Situé à 72 km de Kunming en Chine, Xiang Hai An est
un village perché en haut d'une montagne qui offre une vue
magnifique sur la vallée. Des champs de fleurs aux couleurs
vives et des cultures couvrent la vallée entourée
de nombreuses collines que l'on aperçoit au loin.

Il faut 25 minutes à pied pour atteindre le petit village
entouré d'un mur en terre. Initialement construit en 1926
pour être un monastère de religieuses, il était
coupé du monde extérieur. L'ancien temple, en partie
détruit, sert aujourd'hui d'aire d'entreposage. Au début
des années 1950, le gouvernement local a pris le contrôle
de ce site et l'a converti en une communauté pour les patients
atteints de la lèpre qu'ils ont appelé la Mission
Xiang Hai An contre la lèpre. Une vieille porte en bois datant
de plus de 75 ans s'ouvre sur le centre.
Au début, jusqu'à 500 hommes et femmes ont suivi un
traitement dans le village. À une époque, il y avait
plus de 40 médecins et infirmières pour s'occuper
d'eux. Après avoir été traités, et leur
état ayant été jugé satisfaisant, la
majorité d'entre eux retournaient dans leur village, tandis
que ceux qui n'avaient pas de domicile ou qui n'étaient pas
acceptés dans leur famille restaient sur place. Quand Habitat
for Humanity Inc. (HFHI) a commencé à planifier le
projet contre la lèpre en 2002, il y avait 32 patientes (23
hommes et 9 femmes), âgées de 40 à 86 ans. En
2006, il y avait 18 hommes et 5 femmes, dont l'âge moyen était
de 65 ans. C'était le premier projet d'HFHI en Chine, en
partenariat avec la Mission américaine contre la lèpre.
Le projet comprenait la reconstruction, la rénovation et
l'amélioration des habitations. Les toits ont été
réparés, les murs couverts de plâtre, les portes
et les fenêtres élargies pour assurer une meilleure
ventilation et les sols en terre battue remplacés par une
chape en béton. Une nouvelle structure de treize unités
de 15 m2, divisée en deux rangées se faisant face,
a été construite pour loger douze personnes, une unité
servant de cuisine. Un système a été mis en
place pour que les villageois puissent avoir accès à
des douches alimentées en eau chaude solaire, une installation
de gaz biologique fournissant la lumière et le gaz pour faire
la cuisine.
Causée
par le bacille de Hansen, la lèpre est une maladie chronique
qui provoque la détérioration des nerfs en s'attaquant
aux nerfs périphériques dans certaines parties
du corps. Les patients perdent la sensation dans leurs doigts
et dans leurs orteils et se blessent facilement par des coupures,
des brûlures et des hématomes. La maladie peut
entraîner une incapacité et même la perte
de la vue, si elle n'est pas traitée. Longtemps endémique
en Chine, elle a été éradiquée,
il y a plus de 40 ans, mais a laissé des séquelles
physiques et psychologiques chez ceux qui ont survécu.
Les personnes infectées appartiennent souvent à
des groupes de minorités ethniques vivant dans des régions
isolées et éloignées, ainsi que des travailleurs
agricoles pauvres. Faisant peur et n'étant pas comprise,
la maladie condamnait les personnes contaminées à
l'isolement.
Dû au manque d'information sur cette maladie, les malades
sont souvent ostracisés par la société
et exclus de leur communauté. La lèpre entraîne
une déformation du visage, une baisse de l'acuité
visuelle, une rétraction osseuse, la raideur des mains
et des pieds ainsi que l'insensibilité de la peau, qui
donne parfois lieu à des ulcères. L'Organisation
mondiale de la santé estime que 120 000 personnes en
Chine ont été handicapées par la lèpre.
En 2004, l'OMS a enregistré 407 791 cas dans le monde.
|
Plus de 200 volontaires étrangers et locaux ont travaillé
trois mois sur le projet. Les patients ont reçu les soins
dont ils avaient été privés jusqu'alors. Après
des années d'isolement, leur vie s'est peu à peu améliorée.
Même les villageois des environs ont été surpris
du changement. Le docteur Qian, du Centre de prévention des
maladies de la peau de la commune, a aussi été impressionné
: " Ce sont des gens sans domicile - sans famille, sans amis.
