En moins de trois ans, près de 100 000 habitants des zones
rurales dans le sud de l'Inde ont eu accès à des services
d'énergie propre et fiable grâce aux emprunts que les
familles ont pu faire auprès des banques traditionnelles,
ce qui était jusqu'alors impossible. Plus de 16 300 familles
ont participé au programme de prêts pour l'énergie
solaire en Inde créé par le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUE), qui travaille depuis
quelques années avec le secteur de la finance afin d'élaborer
de nouvelles approches pour financer les énergies renouvelables.
Les prêts destinés aux systèmes solaires ménagers
(SHS) ont été accordés par deux des plus grandes
banques indiennes, la Canara Bank et la Syndicate Bank. Il n'y a
pas eu de subventions de capitaux mais une bonification des taux
d'intérêt, ce qui a permis de gagner la confiance des
banques qui se sont montrées mieux disposées à
augmenter leurs services de prêts pour une technologie qu'elles
ne trouvaient pas intéressantes sur le plan financier. En
Inde, le secteur de l'énergie solaire en expansion a un marché
potentiel qui représente
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Un
technicien installe un système d'énergie solaire
sur le toit d'une maison. Photo/Selco |
65 % des foyers ruraux n'ayant pas accès à un approvisionnement
en électricité fiable. Si certains ont peut-être
accès à l'électricité, mais de manière
intermittente, la plupart utilisent le kérosène pour
s'éclairer et la bouse de vache et le bois pour se chauffer
- une énergie de mauvaise qualité qui a des conséquences
sur leur santé dues aux maladies respiratoires et qui entrave
leur développement économique et social.
Sans financement, cependant, le coût initial élevé
d'un système photovoltaïque exerce des contraintes sur
la croissance du marché indien. Un meilleur accès
au crédit permet aux foyers ruraux d'acheter des services
d'énergie plus propre avec l'argent qu'ils dépensent
pour des formes d'énergie moins efficaces et souvent plus
polluantes (voir le tableau ci-dessus). L'Inde dispose d'une infrastructure
bancaire développée, mais les liens au secteur des
énergies renouvelables ont été peu développés,
quand ils existent.
L'objectif principal du programme de prêts est d'aider les
banques indiennes à créer des portefeuilles de prêts
pour les systèmes d'énergie solaire ménagers
dans les régions mal approvisionnées du sud de l'Inde.
Les études montrent que, sans ces programmes, les ménages
pauvres vivant dans les régions rurales et semi-rurales sont
les plus touchés par les coupures de courant et ont un accès
limité aux autres solutions meilleures et plus chères.
Ces programmes contribuent aussi aux efforts du gouvernement pour
augmenter le financement local des groupes de solidarité
de la Grameen Bank, la version indienne du microcrédit, dont
les clients potentiels sont les ménages et les petites entreprises
qui cherchent à utiliser les SHS pour générer
des activités domestiques ou des revenus.
Au cours de la première phase du programme, un grand nombre
de parties intéressées ont été consultées,
notamment des fournisseurs de SHS, des banques et d'autres institutions
de financement à petite échelle, des organisations
gouvernementales et non gouvernementales. Ces consultations ont
permis de faire le point sur l'industrie de l'énergie solaire
dans le sud de l'Inde, de déterminer le financement nécessaire
pour les SHS et les meilleurs mécanismes pour augmenter le
financement. Même si les banques disposaient de capitaux suffisants
et cherchaient généralement à développer
de nouveaux services de prêts, elles n'étaient pas
prêtes à traiter les prêts destinés aux
SHS comme un portefeuille normal dans leurs portefeuilles de prêts.
En raison de la nouveauté de la technologie et de la qualité
du produit et du service offert, les banques se montraient réticentes
à accorder des prêts aux groupes de solidarité,
bien que certaines, ce qui est d'ailleurs tout en leur honneur,
aient accepté de tenter l'expérience et de chercher
des moyens d'augmenter les prêts.
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Cette femme utilise
l'énergie solaire pour l'éclairage de sa cuisine.
Photo/H.V. Kumar |
Après des consultations avec trois États indiens
du sud, le Karnataka a été initialement choisi. Des
accords de partenariat ont été signés avec
la Canara Bank et la Syndicate Bank, qui ont toutes deux des réseaux
d'agences rurales dans la plupart des régions du sud de l'Inde.
La Canara Bank, par exemple, a lancé un projet de 300 agences
dans l'État du Karnataka. Ces banques innovantes sont largement
implantées dans les régions rurales et accordent des
crédits aux foyers pauvres par l'intermédiaire de
groupes de solidarité, en grande partie par leurs propres
réseaux et leurs banques rurales régionales ou par
les banques Grameen.
Le modèle de financement adéquat est intéressant
à plusieurs titres : il favorise la croissance du marché
et encourage les entreprises à offrir des produits et des
services innovants; il n'entraîne pas une distorsion importante
du marché; et il comprend une stratégie de sortie
prédéterminée. Les subventions de capitaux
ont tendance à " majorer " et à fausser
le prix réel des systèmes solaires ménagers
sur le marché. La nécessité d'un service de
prêts garantis a été également écartée,
étant donné que les banques étaient disposées
à assumer les risques de remboursement des prêts. Les
deux banques ont préconisé l'adoption d'une bonification
des taux d'intérêt qui leur permettrait d'offrir des
conditions bancaires préférentielles à leurs
clients d'une manière efficace et transparente, bien qu'ils
n'en bénéficient pas directement.
