Pendant des décennies, le pétrole, les marchés
mondiaux et l'environnement ont été des domaines de
conflit clairement définis. Mais, récemment, un changement
sans précédent s'est produit dans les débats
portant sur les questions liées à l'énergie.
Les scientifiques et les hommes politiques ont finalement réussi
à faire prendre conscience de la crise climatique à
laquelle est confrontée l'humanité à un public
indécis, crise qui peut être une vérité
" dérangeante " mais qui n'en est pas moins "
réelle ". En même temps, les économistes
du monde entier tentent de minimiser les prédictions apocalyptiques
sur l'approvisionnement mondial en pétrole. La communauté
internationale se trouve dans la position difficile d'évaluer
le bien-fondé des informations sur l'énergie. Quel
effet la fonte de la calotte glaciaire aurait-elle sur la région
subarctique ? Que signifient vraiment les prix exorbitants de l'essence
? Alors que les discussions concernant le pétrole sont complexes,
le résultat est clair : les problèmes énergétiques
sont mondiaux et nécessitent des solutions mondiales.
À cette fin, l'ONU a montré le chemin en coordonnant
des efforts à l'échelle internationale. En outre,
elle a pris des mesures innovantes pour instaurer un débat
qui, pour tout urgent qu'il soit, peut sembler décourageant
et inaccessible à ceux qui sont le plus concernés
: les consommateurs et les travailleurs dans le monde entier.
Trois organes de traités de l'ONU se sont réunis
en mai 2006 pour aborder l'impact économique et environnemental
de l'utilisation de l'énergie. La quatorzième session
de la Commission du développement durable de l'ONU a rassemblé
des groupes aussi divers que des dirigeants de syndicats, des représentants
des peuples autochtones et des spécialistes de la technologie
qui ont discuté d'une stratégie internationale à
long terme en matière d'énergie. Une semaine plus
tard, l'Instance permanente de l'ONU sur les questions autochtones
a tenu une réunion régionale sur l'Arctique, où
les représentants du Conseil de l'Arctique ont évoqué
les changements qui surviennent dans leur région. Enfin,
la Convention-cadre de l'ONU sur le changement climatique (UNFCCC)
s'est réunie à Bonn, en Allemagne, pendant la 24e
session des organes subsidiaires, afin d'élaborer pour la
première fois une stratégie du Protocole après
Kyoto. Ratifié par 163 États, l'engagement initial
du Protocole visant à réduire les émissions
mondiales de gaz à effet de serre expire en 2012.
Les gouvernements ne peuvent à eux seuls assurer la disponibilité
des ressources en combustibles fossiles, respectueuses de l'environnement
et à des prix raisonnables. Cependant, les débats
sur l'énergie ont été assombris par les dissensions
régionales, mettant en évidence les difficultés
d'une coopération internationale. La question des réglementations
spécifiques à l'énergie a été
un sujet de désaccord pour les pays très industrialisés
ou connaissant un développement industriel rapide, comme
les États-Unis, la Chine et l'Inde. En 2001, les États-Unis
se sont retirés formellement du Protocole, jugeant qu'il
était nécessaire de créer des directives spécifiques
aux pays. La Chine a également refusé de le signer,
craignant que le traité ne prenne pas en compte ses besoins
énergétiques en tant que nation à forte croissance
et estimant qu'en tant qu'État le plus peuplé dans
le monde, ses émissions devraient être mesurées
par habitant. Et la Chine et l'Inde mettent en avant leurs besoins
énergétiques pour poursuivre leur croissance.
Les principaux organes environnementaux de l'ONU comme l'UNFCC
reconnaissent que ces divisions entre les pays industrialisés
et les pays en développement sont problématiques.
Conformément au principe de réponse des pays industrialisés,
le Protocole de Kyoto et les autres accords sur l'environnement
exhortent les pays industrialisés à réduire
leurs émissions, tandis que les pays en développement
sont seulement soumis à des normes de participation à
demi volontaire. L'UNFCCC a cependant vu dans le conflit une occasion
de lancer des programmes environnementaux et économiques
radicaux, a indiqué Hennig Wuster, assistant spécial
du Secrétaire exécutif de l'UNFCCC.
