Programme de communication sur le génocide des
Tutsis au Rwanda en 1994 et l'ONU

Le Rwanda a entrepris un processus ambitieux de justice et de réconciliation pour tous les Rwandais, pour leur permettre de vivre à nouveau en paix l'un à côté de l'autre.

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Durant le génocide de 1994 au Rwanda, près d'un million d'individus ont trouvé la mort et environ 250 000 femmes ont été violées, laissant la population du pays traumatisée et son infrastructure détruite. Depuis, le Rwanda a entrepris un processus ambitieux de justice et de réconciliation pour tous les Rwandais, pour leur permettre de vivre à nouveau en paix l'un à côté de l'autre.

La justice à la suite du génocide

Au cours des années qui suivirent le génocide, plus de 120 000 individus furent enfermés et accusés de responsabilité criminelle pour leur participation aux massacres. Pour faire face à un nombre aussi important de personnes incriminées, le système judiciaire se mit à fonctionner sur trois niveaux :

Le tribunal pénal international pour le Rwanda

Le tribunal pénal international pour le Rwanda a été créé par le Conseil de sécurité des Nations unies le 8 novembre 1994 et officiellement fermé le 31 décembre 2015. Son mandat est de poursuivre en justice les personnes gravement responsables du génocide ainsi que de violations sérieuses des lois humanitaires internationales, commises au Rwanda du 1er janvier au 31 décembre 1994.

Le premier procès a commencé en janvier 1997 et, en décembre 2012, le tribunal avait terminé ses travaux concernant la phase de première instance de son mandat. Au cours de ses deux dedécennies de travail à Arusha, en Tanzanie, le TPIR a condamné 61 personnes à des peines de prison à vie pour leur rôle dans les massacres. Quatorze accusés ont été acquittés et 10 autres référés à des juridictions nationales. Le TPIR a tenu 5.800 jours de travaux, mis en accusation 93 personnes, publié 55 premières instances et 45 appels en jugement, et entendu « les récits puissants de plus de 3000 témoins qui ont courageusement raconté certains des événements les plus traumatisants imaginables lors des procès du TPIR », a dit le juge Vagn Joensen, Président du TPIR, au Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre à 2015.

Le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (IMCT), mis en place par le Conseil de sécurité en décembre 2010, prendra le relais et terminera les tâches restantes du TPIR - et du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Le mécanisme joue un rôle essentiel pour garantir que la fermeture du TPIR ne laisse la porte ouverte à l'impunité pour les fugitifs restants. La branche TPIR du Mécanisme a commencé de fonctionner le 1er juillet 2012.

Le tribunal a émis plusieurs jugements repères, en particulier :

  • L'ancien maire Jean-Paul Akayesu a été inculpé en 1998 pour neuf cas de génocide et de crimes contre l'humanité, une première pour un tribunal international sur le génocide. Le jugement a été aussi le premier a retenir que le viol et les attaques sexuelles constituaient des actes de génocide-du fait qu'ils étaient commis avec l'intention de détruire entièrement ou en partie un groupe ciblé.
  • La condamnation en 1998 du premier ministre de l’époque du génocide, Jean Kambanda, à la prison à perpétuité, est la première fois qu'un chef de gouvernement a été condamné pour le crime de génocide.
  • Le « Cas des médias » jugé par le Tribunal en 2003 est la première condamnation depuis celle de Julius Streicher à Nuremberg après la deuxième guerre mondiale à faire l'examen du rôle des médias dans le contexte de la justice criminelle internationale.

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Les tribunaux nationaux

Les tribunaux nationaux du Rwanda poursuivent en justice ceux qui sont accusés d'avoir planifié le génocide ou d'avoir commis des atrocités, en particulier des viols. Les tribunaux nationaux ont jugé environ 10 000 suspects de génocide jusqu'à la mi-2006.En 2007, le gouvernement rwandais abolit la peine de mort qui avait été appliquée pour la dernière fois en 1998, où 22 individus avaient été exécutés après avoir été condamnés pour des crimes relatifs au génocide. Cette évolution élimina un obstacle majeur au transfert de cas de génocide du tribunal international aux tribunaux nationaux, avec la fermeture des travaux du premier.

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Les juridictions populaires, dites Gacaca

Pour faire face a l'évidence qu'il y avait encore des milliers de prévenus en attente de procès dans les tribunaux nationaux et pour apporter justice et réconciliation jusqu'au niveau communautaire, le gouvernement rwandais a rétabli en 2005 les juridictions populaires traditionnelles dites « Gacaca » (prononcer GATCHATCHA).

Dans les juridictions Gacaca, les juges étaient élus au niveau local par la communauté pour juger les suspects de tous les crimes de génocide à l'exception de sa planification. Les juridictions infligeaint des peines plus légères si l’individu était repentant et voulait se réconcilier avec la communauté. Souvent, des prisonniers ayant avoué rentraient chez eux sans être punis ou recevaient l'ordre d'exécuter des tâches communautaires. Plus de 12 000 tribunaux communautaires ont effectué plus de 1,2 millions de jugements à travers le pays.

Les jugements Gacaca servaient également à encourager la réconciliation en permettant aux victimes d'apprendre à vérité sur la mort de leurs proches. Ils donnaient aussi aux coupables l'occasion d'avouer leurs crimes, de déclarer leurs remords et de demander pardon devant la communauté. Les tribunaux Gacaca ont officiellement achevé leur mandat le 4 mai 2012.

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(00:04:05)

20 ans face au défi de l’impunité — Tribunal pénal international pour le Rwanda

Immédiatement après le génocide perpétré au Rwanda et au cours des vingt années qui ont suivi, le TPIR a été à l’avant-garde de la lutte mondiale contre l’impunité, en poursuivant les principaux responsables des crimes les plus graves commis en 1994.

(00:45:41)

Conférence de presse (an anglais) — Tribunal pénal international pour le Rwanda, 20 ans après

M. Bongani Majola, Sous-Secrétaire général et greffier du tribunal pénal international pour le Rwanda et Dr. Ousman Njikam, Juriste dans le cabinet du greffier.

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Unité et réconciliation au Rwanda

Le processus de réconciliation au Rwanda met l’emphase sur la réhabilitation de l'identité rwandaise tout en rétablissant l'équilibre de la justice dans un climat de vérité, de paix et de sécurité. La constitution déclare maintenant par exemple que tous les Rwandais ont des droits égaux. Des lois ont été votées pour lutter contre les discriminations et leurs idéologies génocidaires.