Ils ont été placés dans ce village et sont
ensuite devenus une famille. Aucune personne de leur famille ne
viendra les aider à rénover leur maison. Mais ils
ont HFHI et des amis pour les aider. "

Li Fen, âgée de 52 ans, a été atteinte
de la lèpre à 17 ans. C'est alors qu'elle a décidé
d'en savoir plus sur le traitement et qu'elle s'est engagée
à aider les personnes atteintes de cette maladie. Même
si elle n'a pas fait d'études de médecine, elle a
été formée par des médecins et un centre
contre la lèpre après avoir été guérie.
À ce moment-là, le centre accueillait 130 patients.
" Tous ceux d'entre nous qui avons la lèpre avons trop
souffert de la stigmatisation. C'est une épreuve difficile
à vivre, marquée par la solitude et la honte que nous
gardons en nous toute notre vie. C'est à cause des difficultés
extrêmes que rencontrent ces patients que j'ai décidé
de consacrer ma vie à les aider. J'ai traversé avec
eux des périodes difficiles et je mourrai ici comme eux.
Même s'ils sont maintenant âgés, certains travaillent
encore dans les champs, cultivent des légumes, élèvent
des poulets et des porcs, ce qui leur rapporte des revenus supplémentaires
pour payer leurs médicaments. "
Li Fen soulage les souffrances des patients par des injections et
leur donne des médicaments et des vitamines. Chaque mois,
chaque patient reçoit 120 RMB (15 dollars) du gouvernement
local, ce qui sert à payer les médicaments et à
acheter un peu plus de nourriture. " Quand je suis arrivée,
à l'âge de 17 ans, je savais que j'essaierai de rendre
la vie des patients plus facile. La vie était très
difficile pour nous tous. Nous avions peu à manger. On était
souvent au bord de la famine. Le gouvernement nous donnait du riz
et des légumes, mais ce n'était pas suffisant. Ceux
qui était suffisamment forts travaillaient dans les champs
avec moi ", a-t-elle expliqué. Mariée et mère
de deux fils aujourd'hui adultes, elle a vécu pendant un
temps avec ses enfants au centre, mais ceux-ci ont été
ensuite placés dans sa famille, a-t-elle précisé.
" Mon mari et moi nous nous sommes donné du mal pour
aider les gens d'ici. Mes enfants et mon mari m'ont apporté
un grand soutien pour faire mon travail. C'est une expérience
remarquable que de pouvoir offrir une grande partie de sa vie à
ceux qui n'ont personne. "

Zhu Chaoping, 62 ans, souffre d'un défaut d'élocution
et est à la Mission XiangHai An contre la lèpre depuis
plus de 33 ans. Il est responsable de la cuisine et s'occupe des
patients qui ne sont plus en mesure de se prendre en charge. Chaque
jour, il prépare un petit-déjeuner et un dîner,
servi dans l'après-midi, pour cinq patients âgés,
dont un homme de 93 ans et une femme aveugle (à droite).
Il a été marié, mais sa femme a demandé
le divorce quand elle a appris qu'il était atteint de la
lèpre. " Peut-être que Chaoping ne peut pas communiquer,
mais il a bon cur. Il compatit aux souffrances des autres,
il se donne du mal pour aider ceux qui ne peuvent plus accomplir
les gestes simples de la vie quotidienne ", a confié
Li Fen.
Yang Maoda est né dans le village de Zehei, situé
à 7 km du centre. En 1978, à l'âge de 31 ans,
il a ressenti une étrange sensation dans son corps. Ses doigts
et ses pieds étaient douloureux et il commençait à
éprouver une perte de sensation. Quand il en a parlé
à sa famille, ils ont craint qu'il ne s'agisse des premiers
symptômes de la lèpre. Bientôt tout le village
était au courant et la population a craint que la maladie
ne se propage et affecte tout le monde. " On m'a dit de partir
et je ne comprenais pas pourquoi on ne voulait plus de moi ",
se souvient-il. On lui a construit un cabanon en bambou et en paille
hors de vue du village et on a lui a dit de ne pas s'aventurer dehors.
