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PHOTO Rasna Warah
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Il suffit parfois d'un être humain pour faire pencher la
balance et changer le cours de l'histoire. En 2007, cet être
humain viendra s'installer dans une ville, où y sera né,
et les démographes qui observent les processus d'urbanisation
le signaleront comme le moment où le monde entrera dans un
nouveau millénaire urbain où la majorité de
la population mondiale vivra dans des villes. Le nombre d'habitants
des taudis augmentera aussi pour atteindre le milliard, un citadin
sur trois vivra dans un logement non convenable, sans accès
aux services de base ou avec un accès minimum.
Trois tendances importantes caractériseront le processus
d'urbanisation dans cette nouvelle ère urbaine. Premièrement,
les plus grandes villes se trouveront en majorité dans les
pays en développement. Les " métapoles "
- énormes conurbations tentaculaires de plus de 20 millions
qui dépassent la taille des mégapoles - se développent
en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Abritant seulement
4 % de la population mondiale, la majorité d'entre elles
croît à un rythme relativement lent de 1,5 % par an.
La taille de ces agglomérations urbaines indique une transformation
des régions en zones urbaines, ainsi que " l'émergence
de métropoles ", ce qui demande des formes plus polycentriques
de gouvernance et de gestion urbaines et des relations plus étroites
entre les municipalités. L'ampleur de l'impact des métapoles
et des mégapoles sur l'arrière-pays, également
importante, sera probablement une source de préoccupations
au cours des décennies à venir.
Deuxièmement, malgré l'émergence de métapoles,
la majorité des migrants urbains vivra dans des petites villes
de moins de 1 million d'habitants. Plus de la moitié de la
population urbaine mondiale habite dans des villes de moins de 500
000 habitants et près d'un cinquième dans des villes
de 1 à 5 millions d'habitants - on s'attend à ce que
ces lieux intermédiaires croissent à un rythme plus
rapide. Plutôt que la migration, l'augmentation naturelle
de la population contribue à la croissance urbaine dans de
nombreuses régions, de même que la reclassification
des zones rurales en zones urbaines. L'absence relative d'infrastructure,
comme les routes, l'approvisionnement en eau et les communications,
rend de nombreuses villes moins compétitives et a des répercussions
sur la qualité de vie de leurs habitants.
Troisièmement, les villes des pays en développement
absorberont 95 % de la croissance urbaine au cours des deux prochaines
décennies et compteront près de 4 milliards de personnes
d'ici à 2030, soit 80 % de la population urbaine mondiale.
Après 2015, la population rurale commencera à décroître
alors que la croissance urbaine s'intensifiera dans les villes d'Asie
et d'Afrique qui abriteront en 2030 les plus grandes populations
urbaines avec, respectivement, 2,66 milliards et 748 millions d'habitants.
La pauvreté et les inégalités seront une caractéristique
de nombreuses villes des pays en développement et, dans certaines
régions, la croissance urbaine sera synonyme de formation
de taudis. Aujourd'hui, l'Asie compte déjà plus de
la moitié des habitants des taudis (581 millions), viennent
ensuite l'Afrique sub-saharienne (199 millions), avec un taux annuel
de croissance urbaine et des bidonvilles des plus élevés
au monde (respectivement 4,58 % et 4,53 %), l'Amérique latine
ainsi que les Caraïbes (134 millions).
Les conflits qui menacent constamment certains pays africains sont
des facteurs qui contribuent à la prolifération des
taudis dans les zones urbaines. La crise prolongée au sud
du Soudan, par exemple, a entraîné un exode massif
des populations rurales vers Khartoum, la capitale, qui a accueilli
près de la moitié des quelque 6 millions de personnes
déplacées à la fin des années 1990.
Confrontés à des inégalités croissantes
et à la pauvreté dans les villes, les décideurs
politiques devront tenir compte de ces tendances.
