Chronique ONU

La pauvreté
" RESTER EN VIE UN JOUR DE PLUS "

Par Mikel Flamm
All Photos/Mikel Flamm

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L'article

Pour plus de 3 milliards d'habitants de la planète, sur les 6,5 milliards qui la peuplent, la pauvreté est un mode de vie. Pour ceux qui tombent dans ses griffes, elle revêt plusieurs visages - les plus visibles étant la faim et l'absence d'un abri.


La communauté d'Isla Verde, dans la ville de Davao, dans l'île de Mindanao, aux Philippines, a été fondée dans les années 1970 par les Badjaos ou nomades de la mer. Ils gagnaient leur vie de la pêche, mais au fil des ans les récifs coralliens et les mangroves ont été détruits. Ce peuple fier arrive difficilement à subvenir à ses besoins, les familles faisant souvent un seul repas par jour. Habitat for Humanity leur construira une petite communauté et mettra en place des programmes d'appui aux moyens de subistance pour qu'ils puissent reprendre leurs activités.

Selon les estimations, 640 millions de personnes n'ont pas un logement adéquat et 1 milliard d'enfants dans le monde vivent dans la pauvreté, soit environ un sur deux, dont plus de 10 millions meurent chaque année avant l'âge de cinq ans. La pauvreté, c'est aussi la peur du lendemain, ne pas savoir quand sera le prochain repas ou comment s'occuper d'un enfant malade quand on n'a pas les moyens d'acheter des médicaments. Des générations entières vivent et meurent sans savoir comment et où chercher de l'aide, se demandant souvent si quelqu'un prendrait même la peine de les écouter.

Lors d'un voyage au Bangladesh, il y a plusieurs années, j'ai rencontré une fillette de 13 ans et sa mère dans une petite clinique à Dacca, la capitale. Elle souffrait de tuberculose et de malnutrition avancée et il ne lui restait que quelques jours à vivre. Considérant qu'il y avait peu d'espoir, les médecins l'ont renvoyée chez elle. Quelques jours plus tard, j'ai rencontré une femme qui travaillait dans une organisation et s'occupait de cas spéciaux. Je lui ai parlé de la fillette et elle a accepté de la prendre en charge. Deux mois plus tard, elle était guérie. Cette expérience m'a fait comprendre qu'il y avait plusieurs façons de traiter la pauvreté, l'une étant de ne pas perdre espoir.


Shuli Begum, 16 ans, et Shofiq, son fils âgé de six mois, à Dhaka, Bangladesh

Lors de trois récents voyages en Chine, aux Philippines et au Bangladesh pour Habitat pour l'humanité International, je me suis rendu dans des communautés pauvres qui vivent dans des conditions difficiles et ont à peine de quoi subsister. Pour elles, la survie est un combat quotidien, souvent sans espoir.

À Dacca, des baraques sont bâties au bord du fleuve qui traverse la ville à divers points. Les communautés pauvres s'étendent et se développent, entraînant une réduction de l'espace vital ainsi qu'une surpopulation et, donc, l'incapacité de trouver un travail sur une base régulière pour les familles qui travaillent à l'heure ou dans le bâtiment. Ray's Bazar est l'une de ces communautés où les cabanes sont construites en bambou, en laiton, en plastique et en chaume. Un égout ouvert a été creusé sur un côté, le long de quatre rangées de cabanes au sol en terre battue, chacune mesurant 1 m sur 3,5 m. Le surpeuplement ainsi que l'absence d'assainissement et de vie privée sont courants dans les communautés pauvres de cette ville.


Rina Begum et son entreprise d'élevage de poulets.

Avec une population de plus de 138 millions d'habitants, le Bangladesh est l'un des pays les plus pauvres et les plus surpeuplés, environ 47 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, la majorité avec moins d'un dollar par jour. Quelque 250 familles vivent dans des conditions déplorables. Leurs règles sont simples : travailler pour manger et survivre le mieux possible. Leur seul espoir est de rester en vie un jour de plus.

Shuli Begum, seize ans, tenant dans ses bras son fils Shofiq âgé de six mois (photo à droite), accepte en souriant de nous conduire chez elle. Les enfants sont de la partie, poussant et jouant des coudes pour être en tête du groupe qui est maintenant composé d'une trentaine de personnes, quelques adultes s'étant joints alors que nous avançons lentement sur le chemin étroit et poussiéreux. La pièce où habite Shuli est simple et rudimentaire comme les autres : une seule pièce au sol en terre battue avec unpetit lit en bambou. Son mari est conducteur de rickshaw sept jours sur sept et gagne entre 80 et 90 takas par jour (1,25 à 1,40 dollar). Ils paient 400 takas pour se loger. Bien qu'ils soient très pauvres, ils font trois repas par jour, généralement du riz, quelques légumes et de petits morceaux de poisson. Elle fait la cuisine dehors.


Noraida Hernandez et son commerce de petits articles.

