Longtemps considérées une ressource économique
et environnementale d'une valeur inestimable, les forêts mondiales
perdent 200 km2 chaque jour -l'équivalent de la superficie
de l'Allemagne tous les cinq ans. La plus grande partie de cette
perte est due à la conversion des forêts en terres
agricoles ou pour l'élevage.
Le problème n'est pas que le déboisement et la destruction
des forêts sont passés inaperçus auprès
des responsables politiques, ce n'est pas le cas, mais qu'aucun
plan mondial réalisable n'a été à ce
jour mis en place pour gérer et préserver les forêts.
Toutefois, après des années de discussions intenses,
les pays ont finalement trouvé un terrain d'entente lors
du Sixième session du Forum des Nations Unies sur les forêts.
Ils se sont engagés à améliorer la gestion
des forêts en prenant des mesures pour préserver et
augmenter la couverture de celles-ci et réaliser leur potentiel
économique optimal, ainsi que pour accroître l'aide
aux pays en développement.
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Exploitation
forestière illégale et déforestation au
Malawi PHOTO FAO/A. CONTI |
Selon Pekka Patosaari, directeur du Secrétariat du Forum
de l'ONU sur les forêts, le nouveau consensus n'a pas été
établi sur des idées originales ou des accords historiques
mais, plutôt, sur la volonté de mettre en uvre
les recommandations déjà proposées. "
En fait, on a abordé maintes fois ces questions ; il n'y
a rien de nouveau. Mais ce qui est important c'est que nous avons
maintenant un haut niveau d'engagement et que le Forum a pris des
mesures importantes pour établir des règles au niveau
mondial et un cadre normatif afin de favoriser une gestion forestière
durable dans le monde. Les engagements envers les objectifs mondiaux
et les moyens de les mettre en uvre seront soutenus par le
rapport des pays sur les progrès réalisés pour
atteindre ces objectifs ", a-t-il indiqué.
Même si cette nouvelle résolution n'est pas le traité
international ou la convention sur la gestion forestière
durable que certains espéraient, il y a lieu d'être
optimiste pour l'avenir des forêts du monde et le 1,6 miliard
de personnes qui en dépendent. M. Patossari a souligné
que cet accord marquait un tournant en matière de politiques
forestières internationales. " Il est évident
que les États Membres veulent avancer. S'il est bien structuré,
fondé sur les décisions prises antérieurement
et développé, cet instrument, même s'il est
juridiquement non contraignant, peut jouer un rôle important
", a-t-il ajouté. " Tout repose sur l'engagement
politique. "
Et la détermination des États Membres sera vite testée.
Les pays se sont mis d'accord pour conclure et adopter dès
avril 2007 un instrument juridiquement non contraignant concernant
tous les types de forêts. Les négociations internationales
d'un accord sur la gestion, la préservation et la plantation
des forêts ont été laborieuses et controversées
pendant les deux dernières décennies. Alors que des
inquiétudes avaient été exprimées concernant
le déboisement lors du Sommet de la Terre de 1992 à
Rio de Janeiro, les négociations sur les forêts avaient
été particulièrement difficiles et s'étaient
conclues par un ensemble de principes non contraignants. Au cours
des deux décennies suivantes, les pays ont continué
de débattre et d'analyser les questions complexes dans divers
forums intergouvernementaux mais les efforts visant à établir
des engagements internationaux contraignants plus concrets ont été,
jusqu'ici, infructueux. Aux pays favorables à un instrument
plus efficace s'opposaient ceux qui craignaient qu'un nouvel instrument
international n'engendre des coûts élevés et
soit difficile à mettre en uvre, sans garantie de succès.
Les objectifs mondiaux sur les forêts,
tels qu'ils ont été fixés par le Forum
de l'ONU sur les forêts lors de sa sixième session
visent à :
- inverser la tendance à la déforestation
et à augmenter les efforts pour empêcher la
dégradation des forêts;
- augmenter de manière significative
la surface des forêts protégées et la
proportion des produits forestiers provenant de forêts
en gestion durable;
- augmenter les avantages économiques,
sociaux et écologiques tirés des forêts,
notamment en améliorant les moyens de subsistance
des populations qui dépendent d'elles;
- inverser la baisse de l'aide publique au
développement en faveur de la gestion forestière
durable et mobiliser de nouvelles ressources financières.
