La recherche scientifique et technique est le moteur de nombreux
aspects du développement économique moderne. Une étape
décisive vers la création d'une infrastructure de
recherche efficace consiste à fournir l'accès des
chercheurs et des ingénieurs aux connaissances scientifiques
de pointe, ainsi qu'aux mécanismes destinés au développement
de programmes de collaboration internationaux. Les revues professionnelles
en format électronique sont dépositaires du savoir
scientifique et technique actuel. La création de bibliothèques
numériques scientifiques, qui sont des portails d'accès
utilisant les technologies Internet modernes, est une solution plus
efficace, moins coûteuse que l'achat et le maintien de milliers
de revues papier.
Il y a moins d'une décennie, la plupart des collections des
bibliothèques scientifiques consistaient en des catalogues
sur fiches et en un nombre important de revues et d'ouvrages papier.
Un changement radical s'est produit à la fin des années
1990 quand les maisons d'édition ont commencé à
proposer les collections de revues en format numérique. Actuellement,
dans les pays développés, la plupart des chercheurs
accèdent aux revues de recherche par les bibliothèques
numériques parrainées par les universités.
Les écrans d'ordinateur ont remplacé les feuilles
de papier et les technologies de recherche avancées ont supplanté
les catalogues sur fiches. L'adoption du format numérique
a eu un impact considérable sur l'accès à l'information.
Il est possible de rechercher des milliers d'articles, nouveaux
et anciens, par sujet, à l'aide d'un simple clic. Les sites
proposent des liens à d'autres articles, à des bases
de données, à des bibliographies et à des adresses
électroniques.
La révolution numérique a, à la fois, amélioré
la qualité de la recherche et augmenté le nombre de
personnes ayant accès au matériel de recherche. Cette
technologie, qui peut être facilement incorporée dans
les pays en développement, peut avoir un impact significatif
sur l'enseignement supérieur et la recherche. Les fonds nécessaires
pour créer et maintenir un portail Internet sont moindres
que ceux qu'il faut investir pour la construction et le maintien
de bibliothèques. Cette infrastructure minimale signifie
qu'une vaste partie du budget d'une bibliothèque peut désormais
être consacrée à l'abonnement aux revues. Tandis
que les coûts d'abonnement peuvent être élevés,
les maisons d'édition scientifique et les sociétés
d'éditions professionnelles acceptent souvent d'offrir des
tarifs réduits aux pays en développement.
La Bibliothèque virtuelle scientifique irakienne (IVSL en
anglais) a pour objectif de combler le fossé numérique
et de soutenir l'éducation et la recherche scientifiques
dans les pays en développement. Le projet a été
créé en 2005 à l'initiative d'un groupe de
membres de la section Politique de science et de technologie de
l'Association américaine pour le progrès de la science
(AAAS) qui a commencé à travailler avec le Département
de la Défense des États-Unis, Sun Microsystems Inc.,
la National Academies of Sciences des États-Unis (NAS) et
la Fondation de recherche et de développement (CRDF). Ce
groupe américain, en collaboration avec le ministère
irakien de l'Enseignement supérieur, a créé
l'IVSL (http://ivsl.org). La bibliothèque dessert sept grandes
universités irakiennes, le ministère de l'Enseignement
supérieur et celui de la Science et de la technologie ainsi
que plusieurs instituts de recherche.
Grâce aux réductions importantes accordées par
les grandes maisons d'édition, la bibliothèque a pu
négocier une collection exceptionnelle de revues spécialisées
dans divers domaines, notamment la biologie, la chimie, les sciences
informatiques, l'ingénierie et les mathématiques.
Elle offre actuellement aux étudiants, aux professeurs et
aux chercheurs l'accès à plus de 17 000 publications,
des cours en ligne, des bases de données et des ressources
spécialisées. Le projet a été financé
par le Département américain de la Défense
et la CRDF. À ce jour, le budget total représente
moins de 400 000 dollars. Les dépenses importantes ont concerné
l'acquisition de licences auprès des éditeurs et des
sociétés d'éditions professionnelles, environ
10 % du budget étant consacré à la conception,
à la création et au maintien du portail Internet et
20 % à la formation de l'utilisateur et à des frais
divers.
L'IVSL est une bibliothèque universitaire en ligne, qui sert
de porte d'entrée et de guide à l'information. L'accès
au site ne nécessite aucune inscription mais celle-ci est
obligatoire pour télécharger les publications. D'autres
ressources publiques, comme les cours ouverts en ligne du Massachusetts
Institute of Technology, seront aussi proposées et facilement
accessibles à tous les groupes.
Comment fonctionne la Bibliothèque ? Les chercheurs des institutions
soumettent une demande en ligne qui est envoyée au service
des inscriptions, où l'on vérifie que le candidat
est membre de l'institution, après quoi il est accepté
ou refusé. On donne aux utilisateurs approuvés un
mot de passe et ceux-ci peuvent ensuite accéder à
la bibliothèque électronique à partir de n'importe
quel ordinateur connecté à Internet, même dans
un cybercafé. La bibliothèque protège les informations
personnelles et ne stocke pas les informations spécifiques
à chaque utilisateur ni les sujets de recherche. Mise en
service pour la première fois le 1er janvier 2006, elle a
connu un succès immédiat. Chaque mois, le nombre d'utilisateurs
inscrits et d'articles téléchargés augmente.
Par exemple, selon l'Institute of Electrical and Electronics Engineers,
Inc., les utilisateurs de la bibliothèque irakienne ont téléchargé
plus de 8 000 articles en mai.
Le portail Internet est actuellement hébergé aux États-Unis.
La CRDF et Sun Microsystems Inc. travaillent avec le gouvernement
irakien pour transférer la bibliothèque en Irak. Des
projets d'hébergement local comprennent des dons de matériel
informatique, le développement de logiciels à source
ouverte et la formation en technologies de l'information. Par la
suite, l'IVSL sera entièrement gérée et financée
par les Irakiens. Pendant la phase de transition en cours, l'un
des objectifs est de créer une communauté de développement
de logiciels pour les bibliothèques virtuelles scientifiques.
Ce groupe appuiera la mise en uvre future en Irak et dans
d'autres pays en développement.
Le succès de cette initiative est le fruit de partenariats
public-privé efficaces. La NAS a identifié les revues
appropriées et négocié des accords de licence
avec les éditeurs, qui ont fourni des collections à
des prix très réduits. Sun Microsystems Inc. a fourni
des conseils techniques sur le développement et l'organisation
de sites Internet, la formation en matière d'administration
du système et de programmation informatique ainsi que des
serveurs pour chacune des universités participantes. Useful
Utilities a fait don de plusieurs logiciels essentiels et Skype
a fourni des écouteurs et des logiciels de communication.
La bibliothèque numérique irakienne illustre la tendance
croissante à la création de bibliothèques numériques
scientifiques pour les universités dans les pays en développement.
Les Nations Unies parrainent actuellement deux bibliothèques
électroniques spécialisées : l'Initiative pour
l'accès à la recherche dans le réseau international
pour la santé (HINARI), développée par l'Organisation
mondiale de la santé, et l'Accès à la recherche
mondiale en ligne sur l'agriculture (AGORA), développé
par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Les abonnements à leurs revues électroniques sont
disponibles selon une échelle mobile, les pays dont le produit
intérieur brut par habitant est inférieur à
1 000 dollars bénéficiant d'un accès gratuit.
D'autres pays comme le Pakistan négocient directement avec
les éditeurs et créent des bibliothèques scientifiques
avec le soutien de leur pays.
Le savoir est une arme puissante. Les bibliothèques scientifiques
électroniques sont des programmes efficaces qui peuvent avoir
un impact immédiat sur la recherche scientifique et technique
dans les pays en développement. Elles sont essentielles non
seulement pour la recherche mais aussi pour promouvoir l'infrastructure,
les soins de santé, l'agriculture et la prospérité
économique. Alors que le projet IVSL progresse, les auteurs
travailleront à développer une communauté mondiale
de bibliothèques électroniques qui encourage les meilleures
pratiques et les démarches pragmatiques adaptées aux
besoins de nombreuses cultures et économies. Il est à
espérer que le succès de la bibliothèque et
des projets financés par les Nations Unies, comme HINARI
et AGORA, encouragera tous les pays à participer et à
tirer parti des nouvelles technologies pour combler le fossé
numérique.
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