Un partenariat spécial avec l'ONU : Un point de vue africain
Par Patrick Hayford
Même avant de prendre
officiellement ses fonctions, le Secrétaire général
Ban Ki-moon avait déjà indiqué clairement dans
une série de déclarations publiques que l'Afrique serait
l'une de ses priorités. Il a souligné qu'il porterait
une attention spéciale à la crise au Darfour et en République
démocratique du Congo (RDC) ainsi qu'à la situation
en Somalie.
Démontrant le sérieux de son engagement envers l'Afrique,
M. Ban a surpris de nombreux observateurs en choisissant la Ministre
des Affaires étrangères de la République de Tanzanie,
Asha-Rose Migiro, comme vice-secrétaire générale
des Nations Unies. De plus, lors de sa première longue visite
officielle à l'étranger en tant que chef de l'Organisation,
M. Ban s'est rendu en RDC, au Congo (Brazzaville) et au Kenya et a
assisté au Sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba,
en Éthiopie, où il a pu non seulement rencontrer un
certain nombre de chefs d'État et échanger des points
de vue avec eux mais aussi mener des consultations avec les parties
prenantes africaines importantes sur plusieurs questions urgentes.
Ces développements illustrent à quel point l'Afrique
et ses nombreux défis continuent d'occuper une place centrale
dans l'ordre du jour de l'ONU. L'Afrique est au cur des travaux
de l'ONU, que ce soit dans le domaine des droits de l'homme, du développement
ou de celui de la paix et de la sécurité. Le rôle
historique des Nations Unies vis-à-vis de l'Afrique est souvent
négligé. Il remonte au début de la création
de l'Organisation lors de l'élaboration de la Charte de l'ONU
dont les principes et les buts ont créé un environnement
favorable à la lutte pour l'indépendance de nombreux
pays africains. En ce sens, on peut donc dire que les Nations Unies,
de 1940 à 1960, ont participé au processus de libération
de l'Afrique. On peut également noter le rôle vital de
l'Organisation dans le processus d'indépendance de la Namibie,
dans le combat contre l'apartheid ainsi que dans la lutte contre le
racisme et la discrimination raciale.
Aujourd'hui, on reconnaît de plus en plus que la paix et la
sécurité, le développement économique
et social, ainsi que les droits de l'homme, font partie intégrante
d'un seul ordre du jour mondial. Cela n'est aussi pertinent que dans
les activités de l'ONU en Afrique, par exemple, l'ordre du
jour de l'ONU du développement, dont l'objectif est de réaliser
les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
L'Afrique est une priorité parce qu'elle demeure une vaste
région du monde en développement, où les OMD
ne seront pas atteints à moins d'inverser les tendances actuelles.
Cette dure réalité a engendré un sentiment d'urgence,
une détermination de la part de l'ensemble de la communauté
internationale, telle qu'elle est exprimée dans les résolutions
et les décisions pertinentes des Nations Unies, de fournir
un effort cohérent et concerté pour appuyer les propres
initiatives de l'Afrique de manière à intensifier la
lutte contre la faim, l'analphabétisation et les maladies sur
le continent.
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Les programmes
de création de revenus, comme cette rizière, visent
à promouvoir l'économie et à donner aux
Libériens les moyens de gagner leur vie.
Photo HCR /R. Ochlik |
Dans l'ordre du jour de la paix et de la sécurité de
la communauté internationale, il est également frappant
de voir combien le maintien de la paix des Nations Unies est centré
sur l'Afrique. Il y a quelques années, la plus vaste force
de maintien de la paix de l'ONU était déployée
en Sierra Leone, un pays alors dévasté par la guerre.
Ensuite, ce fut au tour du Liberia, puis de la RDC. À chaque
fois, les Nations Unies ont joué un rôle crucial en aidant
les populations à mettre fin à la guerre et à
reconstruire la paix, une tâche difficile et complexe. Actuellement,
la majorité des soldats de la paix de l'ONU sont en poste en
Afrique, et le Conseil de sécurité consacre plus de
la moitié de son temps aux questions africaines. À la
fin mars 2007, le Conseil a discuté de la coopération
avec les organisations régionales - et une fois de plus l'attention
était portée sur l'Union africaine en tant que partenaire
stratégique du Conseil dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationales sur le continent.
Quelles sont alors les priorités de l'ONU concernant l'Afrique
? Il est clair que le Darfour et ses effets déstabilisateurs
sur le Tchad voisin, ainsi que le processus de paix nord-sud au Soudan,
demeureront au premier rang de l'ordre du jour de l'ONU, ainsi que
la RDC et la nécessité de promouvoir la consolidation
du processus de paix après les récentes élections.
