Theme: Employment and Sustainable
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Le micro crédit est une caractéristique du secteur informel il implique donc un mode de production étroitement lié à la culture traditionnelle au sein de laquelle il se développe. Le seuil de pauvreté quatteignent les attributaires du micro crédit fait que ce dernier exige préalablement, à son octroi, des garanties ou cautions qui, faute dêtre matérielles, sont dordre culturel.
Ces attributaires sont dans leur immense majorité dans lignorance de la langue dinfluence européenne.
La diffusion du micro crédit à travers le monde, reflète les caractéristiques principales de la diffusion des langues vernaculaires et plus généralement des cultures traditionnelles des peuples.
Cest ainsi que se mettent en place des espaces de diffusion uniforme du micro crédit ou, au contraire, des espaces de diffusion dune infinie diversité.
Les cultures dinfluence européenne ou américaine, quelles soient de caractère francophone ou anglophone, après avoir accentué des différences de processus de diffusion, semblent rechercher désormais, des complémentarités. Des types mixtes de diffusion du micro crédit se mettent en place un peu partout, plus facilement semble-t-il, dans les espaces marqués par une tradition de diversité. Actuellement, un secteur intermédiaire entre le formel et linformel multiplie et diversifie les institutions de financements décentralisés, vers une plus grande proximité comparativement au secteur formel, bénéficiant dune dimension culturelle désormais prise en compte.
En Afrique et tout particulièrement dans la partie à lOuest du continent, lhistoire, les cultures traditionnelles sont toujours vivaces. La multiplicité des ethnies, présente un ensemble dune richesse et dune diversité infinie. Loralité de ces cultures, quelles soient de caractère nomade, rural, citadin, forestier, savannier, montagnard, sahélien, chrétien, musulman, ancestral..., explique en partie leur foisonnement. LAfrique de lOuest compte à elle seule plusieurs centaines de langues parlées.
Par ailleurs, antérieurement à linfluence européenne, lAfrique a connu tous les régimes politiques que les hommes aient pu imaginer depuis la démocratie villageoise de type direct jusquaux plus vastes empires dynastiques.
Comme facteurs de diversité, il faut noter quen dépit dune relative mobilité, la faible densité de la population du continent, enclave depuis toujours les ethnies et favorise en conséquence la multiplicité des cultures.
De plus, lintervention occidentale en Afrique francophone, nest pas uniforme. Tous les pays dEurope, quils soient ou non de langue française, ainsi que le Canada, y déploient une multiplicité de systèmes financiers décentralisés qui parachevant le caractère diversifié du micro crédit dans cette zone.
Le micro crédit de plus grande proximité et de plus grande diffusion est le crédit familial. Il est traditionnel et de ce fait, il épouse toutes les variations de la tradition que sous-tend la segmentarisation sociale. Depuis le don accordé, à lun de ses membres, par la famille (à charge de revanche...) jusquau prêt usuraire, lAfrique multiplie indéfiniment à travers ses ethnies, ses subdivisions et les rameaux de celles-ci, les formes de micro crédits familiaux. 95% des micro-entreprises de Guinée étaient en 1990, « soient autofinancées, soient financées par la famille pendant la période de lancement » (Organisation Internationale du Travail).
Les membres dun groupe bénéficient à tour de rôle de lépargne cumulée par ce groupe. Le crédit est autonome, cest-à-dire non alimenté par une source du secteur formel. Il peut-être, tant du côté de la source que des bénéficiaires, de caractère masculin, féminin (le plus fréquemment), conjoint, familial, lignagère... le groupe peut-être occasionnellement constitué ou traditionnellement existant. La matière de lépargne collective ne prend pas nécessairement la forme de monnaie. Elle peut-être le produit dune récolte, dun artisanat...
Le garde monnaie recueille quotidiennement cette épargne quil remet à disposition mensuellement, la sauvegardant ainsi de son anéantissement en raison dun trait culturel résiduel, mais vivace issu du caractère anciennement indivis de tout bien matériel existant au sein dune famille.