Les efforts de réconciliation au Rwanda reposent avant tout sur la Commission nationale pour l'unité et la réconciliation établie en 1999. Elle utilise les approches suivantes :

  • Ingando : Un programme d'éducation pour la paix. De 1999 à 2009, plus de 90 000 Rwandais ont participé à ces programmes éducationnels qui ont pour but d’éclairer l'histoire du Rwanda, de comprendre les origines des divisions parmi la population, d'encourager le patriotisme et de combattre l'idéologie génocidaire.
  • Itorero: Formation de dirigeants communautaires, de dirigeants de partis politiques, de jeunes et de femmes dans l'assistance aux personnes traumatisées, dans les arbitrages de conflits et les systèmes d'alarme rapide.
  • Séminaires : Formation de dirigeants communautaires, de dirigeants de partis politiques, de jeunes et de femmes dans l'assistance aux personnes traumatisées, dans les arbitrages de conflits et les systèmes d'alarme rapide.
  • Réunions nationales au sommet: Depuis 2000, plusieurs réunions au sommet nationales ont été organisées sur des sujets relatifs à la justice, la bonne gouvernance, les droits de l'homme, la sécurité nationale et l'histoire du Rwanda.
  • Recherche : La Commission a publié un certain nombre d'études sur les causes des conflits au Rwanda et sur la manière de les réduire et résoudre.

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Nous avons renforcé nos capacités en matière de médiation et de diplomatie préventive. Nous avons aussi entrepris de nouveaux efforts pour protéger les civils sur le terrain

— L'ancien Secrétaire général Ban Ki-moon
à l'occasion du lancement de Kwibuka 20,
20ème commémoration du génocide du Rwanda

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Comprendre le génocide

La nécessité de prévenir le génocide et de punir ceux qui en so nt responsables a préoccupé la communauté internationale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dur ant laquelle plus de six millions de personnes ont été systématiquement assassinées par le régime nazi en rais on de leur origine ethnique, de leur sexualité ou d’autres traits spécifiques.

Qu’est ce que le génocide ?

La Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide  (« Convention sur le génocide ») définit le génocide comme l’un quelconque des actes ci‐après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux :

  • meurtre de membres du groupe;
  • atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
  • soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existenc e devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
  • mesures visant à entraver les na issances au sein du groupe;
  • transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

La Convention confirme que le gé nocide, qu’il soit commis en te mps de paix ou de guerre, est un crime relevant du droit international que les parties à la Convention s’engage nt « à prévenir et à réprimer. » La responsabilité première de prévenir et d’arrêter un génocide relève de l’Etat sur le territoire duquel ce crime est commis.

Le cas du Rwanda

En 1994, sous les yeux de la communauté internationale, plus de 800 000 Rwandais, appartenant en majorité à l’ethnie Tutsi, ont été massacrés par des milices Hutu et des f orces gouvernementales en l’espace de 100 jours seulement. Les massacres ont commencé le lendemain du jour où u n avion transportant les présidents du Rwanda et du Burundi a été abattu alors qu’il se préparait à at terrir à Kigali, capitale du Rwanda. Les présidents revenaient de négociations de paix visant à consolid er un accord de paix fragile et à mettre fin au conflit entre le gouvernement do miné par l’ethnie Hutu et l’arm ée rebelle, composée surtout de Tutsis. L’attentat contre l’avion a ranimé le conflit. Les forces gouve rnementales en retraite se sont associées aux milices Hutu pour inciter les civils à tuer les Tutsis.

Ils ont soutenu que les civils aidaient les rebelles Tutsi et utilisé ce prétexte pour justifi er le ciblage massif d’innocents. Une force peu nombreuse de maintien de la paix, qui avait été envoyée par les Na tions Unies pour contrôler l’ap plication de l’accord de paix, n’a pas été autorisée à intervenir. L’avertissement qu’un génocide était planifié n’a pas été suivi d’effet.

Aujourd’hui, les effets du génocide commis au Rwanda se font en core sentir de nombreuses manières tant à l’intérieur du pays que dans les États voisins, notamment dans l’est de la République démocratique du Congo, où de vastes secteurs de la province du Sud‐Kivu sont encore co ntrôlés par les milices Hutu venues du Rwanda et leurs alliés locaux. De même que d’autres combattants dans l a guerre du Congo, ils continuent à commettre de graves violations des droits de l’homme, notamment des enlèv ements, des massacres et des viols. La violence sexuelle, surtout contre les femmes et les enfants, est généralisée.

Prévenir le génocide

Le génocide n’est pas quelque chose qui arrive du jour au lende main ou sans signes précurseurs. Un génocide suppose de l’organisation et constitue en fait une stratégie dé libérée, qui a été le plus souvent mise en œuvre par des gouvernements ou par des groupes contrôlant l’appareil étatique. Il est important de comprendre comment un génocide survient et d’apprendre à reconnaître les signes qui pourraient conduire à un génocide afin de garantir que de telles horreurs ne se reproduiront plus.

Le 7 avril 2004, dixième anniversaire du génocide rwandais, le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a dessiné un plan d’action en cinq points pour prévenir le génocide :

  1. Prévenir les conflits armés, contexte habituel du génocide;
  2. Protéger les civils en temps de conflit armé, notamment à l’aide des soldats de la paix des Nations Unies;
  3. Mettre fin a l’impunité au moyen de poursuites judiciaires devant des tribunaux nationaux et internationaux;
  4. Réunir des informations et édifier un système d’alerte précoce; et
  5. Agir rapidement, y compris par le recours à la force militaire.

1. Prévenir les conflits armés

Comme le génocide survient le plus souvent durant une guerre, l ’un des meilleurs moyens de réduire les risques de génocide est de s’attaquer aux causes profondes de l a violence et du conflit: haine, intolérance, racisme, discrimination, tyrannie, et propos déshumanisants qui dénient à des groupes entiers leur dignité et leurs droits. Une stratégie capi tale de prévention consiste à r emédier aux inégalités dans l’accès aux ressources. La responsabilité première de la prévention du conflit incombe aux gouvernements nationaux. Les Nations Unies appuient les efforts des pays, en agissant notamment sur les plans politique, diplomatique, humanitaire, institutionnel et sur celui des droits de l’homme. Le développe ment économique et social et l’allègement de la pauvreté apportent aussi une contribution substantielle à la pr évention des conflits.

