ESSAI:
Une réforme silencieuse par le biais du Pacte mondial
Par Georg Kell, Anne-Marie Slaughter et Thomas Hale
Pour la première fois dans leur histoire, les Nations Unies
acceptent le monde des affaires et la société civile
comme partenaires cruciaux pour promouvoir leurs objectifs de paix
internationale et de développement. Dans le monde globalisé
et interdépendant d'aujourd'hui, le milieu des affaires et
les Nations Unies partagent des objectifs communs. Malgré des
buts différents - les Nations Unies uvrent pour la paix
et la réduction de la pauvreté, alors que le milieu
des affaires est traditionnellement axé sur le profit et la
croissance, leurs objectifs sont similaires : la construction des
marchés, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption,
la préservation de l'environnement, la santé mondiale
et l'inclusion sociale.
L'engagement de l'ONU avec les entreprises privées n'est pas
seulement limité aux politiques et aux rapports écrits,
il se manifeste également dans un grand nombre d'activités
quotidiennes et de projets dans le monde entier. Un des résultats
de cette collaboration est que les Nations Unies montrent aux sociétés
transnationales (STN) comment les valeurs universelles peuvent se
traduire en valeur commerciale, renforçant ainsi la contribution
de nouveaux acteurs à la réalisation des objectifs de
l'ONU. Peut-être tout aussi important, ces nouveaux partenariats
exposent le système de l'ONU aux principes de la gestion financière
des sociétés les plus dynamiques au monde.
Le Pacte mondial des Nations Unies est au centre de ces efforts. Cette
initiative volontaire d'entreprises la plus importante dans le monde
entier a pour la mission d'assurer que les entreprises - en partenariat
avec d'autres acteurs sociaux, notamment les gouvernements, les syndicats,
les organisations non gouvernementales (ONG) et les universités
- jouent un rôle essentiel dans la réalisation du projet
de l'ONU : une économie mondiale plus viable et plus équitable.
Les partenaires s'engagent volontairement à appliquer les dix
principes universels dans les domaines des droits de l'homme, des
normes du travail, de la protection de l'environnement et de la lutte
contre la corruption, qui sont inspirés des traités
fondamentaux de l'ONU (voir page 29). Les entreprises sont invitées
à appliquer ces principes dans leurs activités quotidiennes
et de mener à bien des projets pour promouvoir des objectifs
sociaux plus larges.
Lancé en 2000, le Pacte mondial touche un grand nombre de personnes.
Près de 3 000 entreprises venant de 100 pays l'ont signé,
y compris 103 entreprises composant le Global 500 du Financial Times.
Le " Global 103 " seul emploie près de 10 millions
de salariés, avec une capitalisation du marché d'environ
5 000 milliards de dollars et des recettes record d'environ 3 500
milliards en 2005. Aux participants commerciaux se sont joints à
plus de 700 organisations de la société civile, syndicats,
municipalités, fondations et partenaires universitaires. Des
réseaux de pays, qui offrent un lieu de dialogue aux participants
qui s'engagent sur le terrain, ont été créés
dans plus de 50 pays.
L'impact du Pacte mondial va au-delà des membres. En fournissant
une véritable plate-forme internationale permettant aux participants
et aux parties prenantes de partager les pratiques et les défis,
il a considérablement contribué à la formation
d'un consensus mondial sur l'importance de la responsabilité
à la fois de la société et des entreprises. On
a progressivement réalisé que des pratiques commerciales
responsables pouvaient favoriser l'inclusion sociale et économique
et contribuer à promouvoir la coopération internationale,
la paix et le développement. Les entreprises constatent de
première main l'importance de ces valeurs. Alors que de plus
en plus d'entreprises adoptent des pratiques responsables, leur engagement
dans une démarche citoyenne a pris une plus grande importance.
En une année seulement, des acteurs importants du monde de
l'investissement, tels que les fonds de pension de plus de 5 000 milliards
de dollars d'actifs gérés ou retenus, ont préconisé
une approche commerciale qui place la valeur au centre de leurs activités
et pris des mesures pour intégrer cette philosophie dans leurs
décisions en matière d'investissement.
