" Il existe un lien très étroit entre l'émergence
de nouvelles maladies et les changements environnementaux ",
a déclaré Nick Nutall, porte-parole du Programme des
Nations Unies pour l'environnement (PNUE). " Nous commençons
seulement à le comprendre. " Les changements rapides que
subissent les écosystèmes mondiaux dus principalement
au déboisement et aux changements climatiques pourraient créer
" une instabilité dans la toile de la vie, ce qui semble
favoriser la prolifération d'animaux nuisibles ", a-t-il
dit à la Chronique ONU.
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© Photo ONU |
Au début des années 1990, le déboisement intensif
réalisé en Malaisie, associé aux incendies
de forêt survenus à Sumatra, a détruit et éradiqué
d'importantes parties de l'habitat naturel des roussettes porteuses
du virus Nipah hautement pathogène. À la recherche
de nourriture, elles se sont rapprochées des établissements
humains, se sont introduites dans les vergers, où le virus
Nipah a été transmis aux porcs puis aux êtres
humains, a indiqué M. Nuttall.
Le déboisement s'est avéré avoir un impact
sur la prévalence des maladies existantes et l'apparition
de nouvelles. Depuis 1976, l'Organisation mondiale de la santé
a noté l'émergence de 30 nouvelles maladies humaines,
ainsi que la résurgence et la redistribution des maladies
existantes. Une étude récente menée en Amérique
latine a montré qu'une augmentation du déboisement
de 1 % entraînait une augmentation de 8 % des moustiques porteurs
du paludisme. Alors que la forêt est détruite, des
trous se forment qui se remplissent d'eau et deviennent des terrains
propices aux moustiques et à d'autres insectes porteurs de
maladies, a-t-il poursuivi. Le déboisement contribue également
au changement climatique et crée des conditions propices
à la transmission du paludisme. Cela est particulièrement
évident dans les régions montagneuses d'Afrique, d'Asie
et d'Amérique latine, a dit le docteur Paul Epstein, directeur
associé du Center for Health and the Global Environment à
Harvard Medical School, dans un entretien accordé à
la Chronique ONU, ajoutant que 10 % de la population mondiale risquaient
d'être infectés - " des populations qui n'étaient
pas exposées jusque-là ".
En s'y penchant de plus près, les scientifiques ont constaté
l'existence d'un lien étroit entre les phénomènes
météorologiques extrêmes et les maladies transmises
par les moustiques. En 2000, après avoir été
touché par trois cyclones, le Mozambique a subi des inondations
prolongées, " multipliant par 5 le nombre de cas de
paludisme ", a déclaré M. Epstein. Au Kenya,
l'activiste écologique et le prix Nobel de la paix 2004 Wangari
Mathaai a dit que l'augmentation de l'usage de sacs en plastique
pouvait être lié au paludisme. Lorsque ces sacs sont
jetés, ils se remplissent d'eau et deviennent " un nouvel
habitat pour les moustiques vecteurs du paludisme ", a expliqué
M. Nuttall.
Mais l'inverse est également vrai : la sécheresse
favorise le développement d'une autre maladie transmise par
les moustiques - le virus West Nile -. M. Epstein a expliqué
que, dans ces conditions, des poches d'eau se formaient dans les
canalisations qui, associées à des températures
élevées, créaient un environnement riche en
matières organiques et idéal pour la transmission
de la maladie. En 1999 et en 2002, d'importantes flambées
ont eu lieu aux États-Unis. En 2003, les Centres de contrôle
et de prévention des maladies (CDC) ont signalé que
9 853 personnes avaient été infectées par le
virus, causant 262 décès. " Ce modèle
se présente partout de la même façon. Après
des phénomènes météorologiques extrêmes,
on constate l'apparition de maladies transmises par les moustiques,
des maladies d'origine hydrique et des maladies transmises par les
rongeurs ", a indiqué M. Epstein. Le choléra
est un exemple de maladie d'origine hydrique qui est favorisé
par les inondations. Il est transmis aux êtres humains par
la consommation de nourriture ou d'eau contaminée, par exemple
quand les égouts débordent et se déversent
dans les réservoirs d'eau potable. Au Bangladesh, le choléra,
qui sévit après chaque mousson, est responsable d'un
grand nombre de maladies et de décès.
Le lien entre environnement et maladies est également évident
dans la propagation de la schistosomiase, une maladie chronique
causée par des douves qui se développent dans des
mollusques d'eau douce. Selon M. Nuttall, " la construction
de barrages et la modification du tracé des fleuves, l'inondation
des terres pour la culture du riz " ont créé
des conditions propices au développement de la schistosomiase.
La mondialisation a également un impact sur l'écosystème
mondial, avec l'apparition de maladies dans de nouvelles régions
due au commerce de plantes et d'animaux, notamment " l'introduction
non planifiée d'animaux dans des bateaux ". Ce phénomène
peut se produire lorsqu'au départ " une grande quantité
d'eau de ballast est emmagasinée dans les navires "
qui est plus tard déversée dans le port de destination,
ce qui donne lieu à un transfert d'espèces d'une région
du monde à une autre. Exemple : l'algue toxique en mer du
Nord, probablement originaire d'Asie, est " une algue naturelle
qui, à l'état sauvage, est en harmonie avec son environnement
", a expliqué M. Nuttall. Mais quand elle a été
transférée dans la mer du Nord, son nouvel environnement
ne comprenait aucun " frein ni contrepoids naturel ".
Ces algues peuvent tuer ou contaminer les fruits de mer qui, une
fois consommés, peuvent entraîner des maladies chez
les êtres humains.
Selon un rapport coédité par M. Epstein, intitulé
Inside the Greenhouse, les émissions de véhicules,
combinées à des niveaux élevés de dioxyde
de carbone (CO2) dans l'atmosphère, contribuent à
l'augmentation de l'incidence de l'asthme et d'autres maladies respiratoires.
L'étude montre que la hausse des niveaux de CO2 favorise
le développement de plantes qui produisent du pollen, telles
que l'ambroise et le sumac vénéneux, et que les particules
de diesel contribuent à la pénétration du pollen
dans les poumons, entraînant une augmentation de l'incidence
de l'asthme. Aux États-Unis, les cas d'asthme signalés
ont augmenté de 75 % entre 1980 et 1994, les enfants d'âge
préscolaire enregistrant la plus grande augmentation, soit
169 %. En raison de la prolifération des tiques due au réchauffement
de la planète, la bactérie dont elles sont porteuses
" se propagera vers le nord, au Canada ", a estimé
M. Epstein. Une étude scientifique prévoit que les
régions propices à l'habitat des tiques augmenteront
de 213 % d'ici à 2080.
En mars 2005, l'Évaluation des écosystèmes
pour le millénaire a signalé que 60 % des écosystèmes
mondiaux sont en baisse ou dégradés au point que les
populations ne peuvent plus tirer parti des avantages qu'ils apportent,
tels que la régulation du climat, la purification de l'air
et de l'eau, la fertilité des terres, qui contribuent à
contrôler les maladies. Peu surpris de ces conclusions, M.
Epstein a ajouté que " la dégradation des systèmes
écologiques avait contribué à l'évolution
des maladies infectieuses qui nous touchent, y compris la faune
sauvage et le bétail ". Pour combattre cette tendance,
" nous devons commencer dès maintenant à chercher
de nouveaux moyens économiques de valoriser la nature et
ne pas la considérer comme un cadeau ", sinon, a-t-il
mis en garde, " au bout du compte, nous en pâtirons tous
parce qu'à force d'épuiser les ressources naturelles
de la planète, il n'en restera plus rien ".
L'impact du changement climatique
Les forêts du monde sont détruites
au rythme de 250 kilomètres carrés par jour.
Cela est plus inquiétant quand on sait que 20 % des
gaz à effet de serre sont directement responsables
de la déforestation, selon les estimations du PNUE.
Selon une étude menée par le
Center for Health and the Global Environement du Harvard Medical
School's Center of Health, intitulée Inside the Greenhouse:
The Impact of CO2 and Climate Change on Public Health in the
Inner City, la concentration actuelle de dioxide de carbone
dans l'atmosphère est de 379 parties par millions (ppm).
Toujours selon cette étude, les niveaux de CO2 n'ont
jamais dépassé 280 ppm pendant au moins 420
000 ans.
Les gaz à effet de serre sont considérés
comme responsables du changement climatique - un phénomène
qui a vu la température de surface moyenne augmenter
d'environ 0,6 °C au cours du XXe siècle. Selon
les estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat, la température augmentera
de 1,4 °C à 4,8 °C au cours du siècle
prochain.
Beaucoup de scientifiques incombent au changement
climatique le nombre considérable de phénomènes
météorologiques survenus récemment, tels
que les ouragans, la sécheresse et les inondations.
En 2004, Munich Re, l'une des plus grandes compagnies mondiales
de réassurance, a enregistré des pertes records
de 44 milliards de dollars liées principalement à
des conditions météorologiques extrêmes.
Selon le PNUE, une région de zone humide offrant des
services comme la protection contre les inondations et la
purification de l'eau a une valeur d'environ 6 000 dollars
l'hectare. Cette même région aurait seulement
une valeur égale à un tiers de cette somme si
elle était utilisée à des fins agricoles.
Selon certaines sources, les écosystèmes mondiaux
représentent une valeur totale d'environ 33 000 milliards
de dollars.
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