L'architecture verte en inde
Concilier la technologie moderne et les méthodes traditionnelles
Par Raj Jadhav
Nous avons tenté de répondre aux effets négatifs
de la technologie moderne grande consommatrice d'énergie
en inventant de nouvelles techniques architecturales. Alors que
cette démarche est inévitable, je propose d'allier
le savoir-faire de nos ancêtres avec les innovations technologiques
modernes afin d'obtenir des résultats significatifs en matière
d'architecture durable. Dans certains cas, cette approche peut s'avérer
plus efficace que les résultats obtenus en utilisant seulement
la technologie moderne.
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Détails
d'un mur de protection en treillis de pierre, appelé
jaalis.
Photo © Karan Grover and Associates |
En Inde, nous disposons d'un réservoir de connaissances remontant
à des millénaires dans lequel nous pouvons puiser
aujourd'hui pour trouver les moyens de réduire la consommation
d'énergie dans les bâtiments. La pensée spirituelle
indienne intègre l'homme et le cosmos, le cosmos étant
directement lié à l'existence humaine. Fondée
sur cette connaissance, la civilisation indienne a toujours respecté
l'environnement. Les principes typiques comprennent une conception
adaptée au climat, l'utilisation de matériaux locaux
et durables, la récupération de l'eau, etc. La conception
architecturale est spécialement sophistiquée, après
des milliers d'années de raffinement. Les éléments
architecturaux, comme les cours, les groupes de construction, les
tours de ventilation, les terrasses sur les toits et les jaalis
(treillis de pierre), sont utilisés pour atténuer
les effets du climat et sont devenus des éléments
sociaux et culturels. Le défi est de concilier ces méthodes
traditionnelles et les innovations technologiques.
L'exemple d'un bâtiment indien démontre comment la
technologie moderne peut être efficacement associée
aux principes de l'architecture traditionnelle pour obtenir les
meilleurs résultats. En 2004, ce bâtiment a reçu
la certification prestigieuse Leadership in Energy and Environmental
Design (LEED) " Platinum " développé par
l'United States Green Building Council (USGBC). Terminé en
2004, le bâtiment CII-Sohrabji Godrej Green Business Center
créé à Hyderabad, en Inde, avec le soutien
de la confédération indienne de l'industrie, a été
conçu par le bureau d'architectes indien Karan Grover and
Associates. Il allie le savoir architectural traditionnel et les
concepts modernes de durabilité. Le bâtiment créé
dans le cadre d'un partenariat entre la confédération
indienne de l'industrie, Godrej & Boyce Manufacturing Company
et le gouvernement de la région d'Andra Pradesh, répond
aux deux contextes culturel et environnemental.
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Hyderabad, en
Inde. Le CII-Sohrabji Godrej Green Business Center, conçu
par Karan Grover and Associates. Photo © Karan Grover and
Associates |
Le bâtiment d'une surface de 1 869 m2 a été
conçu autour d'une cour - lieu de rencontre traditionnel
pour les échanges intellectuels, culturels et sociaux - qui
constitue un " puits de lumière " pour les salles
adjacentes. Il permet un apport d'air par le biais de tours de ventilation
et crée un intérieur protégé tout en
étant extérieur. La lumière naturelle de la
cour, associée aux systèmes d'éclairage à
efficacité énergétique ont permis d'économiser
88 % d'énergie, un taux très supérieur à
un bâtiment de la même taille, équipé
d'un éclairage électrique. Des détecteurs indiquent
les niveaux de luminosité dans la cour et déclenchent
l'éclairage électrique. Des régulateurs de
la lumière du jour éteignent les éclairages
superflus. 90 % des locaux ont accès à la lumière
naturelle et les occupants ont vue sur l'extérieur. Des jaalis
sont utilisés dans certains endroits pour empêcher
les reflets et les gains de chaleur, tout en facilitant la ventilation
et créant un lien visuel et auditif avec l'extérieur.
Les tours de ventilation aident aussi à faire des économies
en canalisant l'air et en le refroidissant quand il passe à
l'intérieur du puits. L'air refroidi à 8 °C alimente
les unités de gestion de l'air, réduisant la consommation
d'énergie de la climatisation.
La construction d'un bassin de récupération des eaux
de pluie est une autre technique ancienne qui permet de réduire
l'approvisionnement en eau assuré par la municipalité.
Les eaux de pluie sont retenues et l'eau s'écoule dans un
bassin situé en contrebas du site. Selon Grover, l'épuration
de l'eau fait appel à une méthode traditionnelle à
partir d'un filtre constitué de deux plantes enracinées
dans l'eau, la Phragmites Australis et la Typha Latifoli. L'eau
est ensuite utilisée dans l'aménagement paysager,
ce qu'on appelle le concept de la " Root Zone "; 100 %
de l'eau utilisée dans le bâtiment est recyclée,
ce qui permet de réduire de 30 % la dépendance vis-à-vis
de l'approvisionnement en eau de la ville. En outre, les architectes
ont appliqué le principe traditionnel indien préconisant
l'utilisation locale des matériaux - 60 % (par coût)
des matériaux sont récupérés dans un
rayon de 800 km, dont 95 % dans des sites locaux.
Le CII-Godrej GBC démontre également qu'il est possible
de concilier les méthodes traditionnelles et culturelles
et les éléments de la technologie moderne sans sacrifier
l'esthtique.
Le succès de ce projet nous encourage à respecter le
passé et nous rappelle que nous pouvons puiser dans ce vaste
réservoir de connaissances qui fait partie de notre histoire.
Ces méthodes ne sont pas uniques à l'architecture de
l'Inde ancienne. En faisant des recherches et en documentant des savoirs
similaires dans d'autres sociétés anciennes, nous pourrions
probablement trouver des solutions très utiles à la
crise énergétique actuelle.
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Toits
végétaux d'une salle de conférence Photo
© Karan Grover and Associates |
En Inde, le processus a déjà commencé. L'objectif
du Centre est de collaborer avec USGBC et de modifier le cadre LEED
en intégrant les connaissances indiennes traditionnelles, de
manière à l'appliquer aux conditions indiennes, et de
le propager en Inde et en Asie afin de placer l'initiative de CII-Godrej
GBC au centre de l'activité de l'architecture écologique
en Asie. Il est temps que les autres pays se joignent à cette
démarche écologique. |
Raj
Jadhav est architecte agréé, éducateur et chercheur
primé à Mumbai, en Inde. Il a écrit de nombreux
essais, des présentations sur l'architecture et des articles
pour des publications indiennes et internationales. En 2000, il
a reçu le prix d'excellence d'architecture JIIA-Anchor présenté
par The Journal of the Indian Institute of Architects.
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