Chronique ONU
APPRENDRE AUX FEMMES AFGHANES
À SE PRENDRE EN CHARGE

Par Sakena Yacoobi

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L'article
Photos/AIL/CHI

Analphabète, je suis une daya (une sage-femme tradi-tionnelle) dans mon village. Une nuit, on est venu me chercher pour aider une femme à accoucher.

La femme avait perdu beaucoup de sang mais je ne savais pas comment faire pour y remédier. On a donc fait venir une sage-femme. Il était minuit. La situation était très critique, mais l'accouchement s'est bien déroulé. Depuis que j'ai suivi une formation à l'Institut afghan de formation (Afghan Institute of Learning - AIL), je comprends mieux certaines choses. Je peux mettre en pratique les connaissances que j'ai acquises et mieux aider les femmes de mon village ", a expliqué Seema. Comme des millions d'autres femmes afghanes, elle connaît trop bien les dangers qui peuvent survenir durant la grossesse et l'accouchement.

Le taux de mortalité maternelle en Afghanistan est l'un des plus élevé du monde. En matière d'accès aux soins de santé, les femmes afghanes font face à de nombreux obstacles. La plupart d'entre elles habitent dans des zones rurales isolées, loin des dispensaires, ceux existants n'étant pas toujours spécialisés dans les soins obstétriques et gynécologiques. Nombreuses sont les familles qui ne sont pas capables de reconnaître les signes de complication durant la grossesse et l'accouchement et font appel à une aide médicale trop tard pour sauver la vie de la mère et de l'enfant. L'insécurité qui règne dans le pays ainsi que les traditions culturelles empêchent également les femmes de quitter leur maison pour recevoir les soins médicaux nécessaires. À cause des contraintes culturelles, les familles sont peu disposées à ce que les femmes consultent un médecin homme; or, il y a peu de femmes médecins formées pour répondre aux immenses besoins médicaux des femmes : cette situation constitue chaque année une sentence de mort pour des milliers de femmes.

On estime qu'en Afghanistan, environ 25 % des enfants meurent avant l'âge de cinq ans de maladies évitables. Selon l'Organisation mondiale de la santé, dans ce pays les enfants risquent de mourir de maladies diarrhéiques responsables de 20 à 40 % des décès des enfants de moins de cinq ans, soit 85 000 enfants par an. La diarrhée est également une cause significative de malnutrition, un facteur important qui contribue au décès des enfants causés par d'autres maladies.

Photos/AIL/CHI

Avec l'appui du Fonds des Nations pour la population (FNUAP), l'Institut répond aux besoins de santé des femmes et des enfants en Afghanistan. En 2002, il a créé des centres de formation pour les femmes (Women's Learning Centers - WLC), un mécanisme destiné à aider les femmes isolées à accéder aux services de soins de santé et à l'éducation à la santé. Ces centres fournissent des services réduits dans des lieux choisis par la communauté, près du domicile des femmes afin d'assurer leur sécurité. Lors de leur création, les préférences culturelles sont également respectées; par exemple, les hommes ne sont pas admis à moins qu'ils ne soient autorisés par la communauté. Ces centres ont été un tel succès que l'initiative a été reprise par AIL, des organisations non gouvernementales et le gouvernement afghan dans les camps de réfugiés en Afghanistan et au Pakistan. Le ministère afghan des Affaires féminines s'attache à créer ces centres dans chaque province du pays.

Le FNUAP et AIL sont convaincus que l'accès des femmes à l'éducation de base leur permet d'être mieux préparées à faire les choix qui protègent leur santé et celle de leur famille. Ces deux organisations fournissent chaque année à des dizaines de milliers de femmes et d'enfants en Afghanistan des soins de santé et l'éducation à la santé et forment des professionnelles de la santé qui continuent à fournir ces services.

L'Institut apporte son appui à trois dispensaires dans les zones rurales du pays, chacun disposant d'une unité mobile. Aucun hôpital n'étant à proximité, les dispensaires font office d'hôpitaux. Ils fournissent une grande variété de services et répondent chaque mois aux besoins d'environ 6 600 personnes : examens médicaux, médicaments, soins des blessures, soins dentaires, soins prodigués par des sages-femmes, vaccination, soins d'urgence, analyse de laboratoire, petite chirurgie, éducation à la santé, planification familiale et soins néo-natals. Le dispensaire d'AIL à Mir Bacha Kot fournit des services aux enfants souffrant de malnutrition et éduquent les mères. Tous les dispensaires d'AIL mettent l'accent sur les services de santé reproductive et fournissent chaque mois à plus de 1 500 femmes des services de planification familiale, des soins prénatals et postnatals ainsi que d'autres services de soins de santé.