L'urbanisation peut, cependant, être une force positive pour
le développement humain. Les pays très urbanisés
ont des revenus souvent plus élevés, des économies
plus stables, des institutions plus solides et sont moins vulnérables
à la volatilité de l'économie mondiale. Dans
les pays développés comme dans les pays en développement,
les villes génèrent une part disproportionnée
du produit intérieur brut et offrent des opportunités
d'emploi et d'investissement. Les études indiquent pourtant
que, malgré leur immense potentiel à créer
de la richesse, elles ne réussissent pas à réduire
la pauvreté. Au contraire, dans un grand nombre de villes,
les inégalités entre les riches et les pauvres se
sont creusées, et la taille et la proportion de la population
des bidonvilles ont augmenté.
Bien que la pauvreté soit principalement rurale, elle est
devenue un phénomène urbain de plus en plus grave,
chronique et sous-estimé. Une partie importante de la population
urbaine souffre de privation extrême. Les analyses du Programme
des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT)
montrent que l'incidence des maladies et de la mortalité
est plus élevée dans les bidonvilles que dans les
zones urbaines sans taudis et, dans certains cas, comme en matière
de prévalence du VIH, qu'elle est égale ou même
plus élevée que dans les zones rurales. L'inégalité
d'accès aux services, au logement, à la terre, à
l'éducation, aux soins de santé et à l'emploi
dans les villes a des répercussions socio-économiques,
environnementales et politiques, exacerbe la violence et les conflits,
entraîne la dégradation de l'environnement et le chômage,
risquant de miner les progrès en termes de revenus et de
réduction de la pauvreté.
Le Rapport 2006/2007 sur l'état des villes dans le monde
fournit un aperçu des questions liées aux villes,
aux bidonvilles et aux Objectifs du Millénaire pour le développement
(OMD). Il montre clairement que la lutte contre la pauvreté
dépend étroitement de la performance des villes. Il
met en relief trois questions liées entre elles : les OMD
offrent un cadre pertinent afin de lier les opportunités
fournies par les villes et l'amélioration de la qualité
de la vie; la réalisation des OMD dépend de la capacité
du gouvernement à réduire la pauvreté urbaine,
les inégalités ainsi que le nombre de taudis; et l'amélioration
des conditions de vie dans les bidonvilles aura un effet positif
sur la réalisation de la plupart des OMD et de leurs cibles.
Depuis que les gouvernements surveillent la performance de leur
pays en matière de développement humain, les progrès
réalisés dans les divers secteurs tendent à
se concentrer sur deux zones géographiques : rurale et urbaine.
Les statistiques montrent que les populations urbaines sont mieux
loties que les populations rurales; elles bénéficient
d'un meilleur accès aux services et affichent des indicateurs
de développement humain élevés, notamment en
ce qui concerne l'espérance de vie et l'alphabétisme.
Il s'avère cependant que dans les pays en développement,
la pauvreté urbaine est devenue un problème aussi
grave que la pauvreté rurale. Selon le rapport, il existe
des similarités notables entre les bidonvilles et les zones
rurales :
o Dans les pays à revenu faible, comme le Bangladesh, l'Éthiopie,
Haïti, l'Inde, le Népal et le Niger, 4 enfants sur 10
vivant dans les bidonvilles souffrent de malnutrition.
o La prévalence de la diarrhée est plus élevée
parmi les enfants des villes, comme Khartoum et Nairobi, que parmi
les enfants des zones rurales. Dans les bidonvilles, plus que l'absence
de vaccination, ce sont les mauvaises conditions de vie, comme le
manque d'accès à l'eau et à l'assainissement
ou à la pollution de l'air dans les habitations, qui sont
responsables des maladies respiratoires ou d'origine hydrique, la
principale cause de décès des enfants.
o Dans certains quartiers de bidonvilles, la malnutrition et la
faim sont pratiquement aussi présentes que dans les zones
rurales. En Inde, les habitants des taudis souffrent légèrement
plus de malnutrition que les populations rurales.
