En juin 2004, six soldats du Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma
ont violé une femme en présence de son mari et de
ses enfants, tandis qu'un autre violait sa fille de trois ans, indique
Human Rights Watch. En juin 2005, un jeune homme de 17 ans était
arrêté par un policier Maï-Maï après
avoir refusé de puiser de l'eau pour les soldats stationnés
et a ensuite été brutalement torturé pendant
sa détention dans le camp. Selon une organisation non gouvernementale
locale (ONG), le garçon a été relâché
seulement après avoir payé une forte amende. Selon
la Mission de l'ONU en République du Congo (MONUC), en novembre
2005, trois soldats des forces armées congolaises ont attaché
une fillette de onze ans avec un câble électrique et
l'ont violée à maintes reprises dans un camp militaire.
 |
Les jeunes dans
l'est de la Republique democratique du Congo PHOTO/OCHA ET WATCHLIST |
Ces cas sont des exemples d'actes de violence perpétrés
contre les enfants congolais, qui sont documentés dans le
rapport d'avril 2006 de Watchlist on Children and Armed Conflict,
Survivre, le défi quotidien des enfants dans le conflit armé
en République démocratique du Congo. Le pays continue
de subir la crise humanitaire la plus meurtrière dans le
monde, et selon le Comité de secours internationaux, plus
de 38 000 personnes meurent chaque mois des conséquences
directes ou indirectes du conflit armé dans ce pays. Au total,
45 % de ces morts sont des enfants qui sont victimes de graves violations
des droits de l'homme perpétrées dans la totale impunité.
Malgré la présence de la MONUC - l'opération
de maintien de la paix de l'ONU la plus importante - et des milliards
de dollars dépensés pour la reconstruction du pays
après le conflit, ainsi que la tenue d'élections le
30 juillet 2006, la plupart des enfants congolais ne sont pas mieux
lotis qu'en 2003, lors de la parution du premier rapport de Watchlist,
intitulé L'impact des conflits armés sur les enfants
dans la République démocratique du Congo. En fait,
pour certains d'entre eux, la santé, la sécurité
et le bien-être se sont considérablement détériorés.
Les forces armées continuent de violer et de mutiler les
filles, de recruter et d'utiliser des enfants et de commettre d'autres
formes de violence contre eux. De plus, les enfants meurent chaque
jour de maladies qui pourraient être évitées
et sont privés d'une éducation qui contribuerait à
développer leurs connaissances et leurs compétences.
Ces violations sont commises avec pour toile de fond des progrès,
comme la démobilisation de milliers d'enfants et l'arrestation
par la Cour pénale internationale de Thomas Lubanga de l'Union
des Patriotes Congolais, accusé de l'enrôlement et
de la conscription d'enfants soldats qui ont été utilisés
pour participer aux conflits.
Watchlist a documenté les violations systématiques
et graves commises contre les enfants en RDC dans six catégories
définies par la résolution 1612 (2005) sur les enfants
dans les conflits armés adoptée par le Conseil de
sécurité. Voici les principaux faits constatés
par Watchlist entre 2003 et le début de janvier 2006 :
Massacres et mutilations : La violence extrême et les
combats se sont poursuivis dans toute la RDC. Les enfants ne sont
pas épargnés, tous les groupes et forces armés
de la RDC continuant de tuer et de mutiler des enfants. Des cas
bien documentés relatent des atrocités, telles que
des combattants armés tirant sur des enfants, les mutilant,
les blessant à coup de couteau et les brûlant vifs.
Viols et autres formes de violence sexuelle à l'éncontre
des filles : Tous les groupes et forces armés continuent
de commettre des viols et des actes de violence sexuelle contre des
filles et des femmes. On estime à des centaines de milliers
le nombre de victimes de viols et d'autres formes de violence sexuelle
en RDC. Dans de nombreux cas, les viols se caractérisent par
une extrême cruauté, notamment contre des fillettes et
parfois des garçons : viols collectifs, mutilation des organes
génitaux, viol avec l'introduction d'objets dans les parties
génitales de la victime, viol forcé entre victimes et
viol avec exécution par balle. Des filles sont maintenues en
captivité comme esclaves sexuelles pendant de longues périodes.
