En automne 2006, l'Assemblée générale des
Nations Unies a fait la une de l'actualité alors qu'elle
abordait des dossiers chauds comme l'organisation des puissances
mondiales et la réforme du Conseil de sécurité.
Le débat général, un élément
essentiel de la session annuelle de l'Assemblée, permet aux
États Membres d'exprimer leurs opinions et leurs préoccupations
sur les questions mondiales. Durant la soixante et unième
session, ils ont mis l'accent sur le thème " La mise
en uvre d'un partenariat pour le développement ",
de nombreux représentants considérant que le déséquilibre
politique était un obstacle au développement dans
le monde. Toutefois, ils ont réussi à surmonter les
divisions idéologiques pour remplir leur tâche plus
importante : évaluer les actions de l'ONU au cours des années
passées et fixer les objectifs de l'année à
venir.
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PHOTO ONU/ESKINDER
DEBEBE |
Durant le débat, de nombreux délégués
ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis de
l'influence de certaines grandes puissances au sein et en dehors
des Nations Unies. Dans son discours d'ouverture à l'Assemblée
générale (voir page 9), le Secrétaire général
Kofi Annan a dit que l'alliance démocratique mondiale était
essentielle pour continuer de lutter contre ce qu'il a appelé
" les trois grands défis " pendant son mandat de
dix ans à la tête de l'Organisation : le désordre
mondial, y compris le terrorisme et ses causes; les violations des
droits de l'homme et l'" injustice de l'économie mondiale
". Tout en se montrant confiant dans la force des Nations Unies,
il a reconnu l'existence de problèmes politiques. "
Ce qui compte c'est que les forts, comme les faibles, acceptent
d'être liés par les règles communes, de se traiter
les uns les autres avec respect ", a-t-il affirmé.
Dans son discours, le Président américain George W.
Bush a visé les pays du Moyen-Orient, comme le Liban, l'Irak
et l'Iran, ainsi que le Darfour, expliquant le sens de la liberté
et de la démocratie dans ces régions. " Je veux
parler d'un monde d'espoir qui est à notre portée,
un monde sans terrorisme où les hommes et les femmes sont
libres de choisir leur propre destin, où les voix de la modération
sont renforcées et où les extrémistes sont
marginalisés. Ce monde peut être le nôtre si
nous voulons l'édifier ensemble ", a-t-il assuré.
Mais les images de partenariat qu'il a évoquées ont
été vivement réfutées par d'autres délégués,
qui ont souligné que les États-Unis étaient
parmi les puissances mondiales qui agissaient unilatéralement
sur de nombreux fronts internationaux.
Malgré ces tensions sous-jacentes, les représentants
ont réussi à rester focalisés sur le thème
du débat. " Nous continuerons à faire du développement
l'objectif central de l'armature globale des Nations Unies, le développement
durable dans ses aspects économique, social et écologique
devant en constituer les éléments clefs ", a
déclaré la Présidente de l'Assemblée
générale Sheilka Haya Rashed al Khalifa dans son discours
d'ouverture. Sur les 192 États membres de l'ONU, 191 sont
intervenus pendant le débat, nombreux réaffirmant
leurs engagements vis-à-vis des Objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD) et de ceux qui figurent dans
le Document final du Sommet mondial 2005, qui avaient été
fixés antérieurement et assortis d'engagements supplémentaires
envers le développement international.
" Les pères fondateurs des Nations Unies ont voulu créer
une organisation internationale dont la force première serait
d'agir collectivement et dans un esprit de coopération pour
résoudre les problèmes internationaux ", a souligné
la Ministre nigériane des Affaires étrangères
U. Joy Ogwu, dans son discours à l'Assemblée générale.
Le thème du débat reflète parfaitement une telle
aspiration et réaffirme l'un des objectifs des OMD, a-t-elle
ajouté. Anthony Hylton (Jamaïque) s'est fait l'écho
de nombreux États qui se sont dit satisfaits du thème
jugé à la fois opportun et saisissant. Les Nations Unies,
" tout en reconnaissant que le développement, la paix,
la sécurité et les droits de l'homme sont liés
entre eux et se renforcent mutuellement, ont réaffirmé
que le développement est un objectif central en soi ",
a-t-il indiqué. De nombreux pays ont salué la création,
par l'Assemblée générale en décembre 2005,
de la Commission de consolidation de l'ONU visant à aider à
la résolution des conflits et à la reconstruction après
les conflits, ainsi que du Conseil des droits de l'homme en mars 2006
visant à défendre spécifiquement les droits de
l'homme dans le cadre des Nations Unies. Les représentants
ont estimé que ces deux organes de l'ONU seront particulièrement
essentiels pour s'attaquer aux obstacles majeurs au développement,
en particulier la guerre et les atteintes aux droits de l'homme.
