Chronique ONU

L'ordre du jour du Secrétaire général : des progrès en matière de désarmement sont nécessaires pour la sécurité mondiale

Par Natalie J. Goldring

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L'article
C'est un honneur de suggérer certaines questions et priorités de l'ordre du jour en matière de sécurité internationale pour le premier mandat de Ban Ki-moon en tant que Secrétaire général. Mais c'est aussi intimidant, étant donné son expertise dans le domaine des affaires étrangères et des politiques de sécurité internationale.

Plutôt que d'essayer de décrire en détail l'ordre du jour sur la sécurité internationale, j'examinerai quatre grands thèmes qui auront probablement une incidence sur la capacité des Nations Unies à traiter ces questions cruciales : la nécessité de renforcer l'ordre du jour sur la sécurité internationale et le désarmement; la nécessité d'avoir une structure institutionnelle solide pour soutenir le désarmement; le problème de la prise de décisions par consensus; et l'importance d'être engagé dans un partenariat actif avec les organisations non gouvernementales (ONG).

Les questions de sécurité internationale et de désarmement nécessitent une attention urgente. Des traités fondamentaux risquent d'être remis en cause et les menaces pour la sécurité mondiale exigent le leadership du Secrétaire général.

Il est vital de préserver le régime de non-prolifération. Les États Membres de l'ONU et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ont exprimé leurs inquiétudes face à la décision de la République démocratique populaire de Corée et de l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. La poursuite de ces activités ou le déploiement d'armes nucléaires risquent de pousser les autres pays de la région à faire de même. D'importants efforts de diplomatie internationale seront alors nécessaires pour les en dissuader, en pratiquant la politique du bâton et de la carotte. En outre, l'Inde, le Pakistan et Israël n'ont toujours pas signé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Même s'ils décidaient d'y adhérer, ils ne pourraient le faire qu'en tant qu'États non dotés de l'arme nucléaire. Et malgré les propositions d'établir un régime parallèle pour eux, ils ont refusé de limiter leurs programmes d'armes nucléaires.

Le régime de non-prolifération a été aussi fragilisé par l'échec des États dotés de l'arme nucléaire à honorer les engagements qui découlent du Traité ainsi que ceux qui ont été pris lors de la Conférence d'examen des parties au TNP en 2000, tels que l'interdiction des essais nucléaires, la mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais d'armes nucléaires, la mise en place d'un traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles et la mise en place de mesures en vue du désarmement nucléaire. Même si elles ne constituent pas une panacée, les mesures prises lors de la Conférence d'examen représentent un schéma directeur pour faire avancer ces questions. Le TNP et le régime de non-prolifération sont menacés par l'échec des États dotés de l'arme nucléaire à respecter leurs engagements.

Les armes légères et de petit calibre (ALPC) représentent également une menace pour la sécurité internationale. D'après l'Enquête sur les armes légères, plus de 600 millions d'armes à feu sont actuellement en circulation et tuent environ 1 000 personnes chaque année1. En 2005, le projet Plougshares a fait état de 32 conflits dans le monde2. Même si ceux-ci n'étaient pas nécessairement causés par les APLC, il est clair que la disponibilité généralisée de ces armes a les exacerbés. L'une des tâches incombant au Secrétaire général sera de traiter cette question.

Des initiatives régionales dans le domaine des armes légères ont été lancées. Plusieurs accords régionaux et sous-régionaux ont été négociés, tels que la Convention de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest en 2006, le Protocole de Nairobi pour la prévention, le contrôle et la réduction des APLC en 2004, l'adoption du code de conduite des États d'Amérique centrale par les États Membres du Système d'intégration d'Amérique centrale et le Protocole sur les armes à feu de la Communauté de développement de l'Afrique australe en 2001. Mais une action mondiale est également cruciale.

