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Robert
C. Orr des États-Unis (à gauche) a été
nommé Sous-Secrétaire général de
la coordination des politiques et de la planification stratégique
au Bureau exécutif du Secrétaire général
le 6 août 2006. Kaveh L. Afrasiabi, fondateur et directeur
de Global Interfaith Peace, s'est entretenu avec lui le 30 mai
2006. PHOTO REPRODUITE AVEC L'AUTORISATION DE KAVEH AFRASIABI |
Kaveh L. Afrasiabi : En tant que participant au processus
d'examen de la gestion de l'ONU, quelles sont les questions essentielles
et les perspectives de changement dans la manière dont l'ONU
gère ses affaires ?
Robert C. Orr :
Le processus de réforme est vaste, et la réforme de
la gestion est un aspect très important de ce processus.
Tandis que nous avons progressé sur certaines questions importantes,
notamment dans des domaines spécifiques, certaines des réformes
n'ont toujours pas été adoptées par les États
Membres. Les débats se poursuivent. Dans son rapport intitulé
Investir dans l'ONU pour lui donner les moyens de sa vocation mondiale,
qui est à l'examen, le Secrétaire général
a fixé un ordre du jour audacieux. Il veut s'assurer que,
lors de son départ, l'Organisation sera dans une meilleure
situation de gestion que quand il y est entré, ce qui nécessite
des réformes et un plan.
KA : Au vu de la résolution récente des pays
du G77, qui bloque les propositions du Secrétaire général,
la réforme de la gestion de l'ONU semble connaître
une crise. Qu'en pensez-vous ?
RO : Certains pensent qu'il s'agit d'une crise. Ayant connu
ses nombreuses phases au cours des années, j'ai un point
de vue à long terme sur la réforme de l'ONU. Aussi
controversée et difficile que soit cette question, les États
Membres arrivent toujours, d'une façon ou d'une autre, à
parvenir à un accord sur quelques-unes de ces questions.
Je pense donc que les bonnes décisions seront prises, au
moins concernant les propositions importantes faites par le Secrétaire
général.
KA : Y a-t-il eu des progrès en matière de
discipline financière et de transparence ?
RO : Je crois. Par exemple, le processus en cours en matière
de révision des mandats. C'est un processus ouvert et transparent
qui pourrait avoir des implications sur le financement et sur des
aspects importants de l'Organisation. Tous les États membres
participent à un débat transparent et sérieux.
Sur la transparence, le Secrétaire général
a proposé l'idée d'un régime amélioré
de l'information mise à la disposition non seulement des
États Membres mais aussi du public. C'est un processus continu
- essayer de définir quelles informations seront diffusées
sur une base régulière.
KA : Dans son rapport intitulé Définition
et exécution des mandats : analyse et recommandations aux
fins de l'examen des mandats, le Secrétaire général
a demandé d'allouer plus de ressources aux fonctions de "
suivi et d'évaluation ". Cet appel a-t-il été
suivi ? Pensez-vous qu'il sera possible de supprimer prochainement
les programmes inefficaces et obsolètes faisant double emploi
?
RO : Le Secrétaire général a fait cette
recommandation parce que les États Membres ne disposent pas
actuellement d'informations adéquates sur le suivi et l'évaluation
des mandats. Il a proposé d'exécuter les mandats de
manière adéquate et de les mener à bien. Allouer
les ressources nécessaires sera aussi un aspect important
de ce système. Cela permettra aux États Membres d'exercer
un suivi plus rigoureux des mandats qu'ils adoptent. Quant aux programmes,
je pense que le débat lors de l'Assemblée générale
a été très encourageant à cet égard.
Les États membres l'ont pris très au sérieux.
Même si leurs approches ont pu légèrement varier,
ils ont tous convenu de la nécessité de ce processus.
Je pense qu'ils seront d'accord pour éliminer certains mandats
et en consolider de nombreux autres, étant donné que
tous les organes importants - l'Assemblée générale,
le Conseil de sécurité et le Conseil économique
et social - participent aux travaux en cours.
KA : Le Groupe d'experts de haut niveau sur la cohérence
du système de l'ONU doit bientôt présenter un
rapport. Avez-vous une idée de son contenu ?
RO : Les travaux portent sur trois domaines : le développement,
l'aide humanitaire et l'environnement. Jusqu'ici, ce groupe de personnalités
de très haut niveau a organisé des réunions
productives. Tout semble indiquer qu'un rapport sérieux sera
présenté à l'automne.
KA : Les nations développées et les nations
en développement semblent se polariser sur certaines questions
importantes de l'agenda de l'ONU. Peut-on trouver un moyen de réduire
le fossé qui les sépare ?
RO : Il le faut. L'ONU ne peut fonctionner que si les États
Membres surmontent les divergences économiques. Toute polarisation
est contraire à l'esprit de l'Organisation. Les États
doivent travailler ensemble s'ils veulent réaliser le potentiel
de l'ordre du jour de la réforme qui est, en fait, le potentiel
de l'ONU.
