Lors de la soixantième
et unième session de l'Assemblée générale,
la Troisième Commission a placé en tête de son
agenda les droits des femmes, des enfants et des migrants ainsi que
l'évaluation des travaux du Conseil des droits de l'homme.
Un projet de résolution sur le droit au développement
a été approuvé, un objectif majeur de ce Conseil
nouvellement établi. Face aux inquiétudes de nombreux
pays concernant ses travaux initiaux, de telles mesures permettront
de le renforcer et de consolider sa relation avec l'Assemblée.
Les violations des droits de l'homme dans des pays comme l'Iran, le
Myanmar et la République populaire démocratique de Corée,
ont été placées au centre des débats,
d'importants désaccords étant exprimés par les
États Membres sur la façon de traiter les violations
présumées. " Nous devons faire pression autant
que possible sur les pays pour qu'ils améliorent les conditions
des droits de l'homme, et parfois, nous sommes contraints de montrer
du doigt les fautifs ", a indiqué le président
de la Commission, Hamid al Bayati. " Nous ne voulons cependant
pas les provoquer inutilement ou les accuser à tort. "
Un nombre impressionnant de résolutions ont été
adoptées par consensus mais certains points de divergence ont
porté sur les projets de texte concernant des violations des
droits de l'homme spécifiques.
Défendre les femmes pauvres contre la
traite à des fins d'exploitation sexuelle
Une fillette de douze ans a été violemment battue
après avoir tentée de s'échapper d'un bordel
à Bangkok, en Thaïlande. Tous les soirs, un garçon
de 14 ans doit servir six " clients ". Il a contracté
le VIH. Aux Philippines, une famille survit grâce aux revenus
de leur fille qui se prostitue à l'étranger.
La traite des femmes et des filles enrôlées de force
dans la prostitution est un phénomène largement répandu
dont l'horreur nous laisse sans voix. Cette pratique a rejoint le
travail forcé et la servitude pour dette pour former une
sorte d'esclavage moderne, mieux connu sous le nom de traite des
êtres humains. Une résolution parrainée par
les Philippines a été adoptée à l'unanimité
par la Troisième Commission, constituant l'une des nouvelles
mesures prises pour tenter de mettre un frein à l'exploitation
sexuelle. Non seulement cette législation traite un des problèmes
les plus insidieux auquel la communauté internationale est
confrontée mais elle est aussi une étude de cas pour
la mobilisation : cerner les causes de ce problème et trouver
les moyens d'y remédier, au plus vite.
En Asie, probablement la plaque-tournante de la traite à
des fins sexuelles dans le monde, la traite est devenue une pratique
courante dans les années 1970 et 1980. Selon Vital Vices,
une organisation non gouvernementale (ONG), la demande s'est accrue
en raison de la présence de soldats étrangers dans
la région et de l'essor économique du Japon durant
cette période. Aujourd'hui, les femmes victimes de la traite
sont escortées par des intermédiaires dans des bars
et des night-clubs qui les " achètent " et les
gardent contre leur gré, liées par la dette qu'elles
ont contractée et sous menace de violence physique. "
La pauvreté rend les gens vulnérables, puis des gens
sans scrupule exploitent leur rêve d'une vie meilleure ",
a déclaré Antonio Maria Costa, le directeur exécutif
de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC),
lors d'une manifestation sur la traite des êtres humains coparrainée
par New York University. Selon l'ONUDC, plus de 2 millions de personnes
dans le monde sont d'une façon ou d'une autre sous le contrôle
des trafiquants. Même si une vaste majorité des cas
de traite ne sont probablement pas connus, on estime qu'il y a au
moins 10 millions de femmes qui en sont victimes.
Mais il y a des signes d'espoir. Des experts commencent à
examiner le problème de manière plus globale. En février
2006, le Rapporteur spécial de l'ONU sur les aspects des
droits de l'homme des victimes a publié un rapport centré
sur la demande plutôt que sur l'approche traditionnelle de
l'offre. " On entend par demande celle qui favorise l'exploitation,
pas nécessairement celle qui la vise directement ",
indique le rapport. Cette vision large de la demande place la responsabilité
non seulement sur les trafiquants et les consommateurs de services
sexuels, mais aussi sur " les conditions économiques,
sociales, légales, politiques, institutionnelles et culturelles
qui oppriment les femmes et les enfants dans le monde entier ".