" Ici, les gens sont très souvent malades. La nuit, il y a beaucoup de disputes et de bagarres. Ce sont les enfants et les personnes âgées qui sont les plus malades. Les rhumes, la dysenterie et la diarrhée sont parmi les maux les plus courants ", dit Shuli. " Mon mari a plus de chances que d'autres car il a un travail régulier. Il arrive souvent que des familles n'aient pas d'argent pour acheter de la nourriture. Ici, la vie est dure. Nous vivons au jour le jour ", ajoute-t-elle. " Pendant un certain temps, nous avons vécu avec la famille de mon mari dans une communauté semblable à celle-ci, mais nous sommes venus ici il y a quelques mois. Nous n'avons pas d'autre choix que de vivre ainsi. Depuis que je suis petite, je vis dans la pauvreté. C'est notre vie. "

Je me suis rendu dans l'île de Mindanao, au sud des Philippines, dans une petit village de pêcheurs de minorités ethniques appelé Isla Verde, où la majorité des habitants sont des pêcheurs, appelés badjaos ou nomades de la mer. Ceux-ci partaient pendant des semaines sans toucher terre, consacrant leur vie à la mer. Ils ont construit leurs maisons sur des pilotis en bambou. Ils se sont installés à Isla Verde il y a plus de 20 ans. Ils y étaient alors seuls. Mais, peu à peu, d'autres groupes ethniques les ont rejoints et ils vivent désormais confinés. Leurs activités, qui étaient prospères, ont diminué à cause de la destruction des récifs coralliens, de la surpêche le long des régions côtières et des restrictions gouvernementales des zones de pêche.


Arasale et les membres de sa famille vivent dans une simple maison de bambou.

Arasale Salla, un pêcheur de 37 ans (photo à la page suivante), raconte que sa vie est très difficile. Sa peau foncée et ses rides profondes témoignent des années de travail sous le soleil. Trois familles de douze personnes, dont sept enfants, vivent dans sa petite maison en bambou. " Cela fait plusieurs mois que je n'ai pas pêché. Mon bateau est percé, il est sur le rivage. Je n'ai pas d'argent pour le réparer et je ne sais pas quand je pourrai le faire. Je mendie dans les rues de la ville pour gagner assez d'argent et acheter de la nourriture pour ma famille. Nous mangeons très peu, généralement une fois par jour. Pour moi, je ne peux jamais faire assez pour ma famille. Je veux travailler et cela me manque de ne pas pêcher mais, pour l'instant, je n'ai pas d'autre choix que de mendier pour vivre ", explique-t-il.

Les Badjaos sont un peuple fier composé de plus de 100 familles qui vivaient de la mer. Une fois qu'un lieu sera déterminé, Habitat pour l'humanité leur construira une petite communauté près de la mer pour qu'ils puissent reprendre leurs activités, loin de la pauvreté qu'ils ont endurée pendant des années.


Lu Xinzhen et son fils devant la maison construite avec l'aide d'Habitat for Humanity.

Au Bangladesh, pays parmi les plus pauvres au monde, des organisations répondent aux défis en donnant aux pauvres la chance de sortir peu à peu de la pauvreté en économisant tous les jours avec d'autres familles. Rina Begum et son mari, Akmal Hussain, ont récemment mis sur pied une entreprise d'élevage de poulets après que leur fils de 19 ans a suivi une formation.Grâce à un emprunt auprès d'un homme d'affaires local, ils ont acheté 400 poussins et, un mois après, ils vendaient des poulets. " Nous avons été pauvres toute notre vie ", dit Rina. " Au cours des années, nous avons appris à économiser avec notre groupe d'épargne. " Une petite aide peut changer la vie si vous avez un but et un projet. " Le microcrédit est un moyen efficace qui donne aux pauvres la possibilité de transformer leur vie.

Grâce aux groupes d'épargne de la communauté de Baseco, des bidonvilles réputés dangereux de Manille, aux Philippines, la chance a tourné pour les pauvres. Par exemple, chaque membre d'un groupe d'épargne de 30 personnes a pu développer sa propre activité, telle que vendre de la nourriture, des articles ménagers ou se lancer dans le taxi-moto. " J'ai été pauvre toute ma vie ", raconte Noraida Hernandez, 32 ans. " Je pensais qu'il en serait toujours ainsi pour ma famille. Mais ce groupe d'épargne a changé ma façon de penser. Les petites économies faites chaque jour par notre groupe s'accumulent. Nous voyons tout de suite les possibilités qui s'offrent à nous. Grâce à ces épargnes, nous pouvons emprunter. " Elle a mis suffisamment d'argent de côté pour démarrer la vente de petits articles chez elle. " Notre vie change. Nous avons de l'espoir et les enfants ont de meilleurs résultats à l'école. Nous savons maintenant qu'il est important d'épargner pour l'avenir ", ajoute-t-elle.

Il y a deux ans, je me suis rendu pour la première fois dans un village éloigné situé dans la province du Yunnan, en Chine, où j'ai rencontré un groupe ethnique de la communauté Miao, composé de sept familles, 42 personnes vivant dans des huttes de terre insalubres, sombres et humides. Mais par le biais d'un programme d'Habitat pour l'humanité octroyant des crédits en matériaux de construction, ils ont formé des groupes d'épargne et ont pu construire une maison. Grâce aux fonds versés par Habitat, ils ont construit deux maisons supplémentaires jusqu'à ce que chaque famille dans le village ait sa propre maison. " Nous avons parcouru un long chemin depuis deux ans ", constate Lu Xinzhe, 23 ans. " Il nous reste encore beaucoup à faire, mais nous avons appris qu'il y avait un moyen de sortir de la pauvreté. "


Biographie
Mikel Flamm, photojournaliste, est établi à Bangkok, en Thaïlande. Il a réalisé des projets pour les Nations Unies, Save the Children, Wolrd Vision International et Handicap International. Fréquemment sollicité par Habitat pour l'humanité International, il a également travaillé pour Getty Images. En 2005, il a documenté les dégâts causés par le tsunami au Sri Lanka ainsi que le processus de reconstruction.
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