|
Face
à face sur la prévention de sida dans une usine
à Amman, en Jordanie. Une employée rencontre une
agent du ministère de la santé. Photo ONU |
Dans un entretien accordé à la British Broadcasting
Corporation en 2003, le Secrétaire général
Kofi Annan a souligné que le plus grand groupe démographique
touché par la pandémie du VIH/sida était les
femmes. Prenant compte de ces réalités, il a déclaré
: " Des organisations de femmes sont organisées au niveau
local et c'est très important, parce qu'aujourd'hui, en Afrique,
le sida a le visage d'une femme [...] Souvent, ce sont des victimes
innocentes. "
Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, en Afrique sub-saharienne
où la prévalence de la maladie est la plus élevée,
pour deux filles infectées (de 15 à 24 ans) on compte
un garçon, tandis que dans la plupart des pays touchés,
la proportion est de 5 à 6 filles (15 à 19 ans) pour
un garçon infecté dans la même catégorie
d'âge. En 2004, le Programme commun des Nations Unies sur
le VIH/sida (ONUSIDA) a publié un rapport indiquant que les
femmes représentaient près de 50 % du nombre d'adultes
vivant avec le virus dans le monde, dont près de 60 % en
Afrique sub-saharienne.
Dans son rapport intitulé Dans une liberté plus grande
: vers le développement, la sécurité et les
droits de l'homme pour tous, le Secrétaire général
a souligné deux impératifs : faire appel à
une plus grande volonté politique pour formuler et accélérer
les décisions politiques liées à la maladie
et acroître le soutien financier au Fonds mondial de lutte
contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Des actions
adéquates sont donc nécessaires pour réaliser
l'Objectif du Millénaire pour le développement (OMD)
qui vise à combattre le VIH/sida et d'autres maladies avec,
comme principal objectif, inverser la tendance, stopper la propagation
de ces maladies et réduire les taux de mortalité d'ici
à 2015. Le rapport encourage les dirigeants des États
Membres à donner la priorité aux initiatives liées
au VIH/sida, ce qui nécessite une plus grande sensibilisation
sur la maladie tout en luttant contre la stigmatisation. "
Si nous avons appris quelque chose au cours de ces deux dernières
décennies, c'est que, dans le monde du sida, le silence tue
", a déclaré le Secrétaire général
le 15 janvier 2004 lors du lancement de l'Initiative mondiale "
Médias contre sida ". " Le silence équivaut
à la mort " est devenu un slogan.
L'allocation de ressources pour combattre le VIH/sida démontrerait
l'existence d'un relais qui permettrait de traiter et de prendre
en charge les personnes atteintes du virus conjointement avec des
interventions à grande échelle, telles que des programmes
de prévention, des services de conseils et d'informations,
un activisme de la communauté, une sensibilisation du public
sur la maladie, une distribution plus équitable des médicaments.
Il faut, d'autre part, encourager d'autres options telles que la
contraception, l'abstinence et l'utilisation des préservatifs.
Les efforts des institutions, telles que la recherche et le développement
dans les sciences de base et les sciences cliniques, sont également
nécessaires.
Peu d'autres questions n'ont illustré aussi bien que la
pandémie du VIH/sida l'impact des disparités entre
les sexes. Les sociétés africaines sont parmi celles
qui doivent faire leur autocritique et entreprendre des réformes
pour limiter le pouvoir patriarcal et ses conséquences néfastes
sur les femmes. Un plan d'action a été conçu
dont un des objectifs est de " promouvoir l'égalité
entre les sexes et l'autonomisation des femmes ". Réduire
les inégalités a un effet direct sur la menace que
le VIH/sida pose aujourd'hui aux hommes, aux femmes et aux enfants.
En 2005, on estime qu'environ 8 200 personnes meurent du sida chaque
jour et que le nombre de femmes infectées a augmenté
dans toutes les régions du monde depuis 2002. Selon ONUSIDA,
de 2002 à 2004, l'Asie de l'Est a connu une augmentation
de 56 % du nombre de femmes vivant avec la maladie, suivie de près
par l'Europe de l'Est et l'Asie centrale (48 %).
Les femmes sont plus vulnérables que les hommes et ont deux
fois plus de chances d'êtres infectées au cours des
relations sexuelles. Ce risque est souvent aggravé par le
style de vie et les comportements des hommes. Par exemple, le refus
de nombreux Africains d'utiliser un préservatif vient de
l'idée que la masculinité se manifeste par la fécondation
et la maternité. Les femmes se heurtent à des difficultés
lorsqu'il s'agit de négocier l'usage d'un moyen contraceptif
avec leurs partenaires en raison du rôle qui leur est dévolu
dans leurs rapports et au sein de leur couple. Une étude
de 2004, citée par ONUSIDA, a révélé
que seulement 11 % des femmes zambiennes considéraient qu'elles
avaient le droit de demander à leur partenaire d'utiliser
un préservatif, même si celui-ci les avait trompées
et étaient séropositifs. Il est toutefois évident
que le mariage n'est pas une garantie de protection contre les risques
d'exposition et de transmission.
Les sociétés patriarcales sont fondées sur
la supériorité, la domination et le pouvoir des hommes.
