Chronique ONU

Entre l’échec passé et les promesses futures

La discrimination raciale et le système d’éducation

Par Richard Race

Imprimer
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
L'article

L’objet de cet article est d’examiner le thème de la discrimination raciale dans le contexte de l’élaboration des politiques de l’éducation. Il s’appuiera sur un débat conceptuel en cours qui analyse les politiques éducatives et sociales actuelles au sein d’un cadre d’intégration/multiculturel, ainsi que les concepts « extrêmes » des politiques éducatives orientées vers l’assimilation et l’antiracisme. La méthode s’appuie sur les évidences politiques et les analyses de l’évolution des concepts d’intégration et multiculturalisme dans le cadre des politiques d’éducation.

Les premières et deuxièmes sources de données proviennent de documents sur les politiques éducatives et sociales de 1965 à nos jours en Angleterre et aux Pays de Galles. Les concepts, comme ils figurent dans le tableau ci-dessous décrivant la politique de l’éducation en Angleterre et au Pays de Galles, de 1950 à 2007, donne aux lecteurs une idée de la place accordée au thème de l’antidiscrimination dans le discours sur l’élaboration des politiques d’éducation. Cet article conclut par des recommandations sur la manière dont les promesses futures pourraient être réalisées en adoptant des politiques éducatives fondées sur des principes antidiscriminatoires.

Le multiculturalisme, en tant que concept, n’a pas perdu de son actualité en 2007 et est crucial dans les débats sociaux sur la diversité culturelle et la citoyenneté. Il revêt peut-être même une plus grande importance après les attaques terroristes du 11 septembre (2001) et du 7 juillet (2005). Le discours politique et celui sur l’intégration sont en porte-à-faux à la fois avec les réalités multiculturelles, par exemple les émeutes civiles à Birmingham (octobre 2005), à Paris (novembre 2005) et à Sydney (décembre 2005) et avec les notions scientifiques et sociales cherchant à définir la place du multiculturalisme aux niveaux national et international. Entre le 11 septembre 2001 et le 7 juillet 2005, les gouvernements mondiaux ont préconisé des approches intégrationnistes dans les domaines politique et social.

Trevor Phillips, président de la Commission de l’égalité raciale au Royaume-Uni durant cette période, a suggéré en 2004 que le multiculturalisme avait conduit le pays à la ségrégation raciale, où les groupes ethniques vivant à Londres et au Royaume-Uni vivent en vase clos, sans interaction avec les autres. « Au cours des dernières années », a-t-il dit, « nous nous sommes trop focalisés sur la diversité culturelle et pas assez sur la culture commune ». Il a appelé à un débat social et culturel sur le pluralisme de la culture britannique, demandant une étude sur le multiculturalisme, la ségrégation raciale et les mesures qui peuvent être appliquées dans la société contemporaine.

Les documents sur les politiques de l’éducation ont montré comment les hommes politiques et les fonctionnaires, en Angleterre et au Pays de Galles, ont géré le large flux d’immigrants au Royaume-Uni en 2006. La terminologie utilisée est significative. Dans Education of Immigrants, une circulaire sur l’éducation publiée en 1965 et en 1971, il est demandé aux communautés minoritaires de participer et d’assurer leurs responsabilités — mais être responsable envers qui ? Les stéréotypes raciaux sont renforcés, les familles caribéennes et pakistanaises étant particulièrement critiquées pour ne pas assumer suffisamment leurs responsabilités. Les documents abordent peu la question des écoles, des enseignants et du système éducatif et mettent l’accent sur l’assimilation et le discours intégrationniste social de l’époque. Toutefois, malgré le fait que les politiques de l’éducation aient favorisé l’intégration et que les autorités locales et les éducateurs aient reconnu la complexité des questions, les approches intégrationnistes (l’intégration associée à la diversité culturelle comme décrite par Roy Jenkins en 1967) ont été privilégiées seulement jusqu’à la moitié des années 1970.

L’intérêt des rapports de Rampton et de Swann réside davantage dans les échecs plutôt que dans les succès. Swann a préconisé une plus grande diversité culturelle dans les programmes d’éducation – l’accent n’étant pas mis sur les communautés des minorités mais sur ce qui était enseigné en classe. Le fait qu’il ait fallu huit ans pour terminer les rapports intermédiaires et finaux indique un « échec passé », mais les bonnes pratiques et les nouvelles initiatives ont été soulignées par deux comités qui considèrent que des progrès ont été réalisés dans le passé. Barry Tronya se penche sur la période allant de la publication de Swann en 1985 à la création du programme d’études national en Angleterre et au Pays de Galles en 1988. Un gouvernement conservateur n’allait jamais mettre en œuvre les recommandations « multiculturelles et antiraciales » plus radicales faites par Swann — ce qui indique que les partis politiques ont le droit d’accepter ou de refuser les recommandations des rapports.
 