Cependant, malgré ces points positifs, d'importants défis
demeurent. Plus de 70 000 sociétés transnationales ne
participent pas à l'initiative de l'ONU. Les entreprises américaines,
qui représentent seulement 4 % des membres actuels du Pacte,
se sont montrées particulièrement peu disposées
à le signer. La question essentielle est de savoir si celui-ci
pourra responsabiliser un nombre important d'entreprises et les amener
à s'engager à respecter les dix principes, et faire
du concept de l'entreprise citoyenne - la mise en uvre des principes
universels dans les pratiques commerciales des entreprises et l'engagement
dans des projets de partenariat afin de répondre à des
objectifs sociaux majeurs - une norme mondiale. Une approche moins
stricte en matière de responsabilité des entreprises
pourrait être plus populaire, mais elle ne répondrait
pas aux défis communs auxquels font face les entreprises et
la société au XXIe siècle.
Le Pacte mondial est une étape cruciale pour les Nations Unies.
Il y a dix ans, l'Organisation et le secteur privé entretenaient
des relations de défiance. Même si elles étaient
initialement soutenues par les dirigeants du monde des affaires, qui
voyaient la nécessité d'un système multilatéral
solide, les Nations Unies, face aux réalités de la guerre
froide ont été contraintes à adopter une position
neutre sur la question de l'entreprise privée. Pendant les
années 1970 et 1980, les gouvernements des pays en développement
ont cherché à créer des traités visant
à restreindre l'investissement étranger direct et d'autres
composantes du commerce mondial. Mais, dix ans plus tard, les choses
ont bien changé. Au cours des années 1990, la communauté
internationale a progressivement réalisé le rôle
important des sociétés transnationales dans les affaires
mondiales. Les groupes de la société civile ont davantage
orienté leurs campagnes de protection de l'environnement et
des droits de l'homme et du travail pour sensibiliser les STN ainsi
que les institutions financières et commerciales internationales.
Les protestations massives qui ont eu lieu à Seattle, à
Gênes, à Genève, à Cancun et dans d'autres
lieux de conférence ont permis de placer le débat sur
la mondialisation en tête de l'ordre du jour mondial.
Les idéaux universels sur lesquels les Nations Unies ont été
fondées - où le " progrès " et la "
paix " comptent parmi les motivations de base de l'Organisation
- se trouvent au cur de ces combats. Mais alors que l'économie
mondiale connaissait une forte expansion, beaucoup se sont inquiétés
de voir que les travailleurs, l'environnement et les pauvres restaient
à la traîne. Une partie du problème semblait venir
du fait que l'intégration économique changeait la frontière
entre responsabilité et capacités du public et du privé.
La question était donc de savoir " comment préserver
les droits et promouvoir le développement durable dans une
économie de plus en plus mondialisée " ? Beaucoup
préconisaient un retour aux tentatives précédentes
visant à mettre un frein au commerce mondial en imposant des
réglementations " de commandement et de contrôle
". Certains activistes ont appelé à l'abolition
de l'Organisation mondiale du commerce et des accords de libre-échange
régionaux, tandis que d'autres ont appelé ces institutions
à inclure des réglementations environnementales et sociales.
La Commission des droits de l'homme de l'ONU a proposé un projet
de normes sur la responsabilité des sociétés
transnationales. À l'instar des efforts menés dans les
années 1970 et 1980, aucune de ces mesures n'a reçu
un soutien suffisant pour donner lieu à une législation.
Cependant, la volonté politique n'est pas le seul problème.
Même dotée d'un mandat pour réglementer les entreprises
transnationales, aucune organisation mondiale actuelle - certainement
pas les Nations Unies - n'a les capacités nécessaires
pour surveiller et réglementer les entreprises dans le monde
entier. Même si les États acceptaient de le faire eux-mêmes,
beaucoup ont un piètre bilan concernant le respect des accords
mondiaux sur l'environnement ou sur les droits de l'homme et du travail.
Face à cette " absence de pouvoir à faire respecter
", de nombreuses initiatives volontaires et des normes ont été
créées pour aligner les pratiques commerciales mondiales
avec les objectifs sociaux et environnementaux.
Certaines sont purement basées sur l'industrie, d'autres sont
parrainées par des organisations de la société
civile ou des organismes intergouvernementaux, comme l'Organisation
de coopération et de développement économiques,
d'autres encore impliquent la participation de parties prenantes venant
de différents secteurs. Des initiatives, comme dans les secteurs
du bois, de l'habillement et du café, visent à certifier
que certains produits sont sans danger pour l'environnement et la
société.