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2. Protéger les civils, notamment à l’aide des soldats de la paix des Nations Unies

Quand les efforts faits pour prévenir un conflit échouent, l’un e des plus hautes priorités doit être de protéger les civils. Partout où les civils sont délibérément ciblés parce qu’ils appartiennent à une certaine communauté, un risque de génocide existe. Au cours de la dernière décennie, le Conseil de sécurité des Nations Unies a fréquemment élargi le mandat des soldats de la paix des Nations Unies pour leur permettre d’assurer la protection physique des civils menacés par la violence. Aujourd’hui, les missions de maintien de la paix des Nations Unies aident régulièrement les autorités nationales à prendre des dispositions efficaces pour enquêter sur les graves violations de la loi et poursuivre leurs auteurs; désarmer et démobiliser les combattants et faciliter leur réinsertion dans la communauté; imposer l’application de mesures spéciales pour protéger les femmes et les filles de la violence sexuelle; et dénoncer tout « média de la haine » incitant au génocide, à des c rimes contre l’humanité ou à d’autres violations du droit humanitaire international.

3. Mettre fin à l’impunité au moyen de poursuites judiciaires

Pour détourner de commettre des crimes de génocide, il est nécessaire de déférer à la justice les responsables de tels crimes. Combattre l’impunité et donner lieu de croire raisonnablement que les auteurs d’un génocide et des crimes qui y sont associés seront appelés à rendre compte de leurs actes peut contribuer efficacement à instaurer la prévention.

Aujourd’hui, si un État ne veut pas ou ne peut pas exercer sa juridiction à l’encontre des auteurs présumés d’un génocide, la Cour pénale internationale (CPI) est habilitée, suivant les paramètres de son Statut, à ouvrir une enquête et poursuivre les principaux responsables. La CPI est un tribunal permanent, distinct du système des Nations Unies, qui siège à La Haye (Pays‐Bas) pour y juger les individus coupables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Elle a vu le jour le 1 er juillet 2002, date où le Statut de Rome, traité qui en portait création, est entré en vigueur. Jusqu’à ce jour, 21 affaires dans 8 situations (pays) ont été portées devant la CPI, dont quatre ont atteint le stade du procès. En mars 2012, la Cour a rendu son premier verdict, prononçant un jugement dans le procès pour crimes de guerre de Thomas Lubanga Dyilo, chef de milice accusé de participer au recrutement d’enfants soldats en République démocratique du Congo.

Avant la création de la CPI, des tribunaux spéciaux ont été institués afin de poursuivre les responsables de génocide, crimes de guerre et cri mes contre l’humanité dans l’ex‐Yougoslavie et au Rwanda :

  • Le Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie (ICTY), qui siège à La Haye (Pays‐Bas), a été créé en 1993 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Il a mis en accusation 161 personnes pour de graves violations du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex‐Yougoslavie. Les poursuites pénales ont été achevées contre 141, tandis qu’elles sont encore en cours pour 20. Les procès les plus en vue sont actuellement ceux qui visent l’ancien dirigeant des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, commencé en octobre 2009, et l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, qui a débuté en mai 2012. L’un et l’autre sont accusés d’avoir commis un génocide et d’autres crimes contre les Musulmans bosniaques, les Croates bosniaques et d’autres civils non serbes entre 1992 et 1995.
  • Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (ICTR), qui siège à Arusha (Tanzanie), est entré en activité en 1995, après une résolution du Conseil de sécurité des Nation s Unies datée de novembre 1994. Le TPIR a émis un total de 92 actes d'accusation, dont 2 ont été retirés, et 10 ont été renvoyés devant des juridictions nationales, y compris 2 en France et 8 au Rwanda. Deux accusés sont morts avant la fin de leurs cas. En Mars 2014, sur les 63 cas traités, 14 accusés ont été acquittés, et 49 ont été reconnus coupables et condamnés. Six des accusés dont les cas ont été transférés au Rwanda sont toujours en liberté, et les cas de trois autres fugitifs seront entendus par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (MICT) s’ils sont arrêtés. Parmi les accusés figurent les propriétaires d’organisations médiatiques qui ont prêché la haine, aussi bien que d’anciens dirigeants militaires et gouvernementaux, notamment l’ancien Premier Ministre Jean Kambanda – condamné à la prison à vie pour le crime de génocide – et l’ancien maire Jean‐Paul Akayesu, dont le verdict, rendu en 1998, a été le premier à préciser que le viol peut constituer une forme de génocide s’il est commis avec l’intention de détruire un groupe particulier.

Le TPIY et le TPIR devraient tous les deux achever leurs travaux d'ici la fin de l'année 2014. Après cela, le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (MICT), mis en place par le Conseil de sécurité en Décembre 2010, prendra le relais et terminera les tâches restantes des tribunaux.

En outre, un tribunal spécial a été créé en 2003 pour juger les personnes accusées de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité durant le régime des Khmer rouges au Cambodge, entre 1975 et 1979. Les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (ECCC) – créées à la suite d’un accord entre l’ONU et le Gouvernement cambodgien – ont en février 2012 condamné Kaing Guek Eav, connu sous le nom de Duch, ancien chef d’un camp de détention tristement célèbre, à la prison à vie, peine maximale prévue par le droit cambodgien, pour crimes contre l’humanité et graves viola tions des Conventions de Genève de 1949. Les ECCC ont jusqu’à présent détenu et inculpé quatre autres anciens responsables gouvernementaux.

Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone  et le Tribunal spécial pour le Liban - mécanismes judiciaires fondés sur des accords entre l'ONU et les gouvernements de la Sierra Leone et du Liban - n'ont pas compétence sur les affaires de génocide.

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4. Édifier des systèmes d’alerte précoce

Les tragédies du Rwanda et des Balkans, dans les années 1990, ont démontré de la pire manière possible que la communauté internationale devait faire davantage pour prévenir le génocide. C’est pourquoi le Secrétaire général a nommé, en 2004, Juan Mendez Conseiller spécial pour la prévention du génocide, auquel Francis Deng a succédé en 2007, et, en 2012, Adama Dieng.

Le Conseiller spécial rassemble des informations sur les situations où risquent de survenir un génocide, des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. En raison du caractère délicat du mandat qui lui est délivré, son activité échappe en grande partie au regard du public. Cependant, quand le Conseiller spécial estime que s'il fait connaître publiquement ses préoccupations le risque de génocide et des crimes qui y sont associés sera réduit dans une situation donnée, ou que la cause de la paix et de la stabilité en bénéfi ciera, il prononce des déclarations publiques, comme dans le cas de la Syrie et du Myanmar. Le Conseiller spécial est aussi chargé de porter des situa tions à l’attention du Secrétaire général et, par son entremise, du Conseil de sécurité, et de faire des recommandations sur les mesures à prendre pour prévenir ou arrêter un génocide.