L'Organisation continuera d'accorder une attention urgente à
la Corne de l'Afrique, en particulier en Somalie, et de travailler
en collaboration étroite avec l'Union africaine et l'Autorité
intergouvernementale pour le développement. En Afrique de l'Ouest,
la mission de maintien de la paix de l'ONU en Côte d'Ivoire
aura un rôle essentiel pour aider les parties engagées
dans la guerre civile à mettre en uvre les nouveaux accords
conclus. Au Liberia voisin, le mandat de la force de maintien de la
paix a été prolongé par le Conseil de sécurité,
en reconnaissance du rôle crucial et indispensable de ce pays
à assurer un environnement propice au fonctionnement du gouvernement
dirigé par la Présidente Ellen Johson-Sirleaf alors
qu'il s'efforce avec courage de reconstruire le pays.
Comme le recommandait le Document final du Sommet mondial de 2005,
l'ONU prépare actuellement, en coopération étroite
avec l'Union africaine, un programme de renforcement des capacités
sur dix ans pour répondre aux besoins et aux priorités
de l'Afrique. De son côté, la Commission de la consolidation
de la paix a commencé d'importants travaux visant à
assurer la transition entre le maintien de la paix et le relèvement
dans les pays sortant d'un conflit, en particulier en Afrique, en
débloquant des ressources pour la Sierra Leone et le Burundi.
Alors que l'engagement actif des Nations Unies en Afrique est largement
apprécié à plusieurs titres, les États
Membres africains ont le sentiment qu'il faudrait faire plus - et
rapidement - pour répondre à la crise qui touche le
continent. Les Africains reconnaissent et, dans une certaine mesure,
apprécient la tendance croissante du Conseil de sécurité
de s'en remettre en premier lieu aux organismes régionaux africains
chargés de la paix et la sécurité, comme l'Union
africaine, la Communauté de développement de l'Afrique
australe et la Communauté économique des États
de l'Afrique de l'Ouest, en cas de menace à la paix et à
la sécurité.
Cette reconnaissance tacite de la préférence pour "
une solution africaine aux problèmes africains " est perçue
par les pays de la région comme un point positif, un signe
que la communauté internationale reconnaît les efforts
du continent pour prendre sa destinée en main. Ce qui est problématique,
ce sont les atermoiements de la communauté internationale et
le niveau inadéquat de la réponse. Les disparités
dans les dépenses par habitant en matière d'aide humanitaire
d'urgence sont souvent citées comme exemple.
Il y a aussi une autre dimension importante. En ce qui concerne l'Afrique,
la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité
internationale relève du Conseil de sécurité,
malgré les efforts régionaux courageux, comme ceux de
l'Union africaine. La volonté des États africains d'essayer
de résoudre leurs propres problèmes ne devraient pas
servir de prétexte ou d'excuse à la communauté
internationale pour se dérober à ses responsabilités,
ont souligné les pays africains.
Une autre source de préoccupation est l'incapacité de
la communauté internationale à atteindre un consensus
sur la réforme du Conseil de sécurité pour qu'il
reflète mieux les réalités du XXIe siècle.
Beaucoup considèrent que puisque le Conseil consacre tant de
temps et d'énergie aux problèmes africains, l'Afrique
devrait être un membre permanent du Conseil afin de plaider
plus efficacement sa cause. En réponse à ceux qui disent
constamment que l'Afrique devrait se montrer plus réaliste
et viser moins haut, et ne pas briguer un siège permanent au
Conseil de sécurité dans un avenir proche, un ambassadeur
africain a dit : "
c'est ce qu'on nous a dit quand nous
combattions pour la liberté. On nous a dit d'être plus
réalistes, de reconnaître que nous serons jamais prêts
! Et si nous avions écouté une telle logique ? "
Comme il est normal dans cette période de commémoration
du 200e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, les États
Membres africains non seulement regardent avec satisfaction ce qu'ils
ont accompli au sein des Nations Unies, mais aussi les nombreux défis
auxquels ils sont confrontés. De leur côté, l'ONU
continue de placer l'Afrique au centre de ses travaux, non seulement
dans les domaines de la paix, de la sécurité et des
droits de l'homme, mais aussi dans celui du développement économique
et social. |
Patrick Hayford est directeur du Bureau du Conseiller spécial
pour l'Afrique des Nations Unies. Il a aussi été directeur
des affaires africaines au Bureau exécutif du Secrétaire
général (1999-2005), membre de la Mission d'observation
du Commonwealth en Afrique du Sud lors des deuxièmes élections
multipartites (1999) et ambassadeur du Ghana en Afrique du Sud (1997-1999).
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