Chronique ONU

LES VACCINS CONTRE LE SIDAIMPACT IMPORTANT
Le meilleur espoir pour mettre fin à l'épidémie

Par Christian Gladel

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L'article

Vingt-cinq ans après son apparition, le sida continue de se propager plus vite que la riposte mondiale. Selon le Rapport 2006 sur l'épidémie mondiale du sida, publié par le Programme des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), on estime que 38,6 millions de personnes vivent actuellement avec le sida. L'épidémie touche particulièrement les femmes et les jeunes : en 2005, 59 % des personnes infectées en Afrique subsaharienne étaient des femmes; le nombre de jeunes femmes infectées, âgées de 15 à 24 ans, est trois fois plus élevé que celui des hommes. Chaque jour, environ 6 000 à 7 000 personnes de ce groupe contractent le virus.

Ce phénomène, qu'on désigne généralement comme la féminisation du VIH/sida, peut être observé partout dans le monde. Les jeunes sont également touchés de manière disproportionnée et, malgré les objectifs fixés à l'échelle mondiale pour renforcer les efforts de prévention, les moyens mis en œuvre pour les protéger demeurent insuffisants. Il y a cependant des signes d'espoir. Les taux d'infection ont été stables dans plusieurs pays d'Afrique, mais avec 4,1 millions de nouveaux cas par an, la partie est loin d'être gagnée. Le VIH/sida a des répercussions particulièrement graves dans les pays en développement où l'on enregistre 95 % des nouveaux cas d'infection. Il faut de toute évidence mettre au point un vaccin préventif, une substance qui permet au système immunitaire de reconnaître et de se protéger contre une maladie ou un autre agent infectieux.

Historiquement, les vaccins ont été particulièrement efficaces et peu coûteux. L'introduction de celui contre la variole, par exemple, a permis l'éradication totale de la maladie. Ce sont également des outils de lutte contre la pauvreté, car ils tendent à mieux toucher les populations pauvres et défavorisées que les autres services de santé.

Beaucoup se demandent s'il est possible de développer un vaccin contre le sida. La réponse est oui. La plupart des chercheurs pensent que la mise au point d'un vaccin préventif est une entreprise difficile mais réalisable. Pratiquement, le système immunitaire peut maîtriser le virus pendant des années. Certaines personnes résistent cependant à l'infection, comme ce groupe de travailleuses du sexe kenyanes qui, malgré des expositions répétées au virus, n'ont jamais été infectées. Pour une raison ou pour une autre, leur système immunitaire est capable de maîtriser l'infection. On a également découvert que les vaccins contre le sida pouvaient protéger les singes contre l'équivalent simien du VIH. Tous ces éléments sont importants, même s'ils ne sont pas entièrement compris. En conséquence, plus de 30 candidats vaccins font actuellement l'objet d'essais cliniques sur quatre continents.

D'un autre côté, la mise au point d'un vaccin contre le sida présente des défis immenses. Scientifiquement, le virus de l'immunodéficience humaine a été difficile à cerner. En fait, le VIH est l'un des virus les plus compliqués jamais identifiés. Il attaque et détruit le système immunitaire dont les réactions sont généralement déclenchées par un vaccin. Il présente une extrême variabilité génétique : des millions de virus sont produits constamment et leur taux de mutation est très élevé. Le système immunitaire fait face à de nouvelles formes du virus qu'il est incapable de reconnaître et de maîtriser.

En outre, les essais cliniques pour tester l'efficacité d'un candidat vaccin contre le sida sont longs et coûteux. Un vaccin est mis au point dans des laboratoires. Il est testé initialement sur des animaux puis sur des êtres humains durant trois phases avant d'être breveté (voir encadré ci-dessous). En 2005, 13 nouveaux candidats vaccins ont été testés dans neuf pays, notamment dans les pays en développement, dont deux sont dans la phase II des essais. L'Inde, la Chine et le Rwanda ont débuté leurs premiers essais en 2005 et l'Afrique du Sud est actuellement dans la phase II.

Contrairement à un mythe répandu, on ne peut pas être infecté en étant vacciné contre le VIH ou le sida. C'est tout simplement impossible car ces vaccins ne contiennent pas le virus mais seulement des copies de petites parties non infectieuses qui ne peuvent donc pas transmettre le VIH. Par nature, les progrès scientifiques sont imprévisibles. Vu la complexité de la tâche, il est actuellement impossible de savoir quand un vaccin sera disponible. Une action rigoureuse et efficace pourrait cependant accélérer son développement.

Un vaccin contre le sida pourrait cependant avoir un immense impact, en particulier dans les pays en développement. Des études de simulation ont été réalisées pour mesurer l'impact potentiel des vaccins dans différents pays. Plus de 30 études ont été publiées au cours des dix dernières années, fondées sur des données provenant d'Afrique de l'Est, d'Afrique australe et d'Inde. Tandis que les résultats sont centrés sur chaque pays et basés sur des suppositions spécifiques, ces études ont montré que même avec une efficacité partielle (30 à 50 %), les vaccins pourraient considérablement réduire le nombre des nouvelles infections. Un vaccin pourrait être partiellement efficace en protégeant complètement une partie de la population, ou son ensemble, c'est-à-dire en diminuant les risques d'infection par rapport à la situation actuelle où aucun vaccin n'existe. En d'autres termes, avec une efficacité à 50 %, un vaccin pourrait protéger entièrement la moitié de la population ou réduire de 50 % les risques d'infection de l'ensemble de la population.

