Plus d'un million d'enfants dans le monde vivent en détention
parce qu'ils sont en conflit avec la loi, sans pouvoir accéder
à un soutien judiciaire ou à une représentation
juridique et ce, malgré l'existence de nombreux traités
et conventions, comme la Convention relative aux droits de l'enfant
qui stipule que nul enfant ne sera privé de liberté
" de façon illégale ou arbitraire ".
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PHOTO HCR/J. STEJSKAL |
Souvent, les histoires de ces enfants ne sont pas dévoilées,
elles dérangent, sont oubliées - ou parfois même
on ne connaît pas leur existence. Pour Defence for Children
International (DCI), une organisation non gouvernementale indépendante
uvrant à promouvoir et à protéger les
droits des enfants, ces situations sont " effrayantes, inacceptables,
irresponsables, dégradantes et même inhumaines ".
La situation des enfants en prison a été évoquée
pour la première fois en 1989 lorsque la Convention relative
aux droits de l'enfant a été adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies. Pourtant, cette question
souvent négligée fait rarement la une des médias.
Ces dernières années, le Fonds des Nations Unies pour
l'enfance (UNICEF), Human Rights Watch (HWR) et d'autres organisations
pertinentes ont travaillé pour dévoiler la réalité
et pour que les droits des enfants en conflit avec la loi ou ceux
emprisonnés sans cause suffisante deviennent une priorité.
Elles ont mis l'accent sur l'existence de normes internationales
et déclaré qu'une action énergique était
nécessaire pour appliquer ces normes avec succès dans
les systèmes juridiques et judiciaires nationaux.
La Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 et les Ensembles
de règles pour la protection des enfants privés de
liberté fournissent un cadre pour les droits de l'enfant
vis-à-vis de la loi. La Convention stipule que l'emprisonnement
d'un enfant ne doit être qu'" une mesure de dernier ressort,
et être d'une durée aussi brève que possible
", tandis que l'enfant privé de liberté "
devra être traité avec humanité et avec le respect
dû à la dignité de la personne humaine, et d'une
manière tenant compte des besoins des personnes de son âge
". Le droit d'accès à l'assistance juridique
ou à toute assistance appropriée, ainsi que le droit
de contester la légalité de l'emprisonnement devant
un tribunal ou toute autre autorité compétente, ont
été également soulignés. Or, malgré
ces déclarations, les normes établies par la Convention
ne sont toujours pas respectées.
Les gouvernements et les systèmes judiciaires, soutenus par
les organisations des droits de l'enfant, devraient centrer leurs
efforts sur deux priorités : la situation actuelle des enfants
en prison - réduire le plus possible le nombre d'enfants
incarcérés; et la prévention - améliorer
les conditions et les circonstances qui conduisent les enfants en
prison. Selon des études et des rapports, la plus grande
majorité des enfants qui sont envoyés en prison viennent
de milieux défavorisés, de communautés et de
familles pauvres et sont issus de minorités. Il est donc
important de s'attaquer aux causes du problème. " Il
vaut mieux assécher le marécage que tuer les alligators
", souligne DCI dans son rapport de 2003 intitulé Les
enfants derrière les barreaux.
L'UNICEF appuie et conseille des pays, comme la Moldavie, Panama
et le Monténégro, afin de réduire le nombre
d'incarcérations d'enfants, et uvre pour protéger
les enfants contre les sévices et l'exploitation qui conduisent
très souvent à la violence. Le Children's Chance for
Change Project - une initiative visant à réformer
la justice pour mineurs, parrainée par l'UNICEF, le gouvernement
de Serbie et l'Agence internationale de développement suédoise
- a déclaré que " les enfants ne sont pas en
conflit avec la loi par choix mais à cause du manque d'opportunités
pour leur développement, opportunités qui sont encore
plus limitées une fois qu'ils sont entrés dans le
système pénal ". Il est fort probable que les
séjours en prison aggravent la situation, et qu'il serait
plus judicieux de les aider à s'intégrer dans la société.
C'est pourquoi l'accent est mis sur la recherche de solutions autres
que la détention, qui apparaissent plus utiles que les mesures
de répression. On peut par exemple éviter que l'enfant
soit pris dans l'engrenage du système judiciaire lorsqu'il
s'agit dun délit mineur, et engager les victimes, les familles
et la communauté à promouvoir la réconciliation,
la restitution et la responsabilité. L'appui psychologique,
le sursis probatoire et les services communautaires peuvent être
également substitués aux peines privatives de liberté.
La question des enfants en conflit avec la loi est primordiale pour
HWR qui, comme l'UNICEF, a enquêté pendant des années
sur la situation des enfants incarcérés dans certains
pays critiques. Dans son dernier rapport intitulé Making
Their Own Rules: Police Beating, Rape and Torture of Children in
Papua New Guinea, HRW a examiné les nombreux sévices
commis par des responsables de la loi sur des enfants incarcérés
en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'organisation met l'accent
sur la nécessité de séparer les enfants des
adultes dans les prisons, sur le droit de correspondre régulièrement
avec leur famille et d'avoir une représentantion légale
ainsi que sur la question de la peine de mort pour des délinquants
mineurs. " Seuls six pays dans le monde - Arabie saoudite,
États-Unis, Iran, Nigeria, Pakistan et Yémen - sont
connus pour avoir exécuté des délinquants mineurs
" dans les années 1990, en violation des normes juridiques
internationales, rapporte HRW. " Les États-Unis ont
exécuté neuf détenus mineurs au cours des dix
dernières années, plus que tout autre pays dans le
monde. "
Durant ses trente années d'existence, DCI s'est fait le champion
de la justice pour mineurs et a redoublé d'efforts au cours
de ces dernières années. Pour soutenir sa campagne
" Pas d'enfants derrière les barreaux ", DCI a
publié quatre rapports qui comprenentt une vue d'ensemble
de la situation des enfants incarcérés, des analyses
des lois internationales et nationales s'appliquant spécifiquement
aux enfants, des scénarios dans des pays spécifiques
et qui établissent des recommandations à la communauté
internationale et aux gouvernements pour améliorer l'équité
du système juridique et les mesures de prévention.
L'année 2005 a été une période particulièrement
dynamique pour DCI et sa campagne. À l'occasion du Onzième
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime
et la justice pénale, qui s'est tenu à Bangkok, en
Thaïlande du 18 au 25 avril 2005, DCI a réussi à
inclure un paragraphe spécifique dans la Déclaration
finale de Bangkok : " Nous affirmons notre détermination
à accorder une plus grande attention à la justice
pour mineurs. Nous nous emploierons à mettre en place les
moyens de fournir des services aux enfants qui sont victimes de
crimes et aux enfants en conflit avec la loi, en particulier ceux
qui sont privés de leur liberté, et d'assurer que
ces services prennent en compte le sexe, le milieu social et le
degré de développement ainsi que les règles
et les normes des Nations Unies, si nécessaire. "
" La place des enfants n'est pas en prison. Les enfants devraient
aller à l'école. Ils devraient jouer et s'amuser ",
affirme DCI dans son rapport de 2005. Leur place n'est pas derrière
des barreaux. Ils devraient être avec leur famille. C'est le
message que les organisations qui luttent contre la violation des
droits des enfants en conflit avec la loi veulent transmettre, et
il mérite l'attention qui fait si souvent défaut. |