Dans une résolution historique adoptée le 20 décembre
2005, l'Assemblée générale et le Conseil de
sécurité ont décidé d'établir
la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies pour
aider les pays qui sortent d'un conflit à effectuer la transition
difficile de la guerre à la paix.
Les Nations Unies ont entrepris des activités de consolidation
de la paix depuis des années. Pourquoi est-il besoin aujourd'hui
d'avoir un nouvel organe et comment cela s'inscrit-il dans le cadre
des réformes actuelles de l'ONU ?
Les Nations Unies ont joué un rôle vital de médiation
dans la conclusion d'accords de paix et pour leur mise en uvre,
réduisant ainsi le niveau de conflit dans plusieurs régions.
Certains accords n'ont cependant pas été mis en uvre,
comme cela a été le cas en Angola en 1993 et au Rwanda
en 1994. La moitié environ de tous les pays qui sortent d'un
conflit retombent dans la violence dans les cinq années qui
suivent, ce qui implique donc que la prévention des conflits
exige une mise en uvre à long terme des accords de
paix. Pourtant, jusqu'à présent, aucun organe du système
de l'ONU n'a été directement chargé d'aider
les pays à faire la transition de la guerre à la paix.
La Commission de consolidation de la paix permettra de combler cette
lacune en facilitant un lien institutionnel et systématique
entre le maintien de la paix et les opérations d'après
conflit et le réseau international d'assistance et de mobilisation
des donateurs.
L'objectif des réformes de l'ONU est de rendre l'organisation
plus efficace face aux menaces et aux défis d'aujourd'hui.
En améliorant la coordination et réduisant la répétition
des efforts entrepris par les nombreux acteurs concernés
par un pays dans une situation de conflit ou qui en sort, la Commission
améliorera l'efficacité générale et
réduira la probabilité d'une reprise onéreuse
des conflits. Son objectif premier est de renforcer la capacité
de redressement d'un pays après un conflit et de réduire
les besoins à long terme de nouvelles opérations de
maintien de la paix.
Quelles sont les fonctions de la Commission de consolidation de
la paix ?
La Commission mobilisera les ressources à la disposition
de la communauté internationale pour conseiller et proposer
des stratégies intégrées sur le rétablissement
et la consolidation de la paix au lendemain d'un conflit. Elle prêtera
une attention particulière aux efforts de reconstruction
et de renforcement des institutions afin de jeter les bases d'un
développement durable. Elle assemblera le large éventail
de compétences et d'expériences des Nations Unies
en matière de prévention des conflits, médiation,
maintien de la paix, respect des droits de l'homme, état
de droit, assistance humanitaire, reconstruction et développement
à long terme.
Spécifiquement, la Commission : proposera des stratégies
intégrées de consolidation de la paix et de rétablissement
au sortir de conflits; aidera à assurer un financement prévisible
pour les premières activités de rétablissement
et un investissement financier soutenu pour le moyen et long terme;
prolongera la période d'attention de la communauté
internationale en faveur de l'entreprise de rétablissement
au lendemain d'un conflit; développera des pratiques optimales
sur des questions qui nécessitent une intense collaboration
entre les acteurs politiques, militaires, humanitaires et du développement.
La Commission comblera un vide énorme au sein du système
des Nations Unies. Elle rassemblera pour la première fois
tous les acteurs principaux concernés par une situation donnée
afin qu'ils discutent et décident d'une stratégie
à long terme de consolidation de la paix. Les fonds seront
ainsi mieux dépensés et il existera un véritable
lien entre les initiatives prises immédiatement après
un conflit d'une part, et le redressement et le développement
à long terme d'autre part. La tâche de la Commission
nécessitera également de sa part une grande souplesse
dans ses méthodes de travail de manière à s'assurer
de la participation de toutes les parties prenantes. À cette
fin, elle pourrait recourir au système de vidéoconférence
et tenir des réunions à l'extérieur de New
York. On estime à quatre ou cinq le nombre de cas que la
Commission examinera chaque année.
