Les médicaments représentent une grande proportion
des coûts de santé, en particulier dans les pays en
développement, où selon les estimations, un tiers
de la population n'a pas un accès continu aux médicaments
essentiels ou ne peuvent les acheter. Le commerce des médicaments
a principalement lieu entre les pays riches, les pays en développement
représentant seulement 17 % des importations et 6 % des exportations.
L'accès dépend du prix abordable, du choix rationnel
et de l'utilisation des médicaments. Les prix, qui sont affectés
par la mondialisation, ont des conséquences directes, en
particulier pour les pays en développement, où 50
à 95 % des médicaments sont payés par les patients
eux-mêmes.
L'importation de produits similaires sur différents marchés,
à des prix différents dits différentiels, permet
d'améliorer l'accès aux médicaments tout en
générant des revenus pour l'industrie pharmaceutique.
Ce système a permis de réduire le coût de nombreuses
thérapies antirétrovirales (ARV) jusqu'à 90
%, même si elles continuent à être vendues au
prix du marché dans les pays développés. D'autres
moyens d'améliorer l'accès des pauvres aux médicaments
comprennent l'utilisation de médicaments génériques,
la promotion de la concurrence et le recours à des garanties
compatibles avec l'Accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC). L'importation parallèle et la
licence obligatoire sont reconnues comme des clauses de sauvegarde
de la santé publique, empêchant qu'un détenteur
de brevet impose des prix trop élevés sur un marché
donné. Le Conseil de l'OMC responsable de l'Accord a également
prolongé la période de transition jusqu'en 2016, durant
laquelle les pays moins développés ne sont pas tenus
d'accorder la protection conférée par un brevet aux
produits pharmaceutiques.
Alors que les pays en développement ont instauré
plusieurs dispositions légales sur le commerce international
permettant l'achat de médicaments à des prix abordables
pour les besoins de santé publique, ils ne profitent pas
des flexibilités ménagées par l'Accord sur
les ADPIC, qui leur permettent d'accéder aux médicaments
destinés à traiter les maladies graves, comme le VIH-sida.
Une des conditions à l'obtention d'une licence obligatoire
est que le détenteur du droit reçoive une rémunération
adéquate. L'Accord sur les ADPIC ne définit pas "
la rémunération adéquate ", laissant une
certaine latitude aux pays et les laissant libres d'utiliser soit
des critères très stricts, soit des critères
plus souples. L'application de critères flexibles de nouveauté
et d'inventivité permet de délivrer des brevets pour
les formulations de médicaments ou d' isomères connus,
permettant donc aux laboratoires pharmaceutiques de demander des
brevets supplémentaires et de prolonger la durée de
protection au-delà de la période initiale du brevet,
retardant ainsi la concurrence des médicaments génériques.
Le recours à cette flexibilité pour faciliter l'accès
aux médicaments dépend des normes et des procédures
administratives nationales.
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© PHOTO OMS/P.
VIROT |
La Thaïlande et le Brésil sont au premier plan en matière
d'accès abordable aux médicaments contre le VIH/sida.
La Thaïlande cherche à produire et à vendre des
antirétroviraux au prix le plus bas possible, tandis que le
Brésil fournit un traitement ARV gratuit dans les établissements
de santé publics. Par exemple, lorsque le gouvernement brésilien
a commencé à produire des médicaments génériques
contre le sida en 2000, les prix ont chuté. Il est possible
de se procurer chez Cipla, un fabricant indien de médicaments
génériques, pour moins de 200 dollars par an, la trithérapie
en un comprimé, qui coûte 10 000 dollars par patient
et par an dans les pays industrialisés.
Les pays en développement ont un besoin urgent de nouveaux
médicaments et de nouvelles formules de médicaments
contre le sida. Les laboratoires pharmaceutiques choisissent pourtant
de ne pas les vendre à ces régions où aucune
version générique n'est disponible. Il existe une
nouvelle formule de thérapie antirétrovirale combinée
lopinavir/ritonavir qui ne nécessite pas de réfrigération,
ce qui pourrait être utile en Afrique où les températures
sont élevées et l'approvisionnement en électricité
intermittent. Or, selon Médecins sans frontières (MSF),
ce médicament n'est pas disponible sur ce continent. Le ténofovir,
un nouveau médicament fabriqué par le laboratoire
Gilead Sciences, qui a moins d'effets secondaires que d'autres ARV,
a été ajouté à la liste des médicaments
préqualifiés de l'Organisation mondiale de la santé
pour qu'il soit utilisé dans les pays en développement
par les organisations de l'ONU. Il n'est cependant pas disponible
en Afrique, alors qu'il peut être un ARV de seconde ligne
efficace, a indiqué Ellen 'tHoen, directrice de la politique
de témoignage de MSF car, tôt ou tard, la plupart des
patients ont besoin de changer de traitement à cause des
effets secondaires et de la résistance aux médicaments.
Selon MSF, alors que le laboratoire a annoncé un prix de
208 dollars par personne et par an dans 97 pays, le ténofovir
n'est enregistré que dans 10. De nombreux pays en développement
ne peuvent pas payer le prix normal de ce médicament. Au
Brésil, par exemple, il coûte 2 600 dollars par an
et par patient, ce qui représente seulement le prix d'un
des trois médicaments de la thérapie combinée.
L'Accord sur les ADPIC est régi par les lois nationales
et comporte des clauses de sauvegarde et de flexibilité.
On ne peut avoir recours à ces clauses que si elles sont
introduites dans la législation nationale. Il est donc important
que les pays créent et promulguent une législation
en matière de protection de la santé publique. Il
est également nécessaire que les lois nationales sur
les marques ne soient pas un obstacle aux mesures de santé
publique, comme la prescription de médicaments génériques,
leur substitution et/ou l'obligation de faire figurer le nom du
générique sur l'étiquette d'un médicament.
Les clauses de sauvegarde les plus importantes sont : la licence
obligatoire, l'importation parallèle et l'" exception
Bolar " pour l'exploitation précoce, qui permet les
tests et l'autorisation réglementaire des versions génériques
du médicament avant l'expiration du brevet, laissant le temps
aux fabricants de préparer la production et la vente d'un
médicament générique dès que le brevet
expire. Cette disposition encourage la concurrence des médicaments
génériques.
L'importation parallèle permet l'importation et la vente
dans un pays, sans l'accord du titulaire du brevet, d'un produit
breveté qui a été légalement commercialisé
dans le pays exportateur, ce qui permet de rechercher le meilleur
prix et encourage la concurrence. L'Accord sur les ADPIC déclare
que les gouvernements ne peuvent pas soumettre de différends
juridiques à l'OMC sur cette question. Les pays sont donc
libres de fixer leurs règles et procédures en matière
d'importation parallèle.
Une licence obligatoire permet à un tiers d'utiliser une
invention brevetée sans l'accord du titulaire du brevet,
comme l'autorisation de la production et de la vente de médicaments
génériques avant l'expiration du brevet, ce qui peut
accroître la concurrence. Le gouvernement, qui octroie le
brevet, garde le droit de limiter ce privilège, si cela est
nécessaire. Un grand nombre de pays, y compris les pays développés,
ont prévu des dispositions pour l'octroi des licences obligatoires.
L'Accord sur les APDIC spécifie les conditions que les gouvernements
doivent imposer lorsqu'ils délivrent une licence obligatoire
: elle doit être non exclusive, ne peut être transmise
et doit être décidée cas par cas, en s'efforçant
d'abord d'obtenir une licence volontaire et une rémunération
adéquate auprès du titulaire de brevet, essentiellement
pour approvisionner le marché national.
Les médicaments pédiatriques
essentiels
La première consultation internationale
d'experts sur les médicaments pédiatriques essentiels,
organisée conjointement les 9 et 10 août 2006
à Genève par l'Organisation mondiale de la Santé
(OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF)
a établi un plan destiné à accélérer
l'accès aux médicaments essentiels pour les
enfants. Plus de 20 pays, des organisations non gouvernementales
et des organismes de réglementation ont participé.
Ils ont conclu qu'il fallait en priorité
développer considérablement l'accès aux
formulations pédiatriques, telles que les associations
fixes (plusieurs comprimés en un), essentielles pour
garantir l'utilisation correcte des médicaments et
l'adhérence au traitement. Le plan appelle également
à améliorer des médicaments et à
formuler des recommandations en matière de prescription
pour les besoins des nourrissons et des enfants. Les autres
priorités sont les infections respiratoires, les soins
néonatals, les soins palliatifs pour le stade terminal
du SIDA, pour la co-infection VIH/tuberculeuse et pour les
autres infections opportunistes, et un meilleur accès
électronique aux informations pharmaceutiques les plus
récentes de l'OMS. Une priorité élevée
sera accordée à l'instauration d'une approche
globale des soins et du traitement de l'enfant, y compris
en traitant les problèmes liés à la qualité
de vie, par exemple en privilégiant les traitements
indolores au détriment des injections, des médicaments
ayant meilleur goût et la recherche de nouvelles présentations
sous forme de mini-comprimés. L'accent sera mis également
sur les considérations climatiques liées à
la distribution et à l'utilisation chaque fois que
de nouvelles formulations de produits seront mises au point.
Par exemple, les comprimés à croquer ou les
poudres solubles sont préférables aux sirops
car ils ne nécessitent pas de réfrigération
et sont moins volumineux à transporter. De plus, l'OMS
envisagera l'inclusion de plusieurs médicaments pour
enfants sur sa liste essentielle des médicaments qui
sera publiée en mars 2007.
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