Depuis l'adoption en 2000 à Vienne du Protocole des Nations
Unies visant à prévenir, réprimer et punir
la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants,
la traite des personnes est un concept qui a évolué
de nombreuses manières. Dans le Protocole, la traite des
personnes désigne " le recrutement, le transport, le
transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la
menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres
formes de contraintes ", par enlèvement, fraude, contrainte
aux fins d'exploitation, y compris le travail ou les services forcés,
l'esclavage ou d'autres formes d'exploitation sexuelle. Les États
Membres qui ont ratifié le Protocole sont tenus de promulguer
des lois nationales pour sanctionner ces activités et poursuivre
les trafiquants. " L'ONU a également apporté
une aide importante à de nombreux pays signataires du Protocole.
Par exemple, le Projet interinstitutions des Nations Unies sur la
traite des personnes dans la sous-région du Mékong
apporte un appui et une aide à la recherche à la région,
y compris au Cambodge, à la Thaïlande et aux quatre
pays voisins, où l'on estime que 225 000 femmes et enfants
ont été victimes de la traite.
Comme le montre la résolution, cette perspective plus générale
des droits humains sur la traite commence à prendre forme
dans la communauté internationale. Les gouvernements sont
exhortés à " prendre les mesures nécessaires
pour traiter les causes profondes, notamment la pauvreté
et l'inégalité des sexes ". Tout en se focalisant
sur les droits humains des victimes, ce changement récent
dans la lutte contre la traite des personnes ne néglige pas
la nécessité de prendre des dispositions de nature
pénale contre les trafiquants et les consommateurs de services
sexuels. La résolution appelle également à
la pénalisation de toutes les formes de traite des personnes,
à la condamnation et à la pénalisation des
contrevenants, y compris les poursuites contre les citoyens d'un
État qui commettent des crimes sexuels à l'étranger.
En parrainant la résolution, les Philippines ont joué
un rôle particulièrement actif. En 2005, les tribunaux
philippins ont prononcé des condamnations initiales pour
traite conformément à la loi de 2003 : selon un journal
local, 67 cas ont fait l'objet d'une enquête préliminaire
et 31 cas ont fait l'objet de poursuites. Les Philippines ont été
au premier plan de la coordination multilatérale et des efforts
intégrés avec les Nations Unies, menant une enquête
sur la pornographie enfantine conjointement avec le Fonds des Nations
Unies pour l'enfance (UNICEF). En 2004, elles ont été
l'un des 140 pays à répondre à un questionnaire
sur la lutte contre la traite des personnes, coordonné par
la Division de l'ONU pour la promotion de la femme. En affichant
leurs réponses en ligne, la Division a augmenté la
transparence et la responsabilité des pays et fait connaître
les initiatives réussies comme aux Philippines.
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Le
plus grand panneau d'affichage à Phnom Penh, au Cambodge,
est situé à la sortie de l'aéroport international.
Photo/WORLDVISION |
Les réponses obtenues font apparaître que les ONG jouent
un rôle important dans les efforts menés au niveau local
pour offrir une formation professionnelle aux femmes, éradiquer
la pauvreté rurale et promouvoir l'égalité des
sexes. Par exemple, le Consortium against trafficking of children
and women in Sexual Exploitation, aux Philippines, mène des
activités de sensibilisation dans les bars et les night-clubs
de Cebu City et a réussi à faire pression pour que la
région adopte des modèles de formation destinés
aux garçons et aux filles dans les programmes des écoles
secondaires. En mars 2007, l'ONUDC co-parrainera l'Initiative mondiale
Abou Dhabi visant à mettre fin à la traite des personnes
dans les Émirats arabes unis. Comme Beijing est devenu synonyme
des droits de la femme et Kyoto celui des questions liées à
l'environnement, M. Costa a exhorté la communauté internationale
à rejoindre l'ONUDC pour faire d'Abou Dhabi le lieu d'un autre
rassemblement historique, soulignant que la réunion devrait
établir des mesures proactives, sensibiliser la communauté
internationale et aider les États à s'attaquer aux causes
de la traite. " Ce n'est pas une liste de vux ", a-t-il
ajouté, " c'est une loi internationale ". |