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Encourager une bonne gouvernance :
L'approche décentralisée du FIDA


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Dans toutes ces situations après les conflits, les interventions du FIDA, menées en collaboration étroite avec l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et le Programme alimentaire mondial, permettent de réduire la période entre les opérations de secours à court terme et le relèvement à long terme. Le Fonds joue également un rôle capital en remettant sur pied au niveau local la base vitale du processus de développement durable grâce aux mesures suivantes : le relèvement, tant sur un plan matériel qu'organisationnel, des organisations au niveau de base ; la remise en état des institutions locales au service des pauvres et l'accès au crédit et autres instruments de production; la conception et la mise en œuvre du processus de relèvement, en veillant à ce que les pauvres eux-mêmes prennent la tête du processus ; et la réintégration des rapatriés dans la société locale. Dans son ensemble cette démarche "de bas en haut" dans les situations de relèvement après une crise permet non seulement le rétablissement rapide des foyers mais encore elle favorise l'adoption de pratiques de bonne gouvernance au niveau local -- même lorsque le gouvernement national est encore faible.

Il va sans dire que le FIDA est déterminé, comme les autres, à orienter ses fonds vers les "auteurs des meilleurs performances". Mais ce qui compte pour le FIDA, c'est la performance et la gouvernance au niveau local, c'est-à-dire dans l'environnement immédiat des pauvres des régions rurales. L'application de critères de performance et de gouvernance au niveau "micro" a fréquemment amené le FIDA à tirer des enseignements très similaires à ceux qu'ont tirés d'autres donateurs. La Somalie, la Sierra Leone, la République démocratique du Congo et le Nigéria avant les récentes élections offrent à cet égard un exemple frappant. Et au Kenya, le FIDA a dû réduire sa coopération parce qu'il ne pouvait y maintenir une gestion financière saine -- un problème que l'on est en train de surmonter en explorant des systèmes acceptables et viables de décentralisation financière transparente. Mais il est arrivé que le FIDA, en appliquant ses critères de performance, décide de poursuivre ou même de lancer des projets de coopération, offrant ainsi un contraste saisissant avec d'autres institutions financières multilatérales et la plupart des donateurs bilatéraux. Cela est arrivé récemment par exemple au Soudan, au Rwanda, au Burundi et en République populaire démocratique de Corée. Cela se justifie, il est bon de le rappeler, parce que la mission et le rôle distincts du FIDA consistent à aider les pauvres en milieu rural avec des projets qui interviennent essentiellement au niveau de base.

C'est précisément cette démarche face à la réduction de la pauvreté qui a permis au FIDA de se rendre compte de ce qui, à mon avis, va devenir un gros problème politique dans l'application des résolutions du Sommet mondial pour l'alimentation de 1996 et de l'OCDE/ECC ("Façonner le XXIe siècle") en 1997 : orienter les ressources vers les pays les plus performants risque d'être en contradiction avec l'objectif d'ensemble de reduction de la pauvreté. Les pauvres habitent souvent dans des pays dont les performances ne sont pas bonnes et qui peuvent rarement satisfaire des normes élevées en termes de bonne gouvernance.

La communauté des donateurs doit donc relever le défi posé par cette tension inhérente, un défi qui est encore renforcé par la prise de conscience croissante de la nécessité de renforcer l'aide au développement dans la prévention des conflits et les situations de relèvement d'après les crises. Si les donateurs souhaitent s'acquitter correctement de cette tâche, ils doivent collaborer avec des pays qui se caractérisent par un environnement de macro-politique qui ne favorise pas un développement durable et participatoire, ce qui aggrave les risques de conflit. Les responsables politiques des institutions de développement commencent à se rendre compte qu'ils doivent se déciders:

  • Si l'objectif général des politiques de développement est de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées ou qui ont faim d'ici à 2015, alors l'aide au développement doit être orientée vers les pays qui souffrent d'un niveau élevé de pauvreté, en termes relatifs et absolus.
  • S'il existe un "rapport fondamental" entre un système de gouvernement ouvert, démocratique et responsable, et le respect des droits de l'homme et la possibilité de parvenir à un développement économique et social durable, alors l'aide au développement devrait être utilisée pour investir dans la pose des premiers éléments d'une bonne gouvernance et d'une participation de la population au processus de décisions.
En conséquence, les critères qui se fondent sur la gouvernance démocratique ne doivent pas être appliqués dans le souci principal d'exclure les auteurs de "mauvaises performances". En fait, ils ne devraient même pas être appliqués pour décider de l'octroi de ressources à des pays spécifiques mais plutôt pour analyser les problèmes dans le domaine de la gouvernance et la participation; pour définir les activités qui s'imposent pour trouver une solution à ces problèmes; et, en conséquence, pour évaluer la quantité de ressources nécessaires pour atteindre les objectifs fixés en ce qui concerne le cadre spécifique de macro-politique.

Bien sûr, il peut arriver et il arrivera qu'il ne soit pas raisonnable de coopérer avec un gouvernement au niveau national. Mais avant de mettre fin à toute coopération avec un "mauvais gouvernement", infligeant ainsi une double punition aux pauvres, une politique de développement axée sur la lutte contre la pauvreté exige que l'on cherche toutes les formes et tous les instruments de coopération possibles pour aider les pauvres sans contribuer à renforcer les conditions générales qui les maintiennent dans leur situation. Orienter les fonds vers les organisations non gouvernementales (ONG), ou par leur intermédiaire, peut apporter une solution à ce dilemme. Malheureusement, un Etat faible correspond dans la plupart des cas à une société civile faible.

Voilà pourquoi, dans les pays où la gouvernance n'est pas bonne, il sera difficile le plus souvent de trouver des ONG performantes. Le FIDA peut alors permetre aux donateurs bilatéraux qui ne veulent pas coopérer directement avec un gouvernement parce qu'il ne répond pas aux critères de performance et de gouvernance, d'atteindre les pauvres en milieu rural et de désamorcer la tension inhérente entre les objectifs d'allégement de la pauvreté et les critères de performance. Le FIDA, au moins, a toujours cherché des partenaires intéressés par sa stratégie sur deux fronts : agir au niveau local et avoir simultanément un impact structurel sur les politiques nationales. Les exemples de pays mentionnés ci-dessus montrent que dans certaines circonstances, ce n'est peut-être qu'en privilégiant l'environnement économique et institutionnel dans lequel les pauvres vivent que l'on peut introduire des réformes de structure. J'irais jusqu'à dire que le rôle "unique" que joue le FIDA en Corée du Nord, au Soudan et au Rwanda fait partie de ses spécificités et de son avantage comparatif.

Les membres peuvent envisager de se servir davantage de cette spécificité. Finalement, quand le FIDA applique ses critères spécifiques de performance fixés par ses organes directeurs, il ne sape pas les conditionnalités de bonne gouvernance décidées par les autres donateurs. En fait, il les soutient. La coopération entre le Groupe de la Banque mondiale et/ou les donateurs bilatéraux d'un côté, et le FIDA de l'autre, a prouvé qu'elle renforçait l'efficacité et l'impact de leurs contributions. La raison en est que ces approches différentes se complètent.

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