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L'une des premières vues impressionnantes fut la rangée
d'avions et d'hélicoptères blancs stationnés
les uns à côté des autres à l'aéroport
international de Khartoum sur lesquels étaient peintes deux
initiales noires de deux mètres de haut : UN.
Au cours des trois semaines passées en septembre 2005 au
Darfour, dans le sud du Soudan, et dans les montagnes de Nuba, avec
l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
(FAO), une importante présence internationale était
au rendez-vous : une flotte d'avions équipés du matériel
nécessaire pour assurer un soutien logistique et opérationnel;
un dispositif de sécurité pour nous indiquer les endroits
sûrs où se rendre; la police de l'ONU chargée
de former ses homologues aux méthodes de la police démocratique
et les équipes chargées de déminer les routes
du sud.
Il y a aussi les institutions et les programmes spécialisés.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a affrété des
avions-cargos pour larguer des vivres dans les régions isolées
- une vue impressionnante alors qu'ils volaient à basse altitude.
Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et la Croix-Rouge
étaient présents dans les camps de réfugiés
(photo 1). L'Union africaine et des observateurs militaires étaient
déployés au Darfour, et des centaines d'organisations
nationales et internationales non gouvernementales opéraient
dans le pays.
Deux flottes d'avions, exploitées par la Mission des Nations
Unies au Soudan et le PAM, assuraient le transport des passagers
dans l'ensemble du pays. Ceux-ci voyagaient avec leurs bagages,
le personnel de l'ONU se chargeant de l'enregistrement. Les personnes
munies d'une carte d'identité d'une ONG ou de l'ONU étaient
généralement acceptées sans réservation.
À bord, des casques bleus (soldats du maintien de la paix),
des fonctionnaires internationaux, des employés d'ONG, des
visiteurs comme moi venant de sièges d'organisation et quelques
locaux profitant de l'occasion pour voyager gratuitement. Au Soudan,
où le tourisme n'a jamais été un point fort,
les hôtels sont en nombre insuffisant pour faire face à
une telle invasion. Une maison aménagée pour l'occasion,
souvent attenante à un bureau, fait alors l'affaire. Mais
qu'en est-il de l'électricité pour alimenter les ordinateurs,
les réfrigérateurs et les climatiseurs alors qu'il
fait 45°C ? Des générateurs diesels, générant
un bruit assourdissant, installés dans les rues de la périphérie,
fonctionnent jour et nuit. De nombreuses paraboles installées
par l'ONU assurent un accès aux mails pour coordonner les
opérations.
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2 |
Comment réagit le Soudan, un pays souverain, face à
ce monde virtuel au sein de son État ? À Nyala, la
capitale du Sud-Darfour, les autorités locales ont interdit
aux convois de faire flotter les drapeaux de l'ONU dans les limites
de la ville. Hisser un drapeau est un geste symbolique, semble-t-il.
Notre convoi de cinq véhicules, formé pour effectuer
un voyage sur le terrain (photo 2) et assurer notre protection contre
les embuscades, n'a pu déployer ses bannières bleues
qu'une fois passé la dernière maison.
D'après les coordinateurs de l'ONU, il n'est pas facile de
traiter avec le gouverneur provincial. Les institutions spécialisées
de l'ONU se sont regroupées, jugeant qu'un front uni était
plus efficace pour négocier les questions opérationnelles
et politiques liées à l'intervention humanitaire.
À Khartoum, la capitale de ce pays décentralisé,
les ministres du gouvernement sont connus pour leurs querelles publiques
avec les administrateurs de l'ONU.
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La FAO a pour mandat de l'ONU d'aider les populations dans les
zones rurales. Avec 87 % d'agriculteurs et d'éleveurs (photo
3), elle a fort à faire. À El Geneina, dans l'Ouest-
Darfour, un élu gouvernemental a décrit le déclin
catastrophique de la production alimentaire après que près
de 2 millions de villageois ont été forcés
de quitter leur ferme pendant le conflit en 2003.
D'après Fadul Eledom Ahmed, directeur des Services agricoles
pour l'Ouest-Darfour, les surfaces cultivées dans cet État
seulement ont diminué de 30 % par rapport à 2004 et
de 66 % en 2005. La FAO (photo 4) estime que la surface cultivée
est de 45 % seulement. Mais certains points positifs sont à
retenir. Par exemple, " le Ministre de l'agriculture donne
aux agriculteurs des semences, des charrues, des outils à
main, etc. Nous collaborons avec de nombreux partenaires, tels que
la FAO et les ONG ", a déclaré M. Ahmed.
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4 |
Dans les trois États, la FAO a aidé 950 000 hommes,
femmes et enfants, tant des réfugiés rentrant dans
leur pays que des réfugiés accueillis dans les communautés,
à reconstruire leur vie ou à augmenter la production
alimentaire (photo 5) pour faire face à la crise. Au total,
1 500 tonnes de semences, 250 000 outils à main et 6 000
charrues ont été distribués.
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5 |
Au Darfour, deux camps s'opposent : ceux qui pensent que la violence
est trop répandue pour apporter une aide importante en vue
de rétablir les activités comme l'agriculture et l'élevage
et ceux qui considèrent que l'aide d'urgence et la reconstruction
vont de pair.
Demere Seyoum, directeur local de World Relief, une ONG qui travaille
avec la FAO pour fournir des intrants aux fermiers, estime que de
nombreux résidents qui ont été forcés
de quitter leur ferme sont prêts à y revenir "
malgré les risques ". " Les femmes sortent du camp
par groupes de 10 à 20 (photo 6), parcourent 5 à 6
km jusqu'à leur ancien village pour cultiver leur champ.
Les risques sont réels - la sécurité, mais
aussi le risque de déployer de grands efforts pour un rendement
faible. Il faut peu de choses pour aider ces agriculteurs à
produire beaucoup plus ", dit-il.
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6 |
" Nous discutons du retour des familles dans leur ferme. On
nous dit qu'il n'y a pas de problème de sécurité
", explique Hashim Zakaria, chef du Comité populaire
soudanais de secours et de reconstruction dans le Sud-Darfour. "
Mais la communauté internationale est plus intéressée
dans le financement des secours. " Ces propos reflètent
une tendance constatée dans les organisations qui uvrent
pour le développement, comme la FAO, dont le budget ordinaire
a diminué au cours des dix dernières années
alors que le soutien des donateurs à son programme de secours
d'urgence a rapidement augmenté. C'est peut-être parce
que les projets de développement sont à plus long
terme et les résultats moins visibles, alors que l'aide agricole,
la distribution de l'aide alimentaire dans les situations d'urgence
ou la fourniture de soins donnés aux enfants dans les camps
donnent des résultats plus immédiats.
Les images diffusées par les médias dans les pays
riches montrant les actions entreprises suscitent un élan
de générosité immédiat de la part des
hommes politiques, des contribuables et des particuliers qui font
des dons à une association caritative. Un coordinateur de
l'ONU au Darfour a fait remarquer que les VIP et les hommes politiques
occidentaux veulent seulement aller dans les camps pour y être
photographiés alors que, non loin de là, les villages
agricoles qui travaillent dur pour atteindre l'autonomie et tirer
le meilleur parti de l'aide internationale restent dans l'ombre.
Dans Sud-Soudan, c'est une toute autre histoire. Après que
le traité de paix a été signé en janvier
2005, les autorités ont invité tout le monde à
venir prêter main forte. Mais les mêmes problèmes
logistiques se sont posés : la capitale de cette province,
Juba, ne compte que quelques hôtels; des centaines de visiteurs,
étrangers et soudanais, doivent dormir sous des tentes. Seulement
20 km de routes sont pavés (photo 7), ce qui ralentit les
travaux de secours et de reconstruction. Et les quelques villes
qui existent ne sont pas entretenues. Pour accéder au port
le plus proche - Mombasa, Kenya ou Port Soudan - il faut compter
sept jours en voiture lorsque les routes sont praticables; le reste
du temps, les importations sont acheminées par avion à
des frais élevés. (Au moins, le bétail destiné
à l'exportation, une activité importante pour le sud,
peut être acheminé à pied vers les marchés
!)
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7 |
Des modèles excellents de développement durable existent
cependant dans le sud du Soudan. Après dix ans de projets
locaux, j'ai été surpris par l'enthousiasme des bénéficiaires
des projets. Grâce à la formation technique et aux
conseils de la FAO, sur les 117 tonnes de semences de sorgho et
d'arachide, 48 tonnes ont été produites en 2005 par
les agriculteurs locaux près de Juba, distribuées
par la FAO dans les trois États du sud. Le reste a été
acheté auprès de marchands de semences établis
dans le Nord.
" Trente femmes de notre groupe ont été formées
à la multiplication de semences de sorgho et à la
culture de légumes qu'elles vendent et qu'elles utilisent
pour nourrir leur famille ", dit fièrement Mary Akwajo
(photo 8) devant un champ de sorgho déjà haut et uniforme,
signe d'un champ de semences bien entretenu. " Nous sommes
vraiment contentes de cette activité qui aide les femmes
à gagner leur vie. D'ailleurs, ces recettes ont permis à
20 femmes d'acheter des parcelles de terrain en ville. "
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8 |
La FAO voudrait voir tout le Soudan produire des semences au niveau
des communautés rurales. De cette manière, on garantirait,
dans les délais voulus, des fournitures de semences de qualité
adaptées aux conditions et aux goûts locaux et on offrirait
aux familles pauvres une chance de gagner un peu d'argent. La production
de semences locale est un moyen idéal pour les Soudanais
de diversifier leurs revenus.
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9 |
À Malakal - porte du Sud - située sur le Nil blanc
près du marais Sudd, j'ai discuté avec des pêcheurs
(photo 9). Ils m'ont dit que durant certaines périodes de
l'année, ils pêchaient 100 kilos de perches et qu'avant
les 20 ans de guerre de civile, la région fournissait les
marchés aussi éloignés que ceux de Karthoum
et du Congo. Selon les estimations de la FAO, 90 000 à 100
000 tonnes de poissons pourraient être pêchés
chaque année dans les rivières et les marais du Sud.
Avec les fonds qu'elle a levés, elle a distribué des
milliers de kits de pêche et appris aux pêcheurs à
construire des bateaux et à gérer les produits de
la pêche.
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10 |
Pourquoi les gouvernements donateurs et les donateurs individuels
des pays riches ne sont-ils pas aussi touchés par ces populations
pauvres (photo 10) que par les personnes déplacées
au Darfour ? Pourquoi n'apportent-ils pas une plus grande assistance
aux pêcheries et ne fournissent-ils pas aux pêcheurs
ce dont ils ont besoin : du matériel de stockage et de réfrigération
et des bateaux pour transporter le poisson vers les marchés
?
(Pour en savoir plus sur la crise politique au Darfour et sur
le Rapport de la Commission internationale d'enquête, M. Lowrey
recommande de visiter le portail d'informations sur le Soudan www.unsudan.org.
Bien écrits, souvent poignants, les articles d'éminents
juristes et enquêteurs internationaux vous apprendront tout
ce qu'il faut savoir sur la situation.)
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