Le
drapeau national rwandais n'est plus un symbole de trahison et d'indifférence
humaines. Redessiné suite au génocide de 1994 qui
a fait un million de morts, il est plus moderne et plus beau que
jamais. Formé de trois bandes horizontales de couleur bleu
ciel, jaune et verte, il arbore dans le coin supérieur droit
un soleil à 24 rayons, symbolisant l'importance de chaque
heure de la journée. Cet emblème annonce des jours
meilleurs.
Du 5 au 12 août 2006, les Rwandais, ainsi que des troupes
de danseurs, des vendeurs, des musiciens, des travailleurs humanitaires
et des professionnels des techniques de santé venant de 20
pays africains, ont participé au Cinquième Festival
panafricain de la danse (FESPAD), une manifestation culturelle biennale
qui célèbre la richesse et la diversité des
cultures africaines et de la diaspora. Conçue autour du thème
" Le nouveau visage du Rwanda : nous ne pouvons pas changer
le passé mais, ensemble, nous pouvons construire un avenir
plus radieux ", cette manifestation a non seulement contribué
à promouvoir la guérison des blessures et à
apaiser les curs mais s'est aussi concentrée sur deux
nouveaux concepts : la diplomatie culturelle et l'économie
créative. Parrainée par le Ministre rwandais de la
Culture, l'Union africaine et World Culture Open (WCO), le Festival
a réuni à Kigali, la capitale, des diplomates, des
représentants de la société civile et des organisations
non gouvernementales (ONG) qui ont débattu sur les perspectives
du développement économique.
La première Conférence internationale consacrée
à l'utilisation de l'économie créative pour
le développement a été au centre des activités
du Festival 2006. S'appuyant sur les observations faites lors du
Symposium mondial Sud-Sud 2005 à Shanghai, en Chine, la réunion
a été une occasion historique de discuter des moyens
de développer l'économie créative du Rwanda
et des autres nations africaines et en développement. Ce
n'est que récemment que la créativité a été
largement reconnue comme une source de richesse et un moyen d'atteindre
les Objectifs du Millénaire pour le développement
consistant à promouvoir l'égalité des sexes
et à mettre en place un partenariat pour le développement.
" L'économie créative est l'utilisation efficace
de la créativité pour générer des revenus,
des emplois et réduire la pauvreté ", a affirmé
Yiping Zhou, directeur de l'Unité spéciale pour la
coopération Sud-Sud du Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD).
L'expression culturelle est le point de départ de l'économie
culturelle qui débouche ensuite sur d'autres processus créatifs
et engendre finalement des profits sur le marché. Généralement,
l'idée est de transformer la créativité intangible
en revenus. " Nous savons que la créativité n'est
pas limitée au développement économique et
social. Même la personne la plus pauvre est créative,
un enfant handicapé est créatif, un orphelin aussi,
de même que les femmes pauvres vivant loin de leur village.
La question est de savoir comment, nous, les Nations Unies, pouvons
aider ces personnes à transformer leur créativité
en revenus ", a-t-il indiqué. Aujourd'hui, les activités
d'économie créative représentent 7 % du produit
intérieur brut (PIB) et devraient augmenter de 11 % par an
pendant les dix prochaines années. " Qui profite de
ces 7 et 10 % ? C'est là que l'ONU devait jouer un rôle.
Nous voulons être sûrs qu'une partie de ces revenus
sert à soutenir les pauvres parce qu'elle leur revient ",
a-t-il ajouté.
La WCO est une organisation internationale à but non lucratif
qui encourage la diplomatie multiculturelle afin d'améliorer
la compréhension, la paix et la réconciliation entre
les peuples en guerre, en particulier dans les zones de conflit.
Elle a organisé des séminaires, des ateliers et des
débats sur les moyens de restaurer la confiance entre les
ethnies, de promouvoir une compréhension mutuelle et de renforcer
les liens parmi la société civile - des éléments
importants de la diplomatie culturelle. " La mondialisation
a entraîné la connectivité et l'interdépendance
de pratiquement tous les aspects de notre vie quotidienne. La diplomatie
culturelle est la nouvelle diplomatie; nous croyons que la culture
est un moyen diplomatique qui permet d'améliorer la vie des
gens. Cela peut se faire de plusieurs façons, par exemple,
par l'art, la musique et la danse ", a déclaré
le directeur de la WCO, Chung Lee.
Pour assurer le partenariat international et la participation au
festival, l'Unité spéciale du PNUD pour la coopération
Sud-Sud s'est jointe à la WCO et au Ministère rwandais
de la Culture pour parrainer deux événements communautaires
importants, tant par leur portée que par leurs objectifs.
