Beyond the 'Never Agains'
Publié par le gouvernement suédois, 2005
Livre et CD (ISBN 91-631-7354-9)
En 2000, la Suède a organisé une conférence
internationale consacrée à l'éducation sur
l'holocauste, la mémoire et la recherche. La communauté
internationale a répondu massivement à l'appel, avec
la participation de représentants de 46 pays, y compris 20
chefs d'État et de gouvernement. La conférence a permis
d'imprimer l'élan nécessaire pour créer des
centres d'éducation sur l'holocauste dans de nombreux pays.
Mais son point fort a surtout résidé dans sa reconnaissance
de l'échec. Les participants et les organisateurs ont réalisé
que la mémoire de l'holocauste et les slogans comme "
plus jamais " ne sauvaient pas la vie de millions de personnes
massacrées pendant des génocides et d'autres massacres
politiques depuis l'holocauste. Trois autres conférences
ont eu lieu au Forum international de Stockholm : Combattre l'intolérance
(2001), Vérité, Justice et réconciliation (2002)
et Prévenir le génocide - menaces et responsabilités
(2004).
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Ce champ couvert
de neige à Gornji Grbaci, près de Srebrenica,
en Bosnie-Herzégovine, est l'un des sites ou des hommes
et des garcons musumans ont été massacrés
par les forces serbes en juillet 1995. Photo d'Andrew Testa/Panos
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En 2005, le gouvernement suédois a publié le livre
et le CD dans un coffret intitulé Beyond the 'Never Agains',
pas tant pour présenter les résultats du forum que
pour démontrer que les questions soulevées doivent
continuer de figurer sur l'ordre politique international. Alors
que le CD contient une documentation sur les conférences,
le livre présente des entretiens avec 18 experts et participants
réalisés après la conférence, tels que
des survivants de génocide, comme Youk Chlang du Cambodge
et Esther Mujawayo-Keiner du Rwanda, ou des diplomates comme le
Secrétaire général des Nations Unies, Kofi
Annan, et les Observateurs permanents Samantha Power et Gitta Sereny,
des dirigeants gouvernementaux, comme Kay Rala Xanana Gusmã,
premier président élu du Timor-Leste, et le Premier
ministre suédois Göran Persson.
Les participants examinent en profondeur l'échec de la communauté
internationale, non seulement à prévenir les génocides
mais aussi à traiter efficacement et équitablement
les questions qui se présentent après le génocide.
Youk Chlang, directeur du Centre de documentation au Cambodge, raconte
son parcours allant de la vengeance à la réconciliation.
Bien qu'il déteste généralement les conférences,
dit-il, le Forum de Stockholm l'a fait évoluer dans son travail,
comprenant maintenant l'importance d'une perspective mondiale sur
le génocide comme protection contre l'étroitesse d'esprit
et la répétition du génocide. Il souligne également
l'importance d'examiner les questions de justice et de réconciliation
après un génocide.
Pour sa part, Esther Mujawayo-Keiner ne croit pas à la réconciliation.
Survivante du génocide au Rwanda et l'une des fondatrices
du groupe de soutien de femmes, Association des Veuves du Génocide
(AVEGA), elle estime qu'" on attend trop des victimes "
qui, à son avis, doivent d'abord se réconcilier avec
elles-mêmes et la perte de leurs proches. Avant de penser
à la réconciliation avec les auteurs de génocide,
il faut procéder à la restitution et à la compensation.
Mme Mujawayo-Keiner et M. Chalang nous rappellent que la culture,
la religion et l'histoire nationale sont des facteurs qu'il faut
prendre en considération en mettant en place un système
judiciaire après le génocide. Le pardon et la réconciliation
sont des concepts qui varient selon les religions et les cultures.
De son côté, Kay Rala Xanana Gusmão déclare
que la douleur des survivants est " si accablante que parler
de pardon semble être une autre insulte ". La communauté
internationale doit écouter ces survivants pour apprendre
comment mettre fin au cycle du génocide et de la guerre dès
le début et tenir compte de ces voix et de ces questions
en mettant en place un système " de justice " après
le génocide. Ignorer ces questions, c'est ne pas reconnaître
l'influence des facteurs culturels, nationaux et historiques qui
peuvent faire retomber le pays dans la guerre ou la violence.
Certaines personnes interrogées, comme la journaliste et
professeur Samantha Power, parlent avec franchise de l'échec
de la communauté internationale à aller au-delà
des simples slogans et à agir. Pour elle, aucun progrès
n'a été réalisé parce que " les
gouvernements peuvent se permettre d'ignorer " les crises d'une
ampleur comme celle du Darfour, notant que la " raison fondamentale
" de l'absence d'une réaction mondiale aux atrocités
était qu'" un grand nombre d'États se soucient
peu des souffrances des civils lointains ". Yehuda Bauer, qui
a été conseiller académique pour les première
et quatrième conférences de Stockholm, se fait l'écho
de ces remarques. Il évoque les devoirs de chacun à
agir et à élargir son univers moral, notant que "
la vraie difficulté c'est, en fait, d'amener les personnes
à agir. Il faut du cran. " Il souligne également
l'inutilité des conférences où les participants
font de beaux discours, rentrent chez eux et ne font rien.
Avec la publication de Beyond the 'Never Agains', le gouvernement
suédois a tenté de suivre le conseil de M. Bauer.
L'ouvrage est un avertissement pour que les individus, les responsables
gouvernementaux, les diplomates et les dirigeants mondiaux agissent.
Les entretiens nous font découvrir des points de vue dont
le grand public n'a souvent pas connaissance par manque d'intérêt
ou, simplement, par manque d'information.
Les discussions vont au-delà des phrases répétitives,
comme c'est souvent le cas actuellement dans les écrits consacrés
à l'holocauste et au génocide. Tandis que plusieurs
parties sont destinées à émouvoir le lecteur
pour le pousser à agir, ses valeurs résident dans
la franchise avec laquelle est examiné l'échec à
combattre le génocide et à faire face à la
situation après. Il nous informe des actions qui peuvent
être menées pour prévenir les génocides
et les autres atrocités. Peut-être ne devrait-on plus
jamais dire " plus jamais ". L'action doit remplacer les
mots qui sonnent creux.
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