ainsi que dans la récente proposition de réforme du Secrétaire général [Kofi Annan]. Elle comble un vide institutionnel dans le système des Nations Unies durant la période de transition allant de la phase militaire à celle du développement à long terme. La communauté internationale n'a pas été très efficace à construire la paix, les statistiques montrant que certains pays sont rapidement retombés dans des situations de conflit. Il était grand temps que la communauté internationale se réunisse pour assurer une paix et un développement durables.

Pouvez-vous apporter des précisions sur le mandat, la fonction et la composition de la Commission de consolidation de la paix ?
Lorsque les chefs d'État se sont réunis en septembre 2005 pour adopter cette réforme, ils ont tous convenu que la création de la Commission de consolidation de la paix était une bonne idée qui arrivait à point nommé. Depuis le Sommet mondial, les discussions ont porté sur les deux questions principales concernant les liens institutionnels de la Commission et sa composition. Il a été décidé par consensus que la Commission sera un organe consultatif, la question centrale du débat portant sur son lien au Conseil de sécurité d'un côté et au Conseil économique et social de l'autre. Je pense que pour assurer une approche intégrée, dans les situations où le Conseil de sécurité est déjà impliqué, en particulier en ce qui concerne les missions de maintien de la paix, un élément important du maintien de la paix est de construire celle-ci sur le long terme. L'un des sujets de discussion est de savoir quand le Conseil économique et social prendra le relais du Conseil de sécurité dans ces situations. Une autre question concerne la composition. À ce sujet, la résolution de l'Assemblée générale demande la création d'un comité d'organisation qui établit l'ordre du jour, la Commission organisant ensuite ses travaux dans un cadre spécifique à tel ou tel pays. Le comité permanent ainsi que la participation des pays concernés ont donc fait l'objet d'une attention particulière.

En supposant que la Commission soit chargée de " mobiliser les ressources " et de " coordonner " les diverses activités de l'ONU, jouera-t-elle également un rôle opérationnel ?
Non, elle sera seulement consultative. Les questions politiques et opérationnelles seront traitées par le Conseil de sécurité, les organes de l'ONU et les institutions pertinentes, y compris la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, en fonction de leurs structures respectives. Toutefois, si par opérationnel vous voulez dire opérations interinstitutions, j'espère qu'avec tous les acteurs réunis autour de la table, cela permettra de rationaliser le processus, d'utiliser efficacement les ressources de l'ensemble de la communauté internationale et du système de l'ONU et d'éviter de repartir de zéro à chaque fois.

D'où viendra l'initiative ? Y a-t-il un consensus à ce sujet ?
Il n'y a aucun désaccord sur l'importance des gouvernements nationaux et la prise en main des pays dans le processus de consolidation de la paix. Une question cruciale porte sur l'action à mener quand il n'y a pas de gouvernement national et quand un pays sortant d'un conflit est dans la phase de transition pour établir une autorité nationale. Certains font valoir qu'il ne faut pas attendre et qu'on doit commencer à construire la paix comme, par exemple récemment au Liberia, où des élections ont été organisées, ce qui, espérons-le, ouvrira la voie à la formation d'un gouvernement national efficace.

La Commission se concentrera-t-elle sur les conflits à l'intérieur des États ou sur les conflits entre États ?
En regardant les soixante années d'histoire des Nations Unies, on constate un changement dans la nature et le type de conflits que l'Organisation a traités. Au début, les conflits étaient pour la plupart des conflits entre les États mais, au cours des vingt dernières années, les Nations Unies, et le Conseil de sécurité en particulier, ont été de plus en plus sollicités à intervenir dans des conflits internes. Je ne pense pas que la Commission donnera la priorité à une forme de conflit par rapport à une autre mais il est clair que, dans la majorité des cas, il s'agira de conflits internes. C'est pourquoi nous parlons de plus en plus de la réconciliation nationale, de l'état de droit et de la nécessité pour les institutions d'établir des gouvernements compétents et les fondements d'un développement durable.