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Les forêts couvrent un tiers de la superficie de la Terre,
soit un peu moins de 4 milliards d'hectares. On estime que près
de 24 % de la population mondiale dépend, à divers
degrés, des forêts comme moyen de subsistance. Elles
offrent également une grande variété de produits
et de services : nourriture, bois de chauffage, matériaux
de construction, plantes et faune, ressources en eau, et jouent
un rôle important dans la conservation des sols, même
dans la régulation du climat.
Leur importance est un aspect souvent négligé dans
les débats. Contrairement à la plupart des autres
biens communs dont la protection et la gestion nécessitent
une responsabilité partagée, les forêts ont
la capacité de générer des activités
autofinancées pour leur propre protection tout en fournissant
des moyens de subsistance durables. Le commerce des produits du
bois représente plus de 150 milliards de dollars et le secteur
emploie 13 millions de personnes, presque l'équivalent de
la population de la Norvège et de la Suède réunies.
Toutefois, les pays ne sont pas tous en mesure de gérer
les ressources - une bonne gouvernance est un facteur primordial
pour exploiter ou gérer les forêts de manière
durable.
" Les forêts sont précieuses ", a indiqué
M. Patosaari. " Bien gérées, elles sont une source
de richesses inépuisable. On pourrait financer une grande
partie des projets pour arrêter le déboisement en utilisant
seulement les ressources existantes. Mais la réalité
est tout autre. Les terres occupées par les forêts
sont souvent considérées plus importantes pour l'agriculture
et les pâturages que pour la foresterie, l'agroforesterie
ou les " puits de carbone " qui contribuent à réduire
les effets du changement climatique. Le déboisement n'est
pas inévitable, a-t-il poursuivi.
" Nous parlons du déboisement comme si c'était
une loi de la nature. Mais non. Il est causé par l'homme,
et l'on peut donc l'inverser. " D'après lui, il faut
prendre de nombreuses mesures aux niveaux international et local
pour augmenter la rentabilité économique des forêts.
L'inégalité d'accès aux marchés mondiaux,
les mécanismes internationaux de fixation des prix et de
taxations ou les accords sur les droits d'importation défavorables
empêchent les pays en développement d'exploiter leurs
ressources forestières de manière durable. Et au niveau
local, une bonne gouvernance, qui élimine la corruption et
les mécanismes défavorables comme les subventions
agricoles gouvernementales, peut jouer un rôle vital dans
la gestion forestière durable.
M. Patosaari a souligné que la propriété locale
des forêts est essentielle. " Il faut encourager les
gens à créer des forêts, à maintenir,
à conserver et à utiliser ces ressources naturelles.
" Plusieurs pays ont déjà fait de grands progrès
en matière de gestion forestière. " Le Brésil,
par exemple, est actuellement sur le point d'adopter ces quatre
objectifs mondiaux dans le cadre de sa politique nationale ",
a-t-il expliqué. La République du Congo change ses
pratiques commerciales et applique les principes d'une gestion forestière
durable afin que les communautés locales profitent des accords
entre les entreprises européennes et nordiques. La Chine
a planté de nouvelles forêts pour protéger les
sols et les rivières, tandis que le Costa Rica est un des
premiers pays à collecter des redevances et à fournir
des services environnementaux.
Dans son pays d'origine, la Finlande, dont 60 % des terres sont
boisées, M. Patosaari a noté que la gestion forestière
par des particuliers ou des familles était une passion et
une source importante de revenus. De plus, la plupart des forêts
sont une source importante de biodiversité, 10 % étant
des réserves et des zones protégées, principalement
pour conserver la biodiversité et pour les loisirs. "
Si vous survolez la Finlande, vous voyez des forêts et des
lacs. La campagne est couverte de forêts et c'est un élément
important du style de vie. "
" Nous avons aussi un ancien droit d'accès libre aux
forêts, quel qu'en soit le propriétaire ", a-t-il
ajouté. " Il n'y a pas de clôtures, on peut cueillir
des baies et ramasser des champignons. Et on peut même y passer
la nuit et, au besoin, faire un feu de camp. Ce droit d'accès
a fait naître parmi les citoyens un sens de la responsabilité
et le respect pour la nature. "
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