Chronique ONU

LES GROUPES AUTOCHTONES
Font une percée dans la communauté mondiale

Par Melissa Gorelick

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L'article

Les communautés autochtones, qui représentent seulement 5 % de la population mondiale mais 15 % des pauvres dans le monde, ont été fortement marquées par des siècles de décimation et de brutalité : violence, chômage et cycles vicieux de pauvreté. Ces communautés font cependant face à de nouveaux défis et, avec eux, se présentent des opportunités pour inverser ces cycles insidieux.

Dans le monde actuel globalisé aux réseaux bien organisés, les steppes montagneuses ou les forêts comme les forêts amazoniennnes ne sont plus aussi éloignées qu'elles ne l'étaient. Les médias et la technologie ont permis d'atteindre les quatre coins de la planète, offrant aux peuples autochtones un lien direct à la majorité dominante. L'image des peuples autochtones, peuples trop longtemps tenus à l'écart, ne servira plus seulement à illustrer les textes d'anthropologie.
Photo onu/John Isaac

Maintenant que de nouveaux liens ont été établis, les groupes autochtones ont une chance d'être représentés au sein de la communauté mondiale et sont prêts à être perçus pour ce qu'ils sont : des communautés complexes et dynamiques. C'est un changement immense et une grande responsabilité. L'ONU s'est jointe aux communautés autochtones pour organiser la cinquième session de l'Instance permanente sur les questions autochtones, qui a eu lieu du 15 au 26 mai 2006. Plus de 1 200 représentants autochtones se sont rendus au siège de l'ONU, à New York, pour affirmer leur engagement à jouer un plus grand rôle sur la scène internationale.

" Les questions auxquelles font face les peuples autochtones se heurtent à un mur. Cela indique que nous sommes à un moment où le changement est impératif ", a expliqué Merata Mita, une cinéaste maorie de Nouvelle-Zélande qui a participé à l'Instance avec le projet de film " All Roads " de National Geography dont elle est membre du conseil consultatif. Il nous faut, a-t-elle poursuivi, regarder le monde différemment. " Un aspect important de l'avenir des peuples autochtones est de penser de manière plus latérale et d'essayer de surmonter ces limites. "

Les projets comme All Roads, qui attribuent des bourses aux photographes et aux cinéastes autochtones pour qu'ils développent leur talent et leur imagination et fassent connaître leurs œuvres lors de manifestations internationales comme l'Instance permanente de l'ONU, sont des sources importantes de soutien. All Roads a connu un grand succès partout dans le monde. La série animée de 2004, " Raven Tales ", basée sur la mythologie aborigène nord-américaine, est maintenant distribuée par Porchlight Entertainment et sera diffusée sur la chaîne PBS et ses affiliés aux États-Unis. Les artistes aborigènes espèrent que le contact avec les réalités de leur vie aura un effet durable sur la conscience mondiale et permettra de se débarrasser des idées préconçues et de les remplacer par des visages humains.

" L'art et la vie ne sont pas statiques ", a déclaré Chris Rainier, un collègue de Mme Mita, qui dirige le projet consacré à la photographie. Certains thèmes des projets All Roads traitent des changements qui se présentent aujourd'hui dans les communautés autochtones et de leur lutte pour préserver leur identité, a-t-il commenté. " Nous devons être conscients qu'il est simplement inadéquat de mettre des barrières pour protéger les cultures autochtones et leur dire que nous refusons que vous changiez ", a-t-il ajouté, faisant référence aux attitudes préservationnistes des anthropologues et des historiens dans le passé.

Ce sentiment a été largement partagé durant les deux sessions et lors des nombreuses manifestations. Alors que ce rassemblement a été célébré joyeusement avec des chansons et des expositions hautes en couleurs présentées dans le hall d'entrée du siège de l'ONU, les questions du XXIe siècle étaient à l'ordre du jour. Avec son thème 2006 " Les Objectifs du Millénaire pour le développement et les peuples autochtones : redéfinir les objectifs ", l'Instance a affirmé la détermination des Nations Unies à inclure la voix de ces peuples dans le développement du nouveau millénaire ainsi que des clauses spéciales pour répondre à leurs besoins.