Le garde monnaie est plutôt une institution citadine. Dans le monde rural la monnaie déchange nimite pas partout celle de la ville où dailleurs elle nest pas totalement absente. Elle peut revêtir une infinité de formes allant du guinzé guinéen, petite sculpture en fer forgé, jusquà la cola périssable, en passant par toutes sortes dobjets symboliques tels que coquillage et autres... Au-delà de cette infinie diversité traditionnelle, elle présente en revanche un signifié invariable à savoir limplication des ancêtres, doù son caractère discret sinon secret, en tous les cas, sacré. En conséquence, une remarquable ignorance est toujours manifestée, par le système financier décentralisé ou semi-formel et, à plus forte raison, par le système formel, à légard des valeurs de ce système monétaire traditionnel éminemment culturel; ce qui peut expliquer bien des échecs. Sur cet arrière plan, tant diversifié et autonome, que constituent le crédit épargne familial et la tontine, se mettent en place d'autres institutions de crédits de proximité, elles aussi marquées du sceau de la diversité qui distingue les espaces francophones.
Initiés par lAllemand Reifesen en 1864 (caisses de crédit rural) puis le Canadien Desjardins (caisses populaires Desjardins) ces systèmes mutualistes ont été par la suite largement mis en pratique sur toute la zone dinfluence francophone qui leur doit son originalité, même si antérieurement ils n'ont pas été ignorés en zone anglophone.
Les réseaux de coopératives de crédit telles que les caisses populaires dépargne et de crédit (CPEC) au Burkina Fasso (depuis 1972), les crédits mutuels de Guinée (1988) ou du Sénégal (1988),les caisses rurales dépargne et de prêts (CREP) en Côte dIvoire, les banques populaires au Rwanda, les caisses villageoises dépargne et de crédit autogérés (CVECA) au Mali (1988) et au Burkina Fasso, les caisses locales de crédit Agricole mutuel (CLCAM) et leurs fédérations, telle la FECECAM (1975) au Bénin, la FUCEC au Togo, les banques villageoises de ce dernier, les caisses villageoises du Mali, les programmes de crédit tel le PRIDE de Guinée, le réseau Nyesigiso au Mali qui regroupe des caisses mutuelles auxquelles Desjardins apporte un appui financier et technique parallèlement à dautres appuis tels que l'Unicef, le Corps de la Paix, la Ville dAngoulême... toutes ces institutions de type mutualiste naccordent quun très petit nombre de prêts par rapport à la quantité dépargne amassée. Les caisses populaires du Burkina fasso comptent en 1994 64000 membres qui font un dépôt moyen de 76 $US sans intérêt, et naccordent pourtant que 3710 prêts, les dépôts constituant 160% du portefeuille global des prêts. Le Crédit Mutuel de Guinée naccorde, au même moment, que 2800 prêts parmi ses 45000 membres, les dépôts atteignant 248% du montant des prêts.(doc. Banque Mondiale N° 342F).
Dune façon générale et au-delà de leur diversité, ces institutions ont en commun, outre le fait dêtre, à lorigine, soutenues par des bailleurs de fonds, de mobiliser plus dépargne quelles naccordent de prêts. Si, en conséquence, les personnes les plus démunies étaient plutôt exclues des prêts, léducation à lépargne serait par contre une réalité.
Ces institutions intermédiaires ou semi-formelles, tentent datteindre cependant les secteurs les plus pauvres, lexclusion la plus radicale, mais ce nest parfois que de façon temporaire. Elles réalisent par ailleurs, conditionnées par leurs faibles moyens, des programmes trop limités dans le temps et lespace (de quelques centaines à quelques milliers de prêts, le temps du soutien accordé par les bailleurs de fond). Ces actions ponctuelles et limitées offrent limage dune très grande diversité de micro projets, dattributaires et dappuis, diversité qui reste la caractéristique des espaces francophones évoqués.
Ce système financier décentralisé, faute de pouvoir exiger des garanties matérielles de ses emprunteurs, pauvreté oblige, fait appel en ce qui concerne loctroi des prêts, à des garanties morales et autres cautions sociales apportées par un groupe de personnes de même condition et de même héritage culturel, capable dexercer éventuellement, par le biais de cet héritage commun (respect de lengagement pris devant le groupe), une pression autre que matérielle, sur lattributaire, en cas de défaillance de sa part.