D'autres, comme l'Initiative mondiale sur les rapports de performance
(GRI), fournissent un cadre pour que les entreprises établissent
des rapports sur leurs conséquences sociales et environnementales.
D'autres encore visent simplement à élaborer des codes
de conduite pour mettre en avant les meilleures pratiques. Nombre
de ces initiatives se chevauchent et sont parfois en concurrence.
Par exemple, dans le secteur de l'habillement aux États-Unis,
un code de conduite soutenu par de nombreuses entreprises est en concurrence
avec une initiative plus stricte soutenue par des groupes de la société
civile pour gagner la confiance des membres et des consommateurs.
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En
2007, le Sommet des dirigeants du Pacte mondial, qui a lieu
tous les trois ans, rassemblera 1 000 chefs d'entreprises, des
représentants de gouvernement, de la société
civile et du monde du travail, notamment 700 directeurs, plusieurs
chefs d'État ou de gouvernement et plus de 40 ministres.
Présidé par le Secrétaire général,
Ban Ki-moon, cet événement marquera le plus grand
rassemblement de chefs d'entreprise organisé par les
Nations Unies. |
Un réseau d'apprentissage mondial orienté vers
l'action
Le Pacte mondial joue un rôle particulier concernant les initiatives
volontaires en matière de responsabilité sociale des
entreprises (RSE). Aucune autre initiative ne couvre autant de questions
ni de régions géographiques, n'est appuyée par
autant de pays ni ne bénéficie d'une autorité
morale similaire et de l'appui des 192 États Membres de l'ONU.
Le Pacte mondial présente aussi des caractéristiques
propres : il n'est ni un code de conduite spécifique, ni un
système de certification ou d'établissement de rapports
mais, plutôt, un appel lancé aux entreprises pour qu'elles
s'engagent à respecter les principes universels et à
prendre des mesures concrètes pour les réaliser en suivant
l'exemple de leurs pairs et des groupes de la société
civile. Il complète ainsi les autres initiatives volontaires
de RSE. Nombre de participants pensent que des projets comme le GRI
ou les codes de conduite spécifiques au secteur industriel
sont le meilleur moyen de tenir leurs engagements dans le cadre du
Pacte. Ces entreprises peuvent s'informer sur les pratiques et les
initiatives de RSE employées par leurs pairs ainsi que sur
les mesures préconisées par les groupes écologiques
et sociaux. Cette approche volontaire, basée sur l'apprentissage,
exploite les compétences de base de l'ONU - portée universelle,
pouvoir de rassemblement inégalé et autorité
morale - tout en évitant ses faiblesses, comme l'inévitable
lenteur propre à une bureaucratie mondiale qui répond
à près de 200 dirigeants souverains. Le Pacte mondial
exerce un effet de levier pour l'ONU en tant qu'instance apte à
attirer et à accueillir le plus vaste éventail de parties
prenantes. Aucun autre environnement ne peut offrir un tel lieu de
débat et de partage d'expérience.
Pour participer au Pacte mondial, le directeur général
d'une entreprise doit envoyer au Secrétaire général
de l'ONU une lettre d'intention dans laquelle il affirme l'engagement
de son entreprise aux dix principes. L'entreprise figure alors sur
le site Internet du Pacte mondial. Une fois par an, elle est censée
soumettre un rapport de " communication sur le progrès
" décrivant comment elle intègre les dix principes
à sa stratégie et contribue aux objectifs de développement
de l'ONU. Celles qui ne communiquent pas ces informations sont considérées
comme " inactives " et peuvent être ultérieurement
retirées de la liste. Des " forums d'information "
permettent aux participants de connaître les actions concrètes
fondées sur les dix principes prises par leurs pairs et reçoivent
des informations des partenaires sociaux et environnementaux. À
ces activités s'ajoutent des événements locaux
parrainés par les réseaux nationaux ou régionaux.
Travaillant étroitement avec les parties prenantes, le Pacte
mondial a publié des guides et des outils pratiques destinés
à aider les participants à appliquer les principes.
Il a été aussi un point de liaison de l'ONU dans ses
efforts visant à faciliter la création de partenariat
avec le secteur privé et a organisé des activités
de formation à l'intention de l'ensemble du personnel de l'ONU.