Lors de la table ronde intitulée " Les écrivains amérindiens sur l'écriture ", à laquelle ont participé deux célèbres poètes nord-américains et un public d'intellectuels et d'artistes, la réalité biculturelle de la vie autochtone moderne a été un thème émouvant. " Qu'est-ce qui nous rend Indien si on abandonne le buffle et le tipi ? ", a demandé James Thomas Stevens, un professeur et un poète Mohawk primé, en lisant des poèmes choisis. " L'idée de l'Indien "pur" […] est pratiquement utopique. " Cette image d'Épinal, a-t-il poursuivi, ne représentait pas les épreuves du passé et le métissage qui avait résulté parmi les Indiens d'Amérique en Amérique du Nord.


Mary Simat, une artiste de Narok, au Kenya, expose ses bijoux au bazar de l'Instance permanente. © PHOTO CHRONIQUE ONU/MELISSA GORELICK

Les membres du Forum des peuples autochtones ont également fait des déclarations remarquées sur leurs propres progrès. Lors de la cérémonie d'ouverture, le ministre des Affaires étrangères David Choquehuanca Cepedes a dit que la Bolivie, après cinq siècles d'exploitation, a élu un autochtone à la présidence du pays et qu'avec ce nouveau gouvernement une nouvelle ère s'annonçait pour les peuples autochtones du monde entier. D'autres participants se sont empressés d'ajouter que c'était grâce à l'utilisation du savoir traditionnel dans le monde moderne qu'ils pourraient progresser.

" L'un des points positifs pour les groupes autochtones dans le monde ", a déclaré Merata Mita, " c'est qu'ils ont gardé leur savoir et perpétué un savoir-faire pour subvenir à leurs besoins afin que leur survie ne soit pas la seule question à l'ordre du jour. Il y a des moyens d'appliquer ce savoir pour sensibiliser davantage la société et la faire progresser. " À Hawaï, a-t-elle poursuivi, le savoir autochtone sur la nature fait partie intégrante de la vie moderne. Quand l'État a fait face à une grave pénurie d'eau, par exemple, le Conseil pour l'approvisionnement en eau a fait appel aux populations autochtones, qui ont partagé leur ancien savoir sur la filtration des roches. Dans le monde entier, les autochtones qui s'opposent à la dépendance au pétrole pourraient offrir des solutions énergétiques alternatives dont nous avons de plus en plus besoin.


Allison Adelle Hedge Coke, de l'Institut d'art amérindien, et James Thomas Stevens, professeur à SUNY Fredonia
© PHOTO CHRONIQUE ONU/MELISSA GORELICK

Allison Adelle Hedge Coke, une poétesse nord-américaine de la tribu indienne Huron, a souligné ce point durant la discussion. Même les aspects très cognitifs de la pensée autochtone, a-t-elle indiqué, l'avaient aidée à comprendre le monde qui l'entoure et pourraient, de la même façon, bénéficier la société dans son ensemble. " Ce sont ces voix - les voix autochtones - qui peuvent aider le public à voir le monde pour ce qu'il est vraiment. "
Les conflits d'aujourd'hui ne pourront être résolus qu'en humanisant et en écoutant les voix autochtones contemporaines, à la fois dans les communautés autochtones et dans le reste du monde.

Pour de plus amples informations sur l'Instance permanente de l'ONU, veuillez visiter le site www.un.org/esa/socdev/unpfii/ et le All Roads Film Project à www.nationalgeographic/com/allroads.