La majorité des filles victimes de viols souffrent de graves
blessures qui nécessitent des opérations chirurgicales
et peuvent entraîner des maladies vénériennes,
l'infection par le VIH-SIDA, la stérilité et d'autres
graves problèmes de santé. Beaucoup de filles sont abandonnées
par leurs familles et leurs communautés et condamnées
à vivre dans la pauvreté. La majorité des survivantes
ne reçoivent pas de traitement médical après
avoir été agressées.
 |
PHOTO/OCHA ET
WATCHLIST |
Refus d'autoriser l'accès à l'assistance humanitaire
: Les organismes humanitaires font toujours face aux attaques
des groupes armés et à d'autres obstacles, comme le
pillage, la destruction des ressources humanitaires, des stocks de
vivres et des bases sur le terrain, la confiscation de véhicules,
le harcèlement des expatriés et du personnel national,
le prélèvement de taxes illégales et la lourdeur
des procédures administratives. En outre, dans certains cas,
des travailleurs humanitaires ont été contraints de
retarder ou de suspendre la distribution de l'aide, estimant que les
bénéficiaires locaux risquaient d'être la cible
de harcèlement militaire ou politique après avoir reçu
cette aide.
Attaques contre les écoles et les hôpitaux :
Les forces et groupes armés ont saccagé, incendié
et détruit des écoles, y compris des fournitures scolaires,
dans l'est de la RCD. Pendant les attaques contre les écoles,
les combattants armés ont recruté de force des garçons,
en particulier dans les zones les plus touchées par les conflits.
Les attaques contre les écoles et d'autres problèmes
du système éducatif ont privé de leur droit
à l'éducation un nombre d'enfants estimé à
4,6 millions, dont 2,5 millions de filles. Les forces et groupes
armés saccagent et pillent également les hôpitaux
et autres centres médicaux. À cause de ces attaques
et de la détérioration générale du système
national de santé, des enfants meurent chaque année
de maladies que l'on pourrait éviter, telles qu'entre autres
la malnutrition, le paludisme, les maladies diarrhéiques,
les infections respiratoires aiguës et la tuberculose. Les
conséquences de la guerre se traduisent par une pénurie
généralisée de médicaments, d'équipements
médicaux et de personnel médical qualifié et
par la déliquescence des infrastructures sanitaires nationales.
Enlèvements : Divers groupes armés opérant
principalement dans l'Est de la RDC continuent d'enlever des enfants.
Parmi ceux-ci, on compte les Maï-Maï, le Rassemblement
congolais pour la démocratie-Mouvement de libération,
les Forces démocratiques de libération du Rwanda,
un nouveau groupe constitué de dissidents, appelé
les " Rastas ", ainsi que les forces du général
Laurent Nkunda et plusieurs autres groupes. Selon des sources locales,
des jeunes filles ont été enlevées et détenues
en otage pour être vendues en échange de bétail
ou de l'or et à d'autres fins.
Enfants associés aux forces et groupes armés : On
estime qu'au moins 30 000 garçons et filles participent activement
aux combats ou sont rattachés aux forces et groupes armés,
et utilisés à des fins sexuelles ou pour d'autres
services. Presque toutes les filles et certains garçons sont
victimes de sévices sexuels de la part de leurs commandants
ou d'autres soldats. Les enfants sont fréquemment témoins
de graves violations des droits de l'homme à l'encontre des
civils ou forcés d'y participer, et se battent souvent en
première ligne. Le processus global de désarmement,
de démobilisation et de réinsertion (DDR) des enfants
a été très long. La Commission nationale de
désarmement, démobilisation et réinsertion
(CONADER), l'organe gouvernemental chargé d'assurer la mise
en uvre de l'ensemble du processus, n'a pas les capacités
et l'expérience technique ni l'autorité pour en surveiller
le déroulement.
