En marchant parmi les décombres de la ville de Balakot,
située à 219 km d'Islamabad, la capitale du nord du
Pakistan, on ne peut que souvenir de ce qui s'est passé ici
il y a presque un an. Un séisme de magnitude 7,6 a dévasté
cette ville qui était alors prospère, ainsi que la
région voisine, l'Azad Cachemire.
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L'Habitat Resource
Center à Balakot, au Pakistan, a fourni des abris provisoires
aux rescapés du séisme survenu le 8 octobre 2005.
Les abris consistent en quatre tubes en fer courbés,
sept plaques de tôle ondulée et des attaches en
tôle ordinaire, ainsi que de la mousse pour isoler l'intérieur
et protéger contre les rigueurs de l'hiver. |
Le 8 octobre 2005, l'inimaginable est arrivé sans aucun avertissement
: les maisons situées sur les rues en pente au sein de la
ville se sont écroulées et ont glissé les unes
sur les autres, tandis que les villages éloignés des
montagnes ont enregistré des dégâts très
importants. Les maisons construites en pierre et en terre séchée
avec des toits en bois se sont effondrées et des familles
entières ont été ensevelies. Selon les estimations
du gouvernement, plus de 70 000 personnes ont péri et plus
de 3,5 millions habitants dans la région se sont retrouvés
sans abri. Les décombres où sont amoncelés
des morceaux de béton qui formaient jadis les structures
de restaurants, de magasins et de maisons rappellent ce jour funeste.
Les restes des habitations se dressent comme un testament de ce
qui fut une ville prospère comptant plus de 300 000 habitants.
Dix mois après, la vie continue parmi les gravats. Les gens
traversent les décombres pour se rendre au travail ou au
marché. Les enfants vêtus d'uniformes propres et soigneusement
repassés vont en groupes à l'école où
les classes ont été installées sous des tentes
par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et d'autres
organisations locales. Certes, la vie continue pour ces gens dans
la détresse, mais les défis sont énormess,
car le manque de travail et d'abris convenables, ainsi que l'avenir
incertain, constituent un lourd fardeau pour les rescapés.
Habitat
for Humanity (HFH) Pakistan a fourni aux personnes dans le besoin
des abris provisoires pour remplacer les tentes inadéquates,
qui ne sont pas conçues pour résister aux rigueurs
du climat dans la région. Depuis le début du projet
à la mi-février 2006, l'Habitat Resource Center (HRC)
a assemblé plus de 400 abris consistant en quatre tubes en
fer et sept plaques de tôle ondulée. Chaque abri est
isolé avec de la mousse qui protège contre le froid
et le vent.
Partout, des plaines de Balakot aux villages reculés perchés
en haut des collines surplombant la ville, on attend la construction
de maisons permanentes. Alors que je traversais la communauté
avec trois coordonnateurs de terrain d'Humanity for Habitat, immédiatement
après un gros orage, les gens ont commencé à
sortir de leurs tentes, leurs vêtements trempés par
la pluie qui avait traversé la toile détériorée
par les conditions climatiques. Un petit garçon est sorti
portant un seau en métal rempli d'une eau saumâtre,
l'a vidé sur le côté et est rentré sous
la tente. Le coordonnateur du personnel du HRC, Shoaib Malik, s'est
adressé à un groupe d'hommes et leur a expliqué
que HFH leur fournirait des abris s'ils en avaient besoin ou si
leurs tentes étaient en mauvais état. En l'espace
de 15 minutes, une quinzaine d'hommes étaient à ses
côtés, déclarant que leurs tentes n'étaient
plus sûres pour leur famille et lui ont donné leur
carte d'identité.
Nous avons regardé dans les tentes et évalué
les besoins. Presque toutes avaient besoin d'être remplacées.
Alors que nous nous apprêtions à partir, un adolescent
s'est approché de Shoaib et lui a dit doucement : "
Monsieur, s'il vous plaît, pouvez-vous venir voir où
habite ma famille ? Je m'appelle Zakir (photo ci-dessus) et j'ai
cinq frères et trois surs. Notre famille a vraiment
besoin d'un nouvel abri. Si vous pensez que nous y avons droit,
alors je vous en prie aidez-nous. Sinon, ce n'est pas grave ".
Shoaib a acquiescé et nous avons suivi le garçon.
