Chronique ONU

Conversation avec…
Anwarul K. Chowdhury sur les pays les moins avancés (PMA)

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L'article

Anwarul K. Chowdhury est Secrétaire général adjoint et Haut représentant des pays les moins avancés, des pays sans littoral et des petits États insulaires en développement. En octobre 2006, il a évoqué avec Melissa Gorelick et George Simpson de la Chronique ONU l'aide au développement et son efficacité, les envois de fonds des travailleurs, la fuite des cerveaux et d'autres questions relatives aux PMA.
PHOTO ONU/EVAN SCHNEIDER.
Quels sont les critères qui désignent un pays comme un pays moins avancé ?

En 1971, quand l'Assemblée générale des Nations Unies a décidé de créer une catégorie pour les pays aux revenus faibles de la communauté internationale, 25 pays répondaient à ces critères. Au cours des années, ces critères ont été révisés pour mieux prendre en compte leur situation. Trois conditions sont nécessaires pour figurer sur la liste des PMA. La première, et la plus importante, est le revenu par habitant. Son calcul est ajusté chaque année en fonction de la situation économique actuelle, du taux d'inflation et de la valeur de la monnaie. La deuxième est l'indice du capital humain, c'est-à-dire les niveaux d'éducation et d'alphabétisation, les conditions de santé, l'autonomisation des femmes et d'autres indicateurs pertinents. La troisième est l'indice de vulnérabilité économique qui détermine comment un pays est capable de se protéger contre les chocs externes, comme les fluctuations monétaires, la dépression économique, la baisse des prix des produits de base, etc. Une fois que ces trois facteurs sont combinés, le Comité des politiques de développement de l'ONU utilise un système très complexe pour déterminer l'éligibilité de chaque pays. La liste est révisée tous les trois ans, y compris l'évaluation de la liste des pays radiés. S'il répond aux trois critères, un pays est ajouté à la liste, s'il en atteint deux sur trois, il en est radié.

Un autre aspect important du processus de radiation est la décision récente de l'Assemblée générale concernant la stratégie de " transition sans heurt ", une période de trois ans visant à aider les PMA éligibles à sortir de leur catégorie. Ces pays aimeraient que le système de l'ONU et les autres partenaires du développement conjuguent leurs efforts pendant cette période de transition. Nous estimons qu'être radié de la liste devrait être une reconnaissance des progrès réalisés par ces pays. Cette année, le Comité a identifié cinq pays pouvant être retirés de la liste, décision qui prendra effet dans trois ans. En 2004, le retrait du Cap-Vert et des Maldives a été recommandé. Les Samoa feront l'objet d'une décision cette année. Mais malgré ces bonnes nouvelles, le nombre de PMA a doublé au cours des trois dernières années. Actuellement, 50 pays figurent sur la liste.

Pourquoi le nombre de PMA est-il en hausse ?

Pour un grand nombre de raisons sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle. Le système économique mondial, les prix des produits de base, les conflits et maintenant le VIH/sida ont eu des répercussions - tous ces facteurs ont freiné le développement économique et social de ces pays. Au cours de la dernière décennie, ces pays n'ont pas bénéficié des avantages de la mondialisation. Ils sont situés tellement au bas de l'échelle qu'ils ne peuvent pas en tirer parti.

Le manque de responsabilité et de transparence dans l'utilisation de l'aide au développement a également joué un rôle. Avant, les méthodes d'évaluation adoptées par les partenaires du développement ou les autorités nationales comportaient des lacunes - il était difficile de suivre comment l'aide était utilisée. Les priorités étaient également mal ciblées. L'aide était parfois consacrée à de grands projets nationaux, comme la construction de barrages ou de ponts, au détriment du développement humain. Je dirai aussi qu'il manquait aussi un leadership national déterminé et avisé. C'est un domaine auquel il faut accorder une attention, et l'ONU y travaille. Ce sont quelques-unes des raisons pour lesquelles les PMA figurent toujours sur la liste, sauf le Botswana, tandis que de nouveaux pays y sont ajoutés.

Pensez-vous que l'aide internationale soit utile ?

Les pays les moins avancés sont structurellement très faibles. Leur capacité à attirer les investissements étrangers n'est pas développée et ils sont désavantagés en raison de nombreux facteurs comme le lourd fardeau de la dette. Ces pays ont besoin de l'aide étrangère pour leur développement. Mais l'aide au développement a aussi des aspects négatifs. Elle peut parfois créer une dépendance tout à fait inacceptable.