Le soutien de l'ONU sera nécessaire pour aider les groupes d'experts gouvernementaux à étudier la proposition d'un traité sur le commerce des armes, une tâche ambitieuse visant à limiter le transfert non réglementé des armes classiques. Il pourrait, en même temps, promouvoir l'attention sur la question des droits de l'homme et des normes humanitaires. Le groupe d'experts est chargé d'établir " des normes internationales communes pour l'importation, l'exportation et le transfert des armes classiques ". Un traité sur le commerce des armes constitue un progrès important et mérite le soutien du Secrétaire général.

Une structure institutionnelle efficace est nécessaire pour le désarmement. Le Département des affaires de désarmement de l'ONU a établi un cadre solide pour réaliser ce travail :
" Nous considérons que le désarmement est dans l'intérêt de tous et qu'il fera progresser la sécurité commune et les idéaux de chacun sans aucune discrimination. Pourtant, malgré ces avantages, le désarmement continue de faire face à des défis politiques et techniques difficiles que seule une action délibérée, un soutien institutionnel solide et la compréhension du public au sens large parviendront à surmonter. Cet effort conjugué en vue du désarmement constitue notre objectif fondamental3. "

Il serait difficile, voire impossible, de faire des progrès sur ces questions sans qu'une infrastructure importante soit mise en place à l'ONU pour soutenir le désarmement. Les spécialistes de l'ONU qui travaillent dans le domaine du désarmement offrent une expertise professionnelle et une assistance technique sur un large éventail de questions concernant le désarmement et la non-prolifération, allant des armes légères et de petit calibre aux armes classiques, comme les armes chimiques, biologiques et nucléaires. Ils offrent une structure de base pour la sécurité internationale et sont une source d'information importante pour la communauté d'analystes et d'activistes qui travaillent sur ces questions. Cette structure institutionnelle doit être renforcée, pas simplement maintenue. La communauté chargée de la sécurité internationale est à un point critique, et à moins de renforcer cette structure, les perspectives d'un désarmement sont sérieusement compromises et l'engagement de l'ONU remis en cause.

Le consensus ne devrait pas nécessiter l'unanimité. Les réunions et les conférences de l'ONU reposent souvent sur le consensus - un but louable. Malheureusement, nombre de forums de l'ONU ont défini ce consensus comme nécessitant l'unanimité. Cette interprétation donne même à un État individuel la possibilité de bloquer les progrès. Dans son rapport de septembre 2005, Dans une liberté plus grande : vers le développement, la sécurité et les droits de l'homme pour tous, l'ancien Secrétaire général, Kofi Annan, a indiqué que le consensus " est devenu une fin en soi " et qu'il " pousse l'Assemblée [générale] à se réfugier dans des généralités, en renonçant à tout effort sérieux à prendre une décision "4. Ce type de consensus a donné lieu à des propositions édulcorées. Les risques de cette approche ont également été mis en lumière par les résultats décevants des récentes conférences internationales. Par exemple, en 2006, la Conférence d'examen sur les armes légères s'est conclue sans même être parvenue à un accord sur l'élaboration d'un document final, ceci étant principalement dû à l'intransigeance des États-Unis.

Même dans les forums où l'unanimité n'est pas requise, les États-Unis ont tenté de faire obstacle, mais avec moins de succès. Michael Spies, du Lawyers' Committee on Nuclear Policy Inc.. a noté que les États-Unis ont voté contre presque la moitié des résolutions adoptées par l'Assemblée générale en 2006, y compris des textes sur l'élaboration d'un traité de commerce des armes et sur la proposition d'un processus de suivi en matière d'armes légères. Les États-Unis et la République de Corée sont les seuls pays à avoir voté contre la résolution soutenant un Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et condamnant les essais nucléaires menés par la Corée du Nord5. L'Assemblée générale a quand même réalisé des progrès plus importants que lors des réunions, comme la Conférence d'examen sur les armes légères en 2006 et la Conférence d'examen du TNP en 2005, en grande partie parce que l'unanimité n'était pas de rigueur. La recherche d'un consensus est réaliste, la recherche de l'unanimité ne l'est pas. Pour progresser, les Nations Unies devront éliminer ce goulet d'étranglement.