o Les données récentes sur le VIH/sida montrent que
dans plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne, la prévalence
du VIH est considérablement plus élevée dans
les zones urbaines que dans les zones rurales, ainsi que dans les
zones de bidonvilles que dans les zones urbaines sans taudis. De
surcroît, les femmes qui vivent dans les taudis sont les plus
touchées, leur taux de prévalence du VIH étant
plus élevé que celui des hommes et des femmes vivant
dans des zones rurales.
o Dans plusieurs pays, la pyramide d'âge de la population
des bidonvilles et de la population rurale montre des modèles
similaires : les deux groupes sont généralement plus
jeunes et meurent plus jeunes que les populations urbaines qui ne
vivent pas dans des taudis, où le taux de mortalité
infantile est généralement moins élevé
et celui de l'espérance de vie plus élevé.
Des études ont montré que les enfants des bidonvilles
urbains ont plus de chances de mourir de maladies comme la pneumonie,
la diarrhée, le paludisme, la rougeole ou le VIH/sida que
les enfants vivant dans les zones urbaines sans taudis à
cause des conditions de vie insalubres. Dans de nombreux cas, la
pauvreté, les systèmes d'assainissement insuffisants
et l'air intérieur pollué rendent les enfants et les
femmes vivant dans les taudis plus vulnérables aux maladies
respiratoires et aux autres maladies infectieuses. Pour de nombreux
habitants des taudis, le surpeuplement et les conditions de vie
dangereuses, y compris la menace d'expulsion, affectent leurs moyens
de subsistance. Il existe aussi une corrélation évidente
entre le lieu de résidence des populations et l'emploi. Selon
une étude réalisée en France, les demandeurs
d'emploi vivant dans des quartiers pauvres ont moins de chances
d'obtenir un entretien que ceux qui vivent dans des quartiers aux
revenus intermédiaires ou élevés. Selon une
autre étude réalisée à Rio de Janeiro,
habiter dans une favela est un obstacle plus important que d'être
une personne de couleur ou une femme - ce qui confirme que "
le lieu de résidence est important " pour ce qui concerne
la santé, l'éducation et l'emploi.
L'étude montre également que la ville a deux faces.
Non seulement les taudis sont caractérisés par des
logements insalubres, des services de base insuffisants et le déni
des droits de l'homme mais ils sont symptomatiques du dysfonctionnement
des sociétés urbaines où les inégalités
sont non seulement tolérées mais s'accentuent sans
que rien ne soit fait pour y remédier. Ce rapport dévoile
une nouvelle réalité urbaine, montrant comment les
conditions de vie affectent les habitants des taudis : ils meurent
plus jeunes, souffrent de la faim, n'ont pas accès, ou ont
un accès limité, à l'éducation, ont
moins de chances de trouver un emploi dans le secteur formel et
sont plus susceptibles de tomber malades. La communauté internationale
ne peut plus se permettre d'ignorer les habitants des taudis qui
représentent le deuxième groupe cible le plus important
après les populations rurales en matière d'interventions
dans le domaine du développement. Les OMD doivent donc cibler
ce groupe défavorisé et vulnérable.
La prolifération des taudis au cours des 15 dernières
années est sans précédent. En 1990, 715 millions
de personnes vivaient dans des bidonvilles. En 2000, ils sont passés
à 912 millions pour atteindre près de 998 millions
aujourd'hui. Selon ONU-HABITAT, si la tendance actuelle continue,
ce chiffre atteindra 1,4 milliard en 2020. Un citadin sur trois
habite dans un bidonville. Certains bidonvilles deviennent moins
visibles ou plus intégrés dans le tissu urbain alors
que les villes se développent et que les revenus s'améliorent,
tandis que d'autres font partie du paysage urbain.