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Le quatrième
Forum annuel des Réseaux locaux du Pacte mondial (GCLN)
s'est tenu les 26 et 27 septembre 2006 à Barcelone, en
Espagne. L'évènement a rassemblé plus de
180 représentants, qui ont servi de point de liaison
pour les GCLM dans plus de 60 pays, notamment le Mexique, le
Nigeria, Panama, Singapour et le Sri Lanka. Photo/Global Compact |
L'importance des valeurs
Pourquoi les entreprises sont-elles si nombreuses à adhérer
au Pacte mondial ? Probablement parce que les marchés récompenseront
de plus en plus les bonnes performances dans les domaines que le Pacte
met en avant, de sorte que les entreprises qui prennent en compte
les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans leurs
activités amélioreront leurs résultats. Leurs
pratiques commerciales responsables leur ont apporté de nombreux
avantages, notamment le recrutement et la rétention d'un personnel
qualifié, la réduction des coûts, la hausse de
la productivité, la construction de l'image de marque, l'instauration
de la confiance ainsi que la réputation auprès des parties
prenantes. En outre, des gains significatifs peuvent être obtenus
quand les consommateurs et les investisseurs répondent aux
critères sociaux et écologiques. Cela a déjà
été prouvé tandis que les investisseurs lient
de plus en plus la performance environnementale, sociale et de gouvernance
à la valeur de l'entreprise. À long terme, l'investissement
des entreprises pour améliorer les conditions sociales et environnementales
se traduira par une plus grande stabilité des marchés
qui seront moins vulnérables aux risques et aux facteurs externes.
L'intérêt suscité par le Pacte est également
dû à la nature de plus en plus internationale des entreprises.
Pour celles qui sont établies ou qui exercent leurs activités
dans des pays en développement, le contexte sociétal
est essentiel. Les entreprises ne peuvent pas prospérer si
la société ne fonctionne pas. Le bien-être de
la société fait donc partie de la mission et de la stratégie
de l'entreprise, nécessitant des approches innovantes qui servent
à la fois les intérêts de la société
et ceux de l'entreprise. Le Pacte s'est rendu compte que les entreprises
qui exerçaient leurs activités dans des conditions difficiles
avaient un enjeu particulier dans les questions abordées par
l'initiative. Pour elles, la philosophie de responsabilité
et d'engagement de la communauté revêt un sens plus profond.
Ce n'est pas un hasard si plus de la moitié des 3 000 entreprises
adhérant au Pacte se trouvent dans les pays en développement.
Face à ces arguments, il n'est pas surprenant que la notion
de RSE soit devenue partie intégrante de la stratégie
générale des entreprises. Celles-ci reconnaissent qu'en
théorie, l'amélioration des conditions sociales et environnementales
réduit les risques et contribue à une meilleure gestion
de la marque et devrait donc être inhérente aux modèles
commerciaux réussis. Pourtant, beaucoup ont des difficultés
à adopter des stratégies de RSE concrètes et
efficaces. Ce problème est particulièrement important
pour celles exposées aux risques dans divers marchés
du monde entier.
Le Pacte mondial est un véritable pas en avant dans le débat
sur la mondialisation, faisant partie d'une tendance croissante visant
à trouver de nouveaux outils de politique capables de relever
le défi de la gouvernance au XXIe siècle. Mais certaines
suspicions héritées du passé persistent. D'un
côté, certains craignent que l'initiative soit une tentative
visant à renforcer la réglementation mondiale et, de
l'autre, des groupes de la société civile et des universités
y voient un moyen pour les entreprises de se prévaloir de la
légitimité de l'ONU tout en poursuivant leurs mauvaises
pratiques. La plupart de ces craintes sont dues à une incompréhension
de la nature et des objectifs du Pacte. Il n'est pas et n'aspire pas
à être un code de conduite contraignantjuridiquement.
Certaines entreprises, en particulier celles qui sont établies
dans le marché litigieux américain, craignent que même
la signature d'une lettre d'intention à respecter les dix principes
pourrait avoir des conséquences juridiques. Pour y répondre,
le Pacte s'est associé à l'Association du barreau américain
pour rédiger une lettre d'intention juridiquement non contraignante.
