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Des
enfants étudient dans une classe d'un centre dirigé
par Prayas, une association destinée aux jeunes à
Samastipur, Bihar, en Inde. Ces centres accueillent les enfants
qui sont partis de chez eux ou qui ont été victimes
de mauvais traitements ou de la traite. Avant de remettre les
enfants à leur famille, ceux-ci sont hébergés
et reçoivent
une éducation.Photos offerte par Prayas |
En Inde, les institutions des droits de l'homme ont pris fermement
racine dans une société où le niveau de conscience
évolue rapidement.
Par exemple, Dinesh Chand Jaiswal. Jeune agent de police dans la
force centrale de police de réserve, il arbore fièrement
un petit trophée qu'il a gagné dans un débat
sur les droits de l'homme. " J'étais déjà
très fier d'avoir participé au débat en 2002
et cette année, j'ai gagné ", dit-il en souriant
alors que ses compagnons du bataillon l'entourent pour l'écouter.
" J'ai appris que nous pouvons mener à bien nos opérations
contre les terroristes et les éléments antisociaux
tout en respectant les droits de l'homme. " Par exemple, "
je sais qu'il faut protéger à tout prix les populations
innocentes, qu'il faut faire appel aux aînés de la
communauté lorsque nous menons des opérations de recherche
et toujours avoir un agent de police féminin dans nos équipes
lorsqu'on a affaire à des femmes dans ce genre d'opérations.
"
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Des enfants pendant
la prière du matin |
Une petite fille de huit ans vient de trouver sa voie dans la communauté
de " Prayas " en plein essor (ce qui veut dire l'effort).
Sa mère gagne 1 300 roupies (environ 28 dollars) par mois et
s'occupe de trois autres filles dans sa petite maison située
dans un bidonville à la périphérie de New Delhi.
Dans le centre Prayas destiné aux enfants très pauvres,
cette fillette recevra une éducation, des repas réguliers
et l'espoir de faire quelque chose de sa vie - malgré son bras
amputé. Dans une autre partie de la capitale, un groupe de
chercheurs réuni dans un petit bureau ordinaire épluche
les rapports des médias et rencontre des " sources "
afin de recueillir des données sur la torture et les exécutions
extrajudiciaires. Tandis que les médias locaux sont en émoi
à cause des images choquantes d'un nouveau-né qui meurt
devant l'un des meilleurs hôpitaux d'Inde, les photographes
persuadent la mère éperdue de découvrir le petit
paquet enveloppé sur ses genoux pour prendre des photos et
les montrer au public.
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Dans
une bibliothèque
(à droite) d'un centre Prayas à New Delhi. |
En même temps, les citoyens sont divisés sur l'envoi
d'une armée de bulldozers sur ordre de la plus haute Cour
pour détruire des parties " non autorisées "
d'immeubles résidentiels et commerciaux dans les enclaves
où vit la classe moyenne. Certains veulent la tête
des autorités municipales pour avoir " autorisé
" la construction de ces immeubles. " C'est mon lieu de
résidence et je vous interdis de le démolir ",
dit une jeune fille en brandissant ses deux poings en direction
de deux agents de police assis en haut d'une grue tentant de la
persuader de quitter son balcon pour qu'ils puissent faire leur
travail.
" C'est notre droit ", dit-on partout, attitude témoignant
d'une prise de conscience nouvelle stimulée par les médias,
avec la coopération des institutions des droits de l'homme
- une communauté composée d'organisations non gouvernementales
exceptionnellement dévouées et de célébrités
très engagées dans les causes philanthropiques et
sociales.
Les débats publics sont centrés sur la justice, que
ce soit la petite amie présumée d'un terroriste international
que l'Espagne vient d'extrader vers l'Inde ou le retrait de l'ancien
capitaine de l'équipe nationale de cricket, pour lequel un
débat était prévu même au Parlement.
Les Indiens prennent conscience de leurs droits et sont prêts
à se battre pour les défendre. " Tout le monde
parle de droits, mais peu en connaissent le processus. La prise
de conscience est donc incomplète ", indique Archana
Chaturvedi, de l'Indian Social Institute, qui publie plusieurs magazines
sur les questions des droits de l'homme, les femmes et la société
civile. " Et le groupe le plus vulnérable ce sont les
femmes. Elles doivent se familiariser avec le processus ",
ajoute-t-elle.
" Les lois sont là mais pas la prise de conscience
", soutient Sadhana Ramachandran, une avocate mettant en pratique
la loi des droits de l'homme depuis les dix dernières années.
