Pour plus de 3 milliards d'habitants de la planète, sur
les 6,5 milliards qui la peuplent, la pauvreté est un mode
de vie. Pour ceux qui tombent dans ses griffes, elle revêt
plusieurs visages - les plus visibles étant la faim et l'absence
d'un abri.
|
La communauté
d'Isla Verde, dans la ville de Davao, dans l'île de Mindanao,
aux Philippines, a été fondée dans les
années 1970 par les Badjaos ou nomades de la mer. Ils
gagnaient leur vie de la pêche, mais au fil des ans les
récifs coralliens et les mangroves ont été
détruits. Ce peuple fier arrive difficilement à
subvenir à ses besoins, les familles faisant souvent
un seul repas par jour. Habitat for Humanity leur construira
une petite communauté et mettra en place des programmes
d'appui aux moyens de subistance pour qu'ils puissent reprendre
leurs activités. |
Selon les estimations, 640 millions de personnes n'ont pas un logement
adéquat et 1 milliard d'enfants dans le monde vivent dans
la pauvreté, soit environ un sur deux, dont plus de 10 millions
meurent chaque année avant l'âge de cinq ans. La pauvreté,
c'est aussi la peur du lendemain, ne pas savoir quand sera le prochain
repas ou comment s'occuper d'un enfant malade quand on n'a pas les
moyens d'acheter des médicaments. Des générations
entières vivent et meurent sans savoir comment et où
chercher de l'aide, se demandant souvent si quelqu'un prendrait
même la peine de les écouter.
Lors d'un voyage au Bangladesh, il y a plusieurs années,
j'ai rencontré une fillette de 13 ans et sa mère dans
une petite clinique à Dacca, la capitale. Elle souffrait
de tuberculose et de malnutrition avancée et il ne lui restait
que quelques jours à vivre. Considérant qu'il y avait
peu d'espoir, les médecins l'ont renvoyée chez elle.
Quelques jours plus tard, j'ai rencontré une femme qui travaillait
dans une organisation et s'occupait de cas spéciaux. Je lui
ai parlé de la fillette et elle a accepté de la prendre
en charge. Deux mois plus tard, elle était guérie.
Cette expérience m'a fait comprendre qu'il y avait plusieurs
façons de traiter la pauvreté, l'une étant
de ne pas perdre espoir.
|
Shuli Begum, 16
ans, et Shofiq, son fils âgé de six mois, à
Dhaka, Bangladesh |
Lors de trois récents voyages en Chine, aux Philippines
et au Bangladesh pour Habitat pour l'humanité International,
je me suis rendu dans des communautés pauvres qui vivent
dans des conditions difficiles et ont à peine de quoi subsister.
Pour elles, la survie est un combat quotidien, souvent sans espoir.
À Dacca, des baraques sont bâties au bord du fleuve
qui traverse la ville à divers points. Les communautés
pauvres s'étendent et se développent, entraînant
une réduction de l'espace vital ainsi qu'une surpopulation
et, donc, l'incapacité de trouver un travail sur une base
régulière pour les familles qui travaillent à
l'heure ou dans le bâtiment. Ray's Bazar est l'une de ces
communautés où les cabanes sont construites en bambou,
en laiton, en plastique et en chaume. Un égout ouvert a été
creusé sur un côté, le long de quatre rangées
de cabanes au sol en terre battue, chacune mesurant 1 m sur 3,5
m. Le surpeuplement ainsi que l'absence d'assainissement et de vie
privée sont courants dans les communautés pauvres
de cette ville.
|
Rina Begum et
son entreprise d'élevage de poulets. |
Avec une population de plus de 138 millions d'habitants, le Bangladesh
est l'un des pays les plus pauvres et les plus surpeuplés,
environ 47 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté,
la majorité avec moins d'un dollar par jour. Quelque 250
familles vivent dans des conditions déplorables. Leurs règles
sont simples : travailler pour manger et survivre le mieux possible.
Leur seul espoir est de rester en vie un jour de plus.
Shuli Begum, seize ans, tenant dans ses bras son fils Shofiq âgé
de six mois (photo à droite), accepte en souriant de nous
conduire chez elle. Les enfants sont de la partie, poussant et jouant
des coudes pour être en tête du groupe qui est maintenant
composé d'une trentaine de personnes, quelques adultes s'étant
joints alors que nous avançons lentement sur le chemin étroit
et poussiéreux. La pièce où habite Shuli est
simple et rudimentaire comme les autres : une seule pièce
au sol en terre battue avec unpetit lit en bambou. Son mari est
conducteur de rickshaw sept jours sur sept et gagne entre 80 et
90 takas par jour (1,25 à 1,40 dollar). Ils paient 400 takas
pour se loger. Bien qu'ils soient très pauvres, ils font
trois repas par jour, généralement du riz, quelques
légumes et de petits morceaux de poisson. Elle fait la cuisine
dehors.
|
Noraida Hernandez
et son commerce de petits articles. |
" Ici, les gens sont très souvent malades. La nuit,
il y a beaucoup de disputes et de bagarres. Ce sont les enfants
et les personnes âgées qui sont les plus malades. Les
rhumes, la dysenterie et la diarrhée sont parmi les maux
les plus courants ", dit Shuli. " Mon mari a plus de chances
que d'autres car il a un travail régulier. Il arrive souvent
que des familles n'aient pas d'argent pour acheter de la nourriture.
Ici, la vie est dure. Nous vivons au jour le jour ", ajoute-t-elle.