" Nous continuerons
à faire du développement l'objectif central de
l'armature globale des
Nations Unies, le développement durable dans ses aspects
économiques, sociaux et écologiques devant en
constituer les éléments clefs. "
La présidente de l'Assemblée
générale
Sheikha Haya al Khalifa
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De nombreux délégués ont fait remarquer que
sans un partenariat mondial fort, peu de progrès seront accomplis
en matière de développement. " Nous ne pourrons
atteindre les OMD et réduire l'extrême pauvreté
qui mine la vie de milliards de personnes dans le monde que si nous
réunissons nos ressources et nos efforts pour le bien commun
de l'humanité ", a déclaré la Présidente
de la Lettonie Vaira Vike-Freiberga. Le Thaïlandais Khunying
Laxanachantorn Laohaphana a renchéri : " Un partenariat
mondial pour le développement doit assurer des avantages
pour les riches comme pour les pauvres. Nous devons veiller à
ce que le développement ne nuise pas aux intérêts
nationaux. "
Des représentants ont critiqué la politique tarifaire
et les restrictions commerciales, estimant qu'elles favorisaient
les pays industrialisés. Nombre de délégués
concernés ont mené une politique commerciale inéquitable
dans la structure inégale du pouvoir qui hante aujourd'hui
la communauté internationale. Le Ministre des affaires étrangères
et du commerce international du Belize Eamon Courtenay a critiqué
les récentes négociations commerciales, en particulier
l'échec du Cycle de Doha en juillet 2006 qui, a-t-il indiqué,
ne sont pas parvenu à assurer un meilleur accès des
pays au revenu bas au marché. " Nous estimons qu'un
système qui promet le développement et offre des prix
bas à l'exportation n'est pas fiable. Nous estimons qu'un
système qui promet un agenda pour le développement
mais qui se conclut par un blocage des négociations, et qui
offre aux petites économies vulnérables un accès
réduit au marché est fondamentalement injuste. [
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Sur les 6 milliards d'habitants de la planète, un milliard
détiennent plus de 87 % du revenu mondial et 5 milliards
moins de 20 %. Notre tâche commune est de corriger ce déséquilibre.
Ce n'est pas la première fois que les disparités entre
les pays riches et les pays pauvres sont débattues à
l'Assemblée générale. En 2003, lors de la cinquante-neuvième
session de haut niveau, le Secrétaire général
avait dit aux représentants que lorsque les États
Membres " agissent unilatéralement ou dans le cadre
de coalitions ad hoc ", ils lancent un défi fondamental
aux " principes sur lesquels, même si cela ne l'est que
d'une manière imparfaite, la paix et la stabilité
mondiales ont été fondées " depuis la
création des les Nations Unies. Mais alors que les partisans
de l'ONU continuent de souligner que l'action démocratique
est essentielle pour résoudre les problèmes mondiaux,
les infractions commises par les États puissants semblent
avoir suscité un regain d'enthousiasme parmi les peuples
opprimés dans le monde entier.
Cela a été particulièrement évident
dans les commentaires des États Membres sur la structure
du Conseil de sécurité. " Un grand nombre d'États
Membres sont d'avis que le Conseil de sécurité ne
reflète plus le nouvel environnement international qui a
émergé depuis sa création ", a dit à
l'Assemblée générale le Ministre indien de
la Défense Pranab Mukherjee. D'autres États comme
l'Iran se sont dit sceptiques sur le droit de veto du Conseil limité
à certaines situations. L'Assemblée générale
a élu l'Afrique du Sud, la Belgique, l'Indonésie,
l'Italie et le Panama pour un mandat de deux ans à compter
de janvier 2007 pour remplacer cinq membres non permanents sortants.
Toutefois, les États Membres qui ont demandé de devenir
États Membres permanents sont une fois de plus rentrés
chez eux les mains vides.
Malgré sa médiatisation et les divisions idéologiques
importantes, le débat général de la soixante
et unième session a traité les questions actuelles
les plus importantes : la guerre, les violations des droits de l'homme,
les déséquilibres économiques et les défis
du développement. Comme l'a fait remarquer le Secrétaire
général dans son discours de clôture, l'objectif
des Nations Unies est, en fait, de surmonter ces divisions dans
l'espoir de renforcer la paix. " Ce qui compte, c'est que tous
aillent les uns vers les autres, non pour s'affronter mais pour
s'atteler ensemble à la tâche : celle de bâtir
ensemble un avenir commun ", a-t-il dit. " Il faut que
chacun de nous partage la souffrance de tous ceux qui souffrent,
et la joie de tous ceux qui espèrent, où que ce soit
dans le monde. "
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