Les habitants des taudis vivent souvent dans des conditions sociales
et économiques difficiles mais ne sont pas tous exposés
au même degré de privation. ONU-HABITAT utilise une
définition opérationnelle du taudis, avec des indicateurs
mesurables au niveau des ménages. Quatre indicateurs couvrent
les caractéristiques physiques des conditions d'habitation
: l'accès à l'eau et à l'assainissement, le
surpeuplement et la durabilité du logement. Ces indicateurs,
connus également comme éléments de privation
en matière de logement, se concentrent sur les circonstances
entourant la vie dans les taudis, décrivant les défaillances
et cataloguant la pauvreté comme un attribut de l'environnement
dans lequel les habitants des taudis vivent. Le cinquième
indicateur - la sécurité d'occupation - a trait au
domaine juridique, ce qui n'est pas facile à mesurer ou à
surveiller alors que le statut des habitants des taudis dépend
des droits de facto ou de jure, ou bien de l'absence de ces droits.
Connaître la proportion des habitants vivant dans des taudis
dans les zones urbaines ainsi que les privations dont ils souffrent
en matière de logement permet de mettre au point des interventions
qui ciblent les populations urbaines les plus vulnérables.
Le Rapport " L'état des villes dans le monde "
présente une analyse des divers éléments de
privation, ce qui permet de lier les informations de surveillance
aux politiques et de développer des programmes et des interventions
plus rigoureux et plus systématiques plus en accord avec
les lieux et les situations spécifiques. Il fournit un aperçu
général de l'état des taudis dans le monde
en fonction de cinq indicateurs :
Durabilité du logement
On estime que dans les pays en développement, 133 millions
de personnes vivant dans les régions en développement
n'ont pas un logement durable. Plus de la moitié de la population
urbaine habitant dans des logements non durables ou non permanents
résident en Asie, la plus faible proportion étant
en Afrique du Nord. L'analyse montre cependant que les chiffres
mondiaux sur la durabilité du logement sont sous-estimés,
la durabilité étant fondée principalement sur
le caractère permanent des structures et non sur les lieux
d'habitation ou le respect des codes de construction. En outre,
les estimations tiennent seulement compte de la nature des matériaux
utilisés pour le sol, peu de pays recueillant les informations
sur les matériaux utilisés pour le toit et les murs.
Les chiffres indiquent que plus de 90 % des logements urbains dans
le monde sont pourvus d'un sol permanent mais ces chiffres baissent
considérablement dans plusieurs pays lorsque l'on combine
les estimations sur les matériaux utilisés pour le
sol, le toit et les murs. En Bolivie, par exemple, on estime que
83,8 % de la population urbaine habite dans un logement durable
lorsque seul le matériau pour le sol est pris en compte,
mais ce chiffre baisse à 27,7 % avec l'ajout des matériaux
pour les murs et le toit. L'analyse statistique du rapport montre
que lorsque les indicateurs de la structure physique sont combinés,
les résultats fournissent une idée plus réaliste
de la durabilité du logement.
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©OWH Photo/P.
Virot |
Surface habitable
Le surpeuplement est une manifestation de l'inégalité
en matière de logement et une forme de " sans-abrisme
déguisé ". En 2003, environ 20 % de la population
urbaine mondiale, soit 401 millions de personnes, ne jouissait pas
d'un espace habitable suffisant, c'est-à-dire que trois personnes
ou plus partagaient une seule chambre. Deux tiers de cette population
urbaine résident en Asie, dont la moitié (156 millions)
en Asie du Sud. Le rapport montre comment les conditions de vie,
notamment le surpeuplement et le manque d'aération, sont
liées à des comportements sociaux négatifs.
Il souligne que le risque de transmission de maladies et d'infections
s'accentue avec l'augmentation du nombre de personnes vivant entassés
dans des espaces restreints et mal aérés.