Heureusement, après cinq ans d'activité, le Pacte a
prouvé qu'il aidait les entreprises à améliorer
leur performance environnementale et sociale - celles-ci n'étant
pas contraintes à adopter des normes qui ne leur convenaient
pas - et a, peu à peu, dissipé les craintes.
Le Pacte mondial n'a pas débouché sur le " blue-washing
" (par référence au bleu onusien) comme le craignaient
certaines ONG. Il n'est pas un système de certification, ni
un logo suggérant une approbation, mais il repose sur l'apprentissage
et l'engagement. L'utilisation du logo de l'ONU par une entreprise
ne la protège pas contre les critiques mais signifie qu'elle
s'efforce de maintenir des normes plus élevées et qu'elle
encourage un examen plus détaillé de ses pratiques.
Celles qui adhèrent au Pacte et qui ne réalisent aucun
progrès risquent d'être même plus critiquées.
Étant obligées de soumettre un rapport annuel sur la
mise en uvre des principes, celles qui adhèrent seulement
au Pacte pour en profiter seront vite exposées. En octobre
2006, 335 entreprises qui n'avaient pas présenté deux
fois de suite un rapport d'évaluation de leurs progrès
ont été retirées de la liste - ce qui indique
le niveau de responsabilité et d'engagement des participants.
En outre, le Bureau du Pacte mondial se réserve le droit d'agir
en cas de violations des principes et, dans des cas extrêmes,
de révoquer le statut de participant à l'initiative.
Pour résumer, alors qu'il permet aux entreprises qui promeuvent
la RSE de montrer leurs réalisations et donne à d'autres
l'occasion de suivre des exemples positifs, le Pacte n'offre aucun
bénéfice à celles qui sont à la traîne.
Les entreprises ont compris que le Pacte mondial représente
un progrès concret dans le débat sur la mondialisation.
Les controverses sous-jacentes demeurent les mêmes : comment
protéger l'environnement et les droits sociaux dans une économie
mondiale de plus en plus intégrée. Mais, cette fois,
les entreprises peuvent jouer un rôle constructif sous l'égide
de l'ONU. Cela ne veut pas dire que les manifestations et les campagnes
ne continueront pas à être des éléments
importants dans la protection de l'environnement et des droits sociaux;
les groupes de la société civile et les entreprises
ont maintenant un forum pour discuter de ces différends.
En ouvrant les Nations Unies aux différentes et multiples façons
d'organiser les actions, ces partenariats servent de catalyseur à
l'innovation institutionnelle dans l'ensemble du système de
l'ONU. Les entreprises ne sont plus les seules à tirer des
enseignements du Pacte. L'ONU, souvent perçue comme un monstre
bureaucratique agonisant, tire aussi profit de son engagement avec
des organisations mondiales dûment administrées du monde
de l'entreprise et du secteur à but non lucratif. Le Pacte
mondial contribue aux efforts déployés par l'ONU pour
encourager les partenariats avec des acteurs non gouvernementaux,
partenariats qui se sont étendus à l'ensemble du système
de l'ONU. Par exemple, des fabricants de vitamines travaillent avec
le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
pour améliorer la nutrition dans les pays en développement;
des fabricants de savon se sont associés au Fonds des Nations
Unies pour l'enfance (UNICEF) pour promouvoir l'hygiène; l'entreprise
de logistique TNT aide le Programme alimentaire mondial à distribuer
des vivres en temps voulu lors de crises humanitaires; et la société
de télécommunications Ericsson assure la liaison avec
les premières équipes de l'ONU dépêchées
dans les zones de catastrophe. Le Pacte mondial a contribué
à améliorer la capacité de l'ONU à tirer
profit de ces partenariats en compilant les leçons, en développant
des normes et en formant le personnel de l'ONU.
L'Organisation a également décidé de mettre en
pratique ce qu'elle prônait et s'est engagée à
appliquer les dix principes à la gestion des achats, du personnel
et des installations. En 2006, la Caisse commune des pensions du personnel
de l'ONU a été l'une des premières à signer
les Principes pour l'investissement responsable. Le Pacte mondial
représente une réforme de l'ONU à double titre
: c'est non seulement un outil innovant pour rallier de nouveaux acteurs
et de nouvelles méthodes aux objectifs de l'ONU mais aussi
un catalyseur de changement pour nombre d'opérations quotidiennes
de l'ONU.