Pour ce qui est des questions liées au sexe et aux autres
questions domestiques, les femmes doivent s'en remettre à
l'autorité de leur mari. Et celles qui veulent utiliser un
contraceptif, préconisent l'abstinence ou le dépistage
du sida font souvent face au refus, à la menace de la violence
ou du divorce, aux calomnies de la part de leur famille et à
leur rejet par la communauté. De plus, nombre de femmes et
de jeunes filles dans le monde se prostituent en échange
de services et de biens de base ou contre de l'argent. Cette forme
de sexe de transaction particulièrement prévalente
en Asie, dans les Caraïbes et en Afrique subsaharienne conduit
souvent à d'autres formes d'esclavage et de coercition. Ces
préjugés fondés sur le sexe engendrent également
la pauvreté et un manque d'opportunités en matière
d'éducation et d'emploi pour les femmes qui, parfois, ont
recours à la prostitution pour gagner leur vie. La violence
ou la menace de la violence est une caractéristique du commerce
du sexe.
ll est incontestable que les femmes jouent un rôle important
dans la transmission et leur participation ne doit pas être
négligée. Ceci souligne l'importance de l'éducation,
du dialogue et de la prévention pour les hommes et pour les
femmes. Toutefois, les femmes continuent de pourvoir aux besoins
de leur famille, y compris élever leurs enfants, cultiver
les champs et s'occuper d'autres tâches ménagères,
ce qui les empêche de poursuivre leurs études et d'accéder
à l'indépendance financière et à des
emplois rémunérateurs.
La Déclaration d'engagement sur le VIH/sida de 2001, intitulée
À crise mondiale, action mondiale reconnaît les stratégies
mondiales qui permettraient de réduire collectivement la
vulnérabilité des femmes à la maladie. Elle
fait état que les facteurs qui doivent être supprimés
comprennent " la discrimination et toutes les formes de violence
contre les femmes et les filles, y compris les pratiques traditionnelles
et coutumières néfastes, les sévices, le viol
et autres formes de violence sexuelle, les voies de fait et la traite
des femmes et des filles ". Elle souligne également
" la participation active des hommes et des garçons
" comme élément vital de l'autonomisation des
femmes ainsi que la campagne contre le sida, qui sont irrévocablement
liées entre elles.
Même si l'éducation formelle n'est pas disponible
dans tous les pays du monde, en particulier dans les pays en développement,
une plus grande liberté des femmes susciterait des discussions
productives sur les tabous et les questions difficiles, telles que
la sexualité, l'utilisation de préservatifs et le
VIH/sida. Un plus grand leadership au niveau local, le recours aux
contes traditionnels, le bouche-à-oreille et les réunions
de groupe informelles avec les travailleurs de la santé,
parmi d'autres initiatives, serviraient de forums pour tirer les
leçons des échecs du passé et favoriser les
succès futurs.
Au-delà de la
prévention du VIH/sida
Selon ONUSIDA, pour un grand nombre de femmes
vivant dans les pays en développement, l'ABC de la
prévention - l'abstinence, la non-promiscuité
et l'utilisation de préservatif - n'offre pas une protection
optimale contre le VIH/sida. Des mesures énergiques
doivent être prises par l'ensemble de la société
mondiale afin d'assurer un traitement efficace, la prévention
et l'éradication du virus. Faute de soins, la prolifération
de la maladie risque d'ouvrir la boîte de Pandore et
son lot de problèmes sociaux, tels que la prévalence
de la transmission du virus entre la mère et l'enfant.
ONUSIDA prévoit qu'entre 2002 et 2010,
45 millions de personnes seront infectées à
moins que les taux de transmission ne soient considérablement
réduits. Autre prévision : l'augmentation drastique
du nombre d'orphelins et de foyers monoparentaux. On compte
actuellement 14 millions de cas de ce type dans le monde.
Faute d'une plus grande sensibilisation et d'une prévention
plus systématique, le virus continuera de se transmettre
par des rapports sexuels sans protection, en particulier chez
les jeunes ayant plusieurs partenaires.
L'augmentation du nombre de décès
entraînera une altération de la structure par
âge de la population et un déséquilibre
des familles, principalement dus à la dissolution de
la famille étendue. La menace de destruction de la
cellule familiale, où les plus jeunes sont pris en
charge par les adultes, sera un fardeau dans les secteurs
de l'éducation et des soins de santé. Les pays
pauvres très endettés qui ne sont pas en mesure
de fournir une aide sociale conséquente aux victimes
du sida et à leur famille seront particulièrement
touchés de plein fouet.
Bonne nouvelle au tableau : des chercheurs
travaillent sur le développement d'un nouveau produit
qui offre aux femmes une protection contre les maladies sexuellement
transmissibles et le VIH/sid et pourrait leur permettre d'éviter
des grossesses non désirées. Il s'agit des microbicides.
Introduits dans le vagin, ils permettront aux femmes de se
protéger, en toute autonomie et sans avoir à
négocier avec leur partenaire l'utilisation du préservatif.
Pratiquement invisibles pendant l'utilisation, ils permettraient
d'éliminer les stigmates et autres problèmes
associés à l'usage du préservatif. Toutefois,
ces microbicides n'offrent pas une protection totale contre
le VIH/sida, mais ils permettraient au moins aux femmes d'exercer
un plus grand contrôle. Selon la Campagne mondiale pour
les microbicides, les chercheurs estiment que même efficace
à 60 %, ce produit pourrait prévenir 2,5 millions
d'infections en trois ans parmi les populations des pays en
développement.
|
|