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5. Agir rapidement, y compris par le recours à la force militaire

Il appartient au Conseil de sécurité de décider, conformément à la Charte des Nations Unies, du lieu et du moment où, ainsi que de la manière dont une intervention militaire s’impose à l’intérieur d’un pays pour prévenir un génocide ou d’autres atrocités de masse ou pour y répondre.

En septembre 2005, au Sommet mondial des Nations Unies, tous les pays ont officiellement convenu que, si les voies pacifiques ne suffisent pas et si les autorités nationales sont manifestement incapables de protéger leur population d'atrocités de masse, les États doivent agir collectivement en temps voulu et de manière résolue par l’entremise du Conseil de sécurité des Nations Unies et conformément à la Charte des Nations Unies.

  • Dans le cas de la Lybie , la communauté internationale a agi sans tarder pour empêcher le Gouvernement de continuer à massacrer ses propres citoyens. La résolution 1973 du Conseil de sécurité, en mars 2011, a autorisé une coalition internationale à intervenir pour mettre fin aux massacres d'opposants au régime de Kadhafi.
  • Dans le cas de la Côte d’Ivoire, le 30 mars 2011, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution 1975, par laquelle il condamnait les violations flagrantes des droits de l’homme commises par les partisans tant de l’ex‐Président Laurent Gbagbo que du Président Ouattara à la suite des élections présidentielles de novembre 2011 et autorisant une opération militaire des Nations Unies pour empêcher l’usage d’armes lourdes contre les civils.
  • Pour le Soudan du Sud, le Conseil de sécurité, par sa résolution 1996, adoptée en juillet 2011, a créé une mission de maintien de la paix des Nations Unies (MINUSS), chargée – entre autres choses – de conseiller le Gouvernement et de l’aider à s’acquitter de sa responsabilité de protéger les civils. En février 2014, le Conseil de sécurité a réitéré son soutien indéfectible à la MINUSS et sa mission vitale pour le compte de la communauté internationale pour protéger les civils au Soudan du Sud.
  • Dans le cas de la République centrafricaine, le Secrétaire général des Nations Unies a présenté en mars 2014 sa proposition pour la mise en place d'une opération forte de près de 12 000 hommes. Cette opération de maintien de la paix des Nations Unies serait chargée, en premier lieu, de la protection des civils dans le pays déchiré par la guerre.
  • Dans le cas de la Syrie, malgré le nombre croissant de morts et de déplacés, les avertissements, et les paroles de hauts responsables de l'ONU, y compris à plusieurs reprises du Secrétaire général de l'ONU, et du Conseil de sécurité n'ont pas permis une union pour une ligne de conduite commune.

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Qui est responsable de protéger les personnes des violations flagrantes des droits de l’homme?

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Naissance du concept

Débat sur le droit à l’« intervention humanitaire » (années 1990)

À la suite des tragédies survenues au Rwanda et dans les Balkans au cours des années 1990, la communauté internationale a commencé à débattre sérieusement de la manière de réagir avec efficacité quand les droits des citoyens sont violés de manière flagrante et systématique. La question fondamentale qui se posait ici était de savoir si les États jouissent d'une souveraineté inconditionnel le sur leurs propres affaires ou si la communauté internationale a le droit d’intervenir dans un pays à des fins humanitaires.

Dans son rapport du Millénaire de 2000, Kofi Annan, le Secrétaire général d'alors, rappelant les échecs du Conseil de sécurité pour agir avec décision au Rwanda et en ex-Yougoslavie, a lancé un défi aux États Membres : « Si l’intervention humanitaire constitue en fait une attaque inacceptable sur la souveraineté, comment devons‐nous réagir face à un nouveau Rwanda, à un nouveau Srebrenica, à une violation flagrante et systématique des droits de l’homme qui porte atteinte à tous les préceptes de notre humanité commune? ».

De l’intervention humanitaire à la responsabilité de protéger (2001)

L’expression « responsabilité de protéger » a été énoncée pour la première fois dans le rapport  de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté (ICISS), instituée par le Gouvernement canadien en décembre 2001. La Commission avait été formée en réponse à la question posée par Kofi Annan de savoir quand la communauté internationale doit intervenir à des fins humanitaires. Le rapport de la Commission, « La responsabilité de protéger », a conclu que la souveraineté non seulement donnait à un État le droit de « contrôler » ses propres affaires, mais aussi lui conférait la « responsabilité » première de protéger les personnes vivant à l’intérieur de ses frontières. Le rapport énonçait lathèse que lorsqu’un État se montre incapable de protéger sa population – qu’il ne le puisse pas ou qu’il ne le veuille pas – la responsabilité en passe à la communauté internationale au sens large.

Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement (2004)

En 2004, le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement , institué par le Secrétaire général Kofi Annan, a entériné la norme nouvelle d’une responsabilité de protéger – souvent appelée « R2P » –, affirmant qu’il existe une responsabilité internationale collective, que doit exercer le Conseil de sécurité en autorisant une intervention militaire en dernier ressort, dans l’éventualité où se produiraient un génocide ou d’autres massacres à grande échelle, un nettoyage ethnique et de graves violations du droit humanitaire que les gouvernements souverains se sont révélés impuissants ou non disposés à prévenir. Le Groupe de personnalités a proposé des critères de base qui légitimeraient l’autorisation du recours à la force par le Conseil de sécurité des Nations Unies, notamment la gravité de la menace, le fait qu’il doit s’agir d’un dernier ressort, et la proportionnalité de la réponse.

Rapport du Secrétaire général : Dans une liberté plus grande (2005)

Dans son rapport « Dans une liberté plus grande », le Secrétaire général Kofi Annan s’est déclaré en complet accord avec l’approche définie par le Groupe de personnalités de haut niveau et a suggéré que la liste des critères proposés – notamment la gravité de la menace, la proportionnalité de la réponse et les chances de succès – devrait s’appliquer à l’autorisation du recours à la force en général.

Sommet mondial des Nations Unies (2005)

En septembre 2005, au Sommet mondial des Nations Unies, tous les États Membres ont officiellement accepté la responsabilité de chaque État de protéger sa population du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Au Sommet, les dirigeants mondiaux ont également convenu que, lorsqu’un État ne satisfait pas à cette responsabilité, tous les États (la « communauté internationale ») sont responsables d’aider à protéger les personnes menacées par ces crimes. Au cas où les moyens pacifiques – notamment diplomatiques, humanitaires et autres – seraient insuffisants et où les autorités nationales échoueraient manifestement à protéger leur population, la communauté internationale devrait agir collectivement en temps utile et de manière résolue – par l’entremise du Conseil de sécurité des Nations Unies et en conformité avec la Charte des Nations Unies, au cas par cas et en coopération avec les organisations régionales selon qu’il convient.

