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ONU |
Le 27 octobre 2005, le Conseil de sécurité a marqué
le cinquième anniversaire de l'adoption de la résolution
1325 (2000), un document historique qui traite de l'impact de la
guerre sur les femmes et souligne l'importance de la participation
de celles-ci dans tous les aspects des opérations de maintien
de la paix des Nations Unies. Les discussions ont porté sur
l'application de la résolution et 48 orateurs ont abordé
le sujet des femmes, de la paix et de la sécurité.
Rachel Mayanja, conseillère spéciale pour la parité
des sexes et la promotion de la femme, a présenté
le plan d'action 2005-2007 proposé par le Secrétaire
général en vue d'accélérer la résolution
1325 dans l'ensemble du système de l'ONU, disant que, depuis
son adoption, elle avait " fondamentalement changé l'image
des femmes qui sont passées du statut exclusif de victimes
de guerre à celui de participantes actives au processus de
paix".
Dubravka Marijanovic-Prolic est un exemple de cette évolution.
En 1992, elle a fui Sarajevo avec ses deux enfants pour se réfugier
dans un camp en Croatie, après que son mari a été
enlevé et son frère blessé par des snipers.
Ingénieur-architecte et urbaniste avec de nombreuses années
d'expérience, elle a trouvé un emploi quelques mois
plus tard au Haut Commissariat pour les réfugiés des
Nations Unies (HCR), où elle a créé le "
Projet Protection contre le froid ", comprenant la distribution
de revêtement en plastique pour couvrir les fenêtres
cassées, les murs endommagés et les toits détruits
des habitations des populations de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.
Elle travaille toujours avec les Nations Unies et est actuellement
Chef de l'unité des opérations à la section
des services d'ingénierie du Département des opérations
de maintien de la paix (DOMP) de l'ONU. Ses responsabilités
l'ont amenée à se rendre dans des pays comme l'Afghanistan,
Haïti, l'Irak et le Liberia où, entre autres, elle a
supervisé les travaux d'ingénierie et apporté
son appui aux missions politiques et de maintien de la paix spéciales.
Elle a dit à la Chronique ONU que depuis l'adoption de la
résolution 1325, elle avait constaté une augmentation
du nombre de personnels civils féminins employés par
le DOMP. Avec 15 femmes ingénieurs dans sa section, elle
n'est plus la seule femme ingénieur comme en 2001 : en 2005
un ingénieur sur trois est une femme - et ce, grâce
à ses efforts.
Même si elle s'est heurtée à des préjugés,
elle a souligné que les femmes agents de la paix ne devraient
pas prêter trop d'attention à ce genre de propos. Les
différences culturelles pouvaient souvent rendre difficile,
en particulier pour les hommes, d'accepter qu'une femme occupe un
poste de responsabilités, a-t-elle indiqué, ajoutant
qu'" ils n'ont rien contre vous, c'est seulement qu'ils n'ont
pas l'habitude ". Pendant son séjour en Afghanistan,
par exemple, les travailleurs locaux qu'elle supervisait l'appelaient
" sir ", ce qui indiquait qu'ils voulaient se montrer
respectueux envers elle mais qu'ils ne connaissaient simplement
pas l'équivalent féminin. Selon elle, il était
possible de combattre les préjugés avec professionnalisme
et détermination. Lorsqu'elle a été présentée
à l'Observateur militaire en chef de la Mission d'observation
en Géorgie, il a dit : " Dans mon armée, l'ingénieur
en chef mesure généralement 2 mètres, pèse
120 kilos et porte une moustache. " Puis, quand elle a supervisé
la construction d'un pont de 19 mètres en deux semaines,
tâche qui semblait impossible, et qu'elle s'est rendu compte
qu'elle n'avait pas besoin d'une moustache pour gagner le respect
de chef, ils sont rapidement devenus amis (voir photo ci-dessus).
" Nous essayons tout le temps d'être comme les hommes
- leurs égaux - mais je pense que nous sommes mieux qu'eux;
alors, tant d'énergie dépensée pour cela est,
à mon avis, inutile ", a commenté la petite ingénieur.