Le Mécanisme pour un développement propre (MDP),
tel qu'il est décrit dans le Protocole, offre aux nations
industrialisées la chance d'investir dans les pays en développement
pour les aider à réduire leurs émissions. Ces
projets transforment les problèmes régionaux en un
objectif mondial de cohésion. Cela semble marcher, a dit
M. Wuester. Le Secrétariat de l'UNFCCC estime que ce Mécanisme
permettra de réduire les émissions de plus d'un milliard
de tonnes d'ici à la fin de 2012 - un succès qui renforcera
la coopération internationale. " Cela indique que la
structure institutionnelle mise en place est très forte ",
a-t-il dit, ajoutant que ceux qui critiquent le Protocole auront
des difficultés à contester ces statistiques.
Mais dans la vie économique quotidienne, la nécessité
de réduire l'utilisation des combustibles dans le monde entier
s'impose. Desmond Lachman, membre de l'American Enterprise Institute
for Public Policy, a expliqué que les stratégies énergétiques
à court terme dans les parties du monde en développement
rendent l'économie mondiale vulnérable à des
augmentations de prix. Pour promouvoir l'industrie, certains gouvernements
" ignorent " la hausse des prix du pétrole en maintenant
le prix de l'essence artificiellement bas dans leur pays, même
lorsque le prix augmente dans le monde, a-t-il indiqué. Encouragés
par les prix bas, l'industrie et les consommateurs consomment librement,
tandis que le reste de la communauté mondiale doit rectifier
cette situation en compensant la différence, a-t-il ajouté.
Combiné aux préoccupations concernant la stabilité
politique des grands producteurs mondiaux de pétrole, il
en résulte une flambée des prix et la peur commune,
quoique pas entièrement fondée, d'avoir atteint le
fond du baril.
|
Photo par satellite
de l'océan arctique. Selon les prévisions de certains
climatologues, dans 10 ans, l'océan Arctique pourrait
ne plus avoir de banquise en été. Photo/NASA/GSFC |
" Il ne fait aucun doute que nous disposons d'une quantité
de pétrole limitée ", a admis M. Lachman, qui
se faisait cependant l'écho des débats récents
dans les médias selon lesquels il y avait " peu de chances
que les réserves s'épuisent dans un avenir proche
". C'est aussi l'avis de George Kowalski, directeur exécutif
de la Commission économique de l'ONU pour l'Europe (CEE-ONU).
La Commission estime qu'avec les prix pratiqués aujourd'hui
et la technologie actuelle, les réserves traditionnelles
de pétrole pourraient répondre à la demande
mondiale cumulative pendant les quarante prochaines années.
Une question plus urgente, a-t-il souligné, est de savoir
comment avoir accès aux 65 à 75 % des réserves
en hydrocarbures dans le monde qui sont inaccessibles aux producteurs
et aux distributeurs. Les sources d'énergie non traditionnelles
- comme le schiste argileux et le charbon qui doivent être
spécialement extraits et convertis en pétrole - nécessitent
des investissements financiers pendant plusieurs années avant
de générer des profits. Vu les tensions sur le marché
du pétrole engendrées par les politiques et l'industrie,
nombreux sont les pays qui sont réticents à faire
ces investissements à long terme.
Autre option de combustible plus propre et plus rentable, et qui
nécessite des investissements de recherche importants : les
biocombustibles, dont le plus courant est l'éthanol produit
à partir du maïs ou de la canne à sucre. Un rapport
récent du Worldwatch Institute a révélé
que la production de biocombustibles a doublé depuis 2001.
Même si le pétrole représente encore plus de
96 % de l'essence utilisée pour le transport dans le monde,
des pays, comme le Brésil (où 40 % des véhicules
utilisent déjà des biocombustibles produits à
partir de la canne à sucre) et les États-Unis, ont
commencé à consacrer d'importants investissements
afin de trouver des solutions pour produire une énergie plus
propre. Face à cette perspective de développement,
M. Lachman a indiqué qu'il serait judicieux d'adopter des
normes internationales. Les pays devraient être plus nombreux
à investir davantage dans ces domaines car, malgré
les craintes de certains pays et de certaines régions, l'économie
énergétique est une question mondiale. " Je pense
que c'est un cas où il faut une coordination à l'échelle
internationale ", a-t-il estimé. Le cadre multilatéral
de l'ONU pourrait être un modèle positif pour les activités
internationales de coopération futures.