KA : Pensez-vous que l'élan suscité par la
réforme du Conseil de sécurité s'est essouflé
?
RO : La réforme du Conseil de sécurité
suit certainement son propre rythme. Nombre d'États Membres
ne considèrent pas que c'est pour autant un chapitre clos.
Il existe un accord large sur la nécessité de réformer
le Conseil. Les divergences de point de vue portent sur la manière
de le faire. La reconnaissance par les États Membres du caractère
légitime et de l'importance du Conseil est un point de départ
important. Il sera nécessaire aussi de réformer sa
composition.
KA : Au vu des propositions de la Cinquième Commission,
des préoccupations ont été exprimées
concernant le " déclin " de l'Assemblée
générale. Pensez-vous qu'il y aura des changements
importants dans le rôle de la Commission concernant les questions
administratives et budgétaires ?
RO : L'année dernière, l'Assemblée
générale a joué un rôle encore plus pertinent
en prenant des décisions majeures sur la consolidation de
la paix, le Conseil des droits de l'homme, la responsabilité
de protéger, etc. La rumeur de son déclin a donc été
très exagérée. Ayant moi-même participé
aux travaux de la Cinquième Commission, je sais qu'elle est
importante et que si elle fonctionne bien, l'ensemble du système
en bénéficie. Mais si des désaccords existent,
ils ont des répercussions sur tout le système.
KA : L'Assemblée générale aura-t-elle
un rôle plus important à jouer dans le choix du prochain
Secrétaire général ?
RO : Jusqu'ici, des discussions très constructives
ont eu lieu sur les rôles respectifs de l'Assemblée
générale et du Conseil de sécurité à
cet égard. Il est trop tôt pour dire comment cela se
concrétisera. Le fait qu'il y ait des discussions est bon
signe. Je pense que la réforme et le renouvellement sont
devenus une partie intégrante du rôle du Secrétaire
général. Dans le domaine du développement,
au vu des sommets qui ont déjà eu lieu sur ce sujet,
ces questions seront également une partie importante de l'ordre
du jour du Secrétaire général.
KA : Le Secrétaire général Kofi Annan
a réussi à toucher la société civile
- quel impact cette initiative a-t-elle eu sur les Nations Unies
?
RO : Il est vrai que le Secrétaire général
a déployé d'importants efforts pour renforcer le lien
avec les membres de société civile dans le monde -
le secteur privé, les organisations non gouvernementales,
les universités, etc. - ce qui a eu un impact très
important sur les types de débats qui ont eu lieu. Par exemple,
les débats sur la consolidation de la paix au cours des derniers
mois ont été facilités par la participation
des organisations de la société civile, car la consolidation
de la paix est non seulement l'affaire des gouvernements mais aussi
celle des divers acteurs non étatiques. De même, ces
organisations ont joué un rôle très important
dans les débats sur le Conseil des droits de l'homme. L'initiative
du Secrétaire général, appelée Pacte
mondial, qui vise le monde des affaires, est une réussite.
M. Annan vient de rentrer d'Asie où il a rencontré
des chefs de grandes entreprises. C'est un développement
très important à la fois pour les Nations Unies et
la communauté des entreprises dans le monde pour promouvoir
leur responsabilité sociale. Cette collaboration est d'une
importance vitale et le sera encore plus à l'avenir.
KA : Quels sont les défis actuels au maintien de
la paix et comment évalueriez-vous la contribution de l'ONU
à la campagne contre le terrorisme mondial ?
RO : Actuellement, les courbes de l'offre et de la demande
sont, pour l'ONU, le plus grand défi au maintien de la paix.
La courbe de la demande pour les opérations de maintien de
la paix est aujourd'hui extrêmement élevée et
ce que nous pouvons offrir est assez limité. C'est un problème
que les dirigeants mondiaux doivent prendre en considération.
À notre époque, maintenir l'ordre mondial nécessite
des mécanismes multilatéraux. Assurer la sécurité
dans un certain nombre de pays nécessite des ressources financières
de plus en plus importantes. Notre défi est de répondre
à ces demandes. L'ONU a joué un rôle important
dans l'établissement des normes sur le terrorisme, à
la fois avant et après le 11 septembre. À l'heure
actuelle, il y a 13 conventions, et le Conseil de sécurité
joue un rôle important par le biais du Comité contre
le terrorisme. Cette année, le Secrétaire général
a présenté une nouvelle Équipe spéciale
de lutte contre le terrorisme comprenant 23 entités faisant
partie de l'ONU. Il est surprenant de voir tout ce que le directeur
de cette équipe a accompli jusqu'ici. Si la tendance continue,
nous pourrons faire d'importants progrès et si les États
Membres se mettent d'accord sur une stratégie de lutte contre
le terrorisme, nous serons encore plus à même d'aller
de l'avant. Espérons que ce sera l'une de leurs décisions
au cours des prochains mois.
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