Quelle sera la composition de la Commission et combien de fois
se réunira-t-elle ?
La Commission de consolidation de la pais comprendra un Comité
d'organisation et des Comités propres à des pays.
Le Comité d'organisation sera composé de 31 pays membres
: 7 membres du Conseil, dont les 5 membres permanents; 7 membres
du Conseil économique et social, une juste place étant
faite aux pays qui se sont relevés d'un conflit; 5 pays figurant
parmi ceux dont les contributions au budget de l'ONU et les contributions
volontaires aux budgets des fonds, programmes et organismes des
Nations Unies, dont le Fonds pour la consolidation de la paix, sont
les plus importantes; 5 pays figurant parmi ceux qui mettent le
plus de militaires et de membres de la police civile à la
disposition des missions de l'ONU; 7 autres pays qui seront élus
par l'Assemblée générale, l'attention voulue
étant accordée à la représentation de
tous les groupes régionaux au sein du Comité, ainsi
qu'à celle des pays qui se sont relevés d'un conflit.
Le Comité d'organisation se réunira à intervalles
réguliers qui seront déterminés une fois qu'il
sera mis en place.
Mais le réel travail de la Commission se fera dans les comités
propres à des pays donnés auxquels participeront des
représentants du pays concerné et d'autres qui contribuent
à la consolidation de la paix, comme les organisations régionales
et les institutions financières internationales. Leurs réunions
se tiendront sans doute plus régulièrement, en particulier
pendant les premières phases du redressement après
un conflit.
Comment la Commission fera-t-elle appliquer ou respecter ses
recommandations ?
C'est un organe consultatif. Ses recommandations auront un certain
poids en raison de la diversité et de la compétence
de tous ses membres - notamment les membres du Conseil de sécurité,
les principaux fournisseurs de contingents, les principaux donateurs
financiers et les acteurs institutionnels clés. Ses pouvoirs
émaneront de la qualité de ses conseils et de l'importance
de ses membres. Bien qu'il n'existe pas de mécanisme spécifique
d'exécution, la Commission sera considérée
comme l'organe principal chargé de donner des conseils sur
la reconstruction. La diversité de ses membres lui confère
la légitimité nécessaire à l'accomplissement
de sa tâche. Tous les organes et acteurs de l'ONU et autres
seront encouragés à mettre en uvre les recommandations
et les conseils donnés par la Commission.
Comment la Commission choisira-t-elle un pays pour en examiner
la situation ?
Les demandes de conseils de la Commission peuvent être présentées
par l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité,
le Conseil économique et social et le Secrétaire général,
ou par n'importe quel État Membre (à propos de sa
propre situation). Toutefois, comme l'indique l'Article 12 de la
Charte des Nations Unies, l'Assemblée et le Conseil économique
et social ne peuvent pas prendre de mesures concernant une situation
dont traite le Conseil de sécurité. Il est probable
que la Commission ne s'intéressera qu'aux pays sortant d'un
conflit une fois un accord de paix signé et les hostilités
terminées. L'un des objectifs de la Commission est de faire
en sorte que la communauté internationale s'intéresse
aux pays sortant d'un conflit, même après le départ
des casques bleus.
Un pays peut demander des conseils directement à la Commission,
mais ne peut pas empêcher le Conseil de sécurité
de demander des conseils à la Commission sur la situation
d'un pays. En tous les cas, c'est au Comité d'organisation
qu'il revient de décider si la Commission examinera ladite
demande. La Commission cherchera à uvrer en étroite
coopération avec les autorités nationales et transnationales
concernées, consciente de l'importance de la prise en main
par le pays du processus de consolidation de la paix.
Quel sera le rôle des pays qui sont sortis d'un conflit,
des organisations régionales et des organisations non gouvernementales
?