Jusqu'ici, les résultats ont donné tort aux détracteurs
qui considéraient cette initiative comme une mascarade de réglementation
ou une trahison cynique d'objectifs uniquement axés sur le
profit. Elle montre de fait comment l'ONU s'adapte de diverses manières
au nouvel environnement mondial. Celle-ci apprend à intégrer
ses principes dans le monde des affaires de vaste portée et
les entreprises apprennent comment ajouter ces valeurs publiques aux
leurs. Le défi est maintenant d'étendre la portée
et la qualité du Pacte mondial.
D'abord, un plus grand nombre d'entreprises doivent reconnaître
les avantages que l'adhésion au Pacte peuvent apporter et les
entreprises américaines, en particulier, doivent s'engagent
plus qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici. Ensuite, le Pacte doit continuellement
améliorer sa capacité à faciliter l'apprentissage.
Il faut trouver de nouvelles manières de mettre en relation
les entreprises qui recherchent des informations avec celles qui ont
des leçons utiles à offrir. Les meilleures pratiques
doivent être développées de manière à
généraliser les leçons importantes des expériences
des leaders du marché et à disposer de suffisamment
d'informations contextuelles à appliquer à des situations
locales spécifiques. De leur côté, les universités
ont un rôle important à jouer dans l'analyse objective
et la synthèse des expériences recueillies par le Pacte.
Enfin, la capacité du Pacte à étendre sa portée
et à offrir aux participants plus de possibilités est
liée. Avec un plus grand nombre d'adhérents, les pratiques
collectives seront plus riches, plus diverses et mieux testées.
De même, alors que les leçons seront plus utiles, les
entreprises se rendront compte qu'elles ne peuvent se permettre d'être
écartées du processus mondial en matière de RSE.
Les entreprises mondiales qui ont une vision à long terme ont
reconnu la transformation tranquille qui a lieu aux Nations Unies
et participent à ce mouvement pour améliorer leurs modèles
commerciaux et mieux gérer les risques.
Les Principes du Pacte mondial
Les dix Principes du Pacte mondial dans le domaine des droits
de l'homme, des normes du travail, de l'environnement et de
la lutte contre la corruption sont inspirés de :
la Déclaration des droits de l'homme
la Déclaration relative aux principes et droits
fondamentaux au travail
la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement
la Convention des Nations Unies contre la corruption
Le Pacte Mondial engage les dirigeants des entreprises à
embrasser, promouvoir et faire respecter un ensemble de valeurs
fondamentales dans le domaine des droits de l'homme, des normes
du travail, de l'environnement et de la lutte contre la corruption
:
Droits de L'homme
Principe 1 : Les entreprises doivent promouvoir et
respecter les droits de l'homme reconnus sur le plan international;
Principe 2 : Les entreprises ne doivent pas se faire
complices de violations des droits fondamentaux.
Normes du Travail
Principe 3 : Les entreprises devraient respecter
l'exercice de la liberté d'association et reconnaître
le droit à la négociation collective;
Principe 4 : Élimination de toutes les formes
de travail forcé et obligatoire;
Principe 5 : Abolition effective du travail des enfants;
Principe 6 : Élimination de la discrimination
en matière d'emploi et d'exercice d'une profession.
Environnement
Principe 7 : Promouvoir une approche prudente des
grands problèmes touchant l'environnement;
Principe 8 : Prendre des initiatives en faveur de
pratiques environnementales plus responsables;
Principe 9 : Encourager la mise au point et la diffusion
de technologies respectueuses de l'environnement.
Anti-corruption
Principe 10 : Les entreprises sont invitées
à agir contre la corruption sous toutes ses formes,
y compris l'extorsion de fonds et les pots-de-vin.
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Georg Kell est directeur exécutif du Pacte mondial de l'ONU
depuis 2000. Il a débuté sa carrière aux Nations
Unies en 1987 avec la Conférence sur le commerce et le développement
et a été en 1997 responsable de haut niveau au Bureau
exécutif du Secrétaire général.
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Anne-Marie Slaughter est doyenne de la Woodrow Wilson School of
Public and International Affairs et professeur en science politique
et en affaires internationales, Bert G. Kerstetter '66, à
l'université de Princeton.
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Thomas Hale est assistant spécial du doyen de la Woodrow
Wilson School of Public and International Affairs et étudie
la politique mondiale à la London School of Economics.
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