Cette mise au ban de la société s'est traduite par
un sentiment de solitude et de détresse. " Pendant des
années, j'ai passé des journées et des nuits
dans la solitude, éprouvant un sentiment de culpabilité,
de honte et sans aucun espoir. Je ne comprenais pas pourquoi cela
m'arrivait. On m'a dit de rester dans cette pièce et de ne
pas en sortir sinon il m'arriverait quelque chose. Tous les jours,
ma famille m'apportait de la nourriture et de l'eau, mais je ne
pouvais voir personne d'autre. Personne ne s'asseyait près
de moi et ne me parlait. Je pensais qu'il valait mieux que je me
suicide. Je ne voulais pas mourir, mais je ne savais pas ce que
l'avenir me réservait. Pendant toutes ces années passées
dans ce cabanon, je ne savais pas que d'autres vivaient aussi seuls,
abandonnés de tous. "
Il a vécu dans cette petite pièce pendant dix ans,
jusqu'à ce qu'un jour, en 1988, ses parents et les chefs
du village décident de lui faire suivre un traitement médical.
On l'a emmené à l'hôpital, où les médecins
l'ont orienté vers la Mission Xiang Hai An. Il y est toujours.
" J'étais si heureux d'être ici. Il y en avait
d'autres qui avaient souffert comme moi. J'avais enfin des amis
et nous étions comme une famille. Nous partagions nos expériences
et savions que nous n'étions plus seuls. Enfin, ma vie avait
de nouveau un sens ", a-t-il confié. " Les conditions
de vie étaient alors difficiles. Les pièces étaient
sombres, sales et froides. Nous travaillions dans les champs, cultivions
des légumes, des pommes de terre, du maïs et élevions
des poulets et des porcs. C'était une vie dure, mais c'était
mieux que ce que j'avais connu jusqu'alors. Quand Habitat et la
Mission américaine contre la lèpre sont venus pour
construire de nouvelles pièces pour nous, nous avons été
très surpris de la gentillesse de ces personnes. Nous pensions
que personne ne se souciait plus de nous. Nous avons fait la connaissance
des volontaires qui était venus nous aider. Nous étions
très heureux de vivre dans des pièces claires. Nous
avions un nouvel espoir. "
 |
Wang Guoping, originaire du village de Jiulong, à 40 km
du centre, a été atteint de la lèpre en 1974,
à l'âge de 40 ans. " Avant, ma vie avait été
dure. J'ai élevé un fils et deux filles tout en travaillant
dans les champs. Nous étions très pauvres et avions
à peine de quoi nous nourrir tous les jours ", a-t-elle
indiqué. " Quand j'ai découvert que j'avais la
lèpre, tout le village a eu peur. On m'a emmené à
l'hôpital, où les médecins ont décidé
de m'envoyer ici. La vie était dure pour nous tous. Je partageais
une pièce sombre, sale et froide avec huit autres femmes.
Nous vivions à l'étroit. " Elle prend toujours
du plaisir à aller au potager à pied. Chaque matin,
elle transporte un seau d'eau de son habitation située à
200 mètres, et arrose le jardin en s'aidant d'une canne.
" Depuis plus de trois ans, nous vivons plus confortablement.
C'est plus propre qu'avant et nos conditions de vie sont meilleures
grâce à l'aide d'Habitat. Nous savons qu'il y a des
gens qui se soucient encore de nous. "
" Ici, nous avons eu une vie difficile ", a dit Li Fen.
" Quand je suis arrivée ici, je savais que les gens
avaient besoin d'aide et d'encouragement à cause de la peur,
de l'isolement et de la solitude qu'ils avaient connus. Ils avaient
perdu tout espoir. Ils avaient l'impression que personne ne se souciait
d'eux et qu'ils étaient coupés du reste du monde.
D'une certaine façon, c'est une chance qu'ils aient été
emmenés dans ce centre. Ils pouvaient être avec d'autres
qui avaient souffert pendant des années dans des lieux sombres,
silencieux, dans des pièces fermées à clé
ou loin de tout, dans des conditions insalubres ", a-t-elle
ajouté. " Ici, nous avons tous appris dès le
début comment vivre dans la dignité et dans un esprit
de survie. Le soutien et l'aide de personnes et d'organisations,
telles qu'Habitat for Humanity et la Mission américaine contre
la lèpre, nous a donné de l'espoir. Nous vivons maintenant
comme une famille dans la paix. "
|