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Photo offerte
par Dubravka Marijanonic-Prolic |
Michelle Lee, coordinatrice de l'Assistance de l'ONU pour les procès
des Khmers rouges au Cambodge, a travaillé de 1998 à
2001 dans des missions de maintien de la paix de l'ONU dans des
pays comme la Bosnie-Herzégovine, l'Inde, la Namibie, le
Pakistan et la Sierra Leone. Elle a dit à la Chronique ONU
: " Pour n'importe quel membre féminin du personnel
qui travaille dans une mission de maintien de la paix de l'ONU,
la première épreuve consiste à se retrouver
dans un cadre de travail composé en majorité d'hommes.
Il vous faut apprendre non seulement à travailler avec eux
mais aussi à gérer les relations sociales. On travaille
et on vit avec eux pratiquement 24 heures sur 24, sept jours sur
sept. "
Elle a souvent l'impression d'être elle-même un agent
du maintien de la paix, ou " une zone tampon ", au sein
de la mission même, ses collègues masculins étant
nombreux à lui demander d'intervenir comme médiateur
dans les conflits internes. À son avis, cette disponibilité
des femmes est un atout pour les missions de maintien de la paix.
" Les populations locales composées surtout de femmes
et d'enfants préfèrent avoir affaire aux femmes plutôt
qu'aux hommes, car elles sont moins agressives et plus ouvertes.
Je pense qu'à cet égard, on peut être plus efficace
que nos collègues masculins ", a-t-elle fait observé.
Il est " important d'établir des relations avec la population
locale, de passer du temps avec elle, quand cela est possible ",
a-t-elle ajouté.
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Mme Lee pendant
sa dernière mission à Arusha. Photo offerte par
Mme Lee |
Lorsqu'elle était en mission au Pakistan, Mme Lee s'est
portée volontaire pour enseigner l'anglais au couvent local,
où elle a photographié toutes les résidentes
pour qu'elle gardent leur portrait en souvenir, car " je voulais
leur montrer qu'elles étaient belles ". Elle admet qu'elle
avait une autre idée en tête : " Ce que je voulais
vraiment leur enseigner, c'était d'être fières
d'être un être humain, parce que, dans cette société,
les femmes ne sont généralement pas traitées
en égales ".
Leur réticence à se séparer de leur mari ou
de leur partenaire et de leurs enfants explique en partie pourquoi
elles sont peu nombreuses dans les missions de maintien de la paix,
car " les femmes ont tendance à être plus affectées
que les hommes par cette séparation ", a-t-elle poursuivi.
Mme Lee, dont le mari est également agent de la paix de l'ONU,
a reconnu que travailler dans ces missions pouvait fragiliser les
relations. " Ce genre de vie ne convient pas à tout
le monde, à tous les mariages, parce que c'est vraiment difficile.
"
Comfort Lamptey, conseillère au DOMP sur la parité
des sexes, a dit à la Chronique ONU que son département
reconnaissait que les devoirs des femmes envers leur famille pouvaient
les décourager à faire partie des missions de la paix.
Elle a fait remarquer que le DOMP mettait actuellement au point
plusieurs propositions, y compris " faire des missions des
environnements plus propices aux femmes qui veulent y travailler
y participer ". Depuis l'adoption de la résolution 1325
en 2000, le DOMP a employé des conseillers sur la parité
des sexes à plein temps dans 10 des 17 missions de l'ONU.
Depuis août 2004, Mme Lamptey est chargée de fournir
une orientation et un soutien à ces conseillers. Ces nominations
illustrent l'engagement du DOMP à prendre en compte les questions
de parité des sexes mais il lui reste néanmoins à
atteindre l'objectif visant à ce que les femmes représentent
50 % du personnel civil. Dans le secteur civil des missions de maintien
de la paix, seulement 30 % du personnel international et 24 % du
personnel recruté à l'échelle nationale sont
des femmes. Toutefois, le pourcentage du personnel en uniforme est
difficile à évaluer car il varie selon le nombre de
personnels proposé par les États Membres mais il est
considérablement inférieur à celui du secteur
civil, a-t-elle indiqué. Le DOMP demande constamment aux
États Membres de déployer un plus grand nombre de
femmes mais " la réalité est que, dans de nombreux
pays, les femmes sont peu nombreuses à travailler dans les
services de la police militaire ou nationale ", a-t-elle expliqué.
