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Afghanistan:
Sur la voie de la reconstruction
Par Horst Rutsch


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Photo PAM/Khaled Mansour
Ravagé par la guerre et miné par plusieurs années de sécheresse, l’Afghanistan a connu ces derniers mois des changements historiques considérables. La fin de cinq années de régime taliban a ouvert une fenêtre d’espoir sans précédent en matière de paix et de prospérité dans la région. Cependant, après des décennies d’instabilité, les défis auxquels fait face le pays sont immenses et dangereux. Le peuple afghan, épuisé par les conflits armés qui ont menacé l’existence même de la nation, a besoin du soutien de la communauté internationale pour poursuivre son programme de reconstruction. Il a été confié aux Nations Unies un rôle central dans la mise en place et la coordination de cette assistance intégrée.

La future mission en Afghanistan n’a pas encore été finalisée. Cependant, l’ONU et les institutions pertinentes sont près d’obtenir un consensus. Le 6 février, le Représentant spécial du Secrétaire général en Afghanistan, Lakhdar Brahimi, a informé le Conseil de sécurité qu’une mission intégrée, remplissant des fonctions très spécifiques, était envisagée, laissant aux institutions afghanes un rôle aussi important que possible. L’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Mark Malloch Brown, dirige les premiers efforts, sous la coordination de M. Brahimi. Le nouveau Représentant spécial adjoint aux affaires humanitaires et de reconstruction, Nigel Fisher, devrait jouer un rôle important en regroupant les différentes parties du système de l’ONU engagées dans les activités de secours, de reconstruction et de relèvement et en s’assurant de la collaboration des institutions avec les autorités afghanes.

Mis à part ses opérations de maintien de la paix, l’ONU s’emploie depuis des années à fournir un secours humanitaire au peuple afghan et à mobiliser les ressources nécessaires pour reconstruire le pays. Lors de l’invasion soviétique, l’Assemblée générale a tenu, en 1980, une session spéciale d’urgence sur l’Afghanistan et a adopté la première série de résolutions par laquelle elle appelait au retrait de toutes les forces étrangères et demandait aux États de contribuer à l’aide humanitaire. En 1988, le Secrétaire général a mis en place une “mission de bons offices” pour surveiller le retrait des soldats soviétiques et a aidé les Afghans à trouver le chemin qui conduit à la paix. En 1992, l’Assemblée a accueilli favorablement la création d’un État islamique en Afghanistan et a fait appel à l’aide internationale pour créer un fonds d’affectation d’urgence destiné à soutenir la reconstruction du pays.

Mais les hostilités entre les chefs de guerre rivaux ainsi que l’escalade des affrontements religieux, ethniques et tribaux ont entraîné l’effondrement de l’autorité gouvernementale, ouvrant la voie au régime taliban qui, en 1996, contrôlait 90 % du territoire.Lorsqu’au cours des années suivantes, des rapports ont indiqué une augmentation du trafic de stupéfiants, de l’exportation du terrorisme et des violations graves des droits de l’homme sous le régime des taliban, le Conseil de sécurité a imposé des sanctions contre le régime en adoptant les résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) par lesquelles il préconisait la mise en place de sanctions financières, d’un embargo sur les armes et l’interdiction d’entrée et de transit dans le pays. Le 30 juillet 2001, adoptant la résolution 1363 (2001), le Conseil a mis en place un mécanisme permettant de surveiller l’application des sanctions. En réponse aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, les États-Unis et leurs alliés ont lancé le 7 octobre un assaut contre l’organisation Al Quaïda établie en Afghanistan, déstabilisant le régime taliban qui perdait le contrôle de la majorité du pays.

Le 13 novembre, M. Brahimi a présenté un programme élaboré avec les Afghans afin de trouver une solution à la crise et de reconstruire le pays. Appuyant la proposition, le 14 novembre, par la résolution 1378 (2001), le Conseil de sécurité confiait également à M. Brahimi la direction des activités humanitaires, des droits de l’homme et des droits politiques en Afghanistan.

Le 6 décembre, après neuf jours de pourparlers dirigés par l’ONU à Bonn (Allemagne), le Conseil a approuvé, dans la résolution 1383 (2001), un accord signé par l’Alliance du Nord et d’autres groupes afghans, par laquelle il nommait Hamid Karzai, chef du gouvernement provisoire. Ce jour-là, avec la chute de Kandahar, le régime des talibans s’effondrait. Mis en vigueur le 22 décembre 2002, l’Accord de Bonn définissait un arrangement politique provisoire pour le pays déchiré par la guerre, en établissant une Autorité intérimaire chargée de le diriger l’Afghanistan pendant une période de six mois, tandis qu’une Commission indépendante était chargée de convoquer dans les six mois la Loya Jirga - une assemblée traditionnelle de chefs locaux élus - afin de former un gouvernement de transition. Inaugurée le 7 février, la Commission, composée de 21 membres et créée sous l’égide de l’ONU, a confirmé qu’elle consulterait le pays afin de s’assurer que la Loya Jirga sera pleinement représentative de toute la population afghane.

Depuis le transfert du pouvoir le 22 décembre, le chef de l’Autorité intérimaire, Hamid Karzai, s’est employé à établir son administration comme gouvernement central. Malgré de nombreux obstacles, dont l’absence d’un personnel formé, la destruction des bâtiments où siègent les ministères ainsi que le manque de matériel, de téléphones et d’autres installations de base, la plupart des ministères ont pu fonctionner.