Alors que nous approchions, nous avons rencontré une petite
fille de deux ans, tenant un bol de haricots à la main. Quand
elle nous a vus, elle a couru retrouver sa mère et a disparu,
passant ensuite la tête par un pan de la tente, poussée
par la curiosité. Un garçon vêtu d'une chemise
verte à manches longues est venu vers moi pendant que je
prenais des photos, s'approchant si près de l'objectif que
j'ai dû reculer. Il m'a touché la main et m'a regardé
sans rien dire, et je me suis aperçu qu'une manche pendait
d'un côté - il avait perdu un bras. Il ne parlait pas,
mais me regardait fixement jusqu'à ce qu'un de ses frères
le prenne par l'épaule et l'éloigne. À la vue
des deux tentes où sa famille vivait, je réalisais
que ce n'était pas d'un abri dont ils avaient besoin, mais
de plusieurs.
La mère du garçon, Arshun-nisa, a pris sa plus jeune
fille sur ses genoux et a dit à Shoaib : " Nous vivions
dans un petit village dans les montagnes, appelé Knaia, à
60 kilomètres de Balakot. Lorsque le tremblement de terre
a frappé, j'étais à l'intérieur de la
maison avec mon fils Ilyas et ma fille. Le sol a commencé
à trembler, puis les murs de la maison se sont effondrés
et le toit s'est écroulé sur nous. C'est arrivé
si vite que nous n'avons pas eu le temps de sortir de la maison.
Quand on nous a dégagés des décombres, j'ai
vu qu'Ilyas était gravement blessé. Son bras était
en mauvais état et une grande partie de sa langue était
arrachée ". Les routes étant bloquées,
il a fallu cinq jours pour atteindre un hôpital. Le bras d'Ilyas
était alors infecté et il a fallu l'amputer. Il a
été soigné pendant près de trois mois.
" Ilyas a beaucoup souffert après ", a-t-elle poursuivi.
" Il ne peut pas parler et souffre de troubles de la personnalité.
Nous n'avons pas les moyens de payer des soins médicaux.
Je prie donc pour qu'un jour, il aille mieux. Cela va prendre du
temps. "
Pour joindre les deux bouts, son mari Aliasghar, qui n'était
pas là quand nous avons rencontré la famille, travaille
là il peut, gagnant jusqu'à 4 000 roupies (66 dollars)
par mois. " Pour l'instant, cela suffit pour survivre ",
a-t-elle ajouté. " Nous avons eu de la chance de ne
pas souffrir plus. Nous avons perdu tout ce que nous avions et ne
pouvons pas revenir dans notre village parce que la zone n'est pas
sûre. Nous espérons pouvoir un jour reconstruire ici,
mais notre avenir est incertain. " Shoai a répondu qu'au
cours des deux prochains jours, il construirait deux abris pour
cette famille élargie. Zakir, qui se tenait un peu l'écart,
a souri. " Nous vous remercions de votre aide ", a-t-il
dit. " Ma famille a beaucoup souffert, nous vous sommes reconnaissants.
"
Alors que les mois passent, les rescapés continuent d'attendre.
Aucune décision n'a été prise pour commencer
les travaux de reconstruction. Balakot est situé le long
d'une ligne de faille instable, où les glissements de terrain
sont courants et les risques de tremblements de terre réels.
Pour le moment, les rescapés ne peuvent rien faire d'autre
que d'attendre. Les emplois sont rares, et la construction d'habitations
permanentes est interdite dans les limites de la ville. Avec l'approche
de l'hiver, la population est inquiète. " Pour le moment,
nous attendons ", dit Hamceduwah, 55 ans, qui a récemment
reçu un abri d'Habitat. " Si nous avions un moyen de
gagner notre vie, ce ne serait pas si difficile de survivre. Nous
en avons la volonté et la force. Nous sommes chez nous ici.
Nous ne voulons pas quitter cette région ", a-t-il commenté.
" Nous croyons en Dieu et il nous aidera à trouver une
solution. "
RECONSTRUIRE LES VIES
Le tracteur d'Habitat for Humanity (HFH) remorquant
une scie à bois fixée sur une plate-forme en
fer à deux roues, était un spectacle rare pour
les villageois. Les hommes qui travaillaient dans les champs
se sont arrêtés pour regarder, et les enfants
ont couru à côté du tracteur. Il se dirigeait
vers la montagne escarpée qui surplombe la ville de
Balakot au nord du Pakistan, soulevant un gros nuage de poussière
alors qu'il roulait sur une route de terre cahoteuse pendant
ce voyage de deux heures vers le village de Serian. Quand
nous avons atteint la périphérie du village,
le conducteur a garé le tracteur dans un terrain vague.
Il a été accueilli par un groupe d'hommes et
une foule d'enfants qui sont accourus, touchant le tracteur
et la scie métallique verte bizarre.