Le Projet humanitaire, qui a eu lieu le 8 août 2006, a sensibilisé
le public sur le rôle des organisations d'aide dans la reconstruction
du Rwanda. Des représentants des institutions de l'ONU, des
ONG et des organisations humanitaires ont partagé des informations
sur leur travail. Cette rencontre a permis non seulement de lier
la population locale à la société civile mais
aussi d'encourager leur participation. Le Projet Art de l'apaisement,
qui a eu lieu le 9 août 2006, a rassemblé des artistes
internationaux et des professionnels qui ont appris à des
milliers de participants comment réduire le stress en adoptant
des comportements sains fondés sur l'union du corps, du mental
et de l'esprit.
Le FESPAD s'est ouvert sur des roulements de tambour qui ont retenti
dans les hautes montagnes de Kigali. Des manifestations artistiques
et musicales se sont déroulées dans les théâtres,
les stades, les salles de conférence, les centres culturels
et sur les terrains de football de la ville. La Troupe de danse
rwandaise traditionnelle Intore, ainsi que de nombreux artistes
panafricains et internationaux, se sont produits. Jean-Paul Samputu,
au premier plan d'un réseau grandissant d'artistes africains
cherchant à donner une image positive de la région,
a interprété plusieurs chansons, dont certaines avec
une chorale d'enfants dont beaucoup étaient orphelins, mutilés
ou contraints de vivre dans la rue suite au génocide de 100
jours survenu il y a douze ans. Il a dirigé la chorale qui
a donné une interprétation magistrale de la chanson
du Festival 2006 " We are beautiful " et d'une autre intitulée
" I Dream I Can Fly ". " Après le génocide
survenu en 1994, ma vie a changé à jamais. J'ai commencé
à me servir de la musique pour réconcilier le Rwanda,
cicatriser les blessures des Rwandais, éduquer les enfants,
parce que je crois que les enfants sont l'avenir. Je me suis servi
de la musique pour responsabiliser et encourager, parce que je crois
que la musique parle directement au cur. Je me sens encouragé
par toutes ces manifestations et ces réunions parce que mes
chansons servent aussi à promouvoir la paix, l'amour et la
réconciliation ", a-t-il confié.
" On dit toujours que les démunis vivent dans le Sud
et que les nantis vivent dans le Nord, mais je conteste cette idée
", a dit M. Zhou. " Voyons par exemple ce que le Sud possède
- des biens intangibles, la créativité et l'innovation.
Il est vrai que le Sud ne possède pas de richesse tangible,
comme des capitaux et la technologie. Nombre de pays continuent
de faire face à des problèmes, certains viennent de
sortir d'un conflit, d'autres viennent d'y retomber - et le Rwanda
est donc perçu comme un modèle ", a-t-il ajouté.
" Nos frères et surs africains se servent du FESPAD
comme plate-forme pour démontrer au monde que nous avons
de l'espoir, de la vitalité, que nous sommes efficaces et
que nous prenons les choses en main. "
Le peuple rwandais et les dirigeants actuels méritent les
louanges de la communauté internationale. L'ambassadeur rwandais
Joseph Nsengimana a déclaré que pour rétablir
l'économie et les relations entre les ethnies, le pays avait
besoin du soutien international et de solutions innovantes, soulignant
qu'il faudra faire plus que d'adopter un nouveau drapeau ou un nouvel
hymne national pour apporter une paix durable. " Je suis heureux
de pouvoir parler de mon pays en d'autres termes que ceux du film
"Hôtel Rwanda". Ce n'est plus de génocide
dont je parle. Aujourd'hui, je suis fier de parler du FESPAD et
de l'économie culturelle du Rwanda. Ce nouveau concept donne
aux gens l'espoir de surmonter pauvreté. Par exemple, le
Rwanda produit des articles artisanaux de qualité, mais nous
ne savons pas les commercialiser pour atteindre le marché
international ", a-t-il commenté. Il a expliqué
qu'il fallait populariser l'idée de l'" économie
créative " par la participation d'un public vaste et
des médias. Il a également noté que le festival
engendrait des revenus pour les petits vendeurs et les petites entreprises.
Le fait est que la sympathie seule ne suffit pas. Le Rwanda a besoin
d'un soutien, technique, logistique et économique. Il est
temps que la communauté internationale tourne ces pages tristes
et sombres de l'histoire.
Comme il est indiqué dans les rapports du Ministère
rwandais du Commerce, de la promotion des investissements, de l'industrie,
du tourisme et des coopératives, les exportations des produits
agricoles, comme les fruits, le café et le thé, ont
fait face à des obstacles importants dus au coût du
fret aérien, au manque de systèmes de réfrigération
pour le stockage des produits et à la faiblesse de la productivité.