Nombre de pays au passé agité sont devenus aujourd'hui
des sociétés stables. Les pays ayant une expérience
de redressement après un conflit ont un rôle important
à jouer au sein de la Commission, qui cherchera constamment
à inclure ces pays parmi ses membres, car leurs connaissances
et les leçons qu'ils auront tirées de leur expérience
lui seront d'une grande utilité.
Toutes les institutions et tous les acteurs régionaux activement
impliqués dans les efforts de reconstruction seront invités
à participer aux sessions de la Commission, en particulier
aux réunions propres aux pays donnés. La Commission
est également encouragée à consulter la société
civile, notamment les associations de femmes, les ONG et le secteur
privé.
Pourquoi les pays fournisseurs de contingents sont-ils membres
de la Commission ?
Les pays fournisseurs de gros contingents aux opérations
de maintien de la paix des Nations Unies ont vu sur le terrain quels
étaient les défis posés à l'instauration
d'une paix durable et connaissent très bien la situation
dans laquelle se trouvent les pays sortant d'un conflit où
ils sont actifs. Ils savent concrètement le travail qui reste
à faire pour garantir la stabilité et la sécurité,
conditions nécessaires à un développement réussi,
à la reconstruction et à la démocratie et au
respect intégral des droits de l'homme. Les pays où
ont été déployées des missions de maintien
de la paix auront sans doute besoin de l'aide de la Commission.
Où la Commission de la consolidation de la paix pourrait-elle
apporter un réel changement en matière de consolidation
de la paix, maintien de la paix, édification d'une nation
?
La Commission s'occupe de la consolidation de la paix après
un conflit - tout ce dont un pays a besoin pour passer de l'état
de guerre à l'état de paix. Le maintien de la paix
est un type d'opération organisée autour d'un déploiement
militaire; une opération de maintien de la paix peut être
une partie essentielle d'une initiative de consolidation de la paix.
Édifier une nation est une expression qui peut avoir une
signification différente selon les personnes, et ce n'est
pas une expression utilisée par l'ONU. Elle évoque
habituellement un processus historique plus long et comporte l'établissement
d'une identité nationale.
On entend souvent dire que la moitié des pays qui signent
un accord de paix retombe dans une situation de conflit dans les
cinq années qui suivent. La Commission de la consolidation
de la paix devrait veiller à ce que ces pays reçoivent
l'aide et l'appui nécessaires pour supporter les années
très difficiles qui font suite à un conflit, car même
si les combats ont cessé, l'économie, la primauté
du droit et les institutions de gouvernance peuvent être extrêmement
faibles. À l'heure actuelle, l'ONU mène sa cinquième
opération de paix en Haïti, par exemple, où,
par le passé, la paix et la sécurité se sont
dégradées après un retrait trop précoce
de l'aide internationale. Au Cambodge, à la suite de l'opération
de maintien de la paix entreprise en 1992-1993, il a fallu trop
de temps pour instaurer la stabilité. En dépit d'importantes
missions de maintien de la paix au Liberia et en Somalie dans les
années 90, ces deux pays se sont effondrés une fois
que l'attention de la communauté internationale s'est portée
ailleurs.
À quel organe la Commission doit-elle rendre des comptes
?
La Commission de la consolidation de la paix est un organe consultatif
subsidiaire de l'Assemblée générale et du Conseil
de sécurité, premier organe de ce genre. L'Assemblée
générale sera globalement chargée d'examiner
le travail de la Commission de la consolidation de la paix au cours
de la présentation de son rapport annuel. La Commission prodiguera
des conseils importants au Conseil de sécurité sur
la planification et le lancement des activités de consolidation
de la paix et collaborera avec le Conseil économique et social
pour faire en sorte que la communauté internationale et les
donateurs continuent de s'intéresser à un pays sortant
d'un conflit une fois qu'il ne fait plus la une des journaux. Les
conseils donnés par la Commission sont publics et seront
à la disposition des Membres de l'Organisation des Nations
Unies et de tous les organes et acteurs compétents, y compris
les institutions financières internationales.
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