Chronique ONU

DES SOINS ATTENTIONNÉS POUR
DES PATIENTS ATTEINTS DE LA LÈPRE

Par Mikel Flamm et Windy Xie
Photos par Mikel Flamm

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L'article

Situé à 72 km de Kunming en Chine, Xiang Hai An est un village perché en haut d'une montagne qui offre une vue magnifique sur la vallée. Des champs de fleurs aux couleurs vives et des cultures couvrent la vallée entourée de nombreuses collines que l'on aperçoit au loin.


Il faut 25 minutes à pied pour atteindre le petit village entouré d'un mur en terre. Initialement construit en 1926 pour être un monastère de religieuses, il était coupé du monde extérieur. L'ancien temple, en partie détruit, sert aujourd'hui d'aire d'entreposage. Au début des années 1950, le gouvernement local a pris le contrôle de ce site et l'a converti en une communauté pour les patients atteints de la lèpre qu'ils ont appelé la Mission Xiang Hai An contre la lèpre. Une vieille porte en bois datant de plus de 75 ans s'ouvre sur le centre.

Au début, jusqu'à 500 hommes et femmes ont suivi un traitement dans le village. À une époque, il y avait plus de 40 médecins et infirmières pour s'occuper d'eux. Après avoir été traités, et leur état ayant été jugé satisfaisant, la majorité d'entre eux retournaient dans leur village, tandis que ceux qui n'avaient pas de domicile ou qui n'étaient pas acceptés dans leur famille restaient sur place. Quand Habitat for Humanity Inc. (HFHI) a commencé à planifier le projet contre la lèpre en 2002, il y avait 32 patientes (23 hommes et 9 femmes), âgées de 40 à 86 ans. En 2006, il y avait 18 hommes et 5 femmes, dont l'âge moyen était de 65 ans. C'était le premier projet d'HFHI en Chine, en partenariat avec la Mission américaine contre la lèpre.

Le projet comprenait la reconstruction, la rénovation et l'amélioration des habitations. Les toits ont été réparés, les murs couverts de plâtre, les portes et les fenêtres élargies pour assurer une meilleure ventilation et les sols en terre battue remplacés par une chape en béton. Une nouvelle structure de treize unités de 15 m2, divisée en deux rangées se faisant face, a été construite pour loger douze personnes, une unité servant de cuisine. Un système a été mis en place pour que les villageois puissent avoir accès à des douches alimentées en eau chaude solaire, une installation de gaz biologique fournissant la lumière et le gaz pour faire la cuisine.

Causée par le bacille de Hansen, la lèpre est une maladie chronique qui provoque la détérioration des nerfs en s'attaquant aux nerfs périphériques dans certaines parties du corps. Les patients perdent la sensation dans leurs doigts et dans leurs orteils et se blessent facilement par des coupures, des brûlures et des hématomes. La maladie peut entraîner une incapacité et même la perte de la vue, si elle n'est pas traitée. Longtemps endémique en Chine, elle a été éradiquée, il y a plus de 40 ans, mais a laissé des séquelles physiques et psychologiques chez ceux qui ont survécu. Les personnes infectées appartiennent souvent à des groupes de minorités ethniques vivant dans des régions isolées et éloignées, ainsi que des travailleurs agricoles pauvres. Faisant peur et n'étant pas comprise, la maladie condamnait les personnes contaminées à l'isolement.

Dû au manque d'information sur cette maladie, les malades sont souvent ostracisés par la société et exclus de leur communauté. La lèpre entraîne une déformation du visage, une baisse de l'acuité visuelle, une rétraction osseuse, la raideur des mains et des pieds ainsi que l'insensibilité de la peau, qui donne parfois lieu à des ulcères. L'Organisation mondiale de la santé estime que 120 000 personnes en Chine ont été handicapées par la lèpre. En 2004, l'OMS a enregistré 407 791 cas dans le monde.