Accès amélioré à un approvisionnement
en eau
Bien que les statistiques officielles reflètent mieux l'approvisionnement
en eau dans les zones urbaines que dans les zones rurales, les enquêtes
montrent que, dans de nombreuses villes, la quantité, la
qualité et le prix de l'eau dans les établissements
urbains à revenufaible ne répondent pas à des
normes acceptables. L'amélioration de l'approvisionnement
en eau dans les zones urbaines aurait été de 95 %
en 2002. Cela ne signifie pas forcément que l'eau est salubre,
en quantité suffisante, que les prix sont abordables et que
l'accès est facile. L'analyse révèle que l'eau
du robinet est un luxe dont bénéficie seulement deux
tiers de la population urbaine mondiale : moins de la moitié
(46 %) n'a pas l'eau courante; 10 % s'approvisionnent aux sources
d'eau publiques; et 8 % ont seulement accès à des
pompes manuelles ou à des puits protégés. Les
différences entre les régions indiquent que l'Afrique
a la proportion la plus faible de ménages urbains avec l'eau
courante (38,3 %), l'Amérique latine et les Caraïbes
ayant la proportion la plus élevée (89,3 %). Un sondage
d'ONU-HABITAT a montré qu'à Addis-Abeba, en Éthiopie,
la proportion des citadins à revenu faible ayant accès
à l'eau était passée de 89 à 21 % quand
le coût et la qualité de l'eau ont été
pris en compte. Dans les zones urbaines, le manque d'accès
à l'eau a un rapport direct avec les maladies d'origine hydrique
ou liées à l'eau.
Accès amélioré à des services d'assainissement
Plus de 25 % de la population urbaine mondiale, soit 560 millions
de personnes, n'a pas accès à des services d'assainissement
adéquats. L'Asie en compte plus de 70 %, principalement en
raison des grandes populations urbaines de Chine et d'Inde. Selon
les analyses d'ONU-HABITAT, tandis que les villes en Asie du Sud
et du Sud-Ouest ont réalisé d'immenses progrès
en matière d'accès à l'assainissement dans
les zones urbaines, dans les villes d'Afrique subsaharienne et d'Asie
de l'Est, respectivement 45 % et 31 % de la population urbaine n'y
ont pas accès. Dans certains pays d'Asie du Sud, l'accès
aux services d'assainissement est peu développé, comme
en Afghanistan où seulement 16 % de la population urbaine
a accès à des toilettes convenables. Des centaines
de milliers de personnes meurent chaque année de maladies
causées par des conditions de vie insalubres dues au manque
d'accès à l'eau salubre et à l'assainissement.
Le nombre de décès imputable au manque d'assainissement
et d'hygiène pourrait s'élever à 1,6 million
par an. Ce sont les femmes qui pâtissent le plus du manque
d'assainissement adéquat, devant, par exemple, faire face
à de longues périodes d'attente pour avoir accès
aux toilettes publiques. L'assainissement inadéquat est une
sorte de " tsunami invisible ", engendrant des maladies
et des décès, en particulier parmi les femmes et les
enfants.
Sécurité d'occupation
Les expulsions massives d'habitants de taudis et de squats qui sont
survenues dans plusieurs villes au cours des dernières années
indiquent que la sécurité d'occupation est de plus
en plus précaire, en particulier en Afrique sub-saharienne
et en Asie où les expulsions se font souvent dans le cadre
de projets d'infrastructure à grande échelle ou de
réaménagement urbain. Selon une enquête réalisée
dans 60 pays, 6,7 millions de personnes ont été expulsées
de leur logement entre 2000 et 2003 contre 4,2 millions les deux
années précédentes. Nombre de ces expulsions
ont été menées sans préavis légal
ou sans respect de la légalité. Elles pourraient être
évitées en améliorant la sécurité
d'occupation mais, concrètement, au niveau de la surveillance
mondiale, cela reste une tâche difficile. Dans la plupart
des pays, il n'est ni possible d'obtenir des données sur
la sécurité d'occupation des ménages ni de
fournir des données comparatives mondiales sur les aspects
institutionnels de la sécurité d'occupation, ces données
n'étant pas régulièrement recueillies lors
des recensements ou des enquêtes. Toutefois, selon des informations,
entre 30 et 50 % des résidents urbains des pays en développement
ne jouissent d'aucun droit de sécurité d'occupation.