Il est important d'établir des relations productives avec les ONG. Un autre problème concerne le manque de cohérence de l'ONU concernant la coopération avec les ONG qui possèdent une expertise importante sur les questions qu'elle traite. De nombreux groupes d'experts et de nombreuses conférences ont été structurées d'une manière qui empêche la participation de ces organisations. Dans certains forums, les ONG ont dû se battre pour participer aux procédures et sont souvent autorisées à faire des présentations qu'à une seule session des conférences qui se déroulent sur des semaines. En revanche, la collaboration entre les Nations Unies et les ONG en matière d'éducation sur le désarmement et la non-prolifération est un exemple positif du rôle des partenariats avec ces organisations.

Cette collaboration est un exemple impressionnant du potentiel inhérent à cette relation. Cet effort a commencé avec le Groupe d'experts gouvernementaux sur l'éducation en matière de désarmement et de non-prolifération, établi en décembre 2000 par l'Assemblée générale. Le Groupe a reçu des contributions de plus de 70 instituts de recherche, d'établissements d'enseignement, d'ONG et de musées de plus de 40 pays et a demandé à des pairs extérieurs d'examiner son projet de rapport, le personnel de l'ONU travaillant sans relâche pour intégrer les diverses réponses et suggestions. Cette collaboration a débuté alors que le Groupe en était encore à la phase de planification et s'est poursuivie bien au-delà de la soumission de son rapport.

Les représentants des ONG voulaient en particulier s'assurer que le Groupe équilibre les programmes pour le court, le moyen et le long terme, ainsi que ceux qui nécessitent une variété de ressources. Cette approche a été acceptée et utilisée par les membres du Groupe pour structurer leurs recommandations. Les représentants et ces membres ont également souligné l'importance d'examiner la question des armes classiques, ainsi que les armes chimiques, biologiques et nucléaires. Dès le début du processus, il était clair que les résultats devaient être accessibles à la fois aux pays du Nord et aux pays du Sud. Le rapport du Groupe a atteint chacun de ces objectifs.

L'effort visant à promouvoir l'éducation en matière de désarmement et de non-prolifération se poursuit, même s'il a été difficile de réunir les ressources nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations du Groupe. Par exemple, les fonds ont été insuffisants pour établir un consortium international " d'intellectuels et de représentants de la société civile, afin de travailler parallèlement aux efforts de désarmement et de non-prolifération et en complément de ceux-ci ". Pour se développer, ces entreprises et les autres entreprises connexes nécessiteront également un soutien financier et institutionnel des Nations Unies.

Les États Membres, les organisations internationales, les universités et les ONG sont des acteurs essentiels dans les efforts menés vers le désarmement mondial, dont le succès dépend de leur partenariat et du leadership du Secrétaire général. Avec son soutien, je suis sûre que nous ferons des progrès sur chacune de ces questions. Je m'associe à tous les citoyens du monde entier pour lui souhaiter de réaliser cette tâche avec succès.

Notes

  1. www.smallarmssurvey.org/files/sas/home/FAQ.html#FAQ7
  2. Project Ploughshares, " Armed Conflicts Report 2006 " www.ploughshares.ca/libraries/ACRText/ACR-TitlePageRev.htm#Preface
  3. Déclaration du Département des affaires de désarmement de l'ONU présentant sa vision
    http://disarmament.un.org/dda-vision.htm
  4. Dans une liberté plus grande : vers le développement, la sécurité et les droits de l'homme pour tous www.un.org/largerfreedom/chap5.htm
  5. Michael Spies, " Growing U.S. Isolation at the United Nations on Disarmament and Security ", Lawyers' Committee on Nuclear Policy Inc.
    http://lcnp.org/disarmament/unga2006.htm
Biographie


Dr. Natalie J. Goldring est associée principale de recherche au Centre d'études pour la paix et la sécurité et professeur auxiliaire à plein temps dans le Programme d'études sur la sécurité à l'Edmund A. Walsh School of Foreign Service à Georgetown University.

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