En 2008, les éducateurs se réuniront à l’occasion du dixième « anniversaire » de la création du programme scolaire national en Angleterre et au Pays de Galles. La citoyenneté a été un sujet important du programme bien que n’étant pas obligatoire en Angleterre et au Pays de Galles pour les enfants de 5 à 11 ans. Ce programme couvre les éléments du multiculturalisme, des droits de l’homme, de l’antiracisme et même de l’antidiscrimination. Mais comment les gouvernements introduisent-ils ces idées et répondent-ils à l’évolution du monde contemporain ? Le discours gouverne-
mental a changé et est revenu à une politique intégrationniste en Angleterre et au Pays de Galles, avec le danger d’un retour des politiques éducatives et sociales visant à favoriser l’assimilation.

Avec l’élargissement de la Communauté européenne et le nombre important d’immigrants polonais et bulgares entrant dans le Royaume-Uni, il est nécessaire d’examiner des questions sociales plus vastes. Dans un environnement où existent le danger et la terreur, ces « questions sociales » dans le contexte du risque et du terrorisme ne sont pas seulement liées aux communautés musulmanes. Une meilleure compréhension et une plus grande cohérence sont nécessaires pour traiter la question du multiculturalisme, ce qui peut considérablement aider les enseignants, les écoles et la communauté de l’éducation.

L’idée maîtresse de cet article souligne l’importance du concept du multiculturalisme et encourage les débats sur la manière de l’utiliser et de l’appliquer aux systèmes d’éducation actuel. Avons-nous atteint un point qui nous ramène au débat de Phillips et au-delà, où nous devons envisager une autre politique que le multiculturalisme et redéfinir le débat ? Si nous voulons nous orienter vers des politiques plus antiraciales, plus antidiscriminatoires et abandonner les politiques éducatives et sociales visant à favoriser l’assimilation, je proposerai les recommandations suivantes :

  • Aux niveaux national, central, fédéral et local, les hommes politiques et les fonctionnaires doivent se rendre dans les écoles pour voir ce qui s’y passe et rendre compte à leur gouvernement des bonnes pratiques mises en œuvre dans les différents environnements. Les mesures administratives peuvent prévenir les politiques antiraciales, mais comme l’a récemment écrit Michael Barber dans Instruction to Deliver, les obstacles administratifs doivent être réduits pour permettre de créer, de développer et de mettre en place des mesures politiques.

  • Les comparaisons internationales sont importantes et les meilleures pratiques doivent être examinées et présentées au sein des communautés mondiales, comme les Nations Unies et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que dans les publications comme la Chronique de l’ONU. Il est intéressant de noter qu’à Roehampton University, mes étudiants commentent la Déclaration de Salamanque qui promeut un cadre d’action pour les besoins éducatifs spéciaux. Combien d’hommes politiques, de fonctionnaires et de chercheurs en éducation se rendent dans les écoles, ou y sont invités, pour voir si ces propositions sont mises en œuvre ?
  • J’estime qu’il est crucial que les législateurs et les responsables de la mise en œuvre des politiques sachent ce qui se passe. Il est important de conceptualiser, mais savons-nous ce qui se passe réellement dans les écoles et dans quelle mesure le programme scolaire, par exemple, est pertinent aujourd’hui ? Les bases de l’éducation – savoir lire, écrire et compter – sont cruciales, mais les programme scolaires devraient comprendre d’autres matières. En Angleterre et au Pays de Galles, la création et le développement de la citoyenneté comme matière obligatoire pour les élèves de 11 à 16 ans est une initiative importante, mais suffit-elle ?
Aujourd’hui, en 2007, en Angleterre et au Pays de Galles, les « promesses futures » résident dans une part de l’éducation qui doit être aussi importante que l’anglais, les maths et les sciences, en mettant l’accent entre autres sur le multiculturalisme, la lutte contre le racisme et la discrimination, à l’aide d’études de cas nationales, internationales et mondiales.
Biographie
Richard Race est maître de conférences en éducation et chercheur au Centre pour l’éducation des droits de l’homme, de la justice sociale et de la citoyenneté, à Roehampton University, à Londres, au Royaume-Uni. Il est coéditeur d’un ouvrage à paraître, Advancing Multiculturalism, post 7/7, et coéditeur d’études sur l’éducation intitulées Contemporary Issues in Education, aux éditions Continuum Books.
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
Copyright © Nations Unies
Retour  Haut