Presque tous les villages reculés éparpillés
dans les chaînes montagneuses ont été
détruits par le tremblement de terre survenu en 2005,
qui a fait plus de 70 000 morts et laissé 3,5 millions
de personnes sans abri. Ce lourd bilan est entre autres dû
au fait que les maisons n'avaient pas de charpente et que
leurs toits étaient construits de grosses poutres mesurant
souvent plus de 4 mètres de long. Lorsque le séisme
de magnitude 7,6 a frappé, le toit et les murs en pierre
se sont effondrés.
L'Habitat Saw Mill Project a offert de couper
gratuitement les poutres en planches plus petites pour reconstruire
des maisons mieux conçues pour résister aux
séismes. Un projet commun financé par HFH Japon
et HFH Pakistan a permis d'acheter deux tracteurs, et Japan
Platform, une organisation à but non lucratif qui reçoit
des fonds privés et gouvernementaux au Japon, a fourni
deux scies à bois. Du 1er juin au 30 août 2006,
la première phase du projet a bénéficié
à plus de 1 000 familles. " Jusqu'ici, plus de
1 900 personnes ont bénéficié de ces
deux scieries mobiles, et lors de la seconde phase qui débutera
en septembre, nous toucherons encore plus de gens et de villages
", a affirmé Shoaib Malik, membre du personnel
d'Habitat Resource Center.
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Au loin un homme qui portait sur son épaule
une planche de bois de 3,50 m se dirigeait vers la scierie
à l'aide d'une cane en bois pour assurer son équilibre.
Arrivé à destination, il s'est délesté
de son fardeau et est reparti chercher d'autres poutres chez
lui. Je l'ai suivi à travers des buissons épais
et de gros rochers jusqu'à sa maison située
non loin de là. Dans un tas de bois soigneusement empilé,
il a pris une poutre qu'il a placée sur son épaule
après l'avoir mise en équilibre contre un mur.
S'apprêtant à repartir pour rejoindre la scierie
à 200 mètres, il s'est retourné et a
souri.
Mahboob U-Rehman, âgé de 65 ans, a vécu
dans ces montagnes toute sa vie. " Je n'ai jamais vu
une scie comme celle-ci. On ne nous a jamais donné
de quoi couper notre bois. Avant, nous utilisions ces énormes
poutres pour soutenir le toit, mais quand le séisme
a détruit toutes nos maisons, nous avons réalisé
qu'elles n'étaient pas un matériau adéquat
", a-t-il indiqué. " J'ai l'intention de
reconstruire ma maison, mais selon un système plus
sûr, en construisant d'abord un muret en pierre de moins
d'un mètre de haut, avec des murs en tôle ondulée
au dessus. Ce bois servira à soutenir les murs et la
toiture qui sera faite d'une plaque de métal. "
Onze membres de sa famille bénéficieront de
ce projet. " Le mois dernier, Habitat a fourni un abri
à ma famille, nous sommes très reconnaissants
de l'aide que vous nous avez apportée. "
Chaque famille reçoit 25 planches de bois. La maison
de Mahboob abritera deux familles, il lui sera donc fourni
50 planches. " Si nous devions payer ce type de service,
cela nous coûterait au moins 3 000 roupies (50 dollars)
pour couper 25 planches ", a expliqué Shoaib.
Au fur et à mesure que la journée avançait,
les villageois venaient de plus en plus nombreux apporter
du bois à couper et en quelques heures plus de 20 poutres
étaient coupées en tronçons.
Mohammad Yousat, âgé de 60 ans, a une famille
de huit membres. Ils ont perdu leur maison pendant le séisme,
mais personne n'a été blessé. "
Nous sommes tous très heureux que notre village ait
pu bénéficier de ce projet. Après que
le séisme a détruit nos maisons et emporté
de nombreuses vies, nous savons qu'il est dangereux d'utiliser
du bois de construction trop lourd ", a-t-il dit. "
Nous utiliserons des plaques de tôle ondulée
pour les murs au lieu de la pierre, et le bois servira pour
soutenir les murs et le toit. C'est une construction plus
sûre au cas où un autre séisme surviendrait.
Nous sommes très reconnaissants à Habitat. Aucune
autre organisation n'est venue dans notre village pour nous
porter assistance. Nous pensions que personne ne se souciait
de nous parce que nous sommes trop loin de la ville. "
Durant plus de quatre mois, le HFH Saw Mill Project a fourni
un service de coupe de bois dans les villages de montagne
reculés. Le Projet renforcera son soutien en achetant
une scie et un générateur mobile supplémentaires
qui pourront rester sur place pendant un maximum de deux semaines,
en fonction des besoins de la communauté.
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