Un an après une série de catastrophes naturelles,
l'aide commence à montrer des signes d'essoufflement. Parallèlement
aux dons sans précédent collectés après
le tsunami et le cyclone " Katrina ", beaucoup ont demandé
que soient apportés davantage de preuves de l'efficacité
de l'aide. Ce domaine est peu connu et peu couvert. Comment évaluer
l'efficacité dans ce genre de situation ? Comment créer
des points de référence et des mesures quand les catastrophes
surviennent dans un contexte entièrement différent,
quand le terrain, les ressources, l'accès et les lois sont
différents ?
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Fritz
Institute photo |
Régulièrement, les organisations d'aide évaluent
leurs propres performances, principalement en recueillant des informations
auprès des fournisseurs de l'aide humanitaire sur le terrain
et en amont dans les bureaux nationaux, régionaux et aux
sièges des institutions avec, parfois, la participation des
donateurs. Or, cette approche présente deux problèmes.
D'abord, ces évaluations sont rarement consolidées
et il est difficile de dresser un tableau général
de la situation pour le secteur. Il n'est donc pas facile d'institutionnaliser
les leçons apprises auprès des organisations. La Tsunami
Evaluation Coalition vise à consolider les évaluations
de performance non confidentielles et volontaires des organisations
qui ont participé aux opérations de secours.
Le deuxième problème concerne l'incapacité
de lier l'aide fournie et l'aide reçue. L'aide a-t-elle été
reçue au moment opportun, répondait-elle aux besoins
? A-t-on respecté la dignité de ceux qui l'ont reçue
? Pour traiter cette question, il a été proposé,
lors de l'Humanitarian Impact Conference, organisée en juin
2004 par le Fritz Institute et soutenue par la Fondation Hewlett
et la Fondation Gates, de demander le point de vue des premiers
intéressés. On considérait que, quelles que
soient les contraintes en amont, les informations recueillies auprès
des victimes pourraient améliorer la fourniture des services
humanitaires.
Cette approche a vu le jour après le tsunami, en décembre
2004, dans deux grandes études quantitatives réalisées
par le Fritz Institute et TNS India, qui possède des bureaux
affiliés dans les pays touchés par le tsunami. Dans
le cadre de la première étude, réalisée
60 jours après la catastrophe, on a demandé à
1 406 familles dans 197 villages en Inde et au Sri Lanka d'évaluer
les secours qu'elles avaient reçus 48 heures et 60 jours
après le tsunami. La deuxième étude, réalisée
neuf mois après la catastrophe, a été menée
auprès de 1 800 familles dans 191 villages. Toutes les études
ont été réalisées dans les langues locales,
le tamil et le singhalais, par des chercheurs compétents.
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Fritz Institute
photo |
En Inde, les secours, pendant les premières 48 heures, ont
été principalement fournis par la communauté
locale (47 %), puis par le gouvernement (23 %). Au Sri Lanka, la
situation a été très différente. Les
services ont été initialement fournis par l'aide extérieure
(72 %), la présence gouvernementale étant particulièrement
faible (8 %). On a demandé aux personnes interrogées
d'évaluer les secours reçus dans les premières
48 heures en indiquant leur note de satisfaction sur une échelle
de cinq points allant de très mauvais (1) à très
bons (5) : 3,8 en Inde contre 2,9 au Sri Lanka. Il est intéressant
de noter que les niveaux de satisfactions étaient les plus
élevés dans les zones les plus touchées de
l'Inde et les plus bas dans les zones les plus touchées du
Sri Lanka.
Tandis que certaines de ces variations pouvaient être liées
à la gravité de l'impact, qui a été
plus fort au Sri Lanka, ce sondage souligne également l'importance
de la préparation de la communauté locale et de l'efficacité
du gouvernement. Le gouvernement indien avait entrepris d'importantes
mesures après le tremblement de terre dans le Gujarat en
2001, en mettant en place des programmes de préparation aux
catastrophes destinées aux communautés côtières
établies dans les zones à risque. En revanche, le
gouvernement sri-lankais a été lent à réagir
et le niveau de préparation a été faible, le
pays n'ayant jamais connu une catastrophe naturelle de cette ampleur.
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Photos HCR |
Les familles interrogées dans les deux pays ont dit avoir
reçu une aide relativement importante pour ce qui est de
la nourriture, de l'eau et des vêtements durant les deux premiers
jours suivant le tsunami. En Inde, 91 % des personnes interrogées
ont reçu une aide alimentaire, 85 % de l'eau potable et 66
% des vêtements. Au Sri Lanka, 78 % ont reçu de la
nourriture durant les premières 48 heures, 70 % de l'eau
potable et 52 % des vêtements. Cependant, malgré une
fourniture importante de ces secours, certains services cruciaux
étaient insuffisants. Moins de la moitié des personnes
interrogées en Inde (48 %) ont cité les efforts de
recherche et de sauvetage après la catastrophe et seulement
15 % ont mentionné les travaux de déblaiement, tandis
qu'au Sri Lanka les rescapés ont signalé des niveaux
encore plus bas, 31 % pour les efforts de recherche et de sauvetage
et seulement 8 % pour les travaux de déblaiement. Certains
ont considéré que l'absence de ces services a fait
encore plus de victimes. " Nous pensons que certains auraient
pu survivre si des recherches avaient été entreprises
le premier jour ", a commenté un survivant. Les soins
médicaux, relativement bien distribués en Inde (66
%), ont été accessibles au Sri Lanka à seulement
un tiers des personnes interrogées au cours des deux jours
suivant le tsunami.