La pratique

C’est en avril 2006 que, pour la première fois, le Conseil de sécurité a fait officiellement référence à la responsabilité de protéger, dans la résolution 1674 sur la protection des civils en période de conflit armé. Le Conseil de sécurité s’est référé à cette résolution en août 2006, alors qu’il adoptait la résolution 1706 autorisant le déploiement de forces de maintien de la paix des Nations Unies au Darfour (Soudan). Récemment, la responsabilité de protéger a figuré en bonne place dans un certain nombre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité.

Libye(2011)

À la suite d’attaques fréquentes et systématiques contre la population civile par le régime au pouvoir en Jamahiriya arabe libyenne (plus brièvement: Libye), le Conseil de sécurité des Nations Unies a, le 26 février 2011, adopté à l’unanimité la résolution 1970, en faisant référence explicitement à la responsabilité de protéger. Déplorant ce qu’il appelait la violation flagrante et systématique des droits de l’homme dans la Libye déchirée par la lutte, le Conseil de sécurité a demandé qu’il soit mis fin à la violence, rappelant la responsabilité des autorités libyennes de protéger la population, et a imposé une série de sanctions internationales. Le Conseila également décidé de renvoyer la situation à la Cour pénale internationale.

Dans sa résolution 1973, adoptée le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité a demandé un cessez‐le‐feu immédiat en Libye, notamment la fin des attaques en cours contre les civils, qui pourraient selon lui constituer des crimes contre l’humanité. Le Conseil a autorisé les États Membres à prendre « toutes les mesures nécessaires” » pour protéger les civils sous la menace d’une attaque dans le pays, tout en excluant l’envoi d’une force d’occupation étrangère de quelque nature que ce soit sur une partie quelconque du territoire libyen. Quelques jours plus tard, donnant suite à la résolution, les avions de l’OTAN ont commencé à frapper les forces de Kadhafi.

Côte d’Ivoire (2011)

Réagissant à l’escalade de la violence postélectorale contre la population de la Côte d’Ivoire à la fin de 2010 et au début de 2011, le Conseil de sécurité des Nations Unies a, le 30 mars 2011, adopté à l’unanimité la résolution 1975 condamnant les violations flagrantes des droits de l’homme commises par les partisans tant de l’ex‐Président Laurent Gbagbo que du Président Ouattara. La résolution a fait état de la responsabilité première de chaque État de protéger les civils, exigé le transfert immédiat du pouvoir au Président Ouattara, vainqueur des élections, et affirmé que l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (UNOCI) pouvait utiliser tous les moyens nécessaires pour protéger les vies et les biens. Dans un effort pour protéger la population de la Côte d’Ivoire de nouvelles atrocités, l’UNOCI a, le 4 avril 2011, entamé une opération militaire et le Président Gbagbo a été dépossédé du pouvoir le 11 avril du fait de son arrestation par les forces du Président Ouattara. En Novembre 2011, le Président Gbagbo a été transféré à la Cour pénale internationale pour faire face à des accusations de crimes contre l'humanité en tant que « coauteur indirect » d'assassinats, de viols, de persécutions et autres actes inhumains. Le 26 Juillet 2012, le Conseil a adopté la résolution 2062 renouvelant le mandat de l'ONUCI jusqu'au 31 Juillet 2013.

Soudan du Sud (2011)

Le 8 juillet 2011, le Conseil de sécurité a, par sa résolution 1996, institué une mission de maintien de la paix des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), chargée – entre autres choses – de conseiller le Gouvernement et de l’aider à s’acquitter de sa responsabilité de protéger les civils. Le Soudan du Sud et devenu officiellement un pays indépendant le 9 juillet 2011, point d’aboutissement d’un processus rendu possible par l’accord de paix de 2005 qui a mis fin à une longue guerre civile. En Décembre 2013, les combats entre les forces pro- et anti-gouvernementales ont commencé, provoquant le déplacement forcé d'environ 706 000 personnes; 77 000 d'entre eux ont cherché refuge dans les bases de la MINUSS. En Février 2014, le Conseil de sécurité a réitéré son soutien indéfectible à la MINUSS et sa mission vitale pour le compte de la communauté internationale pour la protection des civils au Soudan du Sud, y compris les ressortissants étrangers, ainsi que pour la protection des droits de l'homme (surveillance et enquête), et pour faciliter l'assistance aux populations dans le besoin.

Yémen (2011)

Le 21 octobre 2011, la résolution 2014 a condamné les violations des droits de l’homme commises par les autorités yéménites et encouragé un processus politique sans exclusive de transition du pouvoir, dirigé par les Yéménites, notamment la tenue rapide d’élections présidentielles. Cette résolution a explicitement rappelé au Gouvernement yéménite sa responsabilité première de protéger la population.

Syrie (2012)

Le Secrétaire général Ban Ki-moon, a souligné l'urgente nécessité d'une solution politique pour mettre fin à la crise en Syrie, qui au cours des trois dernières années, a fait plus de 100.000 victimes et causé une grave crise humanitaire. Il a appelé la région et la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, à trouver une unité et à soutenir pleinement les efforts du Représentant spécial conjoint de l'ONU et de la Ligue des États arabes, M. Lakhdar Brahimi, afin d'aider les Syriens à atteindre une solution politique au conflit.

L’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme ont chacun vigoureusement condamné les violations généralisées et systématiques des droits de l’homme en Syrie et ont demandé au Gouvernement de cesser immédiatement toute violence et de protéger son peuple. Le Haut Commissaire aux droits de l’homme a recommandé de renvoyer la situation en Syrie à la Cour pénale internationale et exhorté le Conseil de sécurité à assumer sa responsabilité de protéger la population syrienne. Les Conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et pour la responsabilité de protéger ont appelé à prendre en considération l’éventail complet des outils régionaux et mondiaux prévus par la Charte des Nations Unies – dont certains n’exigent pas l’autorisation du Conseil de sécurité – pour remédier à la situation.

« Le gouvernement syrien n'assure manifestement pas la protection de ses populations » a déclarer le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, M. Adama Dieng, dans un communiqué en Décembre 2012. M. Dieng a ajouté : « La communauté internationale doit agir pour mettre en pratique l'engagement pris par les chefs d'État et de gouvernement lors du Sommet mondial de 2005 de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité, y compris leur incitation ».

République centrafricaine (2013)

Le conflit en République centrafricaine (RCA) a éclaté quand les rebelles ont lancé des attaques Séléka en décembre 2012, et a pris une tournure de plus en plus sectaires lorsque les milices, principalement chrétiennes, ont pris les armes. Le 10 octobre 2013, dans sa résolution 2121, le Conseil de sécurité a souligné « qu’il incombe au premier chef aux autorités centrafricaines de protéger la population et de garantir la sécurité et l’unité du territoire », et a insisté « sur le fait qu’elles sont tenues de faire respecter le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés ». En mars 2014, le Secrétaire général de l'ONU a présenté sa proposition pour la mise en place d'une opération de maintien de la paix des Nations Unies forte de près de 12.000 hommes en RCA.

Rapports du Secrétaire général

Mettre en œuvre la responsabilité de protéger (2009)

Fondé sur le document final du Sommet mondial de 2005, un rapport du Secrétaire général (2009) a dessiné une stratégie conçue autour des trois piliers de la responsabilité de protéger:

  • L’État porte la responsabilité première de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du nettoyage ethnique, ainsi que de l’incitation à ces crimes;
  • La communauté internationale a la responsabilité d’encourager et d'aider les États à s’acquitter de cette responsabilité;
  • La communauté internationale a la responsabilité d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et autres appropriés pour protéger la population de ces crimes. Si un État échoue manifestement à protéger sa population, la communauté internationale doit être prête à prendre des mesures collectives pour protéger cette population, conformément à la Charte des Nations Unies.

Alerte précoce, évaluation et responsabilité de protéger (2010)

Dans son rapport sur l’alerte précoce, l’évaluation et la responsabilité de protéger, le Secrétaire général a identifié des lacunes et proposé des moyens d’améliorer la capacité des Nations Unies de mettre à profit plus efficacement les alertes précoces, notamment les informations provenant des opérations sur le terrain, et proposé aussi des améliorations à une intervention rapide, souple et équilibrée lorsqu’il existe un risque de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de nettoyage ethnique.

Le rôle des arrangements régionaux et sous régionaux (2011)

Ce rapport a fait ressortir la nécessité d’une collaboration aux niveaux mondial et régional afin d’aider à mettre en œuvre la responsabilité de protéger. Le rapport a identifié des lacunes et proposé des moyens pour les Nations Unies de renforcer leur coopération et de tirer parti de l’information émanant des arrangements régionaux et sous‐régionaux, cela afin d’identifier les signes de danger et d’entreprendre ou appuyer une action préventive en temps utile et efficace aux niveaux sous‐régional, régional ou mondial. Tout en soulignant que le principe de la responsabilité de protéger est universel et que chaque région doit aller de l’avant, le rapport reconnaissait que chaque région opérationnalisera le principe à son rythme et à sa manière propres.

La responsabilité de protéger : une réponse rapide et décisive (2012)

Le quatrième rapport que le Secrétaire général a présenté en septembre 2012 sur la responsabilité de protéger a examiné l'idée d'une « réponse rapide et décisive » lorsqu'un État ne réussit pas à protéger ses citoyens, y compris la gamme des outils et des partenaires disponibles, ainsi que le lien étroit entre la prévention et la réponse.

Responsabilité de l'Etat et prévention (2013)

Le cinquième rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger, publié en juillet 2013, met l'accent sur la prévention. Le rapport vise à fournir une analyse et des stratégies qui peuvent aider les États à s'acquitter de leurs responsabilités de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et le nettoyage ethnique.

Les Conseillers spéciaux du Secrétaire général

En 2004, le Secrétaire général de l’ONU a nommé le premier Conseiller spécial pour la prévention du génocide, Juan Méndez, auquel a succédé Francis Deng en 2007 et Adama Dieng en 2012. Le Conseiller spécial est chargé de collecter des informations sur les violations massives et graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international; de faire fonction de mécanisme d’alerte précoce auprès du Secrétaire général et, par son entremise, auprès du Conseil de sécurité; d'adresser des recommandations au Conseil de sécurité par l’entremise du Secrétaire général sur les mesures à prendre pour prévenir ou arrêter un génocide; et d’assurer la liaison avec le système des Nations Unies concernant les activités de prévention du génocide.

En 2008, le Secrétaire général a nommé Edward Luck son Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger. M. Luck a été remplacé en juin 2013 par Mme Jennifer Welsh. Le Conseiller spécial est chargé de développer et d’affiner le concept aussi bien que de poursuivre le dialogue politique avec les États Membres et d’autres parties intéressées sur de nouvelles mesures tendant à mettre en œuvre la responsabilité de protéger.

Le Bureau commun de la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger est chargé de préserver et d’élargir les arrangements existants, notamment concernant le renforcement des capacités ainsi que le rassemblement et l’analyse de l’information à partir du terrain, tout en y ajoutant par sa propre action sous la forme de nouveaux arrangements concernant le plaidoyer, l’évaluation transversale, les politiques communes et la somme des enseignements tirés sur la manière d’anticiper et prévoir les crises liées à la responsabilité de protéger, et d'y répondre.

Dernière mise à jour : mars 2014

La violence sexuelle dans les conflits doit être traitée comme un crime de guerre : cela ne peut plus être considéré comme un dommage collatéral malheureux de la guerre.

Mme Zainab Hawa Bangura, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit

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Les victimes des conflits armés contemporains sont beaucoup plus souvent des civils que des soldats. Selon la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en période de conflit EN, les civils, surtout les femmes et les enfants, représentent la très grande majorité des victimes dans les guerres d’aujourd’hui. Les femmes, en particulier, peuvent affronter des formes destructives de violence sexuelle, qui sont parfois exploitées systématiquement pour atteindre des objectifs militaires ou politiques.

Le viol commis en temps de guerre a souvent pour but de terroriser la population, de briser les familles, de détruire les communautés et, dans certains cas, de changer la composition ethnique de la génération suivante. Parfois, il sert aussi à transmettre délibérément aux femmes le VIH ou à rendre les femmes de la communauté visée incapables de porter des enfants.

Au Rwanda, en 1994, de 100 000 à 250 000 femmes ont été violées durant les trois mois du génocide.

Les institutions des Nations Unies évaluent à plus de 60 000 le nombre de femmes qui ont été violées durant la guerre civile en Sierra Leone (1991-2002), plus de 40 000 au Libéria (1989-2003), jusqu'à 60 000 dans l’ex-Yougoslavie (1992-1995) et 200 000 au moins en République démocratique du Congo depuis 1998.

Même après la fin d’un conflit, les impacts de la violence sexuelle persistent, notamment les grossesses non désirées, les infections sexuellement transmissibles et la stigmatisation. Une violence sexuelle généralisée peut elle-même continuer, voire augmenter, au lendemain du conflit du fait de l’insécurité et de l’impunité. Et, pour répondre aux besoins des survivantes – notamment soins médicaux, traitement du VIH, appui psychologique, aide économique et recours juridique –, il faut des ressources que la plupart des pays sortant d’un conflit ne possèdent pas.

(00:04:06)

It happened during the 1994 genocide in Rwanda brutal and widespread sexual violence. The horrors that occurred left a devastating legacy that is still felt throughout the country. More than a decade later, the Rwanda Defense Forces (RDF) labelled this kind of violence a major threat to national security.

Reconnaissance de la violence sexuelle comme crime international

Pendant des siècles, la violence sexuelle en période de conflit a été tacitement acceptée et jugée inévitable. Un rapport de l’ONU (1998) EN sur la violence sexuelle et le conflit armé note qu’à travers les siècles les armées ont vu dans le viol une part légitime du butin de guerre.

Durant la Seconde Guerre mondiale, toutes les parties au conflit ont été accusées de viols massifs, et pourtant aucun des deux tribunaux créés par les pays alliés vainqueurs afin de poursuivre les crimes de guerre – à Tokyo et à Nuremberg – n’a reconnu le caractère criminel de la violence sexuelle.

Ce n’est pas avant 1992, en présence des viols répandus de femmes dans l’ex-Yougoslavie, que la question s’est imposée à l’attention du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le 18 décembre 1992, le Conseil a déclaré que la détention et le viol massif, organisé et systématique de femmes, en particulier de femmes musulmanes, en Bosnie-Herzévogine constituaient un crime international qu'on ne pouvait ignorer.

Par la suite, le Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ICTY, 1993) a inclus le viol parmi les crimes contre l’humanité, parallèlement à d’autres crimes comme la torture et l’extermination, quand il est commis dans un conflit armé et dirigé contre une population civile. En 2001, l’ICTY est devenu le premier tribunal international à trouver un accusé coupable de viol en tant que crime contre l’humanité. En outre, le Tribunal a élargi la définition de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité pour y inclure l’esclavage sexuel. Auparavant, le travail forcé était l’unique type d’esclavage à être considéré comme un crime contre l’humanité.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (ICTR, 1994) a également déclaré que le viol constituait un crime de guerre et un crime contre l’humanité. En 1998, l’ICTR est devenu le premier tribunal international à trouver un accusé coupable de viol en tant que crime de génocide (c'est-à-dire utilisé pour perpétrer un génocide). Le jugement rendu contre un ancien maire, Jean-Paul Akayesu, a considéré que le viol et l’agression sexuelle constituaient des actes de génocide dans la mesure où ils avaient été commis avec l’intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe ethnique Tutsi.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en vigueur depuis juillet 2002, comprend le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable parmi les crimes contre l’humanité quand ils sont commis de manière généralisée et systématique. Les mandats d’arrêt émis par la CPI comportent plusieurs inculpations de viol conçu tant comme un crime de guerre que comme un crime contre l’humanité.

Changer la loi internationale et les lois nationales constitue une étape majeure vers la fin de la violence sexuelle et le châtiment de ses auteurs, mais cela ne peut avoir de résultats à moins d’un changement fondamental dans les attitudes concernant les sévices sexuels à l’égard des femmes.

« Actuellement, la femme qui subit un viol est la personne qui est stigmatisée et frappée d’exclusion”, déclare le Dr. Denis Mukwege Mukengere, directeur de l’hôpital Panzi à Bukavu, en République démocratique du Congo. “En plus des lois, il faut que la sanction sociale cesse de frapper la femme. Nous devons arriver à un point où la victime obtient l’appui de la communauté, et où l’homme qui commet le viol est la personne qui est stigmatisée, exclue et pénalisée par la communauté entière. »

Le Conseil de sécurité des Nations Unies

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a beaucoup fait ces dernières années pour aider à sensibiliser et déclencher une action contre la violence sexuelle en période de conflit:

  • Dans sa résolution 1325 (2000), le Conseil de sécurité a appelé les États Membres à accroître la participation des femmes à la prévention et à la résolution des conflits, ainsi qu’au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité. Il a demandé à toutes les parties à un conflit armé de respecter pleinement le droit international applicable aux droits des femmes et des filles en tant que personnes civiles et d’incorporer dans leur législation les politiques et procédures qui protègent les femmes des crimes sexistes tels que le viol et l’agression sexuelle.
  • Dans sa résolution 1820 (2008), le Conseil de sécurité a demandé qu'il soit mis fin aux actes de violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles en tant que tactique de guerre, et mis fin à l’impunité des auteurs de ces crimes. Il a demandé au Secrétaire général et à l’ONU de fournir une protection aux femmes et aux filles dans les interventions sécuritaires conduites par l’ONU, notamment dans les camps de réfugiés, et d’inviter les femmes à participer à tous les aspects du processus de paix.
  • Dans sa résolution 1888 (2009), le Conseil de sécurité a exposé en détail les mesures propres à protéger davantage les femmes et les enfants de la violence sexuelle dans les situations de conflit, par exemple la demande faite au Secrétaire général de nommer un représentant spécial chargé de diriger et coordonner l’action des Nations Unies sur la question, d’envoyer une équipe d’experts sur le lieu des situations particulièrement préoccupantes, et de donner pour mandat aux soldats de la paix de protéger les femmes et les enfants.
  • Dans sa résolution 1889 (2009), le Conseil de sécurité a réaffirmé la résolution 1325, condamné la poursuite de la violence sexuelle à l’égard des femmes dans les situations de conflit, et exhorté les États Membres de l’ONU et la société civile à prendre en considération la nécessité de protéger et d’autonomiser les femmes et les filles, y compris celles qui se sont jointes à des groupes armés, dans la programmation d’après-conflit.
  • Dans sa résolution 1960 (2010), le Conseil de sécurité a demandé au Secrétaire général de dresser la liste des parties soupçonnées de manière crédible de commettre des violences sexuelles ou d’en être responsables dans les situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil. Il a également demandé que soient pris des arrangements en matière de suivi, d’analyse et d’établissement de rapport concernant expressément les violences sexuelles liées aux conflits.
  • Dans sa résolution 2106 (2013), le Conseil de sécurité vise à renforcer la surveillance et la prévention de la violence sexuelle dans les conflits.
  • Dans sa résolution 2122 (2013), le Conseil de sécurité a réitéré l'importance de la participation des femmes dans la prévention des conflits, la résolution et la consolidation de la paix.