" Pendant un certain temps, nous avons vécu avec la
famille de mon mari dans une communauté semblable à
celle-ci, mais nous sommes venus ici il y a quelques mois. Nous
n'avons pas d'autre choix que de vivre ainsi. Depuis que je suis
petite, je vis dans la pauvreté. C'est notre vie. "
Je me suis rendu dans l'île de Mindanao, au sud des Philippines,
dans une petit village de pêcheurs de minorités ethniques
appelé Isla Verde, où la majorité des habitants
sont des pêcheurs, appelés badjaos ou nomades de la
mer. Ceux-ci partaient pendant des semaines sans toucher terre,
consacrant leur vie à la mer. Ils ont construit leurs maisons
sur des pilotis en bambou. Ils se sont installés à
Isla Verde il y a plus de 20 ans. Ils y étaient alors seuls.
Mais, peu à peu, d'autres groupes ethniques les ont rejoints
et ils vivent désormais confinés. Leurs activités,
qui étaient prospères, ont diminué à
cause de la destruction des récifs coralliens, de la surpêche
le long des régions côtières et des restrictions
gouvernementales des zones de pêche.
|
Arasale et les
membres de sa famille vivent dans une simple maison de bambou. |
Arasale Salla, un pêcheur de 37 ans (photo à la page
suivante), raconte que sa vie est très difficile. Sa peau
foncée et ses rides profondes témoignent des années
de travail sous le soleil. Trois familles de douze personnes, dont
sept enfants, vivent dans sa petite maison en bambou. " Cela
fait plusieurs mois que je n'ai pas pêché. Mon bateau
est percé, il est sur le rivage. Je n'ai pas d'argent pour
le réparer et je ne sais pas quand je pourrai le faire. Je
mendie dans les rues de la ville pour gagner assez d'argent et acheter
de la nourriture pour ma famille. Nous mangeons très peu,
généralement une fois par jour. Pour moi, je ne peux
jamais faire assez pour ma famille. Je veux travailler et cela me
manque de ne pas pêcher mais, pour l'instant, je n'ai pas
d'autre choix que de mendier pour vivre ", explique-t-il.
Les Badjaos sont un peuple fier composé de plus de 100 familles
qui vivaient de la mer. Une fois qu'un lieu sera déterminé,
Habitat pour l'humanité leur construira une petite communauté
près de la mer pour qu'ils puissent reprendre leurs activités,
loin de la pauvreté qu'ils ont endurée pendant des
années.
|
Lu Xinzhen et
son fils devant la maison construite avec l'aide d'Habitat for
Humanity. |
Au Bangladesh, pays parmi les plus pauvres au monde, des organisations
répondent aux défis en donnant aux pauvres la chance
de sortir peu à peu de la pauvreté en économisant
tous les jours avec d'autres familles. Rina Begum et son mari, Akmal
Hussain, ont récemment mis sur pied une entreprise d'élevage
de poulets après que leur fils de 19 ans a suivi une formation.Grâce
à un emprunt auprès d'un homme d'affaires local, ils
ont acheté 400 poussins et, un mois après, ils vendaient
des poulets. " Nous avons été pauvres toute notre
vie ", dit Rina. " Au cours des années, nous avons
appris à économiser avec notre groupe d'épargne.
" Une petite aide peut changer la vie si vous avez un but et
un projet. " Le microcrédit est un moyen efficace qui
donne aux pauvres la possibilité de transformer leur vie.
Grâce aux groupes d'épargne de la communauté
de Baseco, des bidonvilles réputés dangereux de Manille,
aux Philippines, la chance a tourné pour les pauvres. Par
exemple, chaque membre d'un groupe d'épargne de 30 personnes
a pu développer sa propre activité, telle que vendre
de la nourriture, des articles ménagers ou se lancer dans
le taxi-moto. " J'ai été pauvre toute ma vie
", raconte Noraida Hernandez, 32 ans. " Je pensais qu'il
en serait toujours ainsi pour ma famille. Mais ce groupe d'épargne
a changé ma façon de penser. Les petites économies
faites chaque jour par notre groupe s'accumulent. Nous voyons tout
de suite les possibilités qui s'offrent à nous. Grâce
à ces épargnes, nous pouvons emprunter. " Elle
a mis suffisamment d'argent de côté pour démarrer
la vente de petits articles chez elle. " Notre vie change.
Nous avons de l'espoir et les enfants ont de meilleurs résultats
à l'école. Nous savons maintenant qu'il est important
d'épargner pour l'avenir ", ajoute-t-elle.
Il y a deux ans, je me suis rendu pour la première fois
dans un village éloigné situé dans la province
du Yunnan, en Chine, où j'ai rencontré un groupe ethnique
de la communauté Miao, composé de sept familles, 42
personnes vivant dans des huttes de terre insalubres, sombres et
humides. Mais par le biais d'un programme d'Habitat pour l'humanité
octroyant des crédits en matériaux de construction,
ils ont formé des groupes d'épargne et ont pu construire
une maison. Grâce aux fonds versés par Habitat, ils
ont construit deux maisons supplémentaires jusqu'à
ce que chaque famille dans le village ait sa propre maison. "
Nous avons parcouru un long chemin depuis deux ans ", constate
Lu Xinzhe, 23 ans. " Il nous reste encore beaucoup à
faire, mais nous avons appris qu'il y avait un moyen de sortir de
la pauvreté. "
|