Autres violations : Outre les six violations définies
par le Conseil de sécurité de l'ONU, les enfants en
RDC continuent de subir tout un éventail de violations et
crimes atroces, notamment, le déplacement forcé, le
travail forcé et la participation sous la contrainte à
l'exploitation illicite des ressources naturelles. Environ 150 cas
d'exploitation et de sévices sexuels commis par des personnels
des Nations Unies ont été rendus publics et ont fait
l'objet d'investigations. En outre, des enfants, en particulier
des filles, sont accusés de sorcellerie, ce qui les pousse
à vivre dans la rue ou dans d'autres situations dangereuses;
dans certains cas, ils sont tués par des membres de leur
famille ou de leur communauté. Les enfants et les adolescents
sont également menacés par l'épidémie
du VIH-SIDA ainsi que par la violence et l'insécurité
dues à la présence et à l'utilisation très
répandues d'armes légères dans toute la RDC.
À la lumière de ces conclusions, Watchlist formule
des recommandations aux autorités gouvernementales de la
RDC, ainsi qu'à tous les groupes armés dans le pays,
aux organismes humanitaires et aux donateurs, au Conseil de sécurité,
à la MONUC et à la Cour pénale internationale,
les exhortant à prendre des mesures immédiates et
durables pour protéger les enfants congolais contre d'autres
violations et de trouver des solutions pour aider ceux qui ont déjà
subi des souffrances atroces. Voici quelques-unes des recommandations
proposées au Conseil :
- Demander à toutes les parties de faire cesser immédiatement
le recrutement forcé et l'utilisation d'enfants dans les
groupes et forces armés.
- Continuer à accorder une attention prioritaire à
la situation en RDC et à la mise en uvre effective
des résolutions du Conseil de sécurité sur
la RDC et les enfants et les conflits armés, en particulier
les résolutions 1539 (2004) et 1612 (2005).
- Demander au Représentant spécial du Secrétaire
général en RDC de désigner immédiatement
un point focal pour engager le dialogue avec toutes les parties
en RDC qui recrutent ou utilisent des enfants, que le Secrétaire
général a nommées dans son rapport de 2005
sur les enfants et les conflits armés, " en vue d'élaborer
des plans d'action clairs et assortis d'échéances
pour mettre fin à cette pratique ", conformément
aux résolutions 1460 (2003) et 1539 (2004) du Conseil de
sécurité.
- Demander aux neuf parties au conflit en RDC de fournir "
des informations sur les mesures qu'elles ont prises pour mettre
fin au recrutement et à l'utilisation d'enfants dans les
conflits armés auxquels [elles] procèdent en violation
de leurs obligations internationales applicables", conformément
aux résolutions 1460 et 1539.
- Soutenir et encourager tous les efforts déployés
pour que les auteurs de crimes commis contre les enfants en RDC
soient tenus responsables de leurs actes, notamment en ce qui
concerne le recrutement et l'utilisation d'enfants.
- Demander à toutes les parties utilisant des enfants dans
l'exploitation illégale des ressources naturelles de mettre
fin immédiatement à cette pratique, en se souciant
en particulier de l'impact de cette exploitation sur les enfants.
- Demander à tous les groupes et forces armés opérant
en RDC ainsi qu'aux pays voisins et aux autres pays qui livrent
des armes en RDC de mettre fin au commerce et au stockage illicites
des armes légères. Maintenir l'embargo sur les armes
en RDC et soutenir une expansion du mandat de la MONUC pour surveiller
l'application de l'embargo en mettant l'accent en particulier
sur les zones frontières les plus perméables.
Un écart important existe entre les engagements en matière
de protection des enfants et la réalité sur le terrain.
Les enfants de la République démocratique du Congo
ont besoin de l'aide immédiate et continue des décideurs
politiques internationaux, à la fois aux niveaux local, national
et international, qui ont le pouvoir de les protéger contre
les abus et de changer concrètement leur vie et celle de
leurs communautés.
|