Récemment, la frontière sud du Soudan a été
sous les feux de l'actualité, une fois de plus à cause
d'une guerre civile. Cette fois, il ne s'agit pas de la guerre menée
par le Soudan mais de celle du pays voisin, l'Ouganda.
Après deux décennies de conflit, un nouveau chapitre
s'est ouvert le 17 septembre 2006 quand Joseph Kony, le chef de
l'Armée de résistance du seigneur (LRA) - la principale
force rebelle en Ouganda - s'est rendu au Soudan pour y engager
des pourparlers de paix avec le gouvernement ougandais qu'il avait
terrorisé par le passé. Malgré les nombreux
appels de la communauté internationale pour qu'il soit mis
en examen, la LRA a commencé à honorer ses obligations
vis-à-vis du cessez-le-feu récemment négocié.
Toutefois, cette paix précaire dépend d'une question
très controversée : l'amnistie de J. Kony et des autres
chefs de la LRA. Cette situation est venue compliquer le débat
actuel sur le rôle de la souveraineté nationale et
sa relation avec la Cour pénale internationale (CPI) établie
à La Haye.
La question de l'amnistie revêt une grande importance car
elle concerne non seulement l'instauration d'une paix durable mais
aussi les atrocités commises par la LRA. Selon Human Rights
Watch, les actions de l'Armée de résistance sont parmi
les actes criminels les plus atroces jamais commis et ont été
universellement dénoncés dans le droit humanitaire
international. Jusqu'aux dernières négociations, la
LRA a continué d'employer des méthodes répréhensibles,
ce qui est trop souvent le cas dans les conflits en Afrique. Malgré
la proposition d'armistice récente, qui est un progrès
évident, on peut se demander si cela ne risquerait pas, au
niveau national et international, de créer un fâcheux
précédent.
Concernant les guerres civiles, les conflits africains ont prouvé
qu'ils étaient les plus sanglants de l'histoire de l'humanité.
Au vu de la proposition d'amnistie pour la LRA, deux questions fondamentales
se posent : premièrement, " l'amnistie répond-elle
aux besoins psychologiques et socioculturels des victimes ? "
De nombreux intellectuels diraient que non. Rendre justice est souvent
une étape vitale de la guérison - car cela indique
clairement que les crimes commis étaient universellement
inacceptables - et a un effet dissuasif sur les futurs carnages.
De plus, en raison du rôle actif des victimes dans la justice
pénale, la réparation est également importante
dans le processus de guérison au niveau national. De ce point
de vue, l'amnistie pour les principaux auteurs dans ce conflit serait
catastrophique.
Inversement, beaucoup diront à juste titre que ces actes
de réparation engendrent la stigmatisation. En tant que dissuasion,
la menace d'une procédure pénale est souvent limitée.
Du point de vue social, plutôt que des sanctions formelles,
la réconciliation fondée sur la culture et le dialogue
pourrait être un moyen plus adéquat pour résoudre
un conflit. Cette divergence illustre un des conflits idéologiques
dans les politiques internationales. Qu'est-ce qui est plus essentiel
au progrès social ? La paix ou la justice ? Et à quel
prix ? "
Au cours de récentes procédures, une deuxième
question plus nuancée a été soulevée.
Le gouvernement ougandais, sous la présidence d'Yoweri Museveni,
est-il habilité à offrir l'amnistie comme argument
dans la négociation de la paix ? En vertu de la souveraineté
nationale, le gouvernement a, en effet, le droit de proposer l'amnistie
en maniant la carotte. Toutefois, l'Ouganda, qui a signé
et ratifié le Statut de Rome de la CPI, est contraint de
coopérer avec la Cour. Cela complique la situation car jusqu'ici
les nations, qui ont enduré des souffrances, ont accepté
de participer aux tribunaux ad hoc.
Le Liberia s'est également heurté à cette question
compliquée, forçant sa présidente, Ellen Johnson-Sirleaf,
à choisir entre la tranquillité nationale et la justice
internationale. Avec la détention de l'ancien leader du pays,
Charles Taylor, au début de 2006, Mme Sirleaf a dû
trancher - son administration soutient maintenant la CPI. Pour l'instant,
le Liberia semble maintenir une certaine stabilité, et le
temps dira s'il parviendra à la maintenir dans les années
à venir.
De même, le gouvernement ougandais se trouve à un tournant
politique. D'un côté, il y a un espoir de paix durable
et, de l'autre, la promesse de justice internationale. Ces deux
aspects sont cruciaux pour la reconstruction mais l'un doit supplanter
l'autre, traçant une voie qui peut donner le ton dans les
questions relatives aux crimes de guerre. Finalement, si l'on regarde
les exemples passés, non seulement on s'aperçoit qu'il
est impossible d'atteindre en même temps la paix et la justice,
et d'ailleurs rares sont les fois où l'un de ces objectifs
nobles ont été facilement atteints. Comme dans de
nombreux débats internationaux, les réponses ne sont
jamais nettement définies.
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