Étant donné la nature transitoire de l'emploi dans
les missions, Mme Lamptey a souligné qu'" il faut continuer
à accroître la sensibilisation [sur les questions de
parité]. Elle est déterminée à s'y employer
dans son nouveau rôle. " Cette question évolue,
mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour
que le personnel dans toutes les fonctions du maintien de la paix
comprenne que la contribution des femmes est essentielle au succès
des missions de maintien de la paix. " Ce succès est
renforcé par la participation des femmes locales à
tous les aspects du processus de paix. " Avec l'expérience
de la guerre, les femmes assument souvent plus de responsabilités
en dehors de leur foyer " et la présence des femmes
agents de la paix peut agir comme " une force d'impulsion contribuant
à réaliser leurs propres aspirations à l'égalité
dans leur société ", a-t-elle ajouté.
Mme Marijanovic-Prolic considère que, même si peu
de femmes sont employées comme agents de la paix, toutes
les femmes ont un rôle à jouer à le processus
de paix. " Tous ces soldats ont une mère, des filles,
une épouse. De tous temps, les femmes ont eu un immense pouvoir
d'influence sur les hommes, positif, mais aussi négatif.
Nous ne sommes pas des observatrices innocentes de ce qui se passe
dans le monde " et nous devons prendre nos responsabilités
au sein du DOMP et en dehors.
Les femmes
à l'Onu et dans les opérations de maintien de
la paix
1985 La Conférence mondiale chargée
d'examiner et d'évaluer les résultats de la
Décennie des femmes a lieu à Nairobi, au Kenya,
et adopte les Stratégies prospectives d'action de Nairobi
qui examinent les résultats de la Décennie de
l'ONU, en particulier dans le domaine de la paix et de la
sécurité.
1993 La Conférence mondiale sur les
droits de l'homme, qui a eu lieu à Vienne, reconnaît
que la violence à l'égard des femmes pendant
un conflit armé est une violation des droits de l'homme.
1995 La Quatrième Conférence
mondiale sur les femmes s'est tenue à Beijing, en Chine.
La question des femmes dans les conflits armés figure
parmi les 12 domaines critiques abordés par les États
Membres, la communauté internationale et la société
civile.
1997 Création du Bureau du Conseiller
spécial du Secrétaire général
pour la parité des sexes et la promotion de la femme.
Mai 2000 Adoption du " Plan de Namibie " exhortant
le Secrétaire général d'assurer la mise
en uvre efficace du plan d'action. Ce document servira
de base de la résolution 1325 (2000).
Juin 2000 La Conférence " Beijing
+5 ", intitulée Égalité entre les
sexes, développement et paix pour le XXIe siècle,
a lieu au siège de l'ONU à New York. Dans la
Déclaration de Beijing et la plate-forme d'action,
les gouvernements se sont engagés à assurer
la pleine participation des femmes à tous les niveaux
de la prise de décision dans les processus de paix,
de maintien et de consolidation de la paix.
Octobre 2000 Le Conseil de sécurité
adopte la résolution 1325 (2000) qui examine l'impact
de la guerre sur les femmes et souligne l'importance de la
participation des femmes dans tous les aspects des opérations
de maintien de la paix de l'ONU.
Octobre 2002 Le Secrétaire général
soumet un rapport sur Les femmes, la paix et la sécurité
qui souligne l'impact des conflits sur les femmes et les filles
ainsi que leur rôle dans les processus de maintien de
la paix. Le rapport d'évaluation du Fonds de développement
des Nations Unies pour la femme est publié.
Mars 2005 Le Secrétaire général
présente son rapport intitulé Dans une liberté
plus grande : vers le développement, la sécurité
et les droits de l'homme, proposant un nombre d'initiatives
pour les femmes et les filles dans les situations de conflit
et de post-conflit.
Septembre 2005 Le Document final du Sommet mondial 2005 réaffirme
l'engagement des dirigeants mondiaux à mettre en uvre
la résolution 1325.
Octobre 2005 Le Conseil de sécurité
présente le Plan d'action 2005-2007 en vue d'accélérer
la mise en uvre de la résolution 1325 dans l'ensemble
du système de l'ONU.
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