Chronique ONU
Actualités/Système
Le VIH/sida en Afrique

et l'avenir du développement
Par Lennart Båge

Imprimer
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
L'article
Nombreux sont ceux, dans les pays développés, qui considèrent que la crise du VIH/sida ne donne plus lieu de s'inquiéter. On ne parle plus des effets dévastateurs de l'épidémie en Afrique. L'attention internationale s'est portée sur d'autres crises. Il existe aussi le sentiment que la situation est maîtrisée grâce à la plus grande disponibilité des fonds destinés à combattre le VIH/sida et le meilleur accès aux antirétroviraux.

Mais ce n'est pas le cas. Le VIH/sida continue d'être un grave problème en Afrique. La crise persiste, s'aggrave et résiste aux solutions faciles. La maladie est non seulement un obstacle sérieux aux efforts de développement mais change l'avenir même du développement. L'épidémie a décimé une génération entière de jeunes adultes. Nés après l'indépendance, ils représentaient les espoirs, les réserves et les investissements de leur peuple. Les communautés et les sociétés sont amenées à survivre le mieux qu'elles peuvent. Si on ne les soutient pas, les Objectifs du Millénaire pour le développement ne seront que de vaines paroles, et les stratégies visant à réduire la pauvreté seront, elles aussi, peine perdue.

Les épidémies ne concernent pas seulement la mort de personnes mais aussi leur vie. En Afrique subsaharienne seulement, le VIH/sida a causé 17 millions de morts. Plus de 25 millions de personnes sont séropositives, incapables d'empêcher que leur famille ne s'enfonce davantage dans la pauvreté. En 2001, environ 11 millions d'orphelins en Afrique subsaharienne grandissent tant bien que mal pour devenir des adultes. La propagation rapide et la persistance de la maladie reflètent les conditions sociales qui rendent les pauvres en Afrique vulnérables au VIH/sida. Les facteurs économiques et sexospécifiques augmentent le risque de contamination par le virus. De par le manque d'accès à l'éducation et à la communication, les gens n'ont pas les informations nécessaires pour comprendre le VIH/sida et les dangers qu'il représente. Des services publics insuffisants laissent les familles et les communautés démunies pour confronter la crise.

Dans les régions rurales d'Afrique, les pauvres, en particulier les femmes, représentent le segment de la population le plus important et le plus faible. Ils ont moins d'opportunités économiques et un accès limité à l'éducation, à l'information et aux services publics tels que les soins de santé. Ils sont donc les plus durement touchés par le VIH/sida et leurs familles et leurs communautés deviennent de plus en plus pauvres et vulnérables. Ils épuisent leurs ressources déjà maigres pour s'occuper des malades et sont constamment affaiblis par la perte des membres de leur famille les plus actifs.

La crise du VIH/sida est grave parce qu'elle exploite les points faibles de la société, dont la plupart sont liés à la pauvreté. Les régions riches ne sont pas touchées par l'épidémie dans les mêmes proportions que l'Afrique. La faiblesse de la société constituant un facteur fondamental du sida, la lutte contre celui-ci n'est pas seulement une question médicale ou de santé publique. Même si les campagnes spécialisées et intensives sont nécessaires, elles ne suffisent pas à répondre au défi. Il est essentiel de répondre à la faiblesse sociale et économique qui favorise le VIH/sida. Nous savons aussi que les opportunités économiques rurales limitées, les questions sexospécifiques et le manque de ressources des communautés rurales seront au cour de l'épidémie tant que l'impact de ces facteurs ne sera pas réduit.

Si le VIH/sida est un défi scientifique, cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas affronter les facteurs sociaux et économiques qui contribuent à sa propagation. On connaît aussi bien les stratégies et les solutions destinées à lutter contre la pauvreté liée à l'épidémie du VIH/sida que celles en matière de lutte contre le paludisme et les maladies d'origine hydrique - autres maladies mortelles en Afrique qui sont étroitement liées aux forces socio-économiques. Il est impératif de comprendre ces faits et de mobiliser les gouvernements, le système de l'ONU et les donateurs afin de répondre aux crises sociales parallèlement aux activités spécifiquement destinées à lutter contre la maladie.

En fait, on constate une diminution importante, en termes de revenu par habitant, des ressources nationales et externes consacrées à l'amélioration de la vie des pauvres vivant dans les zones rurales. De plus, une grande partie de l'aide n'a pas réussi à développer les atouts du continent. L'aide a été concentrée sur les dépenses publiques, or dans l'Afrique rurale, les foyers et les communautés se prennent principalement en charge eux-mêmes.

Le secteur public joue un rôle essentiel, mais le rôle des familles et des communautés, tel que le programme Secours des femmes ougandaises pour sauver les orphelins (voir page 53) n'en est pas moins important. Les programmes consacrés spécifiquement au VIH/sida doivent toucher le plus grand nombre afin de renforcer la capacité des familles et des communautés. Il faut également renforcer le développement rural et se concentrer sur le cour du problème : les pauvres ont besoin d'opportunités et de capacités pour construire une vie meilleure et plus sûre, inscrite dans un changement social et économique durable.
Biographie
Lennart Bâge est président du Fonds international pour le développement de l'agriculture (FIDA) depuis février 2001. Il est entré au FIDA après 25 ans d'expérience dans le développement international et une participation active et de longue date dans le système de l'ONU et les institutions multilatérales. Il a été ministre des Affaires étrangères de Suède et directeur du Département de développement et de coopération internationale.
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
Copyright © Nations Unies
Retour  Haut