Lobjectif, situé dans le long terme, est déduquer au système financier, alors que paradoxalement, des échéances importantes sont fixées pour un future proche à lan 2005 (100 millions de familles les plus pauvres, notamment les femmes de ces familles, doivent bénéficier des crédits et autres services financiers et commerciaux qui leur permettront dexercer une activité indépendante) et 2006 (évaluation de la Décennie des Nations Unies pour lélimination de la pauvreté). Lentrave principale provient du manque de prise en compte des cultures traditionnelles gérées par lindivision des biens matériels. Doù les échecs et les faillites des institutions à caractère usuraire prononcé qui ont occulté la culture des personnes auxquelles elles sadressaient.
La connaissance des cultures est une condition impérative à la diffusion du micro crédit comme barrage à la pauvreté.
En zone francophone, étant donné le nombre et la diversité des pays européens intervenant, les ONG, viennent renforcer la tendance à la diversification des formes de micro crédit. Si laspect éducatif, et plus généralement qualitatif de leurs interventions, savère toujours remarquable, laspect quantitatif, en revanche, en révèle les limites.
Une des faiblesses des ONG est soulignée par le rapport de la Banque Mondiale (N°342F.p.52) concernant la rupture entre d' une part, la pauvreté et le bénévolat de la campagne et d'autre part, « les coûts salariaux en ville qui, moins les frais occasionnés par les expatriés, calculés en pourcentage du portefeuille moyen des encours de prêts, atteignent jusquà 100% ».
Si diversifié soit-il, avec une orientation nettement plus qualitative que quantitative, le système financier décentralisé dAfrique francophone repose, principalement jusquà 1975, sur une tradition mutualiste caractérisée principalement par l'exigence d'une épargne préalable au prêt. Cette exigence est si forte, que considérant l'impossibilité des plus démunis et des paysans les plus pauvres à faire face à cette exigence, des systèmes de prêts sans épargne préalable ont été mis en place, en Guinée par exemple avec une épargne obligatoire prélevée sur le prêt.
Le Bangladesh dinfluence européenne anglophone, atteint, dune part, lun des seuils les plus bas que connaisse la pauvreté humaine, et dautre part, lune des densités humaines au km2, les plus fortes au monde. Le pays na pas les grands espaces vides connus en Afrique. Les populations extrêmement denses dans les villes comme dans les campagnes les plus enclavées, présentent une réelle homogénéité ethnique et culturelle, bien quil faille plutôt parler de déculturation vue les violentes épreuves queurent à subir ces populations au cours des dernières décennies.
Il nexiste au Bangladesh quune seule unité linguistique et qu'une seule religion, lIslam, devenu par ailleurs, religion dEtat. Il est à noter de plus que linfluence de larmée sur la vie politique reste importante. Les différents régimes politiques qui se sont succédés ces dernières décennies au Bangladesh ont accentué cette tendance à luniformisation. Misère mise à part, le contraste avec lAfrique francophone, est total.
Cest le projet dun seul homme, le professeur Yunus, qui a été élaboré pour doter les pauvres dune banque afin de les aider à sextraire dun extrême état de pauvreté. En 1994, plus de deux millions de familles bénéficient du même micro crédit dispensé par la Gramen Bank. Ayant constaté le niveau de pauvreté de ses concitoyens, le professeur Yunus sest orienté vers une forme de crédit solidaire qui exclue lépargne. La caution que la banque des villageois exige est dordre culturel car elle met en jeu lengagement pris par le bénéficiaire à respecter, devant un groupe de cinq personnes de références culturelles identiques, son contrat de crédit.
Ce contrat comprend un volet social en 16 points telles que les obligations de scolarisation, de faire pousser sur son terrain des légumes, de renoncer à la dot de mariage, de sadonner à une gymnastique, de faire des saluts, de déclamer des slogans. Ces différentes obligations sont apparues comme des mesures totalitaires aux yeux dobservateurs accusés par le professeur Yunus dignorer la culture du pays et la portée réelle de ces mesures.
Quoiquil en soit, il y a là des formes de diffusion de micro crédit inconcevables en zone francophone plurielle. La diffusion du micro crédit Grameen Bank se fait dune façon régulière et massive. Dans les villages où elle intervient, le niveau de vie des pauvres a augmenté uniformément de 30%, sans pour autant amorcer une réelle croissance économique. Ceux dont la vie a changé en terme dune plus grande activité traditionnelle, doivent continuer à emprunter. Face à cette situation, le professeur Yunus introduit des projets technologiques que le micro crédit semblait exclure partout ailleurs dans le monde.