Mais le Rwanda reprend le dessus ! Le PIB de ce pays sans littoral
et qui manque de ressources a progressé et l'inflation a
été réduite. En 2005, le Rwanda a demandé
et reçu une aide importante et obtenu un allègement
de la dette dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres
très endettés (PPTE) lancée par le Fonds monétaire
international et la Banque mondiale. Dans les régions rurales,
où vit 90 % de la population, un grand nombre de tribunaux
populaires, les " gacacas ", ont été mis
en place comme la Commission vérité et réconciliation
en Afrique du Sud. De plus, le 28 juin, l'Assemblée générale
de l'ONU a approuvé les recommandations du Secrétaire
général de prolonger du 24 mai 2007 au 31 décembre
2008 la durée du mandat de 11 juges permanents du Tribunal
pénal international du Rwanda. Cette décision permettra
de terminer les procès en cours qui se seraient probablement
poursuivis au-delà de l'expiration du mandat de quatre ans.
Le Rwanda n'a pas encore jugé tous les auteurs de crime.
Un climat de paix et de sécurité s'est également
établi dans le pays, permettant la visite de hautes personnalités.
L'ancien Président américain Bill Clinton a discuté
avec le Président rwandais Paul Kagamé d'un nombre
de questions liées au développement, et la Fondation
Clinton a récemment alloué des fonds importants à
l'agriculture et à la santé. À la mi-juillet,
la Bill et Melinda Gates Foundation a annoncé la création
d'un centre de recherche en soins de santé et a alloué
une somme initiale de 900 000 dollars. Et le 24 juillet, l'ancien
Haut Commissaire de l'ONU pour les réfugiés, Sadako
Ogata, actuellement président de l'Agence japonaise de coopération
internationale, a lancé un projet d'assainissement de l'eau
de 50 millions de dollars, dont devrait bénéficier
160 000 personnes.
Créé en 1998 par le 16e Conseil des ministres de l'union
africaine, le FESPAD continue d'être porteur d'espoir pour
tous les pays d'Afrique. En attirant l'attention sociale et politique
sur l'importance de la réconciliation, l'unité du
peuple africain autour du développement culturel de la région,
ainsi que la création d'un point de rencontre pour assurer
le dialogue, une paix durable et le respect mutuel deviendront une
réalité. " Par la culture et l'art, les Rwandais
apportent la plus grande contribution au relèvement de leur
pays. Mais le pays a encore besoin d'une aide supplémentaire
importante de la communauté internationale ", a estimé
M. Zhou.
L'économie et les
exportations rwandaises
- Plus de 90 % des Rwandais, la plupart de
petits agriculteurs, vivent dans des zones rurales.
- Les exportations agricoles sont soumises
à des contraintes qui réduisent la compétitivité
sur le marché mondial et freinent le développement
du pays. Ces contraintes comprennent des coûts de
transport élevés dus au mauvais état
des routes dans les régions rurales et à l'enclavement
du pays, une électricité chère et pas
toujours fiable, le manque de systèmes d'irrigation
et de gestion de l'eau ainsi que des exploitations agricoles
de petite taille.
- Les agriculteurs souffrent de l'absence
de systèmes de réfrigération pour le
stockage et autres installations similaires, ce qui entraîne
une détérioration rapide des produits rwandais
et une baisse de la productivité.
- En 2004, le café et le thé
représentaient 58 % des exportations agricoles totales
du Rwanda. Ce chiffre a augmenté depuis. Mais ces
deux secteurs font face à plusieurs obstacles, y
compris le manque d'expertise pour assurer la qualité
des produits, le manque d'accès au financement pour
construire des stations de lavage du café et le manque
de commercialisation du café rwandais.
- Le tourisme jouera un rôle important
dans la réalisation des objectifs de croissance et
la réduction de la pauvreté. Ce secteur reste
cependant également très fragile dû
aux images négatives qui persistent suite au génocide
de 1994 et à l'instabilité de la région
des Grands Lacs.
- Le gouvernement rwandais s'est engagé
à améliorer le secteur de l'exportation en
mettant en place la Stratégie de promotion des exportations.
Pour relancer ce secteur, il envisage d'établir un
centre d'information et de documentation sur le commerce
au sein de l'Agence de promotion des exportations afin de
répondre aux besoins des exportateurs; d'établir
un centre de formation continue pour les exportateurs existants
ou potentiels; de réaliser des études complètes
dans les secteurs à fort potentiel d'exportation
et de fournir aux investisseurs les informations et le soutien
nécessaires pour démarrer.
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