" Les lois sur l'héritage des femmes, la violence familiale
et la dot existent mais il faut tout de même éduquer
les gens en la matière ", ajoute-t-elle. Les enfants,
ainsi que les femmes, paient le plus lourd tribut des problèmes
sociétaux et économiques, même si tous les droits
sont garantis par la Constitution du pays. " Le droit de faire
appel à la Cour suprême pour violation d'un droit fondamental
est maintenant presque un droit fondamental ", dit-elle, le
soutien institutionnel vient donc d'en haut. " La volonté
politique manque peut-être dans cet effort. En Inde, il y
a autant d'enfants qui travaillent que d'adultes au chômage.
Pourquoi ne pouvons-nous pas adopter des politiques pour inverser
ces deux situations et envoyer ces enfants à l'école
? Il faut sensibiliser la police, les forces armées et l'appareil
judiciaire pour pouvoir mettre en uvre les droits de l'homme
dans notre pays ", poursuit-elle.
" La torture pendant la garde à vue et les exécutions
extrajudiciaires sont un problème majeur en Asie du Sud ",
explique Rineeta Naik, du Centre de documentation des droits de
l'homme en Asie du Sud. " J'en veux pour preuve le nombre de
plaintes reçues à la Commission nationale des droits
de l'homme en Inde (NHRC, en anglais). " L'une des causes principales
de la persistance de ces violations est l'absence de responsabilité.
Certaines lois accordent l'immunité aux autorités
publiques, précise-t-elle, et, en vertu de la loi de 1958
relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées,
tous les membres des forces de sécurité sont autorisés
à faire un usage illimité de la force, et sans avoir
à rendre de comptes, pour mener à bien leurs opérations
dans les lieux déclarés dangereux. Même un agent
non assermenté est autorisé à tirer et à
tuer s'il considère que c'est nécessaire pour "
maintenir l'ordre public ". La NHRC n'est pas autorisée
à enquêter indépendamment sur les violations
commises par l'armée, ce qui constitue une lacune importante
dans l'administration de la justice.
Depuis quelques années, la Commission cherche à renforcer
son pouvoir pour fournir un soutien plus efficace aux droits des
citoyens. A.S. Anand, un juge (à la retraite) et président
de la NHRC, est partisan de placer la Commission au premier plan
de la bataille de la prévention des violations des droits
de l'homme dans le pays et, avec 75 000 cas enregistrés en
2004, la tâche est herculéenne.
Selon Mondeep Tiwana, coauteur d'une " brochure du citoyen
" sur les commissions des droits de l'homme, les domaines de
réforme qui sont largement soutenus sont les pouvoirs conférés
à la commission et les nominations. " Bien que la NHRC
ait été établie en vertu de la loi de 1993
sur la protection des droits de l'homme, elle n'est pas entièrement
conforme aux principes de Paris. Alors que les commissions devraient
être dotées d'un mandat le plus large possible, la
NHRC n'est habilitée qu'à proposer des recommandations
au gouvernement ", dit-il, ajoutant que " celles-ci devraient
avoir force obligatoire pour renforcer l'efficacité et aider
les victimes de violations et leur famille. Les enquêtes et
les poursuites menées par les autorités sont très
inadéquates, à la fois dans le centre de l'Inde et
dans différents États ". Actuellement, 16 États
ont constitué des commissions en vertu de la loi de 1993.
" Leur efficacité peut aussi être affectée
par un personnel incompétent; de plus, sur 75 000 cas, un
grand nombre de plaintes sont futiles ", estime M. Tiwana.
Selon lui, les violations " graves " des droits de l'homme
auxquelles l'Inde s'attaque concernent les décès pendant
une garde à vue, la torture par l'armée et la police,
la traite des femmes et des enfants ainsi que les mauvais traitements
infligés aux enfants.
Mais ce n'est pas tout, estime Lola Nayyar, qui écrit sur
le développement depuis 20 ans. " La violence contre
les individus n'est pas la seule violation des droits humains -
elle apparaît dès le plus jeune âge, lorsqu'un
enfant naît et ne reçoit pas les soins médicaux
appropriés que le gouvernement a promis de fournir gratuitement.
L'enfant grandit et les violations continuent, que ce soit en matière
d'éducation, d'accès à l'eau potable, de pollution
ou de possibilité de vivre dans une société
sans risque ", affirme-t-elle, ajoutant que même une
route dangereuse pour les piétons ou les automobilistes est
une violation du droit des citoyens et que l'État, incapable
de fournir aux citoyens ces infrastructures de base, est le véritable
coupable.
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