À partir des tendances observées au cours de ces études, l'Initiative internationale du vaccin contre le sida (IAVI) a publié des estimations préliminaires sur l'impact global d'un vaccin. Les résultats reposent sur trois scénarios reflétant les différents niveaux d'efficacité du vaccin et de couverture de la population. Ces scénarios ont également inclus les projections à long terme d'ONUSIDA sur la courbe de l'épidémie au cours des 25 prochaines années, en supposant que les programmes de prévention et de traitement actuels continueront de se développer jusqu'en 2012, puis se stabiliseront avec une couverture de 80 %.

À des fins d'illustration, la simulation suppose qu'un vaccin a été introduit en 2015 (voir le graphique). Ces données montrent qu'un vaccin partiellement efficace permettrait de réduire de plus de la moitié le nombre de personnes infectées par an. Selon le modèle d'IAVI, avec un vaccin efficace à 60 %, introduit en 2015 et administré à un tiers de la population des pays en développement, 4,7 millions de personnes infectées par an seraient infectées d'ici à 2030, au lieu de 10 millions, et plus de 45 millions de personnes, qui auraient été infectées par le VIH de 2015 à 2030, seraient protégées. Dans un scénario plus optimiste, un vaccin de grande efficacité touchant un large secteur de la population pourrait inverser considérablement la propagation de l'épidémie. Toujours selon le modèle, un vaccin d'une efficacité de 95 %, distribué à 40 % de la population, pourrait réduire de 82 % le nombre de personnes infectées par an et protéger plus de 70 millions de personnes. Même un vaccin moins efficace, administré à un nombre moins important de personnes, pourrait permettre d'arrêter l'épidémie. Un vaccin efficace à 40 %, distribué à un cinquième de la population pourrait réduire d'un tiers le nombre de nouvelles infections par an, et éviter près de 30 millions de nouvelles infections sur les 150 millions qui auraient été escomptées sur une période de 15 ans.

Pour réaliser le potentiel que représente un vaccin, il faut relever les défis qui se présentent, entre autres les questions de financement et la mise en place d'incitations pour accélérer la recherche du secteur privé et la mise au point de vaccins. L'engagement des entreprises du secteur privé est crucial car elles jouent un rôle essentiel dans la recherche et le développement de vaccins à des fins commerciales. Le secteur privé est, cependant, peu enclin à investir dans la recherche et le développement de vaccins contre le sida car la demande viendra essentiellement des pays en développement, qui ont moins de ressources financières. Selon un rapport sur le Suivi du financement de la recherche et du développement d'un vaccin préventif contre le VIH, publié en juin 2005 conjointement par l'IAVI, l'AIDS Vaccine Advocacy Coalition, l'Alliance pour les microbicides et ONUSIDA, sur les 682 millions de dollars consacrés à la recherche et au développement d'un vaccin contre le sida en 2004, le secteur public a contribué à hauteur de 88 %, le secteur privé à seulement 10 % et le secteur philanthropique à 2 %. Les mesures d'incitations pour le secteur privé pourraient comprendre des incitations fiscales ou des garanties du marché par lesquelles les donateurs s'engageraient à acheter un vaccin à un prix donné pour appuyer sa mise au point et sa mise sur le marché.

Il faut également augmenter et soutenir le financement de la recherche et du développement afin d'accélérer les succès éventuels. Or, il manque environ 300 à 400 millions de dollars par an pour y parvenir. L'IAVI a appelé à combler ce déficit d'ici à 2008. Pour accroître et soutenir la riposte mondiale au VIH/sida, une approche à long terme, qui combine les méthodes de prévention existantes et les nouvelles technologies de prévention, en particulier les vaccins et les microbicides, est nécessaire. L'importance de ces technologies a été une fois de plus soulignée lors de la Réunion de haut niveau sur le sida, qui s'est tenue au siège de l'ONU, à New York, du 31 mai au 2 juin 2006. La Déclaration politique souligne la nécessité de " mettre au point de manière tout aussi urgente des moyens plus efficaces (médicaments, moyens de dépistage et méthodes de prévention, y compris vaccins et microbicides) pour l'avenir.

L'impact d'un vaccin contre le sida pourrait être particulièrement important pour les femmes et les jeunes. Il faudrait que les femmes puissent y avoir recours sans que leur partenaire le sache. Ce serait une méthode de protection très efficace. Les adolescents, surtout les filles, qui sont particulièrement vulnérables à l'infection, pourraient être vaccinées avant d'atteindre la puberté ou d'avoir des rapports sexuels à risque. Pour réaliser le rêve d'un monde sans sida, les vaccins sont le meilleur espoir de l'humanité.


Biographie
Christian Gladel travaille à l'Initiative internationale du vaccin contre le sida (IAVI). Organisation mondiale à but non lucratif fondée en 1996 et opérationnelle dans 23 pays, IAVI et son réseau de partenaires se consacrent à la recherche et à la mise au point de candidats vaccins pour prévenir l'infection par le VIH et le sida. Elle veille également à ce que le futur vaccin soit accessible à tous ceux qui en auront besoin.
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