Plus de 200 volontaires étrangers et locaux ont travaillé trois mois sur le projet. Les patients ont reçu les soins dont ils avaient été privés jusqu'alors. Après des années d'isolement, leur vie s'est peu à peu améliorée. Même les villageois des environs ont été surpris du changement. Le docteur Qian, du Centre de prévention des maladies de la peau de la commune, a aussi été impressionné : " Ce sont des gens sans domicile - sans famille, sans amis. Ils ont été placés dans ce village et sont ensuite devenus une famille. Aucune personne de leur famille ne viendra les aider à rénover leur maison. Mais ils ont HFHI et des amis pour les aider. "

Li Fen, âgée de 52 ans, a été atteinte de la lèpre à 17 ans. C'est alors qu'elle a décidé d'en savoir plus sur le traitement et qu'elle s'est engagée à aider les personnes atteintes de cette maladie. Même si elle n'a pas fait d'études de médecine, elle a été formée par des médecins et un centre contre la lèpre après avoir été guérie. À ce moment-là, le centre accueillait 130 patients. " Tous ceux d'entre nous qui avons la lèpre avons trop souffert de la stigmatisation. C'est une épreuve difficile à vivre, marquée par la solitude et la honte que nous gardons en nous toute notre vie. C'est à cause des difficultés extrêmes que rencontrent ces patients que j'ai décidé de consacrer ma vie à les aider. J'ai traversé avec eux des périodes difficiles et je mourrai ici comme eux. Même s'ils sont maintenant âgés, certains travaillent encore dans les champs, cultivent des légumes, élèvent des poulets et des porcs, ce qui leur rapporte des revenus supplémentaires pour payer leurs médicaments. "

Li Fen soulage les souffrances des patients par des injections et leur donne des médicaments et des vitamines. Chaque mois, chaque patient reçoit 120 RMB (15 dollars) du gouvernement local, ce qui sert à payer les médicaments et à acheter un peu plus de nourriture. " Quand je suis arrivée, à l'âge de 17 ans, je savais que j'essaierai de rendre la vie des patients plus facile. La vie était très difficile pour nous tous. Nous avions peu à manger. On était souvent au bord de la famine. Le gouvernement nous donnait du riz et des légumes, mais ce n'était pas suffisant. Ceux qui était suffisamment forts travaillaient dans les champs avec moi ", a-t-elle expliqué. Mariée et mère de deux fils aujourd'hui adultes, elle a vécu pendant un temps avec ses enfants au centre, mais ceux-ci ont été ensuite placés dans sa famille, a-t-elle précisé. " Mon mari et moi nous nous sommes donné du mal pour aider les gens d'ici. Mes enfants et mon mari m'ont apporté un grand soutien pour faire mon travail. C'est une expérience remarquable que de pouvoir offrir une grande partie de sa vie à ceux qui n'ont personne. "

Zhu Chaoping, 62 ans, souffre d'un défaut d'élocution et est à la Mission XiangHai An contre la lèpre depuis plus de 33 ans. Il est responsable de la cuisine et s'occupe des patients qui ne sont plus en mesure de se prendre en charge. Chaque jour, il prépare un petit-déjeuner et un dîner, servi dans l'après-midi, pour cinq patients âgés, dont un homme de 93 ans et une femme aveugle (à droite). Il a été marié, mais sa femme a demandé le divorce quand elle a appris qu'il était atteint de la lèpre. " Peut-être que Chaoping ne peut pas communiquer, mais il a bon cœur. Il compatit aux souffrances des autres, il se donne du mal pour aider ceux qui ne peuvent plus accomplir les gestes simples de la vie quotidienne ", a confié Li Fen.

Yang Maoda est né dans le village de Zehei, situé à 7 km du centre. En 1978, à l'âge de 31 ans, il a ressenti une étrange sensation dans son corps. Ses doigts et ses pieds étaient douloureux et il commençait à éprouver une perte de sensation. Quand il en a parlé à sa famille, ils ont craint qu'il ne s'agisse des premiers symptômes de la lèpre. Bientôt tout le village était au courant et la population a craint que la maladie ne se propage et affecte tout le monde. " On m'a dit de partir et je ne comprenais pas pourquoi on ne voulait plus de moi ", se souvient-il. On lui a construit un cabanon en bambou et en paille hors de vue du village et on a lui a dit de ne pas s'aventurer dehors. Cette mise au ban de la société s'est traduite par un sentiment de solitude et de détresse. " Pendant des années, j'ai passé des journées et des nuits dans la solitude, éprouvant un sentiment de culpabilité, de honte et sans aucun espoir. Je ne comprenais pas pourquoi cela m'arrivait. On m'a dit de rester dans cette pièce et de ne pas en sortir sinon il m'arriverait quelque chose. Tous les jours, ma famille m'apportait de la nourriture et de l'eau, mais je ne pouvais voir personne d'autre. Personne ne s'asseyait près de moi et ne me parlait. Je pensais qu'il valait mieux que je me suicide. Je ne voulais pas mourir, mais je ne savais pas ce que l'avenir me réservait. Pendant toutes ces années passées dans ce cabanon, je ne savais pas que d'autres vivaient aussi seuls, abandonnés de tous. "