Les subventions - un taux d'intérêt escompté
- ont permis aux banques partenaires d'offrir des prêts aux
consommateurs à des taux d'intérêt qui étaient
7 % inférieurs aux taux de prêt de base de 12 %. Ce
mécanisme a permis de réduire le montant des subventions
nécessaires par système et a été utilisé
efficacement dans le secteur des énergies renouvelables en
Inde. Il a été également utilisé pour
les systèmes de chauffe-eau solaires par le Ministère
indien des sources d'énergie non traditionnelles (MNES),
ainsi que sur une petite échelle dans le secteur du solaire
photovoltaïque directement par Selco, l'une des plus grands
fournisseurs d'énergie solaire.
La mesure d'incitation sous la forme de bonification des taux d'intérêt
a représenté une petite partie du financement total,
les banques fournissant la plus grande partie des capitaux et assumant
100 % du risque lié au crédit (risque de défaut).
Ces banques étaient donc motivées pour maintenir des
portefeuilles de prêts de qualité. La distorsion des
prix était également minimale, parce que le coût
du financement était subventionné, mais pas les capitaux.
L'octroi de prêts à un taux d'intérêt
escompté permettait de régler à la fois le
problème du " coût de départ élevé
" et celui du coût du crédit élevé.
Un élément important de ces plans est la stratégie
de sortie, qui peut être simple et directe dans le cas de
prêts à des taux d'intérêt bonifiés.
Alors que le remboursement des prêts augmente, les subventions
peuvent être progressivement supprimées, les taux d'intérêt
rejoignant ceux du marché à la fin du programme. C'est
un élément unique de l'initiative du PNUE : le taux
d'intérêt pour les systèmes d'énergie
solaire est le même que ceux du marché. Au lieu de
faire un appel d'offres, le PNUE a décidé d'offrir
le programme à tous les fournisseurs pouvant satisfaire à
un ensemble de critères de qualité des produits et
de service après-vente et de garder le processus de qualification
ouvert pour que de nouveaux fournisseurs puissent être candidats
par la suite. La qualité et la fixation des prix des produits
étaient donc principalement déterminées par
les forces de la concurrence, et pas par les réglementations
du programme.
L'autre possibilité était de faire un appel d'offres
direct, le fournisseur le moins offrant étant celui qui obtenait
le marché. Toutefois, quand un fournisseur est choisi parmi
d'autres, un marché, où un nombre d'entreprises expérimentées
sont déjà présentes, peut être facilement
faussé. Même s'il permet de faire baisser les prix
à court terme, l'appel d'offres généralement
réduit le nombre de fournisseurs actifs et contribue peu
à promouvoir les marchés à long terme. Il est
préférable de concevoir un programme qui s'appuie
sur le leadership des novateurs du marché, tels que Selco,
tout en permettant aux fournisseurs crédibles d'accéder
à ces nouveaux marchés du crédit.
Le programme de prêts de la Canara Bank a été
mis en place en avril 2003, et celui de la Syndicate Bank quelques
mois plus tard, en juin. Un objectif initial de prêts pour
5 000 systèmes a été fixé pendant les
deux premières années. Plus de 16 300 ont été
financés au 31 mars 2006. Une banque a mis fin à ses
subventions et l'autre est en cours de le faire. Le marché
du crédit a répondu aux incitations de manière
positive, 50 % de tous les systèmes d'énergie solaire
étant actuellement financés, alors que pratiquement
aucun ne l'était en 2003. Le plus grand succès est
cependant le lancement de programmes de prêts compétitifs
par plus de 20 banques en dehors du programme du PNUE, ce qui a
entraîné une augmentation des ventes.
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Un système
solaire pour une maison typique dans le Karnataka Photo/H.V.
Kumar |
L'avenir du secteur de l'énergie solaire photovoltaïque
dans le sud de l'Inde semble prometteur. Les banques ont fixé
des objectifs de portefeuilles de prêts très ambitieux
et ont uvré en vue de leur réalisation. Il est
intéressant de noter que les subventions totales accordées
par la bonification d'intérêt est très inférieur
à celui atteint avec d'autres méthodes, et pourtant
les banques se mobilisent. C'est une bonne leçon pour le
développement des programmes futurs, qui peut déterminer
les impacts positifs (ou négatifs) globaux. Le PNUE s'est
servi du succès du Programme de prêts pour l'énergie
solaire en Inde pour l'appliquer dans d'autres domaines, notamment
les programmes de prêts pour les chauffe-eau solaires en cours
au Maroc et en Tunisie. Le programme n'est pas, bien sûr,
une panacée pour le secteur de l'énergie photovoltaïque,
mais c'est une approche qui sera nécessaire pour motiver
les marchés à investir dans le secteur de l'énergie
propre.
En coopération ave le Fonds des Nations Unies pour les partenariats
internationaux (FNUPI), la Fondation des Nations Unies et la Fondation
Shell ont apporté leur appui au Programme de prêts
pour l'énergie solaire en Inde. Pour en savoir plus, veuillez
visiter le site http://www.unep.fr/energy/act/fin/india/index.htm.
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