Au lieu de cette frénésie économique entourant
la question du pétrole, il serait peut-être plus urgent
de se pencher sur les effets que les combustibles fossiles tant
convoités mais de plus en plus rares ont sur l'environnement.
La consommation et le gaspillage par l'industrie et par les consommateurs,
dus spécialement aux prix du pétrole artificiellement
bas, sont la cause principale des changements climatiques - un processus
qui menace la base même de notre environnement. Au fil des
ans, les émissions de gaz à effet de serre, considérées
aujourd'hui par pratiquement tout le monde comme responsables du
réchauffement de la planète, menacent de modifier
la situation météorologique mondiale au-delà
de toute reconnaissance. Des inondations, de mauvaises récoltes
et des famines pourraient s'ensuivre pendant que les continents
s'efforcent de s'adapter.
Alors que ces scénarios sont pour la plupart des prévisions
extrêmes, certaines communautés sont déjà
confrontées à la réalité du changement
climatique. Sheila Watt-Cloutier, présidente de la Conférence
circumpolaire inuit et rapporteuse spéciale à la réunion
régionale de l'ONU sur l'Arctique, a fait part de l'épuisement
des ressources naturelles dont ces populations dépendent.
Et leur situation n'est pas isolée. Les représentants
de plusieurs pays nordiques et de plusieurs groupes autochtones
ont fait part des mêmes préoccupations. Le Conseil
de l'Arctique a signalé des succès dus aux efforts
passés, notamment des solutions proactives de dépollution,
visant à former les villageois pour qu'ils surveillent, testent
et contiennent la pollution localement. La fonte des glaces causée
par les émissions de gaz à effet de serre est cependant,
selon le Conseil, un problème trop important pour être
traité au niveau local. Mme Watt-Cloutier a souligné
la nécessité pour toutes les nations de faire des
sacrifices afin de réduire les émissions, en allant
même au-delà des demandes du Protocole de Kyoto. Faute
de réductions significatives et coordonnées, a-t-elle
mis en garde, l'ensemble de la région subarctique risque
aussi de subir les effets du réchauffement climatique. "
L'arctique est le mercure du baromètre environnemental mondial
", a-t-elle ajouté. " Le changement climatique
a des conséquences dans le monde entier. "
Par des solutions comme le Mécanisme de l'énergie
propre, les parties contractantes à l'UNFCCC s'attaquent
déjà aux problèmes que connaît l'Arctique
et espèrent éviter des dégâts supplémentaires.
Lors de la réunion de Bonn, ils ont continué de surveiller
les réductions des émissions et lancé de nouvelles
initiatives, comme le " Dialogue pour une action concertée
à long terme ", un projet portant sur l'adaptation aux
changements climatiques par l'adoption d'une technologie innovante
et la participation internationale porte ouverte. La prochaine série
de pourparlers aura lieu en novembre 2006 à Nairobi, au Kenya.
L'économie et l'environnement sont intégralement
liés à la conjoncture du pétrole. Avec une
si grande diversité d'intérêts en jeu, le sujet
est complexe et difficile, mais c'est aussi une chance de stimuler
la participation internationale. C'est un aspect à ne pas
oublier car la question continue d'avoir une importance de plus
en plus grande au niveau mondial. Il est certain que la future coopération
dans le domaine de l'économie énergétique reflétera
les préoccupations environnementales, alors que les dirigeants
de l'ONU continuent de promouvoir les deux perspectives comme deux
défis à relever.
La commission du développement durable
:
" nous avons besoin d'une révolution de l'efficacité
énergétique "
La Commission du développement durable, qui s'est conclue
le 12 mai 2006 au siège de l'ONU à New York, a procédé
à l'examen des progrès dans quatre domaines : l'énergie
au service du développement durable, le développement
industriel, la pollution atmosphérique et les changements
climatiques. Elle a abordé d'autres sujets portant sur la
sécurité énergétique et la demande croissante
pour les ressources énergétiques, ainsi que la pauvreté
massive et persistante qui empêche l'accès à
des technologies énergétiques modernes plus propres.