Il a vécu dans cette petite pièce pendant dix ans, jusqu'à ce qu'un jour, en 1988, ses parents et les chefs du village décident de lui faire suivre un traitement médical. On l'a emmené à l'hôpital, où les médecins l'ont orienté vers la Mission Xiang Hai An. Il y est toujours. " J'étais si heureux d'être ici. Il y en avait d'autres qui avaient souffert comme moi. J'avais enfin des amis et nous étions comme une famille. Nous partagions nos expériences et savions que nous n'étions plus seuls. Enfin, ma vie avait de nouveau un sens ", a-t-il confié. " Les conditions de vie étaient alors difficiles. Les pièces étaient sombres, sales et froides. Nous travaillions dans les champs, cultivions des légumes, des pommes de terre, du maïs et élevions des poulets et des porcs. C'était une vie dure, mais c'était mieux que ce que j'avais connu jusqu'alors. Quand Habitat et la Mission américaine contre la lèpre sont venus pour construire de nouvelles pièces pour nous, nous avons été très surpris de la gentillesse de ces personnes. Nous pensions que personne ne se souciait plus de nous. Nous avons fait la connaissance des volontaires qui était venus nous aider. Nous étions très heureux de vivre dans des pièces claires. Nous avions un nouvel espoir. "

Wang Guoping, originaire du village de Jiulong, à 40 km du centre, a été atteint de la lèpre en 1974, à l'âge de 40 ans. " Avant, ma vie avait été dure. J'ai élevé un fils et deux filles tout en travaillant dans les champs. Nous étions très pauvres et avions à peine de quoi nous nourrir tous les jours ", a-t-elle indiqué. " Quand j'ai découvert que j'avais la lèpre, tout le village a eu peur. On m'a emmené à l'hôpital, où les médecins ont décidé de m'envoyer ici. La vie était dure pour nous tous. Je partageais une pièce sombre, sale et froide avec huit autres femmes. Nous vivions à l'étroit. " Elle prend toujours du plaisir à aller au potager à pied. Chaque matin, elle transporte un seau d'eau de son habitation située à 200 mètres, et arrose le jardin en s'aidant d'une canne. " Depuis plus de trois ans, nous vivons plus confortablement. C'est plus propre qu'avant et nos conditions de vie sont meilleures grâce à l'aide d'Habitat. Nous savons qu'il y a des gens qui se soucient encore de nous. "

" Ici, nous avons eu une vie difficile ", a dit Li Fen. " Quand je suis arrivée ici, je savais que les gens avaient besoin d'aide et d'encouragement à cause de la peur, de l'isolement et de la solitude qu'ils avaient connus. Ils avaient perdu tout espoir. Ils avaient l'impression que personne ne se souciait d'eux et qu'ils étaient coupés du reste du monde. D'une certaine façon, c'est une chance qu'ils aient été emmenés dans ce centre. Ils pouvaient être avec d'autres qui avaient souffert pendant des années dans des lieux sombres, silencieux, dans des pièces fermées à clé ou loin de tout, dans des conditions insalubres ", a-t-elle ajouté. " Ici, nous avons tous appris dès le début comment vivre dans la dignité et dans un esprit de survie. Le soutien et l'aide de personnes et d'organisations, telles qu'Habitat for Humanity et la Mission américaine contre la lèpre, nous a donné de l'espoir. Nous vivons maintenant comme une famille dans la paix. "

Biographie
Mikel Flamm est un photojournaliste établi à Bangkok, en Thaïlande. Windy Xie, une coordonnatrice du bureau de projet pour Habitat for Humanity China, aide à créer des projets, à collecter des fonds et encourage l'aide mutuelle ainsi que l'interaction parmi les enfants, les femmes et les handicapés.
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