L’un des plus importants accomplissements, qui a augmenté la crédibilité au gouvernement, fut le paiement, le 22 janvier, des salaires des employés de la fonction publique. Le 6 février, M. Brahimi a cependant mis en garde que d’importantes sommes d’argent supplémentaires étaient nécessaires dans les mois à venir pour permettre à l’Autorité intérimaire de payer les salaires sur une base régulière et de fournir les services dont sont chargés les gouvernements.

La préoccupation majeure de la population afghane concerne la sécurité. Les tensions, qui ont abouti à une impasse à Gardez et à Mazar-e-Sharif, ont montré combien le processus de paix était encore fragile. Le Conseil de sécurité - agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU - a autorisé le 20 décembre l’emploi de la force, adoptant la résolution 1386 (2001) par laquelle il autorisait la constitution pour six mois d’une Force internationale d’assistance à la sécurité sous le commandement du général de brigade britannique John Mc Coll. À la fin février, la Force internationale comptait 4 500 militaires, fournis par 17 États Membres. Le Conseil a demandé à ceux qui participaient à la force internationale d’aider l’Autorité intérimaire à établir et à entraîner de nouvelles forces de sécurité et une nouvelle armée.

Photo PAM/Khaled Mansour
Appelant les parties afghanes à “tout faire dans les limites de leurs moyens et de leur influence” pour assurer la sûreté, la sécurité et la liberté de mouvement de tous les membres du personnel des Nations Unies et du personnel international, le Conseil leur a demandé de retirer toutes les unités militaires de Kaboul. Le mandat, confié par le Conseil à la Force internationale pour qu’elle maintienne la paix et la sécurité à Kaboul et dans les environs, était envisagé dans l’Accord de Bonn, qui stipulait qu’une telle force “pourrait s’étendre à d’autres centres urbains et à d’autres régions”.

Le 6 février, M. Brahimi a rapporté que la présence visible de la Force dans la capitale avait amélioré la sécurité et avait suscité “une demande croissante de la part des citoyens afghans, des membres de l’Autorité intérimaire et même des chefs de guerre” pour étendre la Force internationale au reste du pays. Lors d’une réunion ordinaire du Conseil, Hamid Karzai a annoncé le 30 janvier que le peuple afghan se félicitait de la présence de la Force internationale en attendant qu’une nouvelle police et une nouvelle armée soient établies et formées. “L’extension de la présence des forces multinationales à Kaboul et dans d’autres villes, indiqueront l’engagement constant de la communauté internationale à assurer la paix et la sécurité en Afghanistan.”

Dans une déclaration présidentielle, le 30 janvier, le Conseil a noté que les efforts visant à instaurer la paix et la sécurité en Afghanistan étaient “sur la bonne voie”. Il a toutefois souligné l’importance d’une assistance humanitaire rapide et coordonnée, faisant remarquer que les organisations de l’ONU et les organisations non gouvernementales (ONG) “devaient être en mesure de travailler en toute sécurité et de jouir de la liberté de mouvement, particulièrement dans les régions les plus défavorisées. Mettant en garde que la réconciliation et la reconstruction ne devraient pas être remises en cause par des pressions ou une intervention extérieures, il a demandé aux différents groupes ethniques du pays de “mettre leurs différences de côté et de s’engager dans la reconstruction d’une nation démocratique.”

Le Conseil a souligné qu’il était “essentiel” que le futur gouvernement respecte les droits de l’homme du peuple afghan, quels que soient le sexe, l’ethnie et la religion, et s’est félicité des “mesures courageuses” prises par l’Autorité intérimaire pour promouvoir les droits des femmes - en nommant notamment des femmes aux postes de ministres - et pour contrôler le trafic de stupéfiants tels que l’opium et l’héroïne, en particulier en décrétant l’interdiction de la culture du pavot.

Le 16 janvier, il a décidé que tous les États devraient prendre des mesures pour bloquer toute riposte de l’organisation Al-Quaïda et des talibans, notamment le gel des avoirs, l’interdiction d’entrée de leurs membres dans le pays et l’interdiction de fournir des armes. Le 7 février, mettant en garde que la lutte mondiale contre le terrorisme pourrait affaiblir les lois internationales destinées à protéger les demandeurs d’asile, le Haut Commissaire pour les réfugiés, Ruud Lubbers, a annoncé que l’Afghanistan se retrouverait dans une “situation similaire à celle de 1992” si la sécurité continuait à se détériorer dans le pays.

Le 27 septembre 2001, le Secrétaire général, Kofi Annan, a lancé un appel de 584 millions de dollars pour consolider l’aide humanitaire de l’ONU destinée à quelque 7,5 millions d’Afghans. Le 25 janvier, avec la nomination de Nigel Fisher au poste de Représentant spécial adjoint aux affaires humanitaires, les efforts de secours en Afghanistan se sont multipliés, s’étendant à d’autres régions considérées jusque-là comme dangereuses. Pourtant, avec le nord du pays paralysé par l’hiver, la situation des personnes déplacées dans le pays, spécialement celle des enfants, a empiré.

“Les réfugiés afghans, qui avaient trouvé refuge dans les pays voisins, sont de plus en plus nombreux à rentrer en Afghanistan.”


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