|
Photo
HCR/E Kanelstein |
" Le pays est fragile. La phase du maintien de la paix
est terminée. Il faut passer à celle de la consolidation
de la paix.
Le pays est maintenant prêt à aborder la prochaine
phase du développement. "
En novembre 2005, la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL)
a organisé le premier Festival international de musique pour
fêter la fin de la mission de l'ONU en Afrique de l'Ouest.
La mission a apporté la paix et la stabilité politique
dans ce pays qui a connu une guerre civile pendant onze ans - une
guerre dont les atrocités avaient choqué le monde
entier par les images de jeunes drogués mutilant des civils
en leur coupant les bras, les jambes et d'autres parties du corps.
La paix en Sierra Leone a été durement acquise - une
paix qui n'aurait pas été possible sans la présence
et l'aide des Nations Unies.
Ce pays, riche en diamants, comptant 6 millions d'habitants, a
été le théâtre d'une guerre civile qui
a débuté en mars 1991, lorsque les combattants du
Front révolutionnaire uni (RUF) ont commencé une guérilla
à l'est du pays, près de la frontière avec
le Liberia, afin de renverser le gouvernement. Après plusieurs
coups d'État, plusieurs échecs du processus de paix
et la mise en vigueur d'accords de paix, le Conseil de sécurité
de l'ONU a autorisé la création de plusieurs missions
dont la MINUSIL en octobre 1999 prenant le relais d'une mission
d'observation de l'ONU établie auparavant.
La MINUSIL a été déployée à
la suite d'un conflit civil qui a fait 75 000 morts et de nombreux
mutilés. Un an et demi après, avec un effectif de
17 500 personnels militaires, elle était la mission de l'ONU
la mieux pourvue en hommes. En septembre 2004, la gestion de la
sécurité a été transférée
au gouvernement et, après le départ des casques bleus
à la fin 2005, un gouvernement élu démocratiquement
a été mis en place, qui exerce son autorité
sur tout le pays.
Les succès de la Mission ont été nombreux,
allant du désarmement à la démobilisation de
plus de 75 000 combattants, y compris 20 000 enfants soldats qui
ont été réintégrés dans la société,
en passant par la tenue d'élections démocratiques
en mai 2002. La MINUSIL a joué un rôle crucial en Sierra
Leone. Elle a parrainé le processus de paix qui a débouché
sur la création d'un nouveau gouvernement national, et aidé
à régulariser l'exploitation minière des diamants
dans le pays, source d'âpres conflits. En quelques années
seulement, les exportations de diamants sont passées de 10
millions de dollars en 2000 à environ 130 millions en 2004.
Toutefois, malgré ces efforts notables, la Sierra Leone
reste fragile et la communauté internationale doit maintenir
son engagement pour aider le pays à surmonter les nombreux
défis auxquels il est confronté. Daudi Mwakawago,
représentant spécial du Secrétaire général
en Sierra Leone, a dit : " Le pays est fragile. La phase du
maintien de la paix est terminée. Il faut passer à
celle de la consolidation de la paix. Le pays est maintenant prêt
à aborder la prochaine phase du développement. "
|
Photo HCR/E Kanelstein |
Selon l'Indice du développement humain de l'ONU, avec environ
70 % de la population vivant avec moins d'un dollar par jour et 70
% d'analphabètes, la Sierra Leone est le pays le plus pauvre
du monde. En outre, dans le classement des pays, elle figure en bas
de la liste pour ce qui est de l'espérance de vie à
la naissance, des taux bruts de scolarisation primaire, secondaire
et post-secondaire et du produit national brut par habitant.
On ne peut non plus oublier qu'en Sierra Leone deux millions de
jeunes sont sans emploi, dont beaucoup sont d'anciens enfants soldats.
La possibilité que les anciens combattants reprennent les
armes pour combattre dans les conflits émergents de la région
représente une menace réelle. Au début du conflit,
les jeunes sans emploi ou vivant dans des conditions économiques
précaires se sont laissés tentés parce qu'on
leur avait promis de l'argent et la possibilité de piller.