La quatorzième session de la Commission, qui s'est tenue
du 1er au 12 mai, a également conclu son segment de haut
niveau de trois jours, durant lequel le Secrétaire général
de l'ONU, Kofi Annan, a appelé à améliorer
l'accès des pauvres à l'économie énergétique
et industrielle moderne, tout en encourageant une utilisation de
l'énergie et une activité économique plus propres.
" Nous avons les connaissances et les ressources pour vaincre
la pauvreté qui tue tant de vies et pour préserver
la planète et son climat pour les générations
à venir ", a-t-il déclaré, ajoutant que
" nous devons lancer une révolution de l'efficacité
énergétique et faire de nouveaux efforts pour augmenter
les investissements dans les énergies renouvelables ".
Il a également exhorté les pays à tenir leurs
engagements vis-à-vis des accords sur le climat et à
intégrer les stratégies d'atténuation et d'adaptation
face aux changements climatiques dans les stratégies du développement
durable.
Plusieurs rapports du Secrétaire général ont
été examinés au cours de cette session, notamment
les progrès réalisés pour concrétiser
les engagements du Programme Action 21 et du Plan de mise en uvre
du Sommet mondial pour le développement durable dans les
domaines de l'énergie, du développement industriel,
de la pollution et des changements climatiques. L'adoption d'une
approche intégrée pour relever les défis du
développement durable peut servir à renforcer les
synergies, à trouver des solutions avantageuses pour tous
et à réduire la nécessité d'arbitrages
éventuels, a indiqué le Secrétaire général.
Alors que depuis 2002 des progrès ont été réalisés
en matière de réduction de la pauvreté par
l'accès à des services énergétiques,
en particulier l'accès à l'électricité,
2,4 milliards de personnes dans le monde n'ont toujours pas accès
à ces services et un quart de la population mondiale continue
de vivre sans électricité.
Les conclusions de la session ont été présentées
à la Commission en vue de faciliter le débat en 2007
qui portera sur les politiques énergétiques. Toutes
les parties intéressées - donateurs, bailleurs de
fonds, gouvernements, secteur privé et autres groupes importants
- ont reconnu la nécessité de participer à
l'élaboration d'une stratégie énergétique
commune, partagée et réalisable sur le long terme
afin de soutenir le développement durable. Elle aurait pour
but de satisfaire les besoins énergétiques présents
et futurs des pays développés et des pays en développement,
en fonction des moyens, de la fiabilité et de l'accessibilité;
d'assurer la sécurité énergétique ainsi
que la sécurité, la santé humaine et la protection
de l'environnement; et d'établir un engagement mondial, équitable
et ferme pour que tous les pays s'attaquent aux changements climatiques
avec efficacité.
Un nouveau rapport du Département des Affaires économiques
et sociales des Nations Unies, intitulé Tendances dans le
développement durable, a offert un aperçu des quatre
questions à l'ordre du jour. Ce document reconnaît
notamment les liens étroits entre énergie, développement
économique, réduction de la pauvreté et création
de services essentiels. Compte tenu des effets adverses que la production,
la distribution et la consommation d'énergie pourraient avoir
sur l'environnement, a indiqué le rapport, des efforts ont
été déployés au niveau mondial pour
améliorer l'accès à des services énergétiques
modernes; accroître l'efficacité des énergies;
réduire la pollution atmosphérique; et privilégier
le recours à des énergies renouvelables sans danger.
Les représentants d'autres groupes importants, comprenant
des enfants et des jeunes, des femmes, des hommes d'affaires et
du secteur industriel, des peuples autochtones, des organisations
non gouvernementales, des communautés scientifiques, des
syndicats de travailleurs, se sont également exprimés
sur leur rôle et leurs contributions à la mise en uvre
d'Action 21.
L'organe fonctionnel composé de 53 membres, qui relève
du Conseil économique et social, a été établi
lors par l'Assemblée générale en 1992 afin
de fournir un soutien complet aux objectifs du Programme Action
21, - un plan d'action adopté en 1992 par les gouvernements
lors du Sommet " Planète Terre " - afin de mettre
en uvre un modèle de croissance économique qui
permettrait de concilier les besoins en matière de développement
sans mettre en péril l'environnement. La Commission cherche
à conclure des partenariats pour répondre aux questions
les plus importantes en matière de développement durable
et pour aider à coordonner les activités environnementales
et de développement au sein des Nations Unies.
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