La Campagne des Nations Unies

En 2007, les activités de diverses institutions des Nations Unies visant à lutter contre la violence sexuelle ont été groupées dans le cadre de la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en période de conflit EN avec le résultat d’unir les activités de 13 entités des Nations Unies. Il s’agit d’un effort concerté du système des Nations Unies pour améliorer la coordination et la responsabilisation, amplifier la programmation et les activités de plaidoyer, et appuyer les efforts nationaux visant à prévenir la violence sexuelle et à répondre efficacement aux besoins des survivantes.

La Campagne des Nations Unies a, par exemple, prêté assistance à la conception et à la mise en œuvre de la Stratégie globale de lutte contre la violence sexuelle en République démocratique du Congo, aussi bien qu’au Programme commun Gouvernement-ONU sur la violence sexuelle au Libéria.

Financée par l’Aid Agency du Gouvernement australien (AusAID), la Campagne des Nations Unies EN a aussi, de concert avec le Département des opérations de maintien de la paix et la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, documenté en détail les meilleures pratiques des forces de maintien de la paix pour faire face aux violences sexuelles liées aux conflits. Depuis le lancement des patrouilles du bois de feu au Darfour jusqu’à la création des escortes au marché, des patrouilles de nuit et des systèmes d’alerte précoce en République démocratique du Congo, l’inventaire analytique des pratiques des forces de maintien de la paix dresse le catalogue des activités directes et indirectes menées pour lutter contre les violences sexuelles durant une guerre et à son lendemain.

Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes

En 2008, le Secrétaire général Ban Ki-moon a lancé Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes – campagne visant à prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles partout dans le monde, en temps de guerre et en temps de paix. La campagne rassemble un grand nombre d’institutions des Nations Unies et associe ses forces à celles des individus, de la société civile et des gouvernements pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes sous toutes ses formes.

La Représentante spéciale du Secrétaire général

En 2010, à la suite de la résolution 1888 du Conseil de sécurité, le Secrétaire général a nommé Margot Wallström Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Elle a été remplacée en septembre 2012 par Zainab Hawa Bangura. La Représentante spéciale a pour tâche d’assurer un leadership cohérent et stratégique et de promouvoir la coopération et la coordination dans le cadre de la Campagne des Nations Unies.

Quand elle a assumé ses fonctions, Mme Bangura, ancienne Ministre de la santé et de l'assainissement du Sierra Leone, a défini cinq priorités qui orienteraient son mandat :

  • mettre fin à l’impunité pour les auteurs et rechercher la justice pour les victimes;
  • protéger et autonomiser les civiles qui font face à la violence sexuelle dans les conflits, en particulier les femmes et les fille ciblées de façon disproportionnée par ces crimes;
  • mobiliser les dirigeants politiques pour résoudre ce problème;
  • Renforcer la coordination et assurer une réponse plus cohérente du système des Nations Unies
  • faire davantage reconnaître dans la violence sexuelle une tactique de guerre; et
  • insister sur l'appropriation nationale, le leadership et la responsabilité dans la lutte pour mettre fin à ce fléau.

Rapport annuel du Secrétaire général

Le dernier rapport du Secrétaire général sur la violence sexuelle dans les conflits a été présenté au Conseil de sécurité le 14 mars 2013. Le rapport passe en revue 22 zones de conflit, y compris le Mali pour la première fois, et présente des informations sur les parties au conflit soupçonnées de façon crédible d'avoir commis ou d'être responsables d'actes de viol et d'autres formes de violence sexuelle. Le rapport souligne aussi l'urgence de s'assurer que les considérations de violence sexuelle soient explicitement et systématiquement prises en compte dans les processus de paix et les accords de paix, dans toutes les réformes du secteur de la sécurité, ainsi que dans tous les processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration dans lequel l'ONU est impliquée.

Le rapport de 2012 intitulé « Violences sexuelles liées aux conflits : rapport du Secrétaire général » a nommé pour la première fois des forces militaires, milices et autres groupes armés qui sont soupçonnés de figurer au nombre des pires auteurs de ces violences. Les groupes énumérés dans le rapport comprennent l’Armée de résistance du Seigneur en République centrafricaine et au Soudan du Sud, des milices armées et d’anciens membres des forces armées en Côte d’Ivoire, ainsi que des groupes et éléments des Forces Armées de la République démocratique du Congo.

Le rapport fournit aussi des exemples de la manière dont les violences sexuelles ont menacé la sécurité et entravé le renforcement de la paix dans des situations d’après-conflit, par exemple au Tchad, en République centrafricaine, au Népal, à Sri Lanka, au Timor-Leste, au Libéria, en Sierra Leone et en Bosnie-Herzégovine, et de la manière dont elles ont été utilisées dans le contexte d’élections, de luttes politiques et de désordres civils en Égypte, en Guinée, au Kenya et en Syrie, parmi d’autres pays.

Pour de plus amples informations, prière de consulter les sites Halte aux viols EN et Tous unis pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes.

Dernière mise à jour : mars 2014

Framework of Analysis for Atrocity Crimes

A Tool for Prevention

Atrocity crimes are considered to be the most serious crimes against humankind. Their status as international crimes is based on the belief that the acts associated with them affect the core dignity of human beings.

All of us have a responsibility to ask ourselves what we can do to protect populations from the most serious international crimes: genocide, crimes against humanity and war crimes. These crimes continue to be perpetrated in many places across the world. Although calls for accountability are now the norm when such crimes are committed, impunity is all too common. We can and must do more, much earlier, to save lives and prevent societies from collapsing and descending into horrific violence.

Framework of Analysis [PDF 3.8 MB]
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When to Refer to a Situation as "Genocide"

Guidance Note

The question is sometimes asked as to whether specific events, past or present, can be referred to as “genocide.” It is important to adhere to the correct usage of the term, for several reasons; (i) the term is frequently misused in reference to large scale, grave crimes committed against particular populations; (ii) the emotive nature of the term and political sensitivity surrounding its use; and (iii) the potential legal implications associated with a determination of genocide.

This note aims to provide guidance on the use of the term “genocide,” based primarily on legal rather than historical or factual considerations.

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Plan of Action for Religious Leaders

Religious leaders can play a particularly important role in influencing the behaviour of those who share their beliefs. Unfortunately, religion has sometimes been misused to justify incitement to violence and discrimination, and it is vital that religious leaders from all faiths show leadership.

This Plan of Action, the result of two years of consultations with leaders from different faiths and religions around the world, includes a rich and broad range of suggestions for ways in which religious leaders and actors can prevent incitement to violence and contribute to peace and stability. All religions teach respect for life, and recognize human beings as fundamentally equal. These principles summon us to show respect for all human beings, even those with whom we might profoundly disagree or whose cultures might seem most alien to us

Plan of Action [PDF 11.2 MB]
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