L'Institut encourage les pratiques de santé positives en promouvant l'intégration de l'éducation à la santé dans les cours donnés dans toutes les WLC et les écoles gérées par AIL. Les étudiants apprennent comment protéger leur santé en adoptant des mesures adéquates d'hygiène, en utilisant de l'eau potable, en se faisant vacciner et en prenant des médicaments lorsqu'il le faut. De même, toutes les patientes des dispensaires d'AIL reçoivent une éducation de base. Des cours de une à deux heures les informent de maladies spécifiques comme la diarrhée ainsi que d'autres questions de santé. Plus de 40 % des cours d'éducation à la santé donnés dans les dispensaires sont consacrés à la santé reproductive des femmes et à des questions, telles que la planification familiale, la nutrition, la vaccination et l'allaitement maternel.

L'éducation à la santé est essentielle pour réduire l'incidence de la mortalité maternelle, infantile et juvénile en Afghanistan. Beaucoup prennent des décisions fondées sur des superstitions ou des croyances populaires, ce qui a des conséquences dramatiques sur la santé des femmes et des enfants. Par exemple, des femmes n'allaitent pas leur bébé parce qu'elles pensent que leur lait n'étant pas sain, il rendrait leur bébé malade. Beaucoup de parents ne connaissent pas les bienfaits de l'allaitement, ne donnent pas à leurs enfants une nourriture riche en vitamines et ne les font pas vacciner lorsqu'ils sont malades.

Le programme d'éducation à la santé de l'Institut a permis d'améliorer les pratiques de santé. Avec le soutien du FNUAP, AIL a créé en 2004 un atelier intensif de cinq jours sur la santé reproductive afin d'éduquer les femmes sur la grossesse et l'accouchement. Au total, 500 femmes y ont assisté, dont des enseignantes et des professionnelles de la santé qui diffuseront ces informations importantes dans le cadre de leur travail. Les participantes sont très reconnaissantes de cette formation qui leur a permis de s'informer sur des sujets divers comme l'accouchement, l'allaitement et la planification familiale. " La grossesse m'effrayait " a déclaré une participante, " mais après cet atelier, je n'ai plus peur. Je peux mettre en pratique ce que j'ai appris. Je remercie l'Afghan Institute of Learning et ses instructeurs qui ont tant fait pour améliorer notre prise de conscience. "

En Afghanistan, les femmes ont besoin de services de santé pour prévenir les problèmes futurs. Un personnel médical féminin compétent est aussi nécessaire pour continuer à fournir ces services de santé vitaux et éduquer les générations futures. Le cours supérieur d'AIL préparant à la profession d'infirmière, de sage-femme et d'éducatrice de la santé développe une base de professionnelles de santé destinée à servir des milliers de patientes chaque année, tout en améliorant l'accès des femmes aux soins de santé. Durant le cours intensif de neuf mois, les étudiantes abordent plus de 100 sujets allant des soins d'urgence à la physiologie et font des stages pratiques dans les hôpitaux et les dispensaires locaux. À ce jour, 55 femmes sont diplômées. Quelques-unes se sont inscrites à la faculté de médecine à l'université de Kaboul et ont été dispensées de nombreux cours en raison de leur formation à l'AIL.

Le FNUAP soutient l'approche de l'Institut visant à améliorer la santé et le bien-être des femmes et des filles en améliorant leur accès à l'éducation à la santé et aux soins de santé. Celles qui reçoivent les soins de santé nécessaires durant leur vie jouissent d'une meilleure santé et sont mieux armées pour faire face aux périodes critiques comme la grossesse et l'accouchement. Elles sont à même de prendre les meilleures décisions concernant leur santé et celle de leur famille.

Grâce aux programmes d'éducation respectueux des valeurs culturelles afghanes, AIL a amélioré l'accès des femmes à l'éducation et a instauré la confiance parmi les femmes, leur famille et leur communauté. Il a ainsi pu aborder des sujets controversés et fournir des services tels que la planification familiale sans subir les réactions conservatrices qu'ont rencontrées d'autres organisations similaires. AIL mettra sur pied un nouveau programme seulement si une communauté le demande ou y participe. Les communautés ont contribué au développement des centres et des dispensaires AIL en offrant des terrains et des locaux, en aidant à assurer la sécurité et en faisant des dons en nature afin de garantir le succès du programme. Les leaders de la communauté et les femmes donnent leur avis sur les cours et les services dont ils ont besoin et sur la meilleure manière de les fournir.

Le FNUAP aide l'Institut à fournir des soins en respectant les normes culturelles afin d'aider les femmes à accoucher dans de bonnes conditions et à élever leurs enfants pour en faire des citoyens responsables. Il a également offert des soins de survie et l'éducation à la santé à des milliers de femmes et d'enfants, sauvé d'innombrables vies et mis au point un modèle pour toucher les femmes et leur fournir les services de santé reproductive nécessaires malgré les barrières culturelles.

 

 

Biographie
Sakena Yacoobi est fondatrice et directrice exécutive de l'Afghan Institute of Learning. Elle a reçu, avec l'Institut, le prix de la démocratie 2005 du National Endowment for Democracy et le prix des droits de la femme 2004 de la Peter Gruber Foundation.
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