La résolution établit deux catégories de membres : les membres permanents et les membres représentant tel ou tel pays. Auront-ils les mêmes droits de vote et les mêmes pouvoirs ?
Nous devons faire une distinction entre le comité d'organisation qui, selon le projet de proposition, sera composé du même nombre de membres du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social et de membres des pays donateurs les plus importants, et les membres représentant tel ou tel pays. À mon avis, le vrai travail aura lieu dans le format spécifique à un pays, que ce soit Haïti, le Liberia ou un autre pays, où la participation des acteurs locaux sera cruciale. La participation directe des institutions financières internationales, qui auront un rôle à jouer dans le développement à long terme des sociétés sortant d'un conflit, est également cruciale. Je vais vous donner un exemple tiré de mon expérience personnelle de plus de trente ans de travail dans les programmes de développement. Avant, les organisations d'aide refusaient de financer la formation de la police, considérant que cela touchait de trop près au domaine militaire. Mais aujourd'hui personne ne tient ce genre de raisonnement parce que nous savons tous combien il est important de disposer d'une police compétente. Que fera la police des criminels s'il n'y a pas de prisons pour les y incarcérer ni de système pénal en place pour les juger ? Les choses étant donc liées entre elles, nous devons, après un conflit, adopter une approche intégrée où le développement est présent à tous les niveaux, au lieu de tirer des conclusions hâtives et de quitter les lieux sans établir les fondements d'une paix durable dans une société ravagée par des conflits.

Qu'est-ce qui vous fait espérer que cette réforme sera un succès ?
Il n'y a aucune garantie de succès mais ce qui me fait espérer c'est la détermination de la communauté internationale à combler ce vide important dans les efforts de paix de l'ONU et donc à améliorer son efficacité. Nous devons le faire pour les hommes, les femmes, les garçons et les filles vivant dans les sociétés hantées par les conflits pour s'assurer que leur avenir ne sera pas assombri par un autre conflit. Nous devons donc essayer de travailler sans relâche pour changer la situation, même s'il n'est pas garanti que nos efforts finiront par payer comme nous le pensons. Dans le paragraphe final du projet de résolution, nous avons décidé de procéder cinq ans après à un réexamen de la Commission, de ses dispositions et de ses modalités puisque nous devons être prêts à reconnaître que nous pouvons faire des erreurs ou que nous n'avons pas toujours la réponse à chaque nouveau problème qui se pose.

Pouvez-vous préciser le rôle de la Commission concernant la situation des femmes ?
Rappelons-nous qu'à la fin d'octobre 2005, le Conseil de sécurité a célébré le cinquième anniversaire de la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité. Nous avons reçu des lettres, dont une signée par plusieurs ministres des Affaires étrangères, exhortant la Commission de consolidation de la paix de donner la priorité à la participation des femmes dans les sociétés sortant d'un conflit. Je pense que les États Membres soient tous d'accord pour inclure les femmes dès le début.

La résolution appelle à la création d'un fonds financé à l'aide de contributions volontaires et d'un bureau d'appui qui sera établi " selon les limites des ressources disponibles ". Y aura-t-il des sources de financement distinctes pour ces fonctions ?
Nous attendons que le Secrétaire général nous dise comment il a l'intention de procéder à cet égard. Nous avons cependant remarqué que la majorité des dépenses sont faites dans le cadre d'activités civiles. Elles seront donc tirées des contributions volontaires et ne seront pas évaluées comme relevant des opérations de maintien de la paix. Cela nous permet d'éviter la bureaucratie et une perte de temps cruciale avant que les fonds ne soient disponibles, et je parle en connaissance de cause. Je me souviens que le Programme des Nations Unies pour le développement en Afghanistan faisait face à une échéance pour l'ouverture des écoles, mais les fonds n'ayant pas été alloués, il y a eu du retard. Pour agir le plus rapidement possible, la nature du fonds de consolidation de la paix sera donc très importante.


 
 
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