Le phénomène Grameen Bank est si puissant, quil gagne les autres continents, franchissant toutes les barrières linguistiques. Deux millions de micro crédits fonctionnent au Bangladesh en 1993. Un million distribué sur le continent indien par une banque au système semblable. LAmérique Latine et lAfrique francophone suivent et l'on constate que le système mutualiste francophone et le système solidaire anglophone se côtoient dabord avant de simbriquer (Guinée, Viet Nam, Cambodge, Amérique Latine).
A ce niveau de lobservation, sans pousser plus loin une analyse qui aurait encore besoin de données régulières, toujours manquantes, concernant particulièrement les impacts durables des micro crédits, il apparaît quen zone dinfluence francophone, le micro crédit, à travers sa foisonnante diversité, présente des contraintes matérielles (telle lépargne obligatoire à laquelle la mentalité mutualiste est tant attachée ), difficilement supportables par des populations pauvres. En revanche le caractère respectueux des traditions culturelles, et plus généralement la différence et de la dignité humaine semblent être apprécié par ces mêmes populations. Sortir de la pauvreté lentement certes, mais dignement.
Presque à l'opposé, en zone anglophone, la contrainte matérielle est quasi inexistante (absence dexigence de lépargne) tandis que la pression dordre culturel, tant au niveau de lobtention du prêt (caution dun groupe, donc, avant tout, culturelle), quà celui de son déroulement (programme socio-culturel en 16 points), est particulièrement lourde mais ce qui constitue un blocage dans des conditions naturelles et historiques telles que celles signalées en Afrique francophone, trouve ici, dans des conditions profondément différentes, un terrain favorable à son épanouissement ce qui représente un premier et réel recul de la pauvreté.
Quelle que soit: - la forme du crédit, (traditionnelle, mutualiste, solidaire, mixte...), - la culture traditionnelle au sein de laquelle il opère, (asiatique, africaine, sud-américaine...), - la culture dinfluence européenne ou américaine qui uvre à son développement, (francophone, anglophone...)
Le micro-crédit présente invariablement, à travers peuples et continents, la même caractéristique, de faire toujours appel, au début de son processus dattribution, à une caution solidaire apportée par un groupe dhommes de lentourage de lattributaire.
Etant donné que le micro crédit sadresse aux hommes et aux femmes les plus pauvres privés, tant lattributaire que son groupe de caution, des garanties que procure la propriété dune terre, dun bâti, etc..., c'est donc essentiellement sur lassurance que ce groupe procède du même héritage en matière de respect de lengagement pris, de dignité, de citoyenneté, dhonneur... que se repose la décision dattribution.
Le micro-crédit est un crédit accordé grâce à une identité des fondements culturels auxquels se réfèrent le groupe de caution et lattributaire de ce crédit, son assurance est avant tout culturelle faute dêtre matérielle.
Si dans un premier temps, les zones dinfluence francophone et anglophone sopposaient sur lexigence dune épargne préalable à lobtention du micro crédit, on constate, bien que des études précises sur ces questions soient attendues, quen zone francophone, lesprit mutualiste qui exigeait cette épargne préalable, ait évolué vers un renoncement partiel de ce principe. En République de Guinée, par exemple, le prêt peut être accordé sans épargne préalable. Mais pour autant ce renoncement nest pas total à terme, une épargne sur le prêt, réputée"indolore ", autoritaire et indirecte est pratiquée qui accompagne un développement relativement dynamique.
En Asie cette épargne sur le prêt présente un intérêt grandissant. La Grameen Bank qui justifie sa dépendance à légard des bailleurs de fonds par son extension incessante, souhaite malgré tout réaliser son autonomie et considère sous un jour nouveau cette épargne si contraignante au départ mais finalement libératrice.
Pour conclure et en constatant quun micro crédit « franglais » de synthèse entre le mutuel et le solidaire se mondialise et sans doute à terme suniformisera, la question reste de savoir, de quelles formes nouvelles le doter dans la perspective déchéances telles que sa mise à disposition pour 100 millions de familles en 2005; face à une pauvreté planétaire qui grâce à lui aura perdue son caractère dramatique et intolérable, mais qui à cause de lui ne disparaît guère.
* Consultante, Agence de Coopération Internationale pour l'Intégration Economique et Sociale des Personnes Handicapées (Montréal). Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions du Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies.