C'est un honneur de suggérer
certaines questions et priorités de l'ordre du jour en matière
de sécurité internationale pour le premier mandat de
Ban Ki-moon en tant que Secrétaire général. Mais
c'est aussi intimidant, étant donné son expertise dans
le domaine des affaires étrangères et des politiques
de sécurité internationale.
Plutôt que d'essayer de décrire en détail l'ordre
du jour sur la sécurité internationale, j'examinerai
quatre grands thèmes qui auront probablement une incidence
sur la capacité des Nations Unies à traiter ces questions
cruciales : la nécessité de renforcer l'ordre du jour
sur la sécurité internationale et le désarmement;
la nécessité d'avoir une structure institutionnelle
solide pour soutenir le désarmement; le problème de
la prise de décisions par consensus; et l'importance d'être
engagé dans un partenariat actif avec les organisations non
gouvernementales (ONG).
Les questions de sécurité internationale et de désarmement
nécessitent une attention urgente. Des traités fondamentaux
risquent d'être remis en cause et les menaces pour la sécurité
mondiale exigent le leadership du Secrétaire général.
Il est vital de préserver le régime de non-prolifération.
Les États Membres de l'ONU et l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA) ont exprimé leurs inquiétudes face à
la décision de la République démocratique populaire
de Corée et de l'Iran de se doter de l'arme nucléaire.
La poursuite de ces activités ou le déploiement d'armes
nucléaires risquent de pousser les autres pays de la région
à faire de même. D'importants efforts de diplomatie internationale
seront alors nécessaires pour les en dissuader, en pratiquant
la politique du bâton et de la carotte. En outre, l'Inde, le
Pakistan et Israël n'ont toujours pas signé le Traité
de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Même
s'ils décidaient d'y adhérer, ils ne pourraient le faire
qu'en tant qu'États non dotés de l'arme nucléaire.
Et malgré les propositions d'établir un régime
parallèle pour eux, ils ont refusé de limiter leurs
programmes d'armes nucléaires.
Le régime de non-prolifération a été aussi
fragilisé par l'échec des États dotés
de l'arme nucléaire à honorer les engagements qui découlent
du Traité ainsi que ceux qui ont été pris lors
de la Conférence d'examen des parties au TNP en 2000, tels
que l'interdiction des essais nucléaires, la mise en uvre
du Traité d'interdiction complète des essais d'armes
nucléaires, la mise en place d'un traité sur l'interdiction
de la production de matières fissiles et la mise en place de
mesures en vue du désarmement nucléaire. Même
si elles ne constituent pas une panacée, les mesures prises
lors de la Conférence d'examen représentent un schéma
directeur pour faire avancer ces questions. Le TNP et le régime
de non-prolifération sont menacés par l'échec
des États dotés de l'arme nucléaire à
respecter leurs engagements.
Les armes légères et de petit calibre (ALPC) représentent
également une menace pour la sécurité internationale.
D'après l'Enquête sur les armes légères,
plus de 600 millions d'armes à feu sont actuellement en circulation
et tuent environ 1 000 personnes chaque année1.
En 2005, le projet Plougshares a fait état de 32 conflits dans
le monde2. Même si ceux-ci n'étaient pas nécessairement
causés par les APLC, il est clair que la disponibilité
généralisée de ces armes a les exacerbés.
L'une des tâches incombant au Secrétaire général
sera de traiter cette question.
Des initiatives régionales dans le domaine des armes légères
ont été lancées. Plusieurs accords régionaux
et sous-régionaux ont été négociés,
tels que la Convention de la Communauté économique des
États de l'Afrique de l'Ouest en 2006, le Protocole de Nairobi
pour la prévention, le contrôle et la réduction
des APLC en 2004, l'adoption du code de conduite des États
d'Amérique centrale par les États Membres du Système
d'intégration d'Amérique centrale et le Protocole sur
les armes à feu de la Communauté de développement
de l'Afrique australe en 2001. Mais une action mondiale est également
cruciale.
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Le soutien de l'ONU sera nécessaire pour aider les groupes
d'experts gouvernementaux à étudier la proposition
d'un traité sur le commerce des armes, une tâche ambitieuse
visant à limiter le transfert non réglementé
des armes classiques. Il pourrait, en même temps, promouvoir
l'attention sur la question des droits de l'homme et des normes
humanitaires. Le groupe d'experts est chargé d'établir
" des normes internationales communes pour l'importation, l'exportation
et le transfert des armes classiques ". Un traité sur
le commerce des armes constitue un progrès important et mérite
le soutien du Secrétaire général.
Une structure institutionnelle efficace est nécessaire pour
le désarmement. Le Département des affaires de désarmement
de l'ONU a établi un cadre solide pour réaliser ce
travail :
" Nous considérons que le désarmement est dans
l'intérêt de tous et qu'il fera progresser la sécurité
commune et les idéaux de chacun sans aucune discrimination.
Pourtant, malgré ces avantages, le désarmement continue
de faire face à des défis politiques et techniques
difficiles que seule une action délibérée,
un soutien institutionnel solide et la compréhension du public
au sens large parviendront à surmonter. Cet effort conjugué
en vue du désarmement constitue notre objectif fondamental3.
"
Il serait difficile, voire impossible, de faire des progrès
sur ces questions sans qu'une infrastructure importante soit mise
en place à l'ONU pour soutenir le désarmement. Les
spécialistes de l'ONU qui travaillent dans le domaine du
désarmement offrent une expertise professionnelle et une
assistance technique sur un large éventail de questions concernant
le désarmement et la non-prolifération, allant des
armes légères et de petit calibre aux armes classiques,
comme les armes chimiques, biologiques et nucléaires. Ils
offrent une structure de base pour la sécurité internationale
et sont une source d'information importante pour la communauté
d'analystes et d'activistes qui travaillent sur ces questions. Cette
structure institutionnelle doit être renforcée, pas
simplement maintenue. La communauté chargée de la
sécurité internationale est à un point critique,
et à moins de renforcer cette structure, les perspectives
d'un désarmement sont sérieusement compromises et
l'engagement de l'ONU remis en cause.
Le consensus ne devrait pas nécessiter l'unanimité.
Les réunions et les conférences de l'ONU reposent
souvent sur le consensus - un but louable. Malheureusement, nombre
de forums de l'ONU ont défini ce consensus comme nécessitant
l'unanimité. Cette interprétation donne même
à un État individuel la possibilité de bloquer
les progrès. Dans son rapport de septembre 2005, Dans une
liberté plus grande : vers le développement, la sécurité
et les droits de l'homme pour tous, l'ancien Secrétaire général,
Kofi Annan, a indiqué que le consensus " est devenu
une fin en soi " et qu'il " pousse l'Assemblée
[générale] à se réfugier dans des généralités,
en renonçant à tout effort sérieux à
prendre une décision "4. Ce type de consensus
a donné lieu à des propositions édulcorées.
Les risques de cette approche ont également été
mis en lumière par les résultats décevants
des récentes conférences internationales. Par exemple,
en 2006, la Conférence d'examen sur les armes légères
s'est conclue sans même être parvenue à un accord
sur l'élaboration d'un document final, ceci étant
principalement dû à l'intransigeance des États-Unis.
Même dans les forums où l'unanimité n'est pas
requise, les États-Unis ont tenté de faire obstacle,
mais avec moins de succès. Michael Spies, du Lawyers' Committee
on Nuclear Policy Inc.. a noté que les États-Unis
ont voté contre presque la moitié des résolutions
adoptées par l'Assemblée générale en
2006, y compris des textes sur l'élaboration d'un traité
de commerce des armes et sur la proposition d'un processus de suivi
en matière d'armes légères. Les États-Unis
et la République de Corée sont les seuls pays à
avoir voté contre la résolution soutenant un Traité
d'interdiction complète des essais nucléaires et condamnant
les essais nucléaires menés par la Corée du
Nord5. L'Assemblée générale a quand
même réalisé des progrès plus importants
que lors des réunions, comme la Conférence d'examen
sur les armes légères en 2006 et la Conférence
d'examen du TNP en 2005, en grande partie parce que l'unanimité
n'était pas de rigueur. La recherche d'un consensus est réaliste,
la recherche de l'unanimité ne l'est pas. Pour progresser,
les Nations Unies devront éliminer ce goulet d'étranglement.
Il est important d'établir des relations productives avec
les ONG. Un autre problème concerne le manque de cohérence
de l'ONU concernant la coopération avec les ONG qui possèdent
une expertise importante sur les questions qu'elle traite. De nombreux
groupes d'experts et de nombreuses conférences ont été
structurées d'une manière qui empêche la participation
de ces organisations. Dans certains forums, les ONG ont dû
se battre pour participer aux procédures et sont souvent
autorisées à faire des présentations qu'à
une seule session des conférences qui se déroulent
sur des semaines. En revanche, la collaboration entre les Nations
Unies et les ONG en matière d'éducation sur le désarmement
et la non-prolifération est un exemple positif du rôle
des partenariats avec ces organisations.
Cette collaboration est un exemple impressionnant du potentiel inhérent
à cette relation. Cet effort a commencé avec le Groupe
d'experts gouvernementaux sur l'éducation en matière
de désarmement et de non-prolifération, établi
en décembre 2000 par l'Assemblée générale.
Le Groupe a reçu des contributions de plus de 70 instituts
de recherche, d'établissements d'enseignement, d'ONG et de
musées de plus de 40 pays et a demandé à des
pairs extérieurs d'examiner son projet de rapport, le personnel
de l'ONU travaillant sans relâche pour intégrer les
diverses réponses et suggestions. Cette collaboration a débuté
alors que le Groupe en était encore à la phase de
planification et s'est poursuivie bien au-delà de la soumission
de son rapport.
Les représentants des ONG voulaient en particulier s'assurer
que le Groupe équilibre les programmes pour le court, le
moyen et le long terme, ainsi que ceux qui nécessitent une
variété de ressources. Cette approche a été
acceptée et utilisée par les membres du Groupe pour
structurer leurs recommandations. Les représentants et ces
membres ont également souligné l'importance d'examiner
la question des armes classiques, ainsi que les armes chimiques,
biologiques et nucléaires. Dès le début du
processus, il était clair que les résultats devaient
être accessibles à la fois aux pays du Nord et aux
pays du Sud. Le rapport du Groupe a atteint chacun de ces objectifs.
L'effort visant à promouvoir l'éducation en matière
de désarmement et de non-prolifération se poursuit,
même s'il a été difficile de réunir les
ressources nécessaires pour mettre en uvre les recommandations
du Groupe. Par exemple, les fonds ont été insuffisants
pour établir un consortium international " d'intellectuels
et de représentants de la société civile, afin
de travailler parallèlement aux efforts de désarmement
et de non-prolifération et en complément de ceux-ci
". Pour se développer, ces entreprises et les autres
entreprises connexes nécessiteront également un soutien
financier et institutionnel des Nations Unies.
Les États Membres, les organisations internationales, les
universités et les ONG sont des acteurs essentiels dans les
efforts menés vers le désarmement mondial, dont le
succès dépend de leur partenariat et du leadership
du Secrétaire général. Avec son soutien, je
suis sûre que nous ferons des progrès sur chacune de
ces questions. Je m'associe à tous les citoyens du monde
entier pour lui souhaiter de réaliser cette tâche avec
succès.
Notes
- www.smallarmssurvey.org/files/sas/home/FAQ.html#FAQ7
- Project Ploughshares, " Armed Conflicts Report 2006 "
www.ploughshares.ca/libraries/ACRText/ACR-TitlePageRev.htm#Preface
- Déclaration du Département des affaires de désarmement
de l'ONU présentant sa vision
http://disarmament.un.org/dda-vision.htm
- Dans une liberté plus grande : vers le développement,
la sécurité et les droits de l'homme pour tous www.un.org/largerfreedom/chap5.htm
- Michael Spies, " Growing U.S. Isolation at the United
Nations on Disarmament and Security ", Lawyers' Committee
on Nuclear Policy Inc.
http://lcnp.org/disarmament/unga2006.htm
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