Même si la propriété d'un logement est considérée
comme la forme la plus sûre en matière de sécurité
d'occupation, elle est loin d'être la norme dans les pays
développés et dans ceux en développement et
n'est pas le seul moyen de garantir cette sécurité.
De fait, le développement illégal est devenu la pratique
la plus courante en matière de construction d'habitations
dans les pays en développement où l'accès au
logement par le biais des voies légales est l'exception à
la règle pour la majorité des ménages pauvres
urbains. ONU-HABITAT et ses partenaires travaillent actuellement
à la mise au point d'un système de surveillance mondiale
afin de créer un cadre visant à aider les gouvernements
locaux et nationaux à fournir des informations sur la manière
dont les populations ont accès à la sécurité
d'occupation, utilisant une méthodologie convenue en termes
de définitions, d'indicateurs et de variables.
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UN Habitat photo/
Hiroshi Sato |
Depuis la première Conférence de l'ONU sur les établissements
humains (Habitat I) de 1976 à Vancouver, au Canada, la communauté
internationale a adopté et mis en uvre un éventail
de politiques et de programmes qui ont donné des résultats
mitigés. Beaucoup ont été un échec et
d'autres, qui ont donné de bons résultats dans le
cadre des projets pilotes, n'ont pu être reproduits à
une plus grande échelle et sont restés des cas isolés,
n'ayant pas eu un impact important sur les niveaux de pauvreté
urbaine ou sur les taux de croissance des bidonvilles. Au cours
des trente dernières années, il a fallu batailler
pour faire figurer la pauvreté urbaine à l'ordre du
jour du développement. Le silence ou la négligence
ont caractérisé la plupart des réponses politiques.
Cependant, avec l'adoption de la Déclaration du Millénaire
en 2000, la pauvreté urbaine a occupé une place centrale
dans l'ordre du jour du développement mondial. Dans le cadre
de son mandat visant à évaluer la performance de l'objectif
7, cible 11 - améliorer la vie d'au moins 100 millions d'habitants
des taudis d'ici à 2020 - ONU-HABITAT a mis au point un vaste
système de surveillance et d'établissement de rapports
et a évalué au moins 100 pays pour déterminer
s'ils étaient " en bonne voie ", " à
un point stable ", " à risque " ou "
encore loin " d'atteindre la cible concernant les taudis à
l'aide de trois critères : le taux de croissance annuel des
bidonvilles ainsi que le pourcentage et la population de ceux-ci.
Les résultats ont révélé certains aspects
intéressants. Les pays qui ont réussi à réduire
les trois conditions citées plus haut au cours des 15 dernières
années partageaient de nombreux points : leur gouvernement
avait pris l'engagement politique à long terme d'améliorer
les taudis et d'empêcher leur prolifération; beaucoup
avaient adopté des réformes foncières et immobilières
favorables aux pauvres afin d'améliorer le statut de sécurité
d'occupation des habitants des taudis et leur accès aux services
de base; la plupart avaient utilisé les ressources nationales
pour améliorer les taudis et empêcher la formation
de nouveaux; et un nombre important avait mis en place des politiques
qui mettaient l'accent sur l'égalité dans un environnement
de croissance économique. Dans de nombreux pays, les améliorations
dans un seul secteur avaient eu un impact significatif sur la réduction
du nombre de taudis, en particulier dans les villes où les
habitants souffraient d'un ou de deux éléments de
privation en matière de logement.
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UN Habitat photo/
O. Saltbones |
Une autre étude a montré que les pays qui avaient
géré efficacement la croissance des taudis étaient
dotés de systèmes et de structures de gouvernance
très centralisés. Même dans les cas de systèmes
décentralisés, les actions politiques visant à
prévenir la formation de nouveaux bidonvilles et à
améliorer les bidonvilles existants avaient été
mises en uvre par le biais d'interventions centralisées.