DEUXIEME DECENNIE DES PEUPLES AUTOCHTONES
IL FAUT CONCRETISER LES ENGAGEMENTS

Des représentants des peuples autochtones, des responsables des Nations Unies et des membres d'organisations non gouvernementales se sont réunis le 15 mai 2006 au siège de l'ONU, à New York, pour la cérémonie d'ouverture de la cinquième session de l'Instance permanente sur les questions autochtones, qui a également lancé le Programme d'action de la Deuxième Décennie internationale des peuples autochtones.
Article 2 de la Déclaration des droits de l'homme, illustration par l'artiste brésilien Octavio Roth

S'appuyant sur les réalisations de la Première Décennie (1995-2004), qui avait mis en lumière les besoins des peuples autochtones, la Deuxième Décennie vise à renforcer la coopération internationale en vue de concrétiser les objectifs des peuples autochtones dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la santé, des droits de l'homme, de l'environnement et du développement social et économique. Les initiatives comprennent des programmes et des projets spécifiques centrés sur l'action, une plus grande assistance technique et des activités visant à établir des normes. La fin de la Deuxième Décennie, en 2015, coïncidera avec l'échéance de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le éveloppement (OMD), objectifs reconnus internationalement et visant, entre autres, à réduire de moitié l'extrême pauvreté et à stopper la propagation du VIH/sida avant la date butoir de 2015.

Dans un message vidéo adressé à l'Instance, le Secrétaire général Kofi Annan a dit que le Programme d'action " vise à aider les peuples autochtones à construire un avenir meilleur grâce à une pleine participation et aux partenariats, et à faire respecter leurs identités, leurs langues et leurs cultures. " J'appelle tous les États à travailler avec les peuples autochtones pour faire du Programme une réalité sur le terrain. Faisons en sorte que ces changements soient positifs dans la vie de chaque autochtone, où qu'il vive ", a-t-il ajouté.
Le Programme d'action vise à mettre en pratique le Document final du Sommet mondial de 2005 pour le bénéfice des peuples autochtones. Les États Membres avaient réaffirmé leur engagement à préserver et à maintenir le savoir, les innovations et les pratiques des communautés autochtones et avaient reconnu que leur développement durable était crucial dans la lutte contre la faim et la pauvreté. Ils s'étaient également engagés à faire progresser leurs droits humains et à présenter dès que possible pour adoption une déclaration des Nations Unies sur ces droits.

Le Secrétaire adjoint de l'ONU aux Affaires économiques et sociales, José Antonio Ocampo, coordonnateur de la Deuxième Décennie, a indiqué qu'il s'emploierait à encourager les synergies entre les OMD et les objectifs de la Deuxième Décennie. La communauté internationale a fait des progrès, a-t-il ajouté, mais pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de mettre en place des programmes et des projets axés sur l'action. Il a exhorté les parties intéressées à mettre en œuvre des programmes spécifiques pour la Décennie et de contribuer au fonds d'affectation pour les questions autochtones. Selon lui, il était indispensable de mettre en place un partenariat authentique pour promouvoir le bien-être et la dignité des peuples autochtones.

La Présidente de l'Instance permanente, Victoria Tauli-Corpuz, a déclaré que la création d'un ensemble de normes légales au niveau international assurerait le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones. Notant la conclusion du projet de déclaration après 11 ans de travail, elle a souhaité qu'il soit discuté au cours de la première session du nouveau Conseil des droits de l'homme et adopté par l'Assemblée générale avant la fin de 2006. La session s'est également ouverte par une cérémonie rythmée de chants et de danses interprétés par des danseurs, des chanteurs et des musiciens autochtones venant entre autres des États-Unis, de Russie, de Norvège et d'Australie.

L'Instance permanente sur les questions autochtones a été créée par le Conseil économique et social en juillet 2000 afin de fournir des conseils et des recommandations au système des Nations Unies, de sensibiliser et de promouvoir l'intégration et la coordination des activités menées au sein de l'ONU, ainsi que pour diffuser des informations sur les questions autochtones. L'Instance comprend 16 experts indépendants nommés par le Conseil. Huit sont nommés par les gouvernements et les huit autres sont directement nommés par les organisations autochtones de leurs régions.


 
 
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