La principale question en matière de l'aide au développement réside dans son utilisation. Par exemple, la conditionnalité de l'aide peut poser un problème. Dans certains cas, les donateurs établissent des priorités, et l'efficacité est réduite par manque de coordination entre eux. Le déliement de l'aide est donc l'une des priorités des PMA. L'une des alternatives a été de développer l'aide par le biais du soutien au budget. Mon bureau examine les expériences des PMA qui ont reçu un soutien au budget. Certains partenaires comme le Royaume-Uni sont déjà très favorables. Mais il faut voir si cela aide vraiment ou si cela crée une dépendance - une raison de ne pas développer ses propres capacités pour augmenter le revenu national.

En fait, les PMA ont besoin de l'aide au développement, spécialement s'ils veulent atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Pour créer des projets et des programmes importants, par exemple pour éradiquer le paludisme, réduire la pauvreté ou éliminer la pandémie du VIH/sida, ils ont besoin de ressources qu'ils n'ont pas. À long terme, cependant, je pense que l'un des objectifs du développement devrait être de réduire progressivement la dépendance vis-à-vis de l'aide. Malgré une tendance générale à la hausse de la demande d'aide au développement, si un PMA utilise efficacement son niveau d'aide actuel, cible les actions à entreprendre au niveau local et définit les priorités, il tirera meilleur parti de chaque dollar reçu. L'aide étrangère ou, comme nous l'appelons, l'aide publique au développement (APD) devrait être perçue comme une aide financière investie à des fins utiles pour améliorer le lot des populations pauvres et leur qualité de vie.

La fuite des ressources humaines et physiques continue-t-elle à être un sujet de préoccupation pour les PMA ?

Il faut se garder de considérer les envois des migrants comme un substitut à l'aide au développement. Les envois de fonds sont de l'argent privé adressé aux familles. Mais nous assistons aussi à une " fuite des cerveaux " - une perte des ressources dans les pays les moins avancés. Il s'agit maintenant de voir comment faire pour que la fuite des cerveaux devienne un " retour des cerveaux ". Comment peut-on attirer les personnes compétentes parties à l'étranger pour exercer le métier de médecin, d'ingénieur, de chercheur ? Ceux qui ont trouvé une meilleure qualité de vie resteront où ils sont. Mais si on arrive à les attirer, peut-être pas toute l'année mais trois mois par an, on peut alors profiter de leur expertise. Dans certains secteurs universitaires, cela se fait déjà, avec les années sabbatiques. Dans certains cas, les médecins, qui ont leur propre cabinet, fournissent des services médicaux gratuits dans leur pays d'origine. D'autre part, le nouveau développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) incite de nombreux jeunes à retourner dans leur pays. L'Inde, par exemple, a considérablement bénéficié de l'expertise des ingénieurs de la Silicon Valley, et des migrants du Bangladesh installés aux États-Unis et en Europe sont même retournés dans leur pays pour créer des instituts de formation en TIC. Dans un monde mondialisé, le retour des cerveaux est possible. Il faut simplement donner aux PMA la chance d'en bénéficier en créant des opportunités - qui nécessitent des ressources - puis en les orientant correctement.

Quel rôle le partenariat renforcé avec la société civile joue-t-il dans le développement des PMA ?

Peu de temps après que mon Bureau a été créé en 2002, nous avons cherché à établir une relation étroite avec la société civile et le secteur privé, comme élément essentiel à notre soutien aux PMA. La société civile peut soutenir ces pays à la fois au niveau national par le biais de programmes et de projets locaux, et au niveau international en soulignant leurs préoccupations, en cernant leurs intérêts et en faisant pression sur les donateurs. Je crois que si nous arrivons à susciter un intérêt parmi les groupes de la société civile, beaucoup peut être accompli.

Pour l'examen à mi-parcours du programme d'action de Bruxelles - une initiative en faveur des PMA adoptée en 2001 par les Nations Unies pour la période 2001-2010 - nous avons organisé une audience avec la société civile à l'Assemblée générale de l'ONU. Un forum a également été organisé en juillet à Genève pour encourager la participation des organisations non gouvernementales (ONG) de cette ville. Nous travaillons aussi directement avec les ONG dans les pays les moins avancés, qui s'avèrent être des partenaires du développement importants. Nous exhortons les gouvernements des PMA à inclure davantage de parties et à constituer une base élargie. Pour cette raison, les ONG participent dans une plus grande mesure aux forums dans les PMA.

Suite à l'examen à mi-parcours, les Nations Unies organisent une campagne en faveur des PMA en partenariat avec les ONG, en particulier LDC Watch. Créée en 2001, cette ONG, dont le siège est à Bruxelles, soumet un rapport de situation annuel au Conseil économique et social de l'ONU, une évaluation indépendante des progrès des PMA. C'est un rôle important à remplir par la société civile. Il est essentiel d'attirer l'attention sur les PMA parce qu'ils sont trop souvent exclus des débats. La société civile peut être un partenaire très efficace dans cet effort. Le défi est grand, mais nous devons poursuivre notre tâche.

 
 
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