Les gouvernements centraux avaient en effet pu mettre en place des
mesures et des ressources pour assurer la cohérence de la
création et de la mise en uvre des projets d'amélioration
des bidonvilles et avaient été en mesure de présenter
des lois et des réformes favorables aux pauvres afin de s'attaquer
aux éléments de privation en matière de logement.
Ils ont réussi à mettre en place des accords institutionnels,
à allouer des budgets importants et à mener à
bien des projets afin de répondre efficacement aux objectifs
et aux engagements. Dans des pays comme l'Afrique du Sud, le Brésil,
l'Égypte, le Mexique, la Thaïlande et la Tunisie, la
mise en uvre de politiques inclusives, de réformes
agraires, de programmes de régularisation et l'engagement
à améliorer la vie des pauvres urbains ont été
la clé du succès de l'amélioration des taudis
et des programmes de prévention. Ces pays ont développé
des politiques spécifiques ou intégré l'amélioration
des taudis et la prévention dans le cadre de politiques et
de programmes de réduction de la pauvreté plus vastes
visant à répondre aux impératifs sociaux et
à promouvoir le développement économique national.
Leurs gouvernements centraux ont joué un rôle essentiel
non seulement en veillant à l'amélioration physique
des taudis mais en s'assurant aussi que les investissements étaient
orientés vers d'autres secteurs comme l'éducation,
la santé, l'assainissement et les transports. Ceci amorce
peut-être une nouvelle tendance dans les paradigmes de la
gouvernance, avec l'adoption d'une approche mieux coordonnée
dans le développement et la mise en uvre de politiques,
les programmes de réduction de la pauvreté étant
confiés aux gouvernements centraux, alors qu'ils seraient
entre autres mandatés et habilités à allouer
des ressources dans divers secteurs prioritaires, tandis que les
autorités locales coordonneraient les actions opérationnelles
au niveau local.
Le Rapport 2006-2007 sur l'État des villes dans le monde
montre clairement que les pays qui s'efforcent de faire face à
la prolifération des bidonvilles n'ont pas tous baisser les
bras. En Afrique subsaharienne, des pays comme le Burkina Faso,
le Sénégal et la République unie de Tanzanie
ont montré qu'ils étaient prêts à fournir
un soutien politique pour améliorer les taudis et prévenir
la formation de nouveaux qui inclut des réformes politiques
dans le domaine de la gestion des terres et des logements. Certains
pays à revenu faible et intermédiaire, comme la Colombie,
le Salvador, les Philippines, l'Indonésie, le Myanmar et
le Sri Lanka, où les taux de croissance des bidonvilles commencent
à se stabiliser ou à s'inverser, n'ont pas attendu
d'atteindre une croissance économique soutenue pour aborder
la question des taudis. Ils ont réussi à empêcher
la formation de nouveaux taudis en anticipant et en planifiant la
croissance des populations urbaines. Ils ont offert aux pauvres
urbains des possibilités dans les domaines de l'économie
et d'emploi en investissant dans des logements sociaux et abordables
destinés aux groupes les plus vulnérables et en adoptant
des réformes et des politiques favorables aux pauvres qui
ont eu un impact positif sur l'accès des populations aux
services. Ils apportent l'espoir et donnent l'exemple aux autres
pays à revenu faible en montrant qu'il est possible d'empêcher
la formation de bidonvilles avec des politiques et des méthodes
appropriées.
Ce qui ressort clairement du rapport, c'est que la formation de
bidonvilles n'est ni inévitable, ni acceptable. " Déloger
les pauvres de la ville par des expulsions ou des pratiques discriminatoires
n'est pas une solution. La seule solution durable de l'urbanisation
de la pauvreté est de les aider à mieux s'intégrer
dans le tissu urbain. Alors que le monde en développement
s'urbanise de plus en plus et que le foyer de la pauvreté
se déplace vers les villes, c'est dans les bidonvilles du
monde qu'il faudra engager les efforts pour réaliser les
OMD.
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