Ces résultats peuvent être utiles pour les gouvernements
alors qu'ils évaluent le type de services à fournir
dans les régions particulièrement vulnérables
aux catastrophes. Tandis que les services de base comme la nourriture,
l'eau et les abris peuvent être fournis par les communautés
locales ou nationales, il est important que les services spécialisés,
tels que la recherche des personnes disparues, les travaux de déblaiement
et l'aide médicale, soient planifiés de manière
systématique. Les résultats du sondage indiquent clairement
que l'organisation (la distribution) et la nature des secours (la
rapidité et la qualité) sont de la plus haute importance
pour les victimes.
Alors que les familles interrogées se sont déclarées
très satisfaites des services fournis par les organisations
humanitaires, beaucoup ont été humiliées par
la manière dont s'est déroulée la distribution,
considérant avoir été traités comme
des mendiants, et par la qualité médiocre et le type
inapproprié de la nourriture et des vêtements fournis.
Des rescapés, se sentant humiliés, auraient refusés
l'aide. Ce fut, par exemple, le cas pour la distribution de vêtements
: 55 % des familles interrogées en Inde se sont senties atteintes
dans leur dignité, 33 % au Sri Lanka. Beaucoup ont rapporté
que les vêtements étaient usagés ou en mauvais
état, d'autres qu'ils n'étaient pas appropriés
aux normes culturelles locales. " Nous avons cherché
dans une pile de vêtements; il n'y avait pas un seul sari,
que des churidars [pantalons] ", a commenté une Indienne
interrogée. Pour d'autres, les vêtements n'étaient
pas appropriés aux conditions locales. Au Sri Lanka, une
personne a répondu que " les vêtements venant
de l'étranger ne convenaient pas aux conditions climatiques
".
Sur la question de l'impartialité, les familles interrogées
ont cité des cas où l'aide a été distribuée
selon des raisons politiques, religieuses ou sociales. Alors qu'il
est difficile d'évaluer l'inégalité dans la
distribution, les personnes interrogées ont rapporté
des cas où les élites locales ont détourné
les matériels de secours à leur profit ou ont pris
le contrôle de leur distribution. Ceci soulève des
questions sur le déroulement de la distribution de l'aide,
le type de secours et la cohérence des interventions fournies
par de multiples fournisseurs. Il sera probablement utile d'engager
des discussions et d'examiner les processus de distribution alors
que le secteur cherche à améliorer leur efficacité.
Le tsunami a eu un impact important sur les moyens d'existence
des populations touchées. Au Sri Lanka, 59 % des personnes
interrogées ont déclaré avoir perdu plus de
50 % de leurs revenus familiaux et 30 % entre 76 et 100 %. En Inde,
47 % des personnes interrogées ont indiqué une diminution
de plus 50 %, 17 % estimant la perte entre 76 et 100 %. Neuf mois
après la catastrophe, nous avons demandé aux familles
d'évaluer leur satisfaction concernant les efforts des organisations
de secours pour rétablir leurs moyens d'existence. Il était
intéressant de voir que les réponses ont varié
largement en fonction de la région et du type de secours.
Au total, 24 % des personnes interrogées au Sri Lanka se
sont déclarées satisfaites des mesures prises par
les organisations non gouvernementales internationales pour rétablir
les moyens d'existence contre 20 % par les ONG locales, les services
fournis par le gouvernement ne recueillant qu'un faible pourcentage
(8 %). Tandis qu'à Hambantota et à Batticaloa, 16
% des familles touchées ont dit apprécier les efforts
du gouvernement, à Ampara, à Trincomalee et à
Jaffna, plus de 90 % se sont déclarés non satisfaits.
D'autre part, à Trincomalee et à Batticaloa, plus
d'un tiers des familles se sont dites satisfaites des services des
ONG internationales, tandis qu'à Ampara, 91 % ont indiqué
leur insatisfaction contre 74 % à Hambantota. De même,
à Ampara, à Matara et à Hambantota, une importante
proportion des familles touchées a dit être insatisfaite
des efforts des ONG locales pour rétablir les moyens d'existence.
En Inde, les sondages ont donné des résultats contraires.
Dans la majorité des districts, les mesures prises par le
gouvernement pour rétablir les moyens d'existence ont été
considérées plus satisfaisantes que celles prises
par les ONG internationales et locales. Cependant, ces résultats
varient selon les districts.
Ces résultats fournissent une base permettant une meilleure
analyse des niveaux de satisfaction et l'examen d'approches différentes
pour rétablir les moyens d'existence et mieux répondre
aux besoins. Ceux qui reçoivent les secours peuvent être
une source d'informations utiles sur l'efficacité relative
des secours à court et à long terme après une
catastrophe. Associées aux autres données, les informations
recueillies peuvent permettre d'identifier les succès relatifs
de certaines approches du secours et du développement.
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