En outre, la mauvaise gestion des ressources naturelles pourrait
être une source de conflit alors que la pauvreté augmente.
Selon des enquêtes menées par la MINUSIL sur les sites
miniers, plus de 50 % de la production de diamants n'est toujours
pas réglementée et un commerce illégal considérable
continuerait d'avoir lieu.
On comprend donc les inquiétudes de la population concernant
le retrait de la mission qui risque d'avoir des conséquences
économiques et sur la sécurité. Après
la fin des opérations, l'ONU continuera d'assurer une présence
considérable dans le pays et une Équipe militaire
internationale de formation, dirigée par le Royaume-Uni,
restera dans le pays, au moins jusqu'à 2010, pour former
les forces armées sierra-léonaises.
À la fin août 2005, le Conseil de sécurité
a approuvé la création du Bureau intégré
des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL), avec un mandat initial
d'un an à compter du 1er janvier 2006, faisant valoir qu'il
était crucial que la communauté internationale continue
d'aider le pays à se remettre sur pied après plus
de dix ans de guerre civile. Le BINUSIL a pour mandat d'aider le
gouvernement à renforcer les droits de l'homme, en mettant
l'accent sur la mise en uvre des recommandations de la Commission
Vérité et réconciliation, à réaliser
les Objectifs du Millénaire pour le développement
et à aider à organiser des élections libres
et crédibles en 2007. Cette nouvelle mission de consolidation
de la paix aura pour tâche de soutenir les progrès
réalisés, d'assurer la coordination des efforts de
l'ONU en matière de désarmement et de lutte contre
la traite des êtres humains, y compris le commerce illégal,
dans la sous-région instable. Elle sera également
chargée d'assurer la sécurité du Tribunal spécial
pour la Sierra Leone, qui a été créé
en 2002 par la signature d'un accord entre les Nations Unies et
le gouvernement sierra-léonais.
La guerre civile en Sierra Leone et la fin du conflit illustrent
une fois de plus que la paix ne peut durer en l'absence de justice.
Le Tribunal spécial offre une occasion de rendre justice
aux milliers de victimes de crimes commis pendant la guerre civile
- crimes souvent caractérisés par leur brutalité
extrême, y compris les amputations généralisées,
les viols, les enlèvements, les assassinats et le déplacement
massif de la population. Malgré les difficultés financières,
ce Tribunal est un succès d'un point de vue juridique, car
il représente un nouveau modèle de droit international,
souvent désigné comme un tribunal " hybride ".
La Commission Vérité et réconciliation, créée
par les Nations Unies, a pour mandat d'établir les rapports
impartiaux et historiques des violations et des abus des droits
de l'homme ainsi que du droit international depuis le début
de la guerre civile en 1991, de promouvoir la réconciliation
et de faire des recommandations pour éviter que ces violations
se répètent. Le rapport de la Commission a identifié
les causes du conflit, telles que la pauvreté, la corruption,
l'absence de justice et le non-respect des droits de l'homme, questions
qui devront être examinées.
Le rapport publié par le Secrétaire général
Kofi Annan en mars 2005, Dans une liberté plus grande : sécurité,
développement et respect des droits de l'homme, va dans ce
sens : " Non seulement le développement, la sécurité
et les droits de l'homme sont impératifs; ils se renforcent
mutuellement [...] Si l'on ne peut dire que la pauvreté et
le non-respect des droits de l'homme sont "les causes"
des guerres civiles, du terrorisme et de la criminalité organisée,
on peut, en revanche, affirmer qu'ils augmentent considérablement
le risque d'instabilité et de violence. " Pour assurer
une paix durable, nous devons donc nous préoccuper des dimensions
politiques, économiques et sociales et de leur relation entre
elles. Les succès obtenus en Sierra Leone ne pourront durer
qu'avec l'engagement et le soutien de la communauté internationale,
en particulier avec les efforts conjugués de l'ONU et des
donateurs.
|